Analyse d'« Aube »
I. Le récit d'un rêve
1. Un rêve
Deux systèmes énonciatifs se succèdent dans le poème. On a d'abord un « je » qui utilise les
marques de la première personne (pronoms personnels sujet « je » et objet « me ») pour raconter
quelque chose qui lui est arrivé, une rencontre avec l' « aube ». Mais il y a une rupture à l'avant-
dernière phrase, « L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois ». On a ici un récit à la troisième
personne, comme si un autre narrateur, qui n'est pas le « je », désormais appelé « enfant », venait
prendre le relais de la narration.
On apprend dans la dernière phrase qu'il s'agissait d'un rêve, désormais achevé : « Au réveil
il était midi ». On peut noter que le mot « rêve » apparaît dans « réveil », mais pour être aussitôt nié,
puisque le « réveil » est le contraire du rêve. Le verbe « rév-eillant » était d'ailleurs présent dès le
deuxième paragraphe.
Ce rêve, comme nous le verrons par la suite, mêle à la dimension érotique (« embrassée »,
« entourée », « immense corps » une dimension poétique.
2. Un récit rétrospectif
Les temps employés sont bien ceux du récit, l'imparfait et le passé simple (à relever).
L'imparfait sert à décrire les actions de second plan, envisagées dans leur déroulement, et le passé
simple les actions de premier plan, envisagées globalement, sans considération de leur début et de
leur fin. On trouve également du passé composé (à relever), qui sert à faire le lien entre le temps du
récit et celui de l'énonciation, puisque le passé composé sert à décrire ce qui est accompli dans le
présent. Il suggère donc l'existence d'un présent d'énonciation, qui n'apparaît certes pas en tant que
tel, mais qui est suggéré par le passé composé : le rêve a des conséquences pour le présent.
3. La progression du rêve
Le premier paragraphe constitue une sorte de titre qui résume le poème : il s'agit de la
rencontre entre « l'aube et l'enfant ».
On a d'abord une description inanimée, à l'imparfait, placée sous le signe du négatif, « rien
ne bougeait encore », « l'eau était morte », « ne quittaient pas ».
Puis l'apparition du personnage transforme le paysage, comme si tout prenait vie sur son
passage : il réveille la nature qui tend à être personnifiée. Les haleines deviennent « vives », c'est-à-
dire vivantes (avec une opposition esquissée entre « eaux mortes » et « eaux vives »), les pierreries,
symbole de l'inanimé, « regardent » et sont ainsi appelées à la vie (les yeux sont le miroir de l'âme),
tandis que les « ailes » se lèvent. L'ensemble de la nature est donc animalisé, voire personnifié.
Le narrateur fait ensuite deux rencontres, tout d'abord celle « d'une fleur » qui est elle aussi
personnifiée au contact du poète, puisqu'elle lui « dit son nom », puis celle de la « déesse », c'est-à-
dire l' « aube ».
La fin du poème raconte la poursuite de la déesse. Les phrases commencent par des
compléments de lieu qui dessinent l'itinéraire du rêveur, « dans l'allée », « par la plaine », « à la
grand'ville » et enfin « en haut de la route, près d'un bois de lauriers » où a lieu la rencontre
définitive, juste avant la chute du réveil.Les images s'enchaînent ici selon la logique du rêve,
notamment à travers le choix de la juxtaposition des espaces et des épisodes.
II. Une expérience initiatique
1. La « déesse »
Ce poème raconte donc la rencontre, en rêve, avec une déesse, qui n'est autre que l'aube.
C'est d'ailleurs elle qui donne son nom au poème. « Aube » vient du latin alba qui signifie