Pierre-Henri Tavoillot 16/04/17
• Comment expliquer ce changement ? Il est vraisemblable que le contexte politique
des cités était peu compatible avec la vision d’une puissance souveraine très monarchique. La
vision des physiciens coïncide davantage avec les exigences de la forme politique de la cité.
• Le terme de philosophie est utilisé pour la première fois par Héraclite, puis par
Hérodote (Histoires, I, 30). Les 3 générations vont se succéder à partir de là, sans quitter tout
à fait le rapport à la tradition mythologique.
Pour aller plus loin
- Jean-Pierre Vernant, La Grèce ancienne, I. Du mythe à la raison, Seuil ; L’univers, les hommes et des dieux.
Vernant raconte les mythes, Seuil.
- Hadot (pierre), Qu'est-ce que la philosophie antique ?
• «Ce fut l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques.
Au début, ce furent les difficultés les plus apparentes qui les frappèrent, puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils
cherchèrent à résoudre des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des
Etoiles, enfin la genèse de l'Univers. Apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance
(et c'est pourquoi aimer les mythes est en quelque sorte se montrer philosophe, car le mythe est composé de
merveilleux). Ainsi donc, si ce fut pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la
philosophie, il est clair qu'ils poursuivaient la science en vue de connaître et non pour une fin utilitaire. Ce qui
s'est passé en réalité en fournit la preuve : presque tous les arts qui s'appliquent aux nécessité, et ceux qui
s'intéressent au bien-être et à l'agrément de la vie étaient déjà connus, quand on commença à rechercher une
discipline de ce genre. Il est donc évident que nous n'avons en vue, dans la Philosophie, aucun intérêt étranger.
Mais, de même que nous appelons homme libre celui qui est à lui-même sa fin et n'est pas la fin d'autrui, ainsi
cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit libre, car seule elle est sa propre fin.»
Aristote, Métaphysique, A, 2 (trad. Tricot, Vrin, p. 9)
• Philosophie et religion : [J.-P. Vernant, «Les origines de la philosophie» in Philosopher, Fayard, 1980, pp. 469-
470]
«[Avec les Milésiens] se reconstitue, derrière la nature et au-delà des apparences, un arrière-plan
invisible, une réalité plus vraie, secrète et cachée, que le philosophe se donne pour tâche d'atteindre et dont il fait
l'objet propre de sa méditation. En se réclamant de cet être invisible contre le visible, de l'authentique contre
l'illusoire, du permanent contre le fugace, de l'assuré contre l'incertain, la philosophie prend, à sa façon, la relève
de la pensée religieuse. Elle se situe dans le cadre même que la religion avait constitué quand, posant au-delà du
monde de la nature les puissances sacrées qui, dans l'invisible, en assurent le fondement, elle établissait un
complet contraste entre les dieux et les hommes, les immortels et les mortels, la plénitude de l'être et les
limitations d'une existence fugace, vaine, fantomatique. Cependant, jusque dans cette commune aspiration à
dépasser la plan des simples apparences pour accéder aux principes cachés qui les confortent et les soutiennent,
la philosophie s'oppose à la religion. Certes, la vérité que la philosophie a le privilège d'atteindre et de révéler est
secrète, dissimulée pour le commun dans l'invisible ; sa transmission, par l'enseignement du maître au disciple
conserve à certains égards le caractère d'une initiation. Mais le philosophie porte le mystère sur la place. Elle
n'en fait plus l'enjeu d'une vision ineffable, mais l'objet d'une enquête en plein jour. A travers le libre dialogue, le
débat argumenté, ou l'énoncé dialectique, le mystère se transmue en un savoir dont la vocation est d'être
universellement partagé. L'être authentique auquel s'attache le philosophe apparaît ainsi comme le contraire
autant que l'héritier du surnaturel mythique ; l'objet du logos, c'est la rationalité elle-même, l'ordre qui préside à
la déduction, le principe d'identité dont toute connaissance véritable tire sa légitimité. Chez les physiciens de
Milet, l'exigence nouvelle de positivité était du premier coup portée à l'absolu dans le concept de physis ; chez
Parménide et ses successeurs éléates, l'exigence nouvelle d'intelligibilité est portée à l'absolu dans le concept de
l'être; un, immuable, identique. Entre ces deux exigences qui d'une certaine façon se conjuguent, d'une certaine
façon se combattent, mais qui marquent également l'une et l'autre une rupture décisive avec le mythe, la pensée
rationnelle s'engage, système après système, dans une dialectique dont le mouvement engendre l'histoire de la
philosophie grecque.»