LE YAK Nous sommes en hiver, le froid nous a saisis, et quel animal symbolise mieux cette « ère glaciaire » que le yak, et sa région-attribut, le Tibet ? Pour ce Noël, LES EPERVIERS ont donc décidé de vous emmener dans les montagnes asiatiques, là où l’on trouve, entre autres, le plus haut sommet du monde, pour vous faire découvrir un endroit, une flore, une faune, une population, mais aussi un animal, qui constitue la principale richesse des gens qui vivent là-bas. Chers amis, si vous êtes vêtus de chauds habits et d’une curiosité sans limite, je vous souhaite la bienvenue. LE TIBET Le Tibet est un pays qui est actuellement au cœur de l’actualité à cause de ses problèmes politiques. On oublie alors souvent de parler de la région, et de son environnement. le toit du monde Le Tibet, appelé aussi « toit du monde », en chinois Xizang ou Si-tsang, est une région qui se trouve au sud-ouest de la Chine (voir carte) et qui s’étend sur 1 221 000 km2, abritant, au dernier recensement, 2220 000 habitants – dont 1,7 millions sont des tibétains, les autres étant des tribus nomades ou des Chinois. Ce dont il faut se rendre compte, c’est que ce territoire est grand comme trente fois la Suisse, mais n’héberge que le quart de sa population. C’est d’ailleurs la partie de la Chine dans laquelle on trouve la plus faible densité de population. L’explication ? L’hostilité de l’environnement (climat semi-aride, vents violents toute l’année). Il s’agit d’une contrée, où l’altitude moyenne est de 4877 m (ce qui en fait la région la plus élevée du monde), elle-même entourée par des sommets encore plus redoutables : l’Himalaya au sud (c’est la chaîne de montagnes la plus jeune du monde), le Karakoram à l’ouest et les chaînes des Kunlun et des Tanggula au nord. On y distingue trois grandes parties : Le haut Tibet : il occupe 800 000 km2 et est formé de chaînes sédimentaires de 5000 à 6000 m, séparées par des vallées (4500 m). Ces dernières sont riches en lacs saumâtres (restes de la Thétys, océan qui recouvrait cette région avant qu’elle ne soit soulevée par la collision entre les plaques indoaustralienne et eurasienne), mais elles sont plongées dans un climat froid (–4°C est la température moyenne annuelle) et terriblement sec. Le Tibet oriental : il est composé de vallées où coulent de célèbres fleuves, (par exemple, on peut y admirer le Mékong sur quelques kilomètres) séparées par des plateaux ou des chaînes de 5000 à 6000 m. Le climat est plus doux, il y pleut plus régulièrement que dans le haut Tibet et on trouve des forêts. Le Tibet méridional : plus accueillante que ses deux sœurs, cette région est centrée sur la vallée du Zangbo où le climat se fait plus doux (jusqu’à 17°C en été, rarement en dessous de zéro en janvier) et plus humide. C’est donc au Tibet méridional que se regroupent les trois quarts de la population. Le sol permet la culture de l’orge et des légumes. A l’est, un climat plus tiède donne la possibilité aux autochtones d’y ajouter la plantation de maïs et d’arbres fruitiers. On y trouve également des rizières. Cette agriculture de subsistance est quasiment la seule activité économique, si l’on exclut les quelques manufactures peu importantes dispersées çà et là. or bleu, or jaune Le Tibet est la principale ligne de partage des eaux du continent asiatique, et la source de quantité de fleuves importants du continent. Ce sont le Brahmapoutre, l’Indus et le Satlej qui offrent au Tibet le peu de végétation qu’on y trouve et qui adoucit le climat très sec qui y sévit. Le Tibet est riche en ressources minérales, dont une petite partie seulement a été exploitée. De l'or a été découvert en de nombreux endroits, et d'importants dépôts de minerai de fer, de charbon et de sel sont également présents. une longue histoire Le plateau du Tibet, le plus vaste et le plus élevé des grands plateaux, est né de la collision de deux continents. Voilà 70 millions d’années, l’Inde était séparée du continent asiatique par la mer du Tibet. Le Tibet était alors une plaine côtière. Au cours des quelques millions d’années suivantes, l’Inde a lentement progressé vers le Nord, la mer s’est rétrécie et les sédiments se sont plissés jusqu’à former des montagnes. Ces mouvements se sont poursuivis jusqu’il y a deux millions d’années, où le Tibet s’est soulevé de 3000 à 4000 m, passant du stade de plaine fertile bien irriguée à celui de désert d’altitude – l’un des déserts les plus froids du monde. L’histoire politique et ethnographique du Tibet n’est pas spécialement bien connue. A vrai dire, les seules informations dont on dispose nous sont parvenues par l’entremise des Chinois. On pense que les populations tibétaines sont essentiellement constituées de tribus d’Asie Centrale qui arrivèrent en Chine par le Nord et qui s’installèrent dans les plaines les plus fertiles. On commence souvent le récit de la région en parlant de la période dite « des rois » qui s’étend du troisième au neuvième siècle. Le premier souverain se nommait Gnya-khri. Probablement originaire d’Inde, il inaugura une dynastie de sept rois mythiques. Le premier de la seconde dynastie, nommé Dri Gum, a lui apporté une énorme part de la culture du Tibet en répandant les doctrines du bon-po, doctrines religieuses qui resteront les croyances du peuple pendant plusieurs centaines d’années. S’ensuivit la dynastie des Legs qui aurait apporté la technique, la métallurgie du fer, du cuivre et de l’argent. A la fin du sixième siècle, le pays n’était encore qu’un amas de dix-sept fiefs regroupés autour d’une principauté, celle de Yarlung, non loin de Lhassa – capitale actuelle du Tibet. C’est à partir de ce moment là que le Tibet commença à se développer, grâce à Srong-btsan Sgam-po, qui venait de succéder à son père le roi Nam-ri (lequel avait établi un « royaume » plus ou moins unifié). Ce Srong-bstan Sgam-po épousa en 641 une princesse chinoise et une princesse népalaise, toutes deux bouddhistes, et fonda la ville de Lhassa. Les rapports entre le Tibet, la Chine et l’Inde s’intensifièrent, ce qui permit à la région de prendre connaissance de nouvelles techniques : la bière, l’eau-de-vie, l’art de la poterie, l’irrigation, le papier, l’encre et bien d’autres choses encore entrèrent sur ce territoire sous le règne de ce grand roi qui, converti au bouddhisme, ouvrit la voie vers l’Inde en passant par le Népal. Dans les années qui suivirent, les Tibétains remportèrent de nombreuses victoires sur les Chinois, les forçant à abandonner leurs postes avancés en Asie Centrale. Ces derniers ripostèrent violemment au début du huitième siècle et un traité de paix fut signé en 730, ce qui n’empêcha pas les Tibétains de continuer à mener une guerre de pillage contre leurs voisins nordiques. Après quelques brèves années de tranquillité, les batailles reprirent de plus belle, toujours à l’avantage des Tibétains, qui, d’escarmouche en escarmouche, agrandirent considérablement leur empire. Le bouddhisme fut proclamé religion officielle dès la fin du VIIIe siècle et les conquêtes se poursuivirent. Hélas, cet « âge d’or tibétain » ne se prolongea guère longtemps. La monarchie, affaiblie par les luttes entre bouddhistes et bon-po, s’effondra et le pays passa aux mains de ministres et de chefs de sectes religieuses. Ce fut une période d’instabilité où se mêlèrent conflits, usurpations, assassinats, rivalités politiques et religieuses, qui contribuèrent à la montée en puissance du bouddhisme s’amalgamant aux pratiques rituelles du bon-po. On assista alors à la naissance du bouddhisme tantrique, appelé également lamaïsme. Une grande floraison littéraire eut lieu et une chronologie tibétaine fut mise en place inspirée du modèle chinois. En 1042 arriva à Lhassa le docteur bouddhiste indien Atisa, dont l’enseignement sera à l’origine de la grande secte bouddhique « lamaïque ». Les monastères bouddhiques proliférèrent et le pays commença à se refermer sur lui-même. Il subit les invasions de Gengis Khan (général mongol) en 1207 et dut lui faire acte d’allégeance. En 1345, le gouvernement du Tibet revint aux lamas de la secte « blanche » et y resta jusqu’en 1409 où le bouddhisme tibétain fut réformé par Tsong-kha-pa qui fonda le monastère de Dga-Idan et créa la secte de la Vertu (Gelupga), appelée également « les Bonnets Jaunes » ou « église jaune », parce que les prêtres, soumis à des règles monastiques très strictes, devaient porter des bonnets jaunes. L’abbé supérieur prit le nom de panchen-lama. Les successeurs du réformateur furent reconnus comme pontifes du Tibet par les Chinois et purent ainsi garder le pouvoir jusqu’en 1580. A ce moment-là, Altan Khan, prince mongol, se convertit au lamaïsme, il conféra le titre de dalaï-lama (de dalaï, qui signifie « océan ») au troisième supérieur des Gelupga de l’église jaune à Lhassa. Le panchen-lama passa donc au second plan. Après une brève guerre interne dont le dalaï-lama sortit victorieux, s’établit la théocratie tibétaine qui se maintint en place jusqu’en 1959. Pendant près de quatre siècles se succédèrent une bonne douzaine de dalaï-lamas, parfois chassés par les panchens-lamas, qui désiraient reprendre le pouvoir, ou bien obligés de fuir devant l’approche des Chinois. La région fut d’ailleurs complètement fermée entre 1626 et 1904. Elle vivait alors sous un régime de caractère féodal où les terres appartenaient au dalaï-lama, aux monastères ou à l’aristocratie ; les familles paysannes étaient tenancières ou serves. En 1904, Lhassa fut occupée par les Britanniques, puis par les Chinois en 1910. Mais en 1911, le dalaïlama profita de la chute des Qing – empereurs chinois – pour proclamer l’indépendance du territoire tibétain. En 1914, le Tibet fut « divisé en deux » : un Tibet intérieur, sous l’autorité chinoise, un Tibet extérieur, sous l’autorité du dalaï-lama. Cependant, la région entière restait très en retard et ce ne fut qu’en annexant tout le Tibet en tant que « région autonome », en 1950, que la Chine (rappelons que ce pays était sous régime communiste) s’attela à moderniser le pays, abolissant le servage et redistribuant les terres. De grandes routes furent ouvertes (plus de 10 000 km entre 1959 et 1974), des progrès économiques considérables furent réalisés – 25% en plus de revenus agricoles. Certes, le Tibet devait beaucoup à la Chine, mais la population n’était pas satisfaite et réclamait l’indépendance. En 1959, le dalaï-lama (quatorzième à porter ce nom) s’exila en Inde – où il vit toujours actuellement – et 100 000 de ses sujets le suivirent. La Révolution culturelle déclencha des persécutions (l’enseignement tibétain fut interdit, les lamas furent déportés) et presque tous les monastères furent détruits. Au début des années 80, la liberté religieuse fut rétablie et des reconstructions furent financées. Le dernier panchen-lama, rallié aux Chinois, mourut en 1989. Il existe toujours de gros problèmes politiques entre les Tibétains et les Chinois. Seront-ils bientôt résolus ? Le mystère reste entier. faune et flore Le faune du Tibet est mal connue. Hormis les montagnes, le plateau tibétain est une suite de steppes, de demi-déserts et déserts, où l’herbe ne pousse qu’en endroits clairsemés, laissant de grandes surfaces nues. Cette quasi-absence de végétation est révélatrice de la pauvreté des espèces animales et végétales qu’on y trouve. Les plantes les plus communes au Tibet sont de genre Stipa caragna et Ephedra, regroupant des armoises, des chiendents, des potentilles et autres variétés que l’on retrouve dans les hautes montagnes européennes, tels que des pavots alpins, des edelweiss et des bouleaux, apparaissant aux lieux où le climat se fait le moins rude. De nombreux sols gelés, comme sur la toundra arctique, ne laissent pas éclore la végétation. Autrefois, on rencontrait des immenses troupeaux de gazelles de Przewalski et des hordes d’hémiones (voir plus bas) étaient également présentes, mais aujourd’hui, ils ont quasiment disparu. Dans les montagnes, on peut observer les oiseaux des montagnes et des déserts d’Europe et d’Asie. Le grand corbeau y est présent, survolant sans cesse les plaines à la recherche de charognes ou petits animaux. D’autres espèces, comme le traquet du désert ou le pinson des neiges, préfèrent fouiller le sol à la recherche de graines et d’invertébrés. Parmi les oiseaux indigènes, on signale le tétraogalle, qui gratte le sol à la recherche de racines, graines et autres plantes au-delà des limites des neiges. L’oie à tête barrée, elle, est aussi bien adaptée à l’altitude : l’oxygène circule si bien dans ses muscles qu’il lui permet de vivre là où il est trop rare pour d’autres volatiles. On trouve peu de reptiles, dont la température du corps dépend de la température ambiante. Quelques lézards ont été aperçus, ainsi que vingt-cinq espèces de serpents. La majorité des invertébrés vivent dans le sol, se protégeant ainsi du froid et les insectes sont anormalement foncés – ils retiennent mieux la chaleur. Cette pauvreté tant florale qu’animale, est essentiellement due à l’altitude. A 4500 m, l’air est très pur, mais l’oxygène se fait plus rare et la pression est très basse. Il existe de grandes différences de température entre les régions bien exposées et celle qui le sont moins. On peut ainsi trouver de la glace à quelques mètres d’un rocher brûlant. La sécheresse est intense, l’Himalaya coupant la route aux nuages. Les vents glacés balaient sans cesse les hauts plateaux. Ce climat a d’ailleurs une grande influence sur les populations locales. Dans leur religion, l’enfer n’est pas représenté par des steppes brûlantes, comme dans notre civilisation, mais par un antre glacé. classé en zones C’est le voyage qu’effectua le naturaliste allemand Ernst Schäfer en 1925 à travers les steppes tibétaines qui permit l’établissement des rapports entre le climat et la distribution de la faune. Notre passionné découvrit qu’il existait trois grandes zones de répartition, chacune étant caractérisée par la présence d’un gros phytophage. Au dessous de 3600 m, les contrées méridionales sont peuplées par la gazelle du Tibet, qui est très proche de sa cousine la gazelle de Mongolie (on les regroupe parfois sous une seule et même espèce). Cette antilope jouit d’un climat tempéré, avec un sol recouvert d’herbe et de fleurs pendant les quatre ou cinq mois les plus beaux de l’année. Sur ces terres accueillantes aux plantes se retrouvent de grands troupeaux domestiques, guidés par des bergers nomades. On y rencontre également des rongeurs, comme le hamster nain du Tibet et la marmotte de l’Himalaya (ils s’abritent des intempéries en creusant des terriers) et des carnivores sauvages – renard du Tibet et panthère des neiges. La deuxième zone est celle où vit le kiang, ou hémione du Tibet. Jadis réparti de l’Iran jusqu’à la Mongolie et à la Chine, dans les zones semi-arides de plaine ou de montagnes, l’hémione – qui est devenue très rare – est un équidé d’Asie qui ressemble à un croisement entre un cheval et un âne, dont la taille au garrot n’excède pas 1,30 m, mais qui peut peser jusqu’à 400 kg. De caractère difficile, il n’a jamais pu être domestiqué et subsiste sous forme de petits groupes locaux sauvages durant l’année, en énormes troupeaux pendant le rut, qui a lieu de août à septembre – le petit naîtra après onze ou douze mois de gestation. La troisième zone se situe entre 3600 et 5000 m, où le climat se fait plus rigoureux et les plantes plus rares. Au printemps et en été, s’épanouissent cependant des fleurs blanches, jaunes et rouges. Les plus gros animaux errent au-dessus de 6000 m et c’est là que notre yak sauvage passe la plus grande partie de l’année. On peut aussi admirer dans ces hautes montagnes le chiru, qui est une antilope mesurant moins d’un mètre au garrot et pesant une cinquantaine de kilos. Il est malheureusement très difficile à observer car sauvage, se cachant dans des grottes ou dans des sortes de tranchées qu’il se creuse lui-même. compagnon de route Vous l’avez compris : le Tibet, qui ne dispose pas de réseau ferroviaire et qui est toujours difficile d’accès, est une région refermée sur elle-même et désertique. La grande majorité des tibétains sont des populations nomades ou semi-nomades. Certaines tribus vivent dans le haut Tibet. Et c’est précisément là que nous trouverons notre yak, compagnon du Tibétain (la population est nomade ou semi-nomade) qui remplit moult tâches. Le mets national des Tibétains est d’ailleurs un plat composé de lait de yak, mêlé sous forme de beurre à du thé et de la farine d’orge grillée. On élève aussi des moutons, qui, accompagnant les populations nomades, seront emmenés en été dans les pâturages des hauts plateaux tibétains. L’économie rurale des populations montagnardes dépend beaucoup du yak. Les règles du bouddhisme pratiqué au Tibet interdisent strictement de tuer un yak dans des conditions normales. Le sacrifice ne peut être fait que si l’animal est malade et si l’on est sûr de ne pas le faire souffrir. Ce bovidé permet des échanges réguliers de commerce entre le Ladakh et le Cachemire, deux régions tibétaines. le yak Enorme mammifère, symbole du froid, du Tibet, compagnon du nomade tibétain comme le chameau conduit son nomade saharien, le yak est l’un des bovidés les plus rustiques qui soient. grande famille Le yak – également orthographié yack – fait partie des mammifères, classe qui renferme 95% des espèces connues, c’est-à-dire plus de cinq mille espèces d’une diversité étonnante. Son ordre est celui des artiodactyles ou mammifères fissipèdes. On a affaire à une racine grecque et une latine. En effet, le poids du corps de ces animaux repose sur deux ou quatre doigts, d’où leur nom dérivé du grec artios, « pair ». Quant au mot « fissipède », en ouvrant le dictionnaire, on apprend que ce mot vient du latin fissipes,-edis qui signifie « qui a les pieds fourchus » et désigne les espèces carnassières terrestres, à doigts libres. Les artiodactyles est un groupe d’herbivores regroupant des espèces très diverses, dont les lieux d’habitation vont des pôles aux tropiques – ils désertent uniquement l’Australie et l’Antarctique. On y trouve cent septante-quatre espèces, réparties en nonante genres et dix familles. La plus petite espèce est le chevrotain malais (espèce primitive asiatique ressemblant à nos cervidés) qui ne mesure que cinquante centimètres au garrot, la plus grosse l’hippopotame qui pèse 2,4 tonnes et la plus grande notre girafe, avec une hauteur de cinq mètres jusqu’à la pointe des cornes. Mais on y rencontre aussi toute la famille des sangliers, des chameaux, des cerfs, des okapis... cousin du bœuf La plus grande famille des artiodactyles est sans aucun doute celle des bovidés, qui regroupe 107 espèces et dont fait partie notre yak. Bref tour d’horizon des cousins et cousines de notre animal : bovins, antilopes-chèvres, buffles, bœuf musqué, vraies chèvres et moutons, gazelles et apparentés, élans, koudous, gnous et j’en oublie la moitié. Les bovidés sont originaires de l’Ancien monde. Leur aire de répartition actuelle s’étend jusqu’aux déserts chauds, jusqu’aux forêts tropicales, jusqu’aux déserts polaires du Groenland, jusqu’aux régions alpines du Tibet. Ils sont complètement absents d’Amérique du Sud et d’Australie. Malgré cette grande diversifications, on peut leur trouver plusieurs points communs. Par exemple, ils ont des cornes non caduques qui poussent sur les cônes osseux rattachés à l’os frontal. Ces dernières sont creuses, d’où leur nom de ruminants à cornes creuses. Mais la ressemblance s’arrête là, pour laisser place une nouvelle fois à la variété : cornes courbes, droites, noires, blanches, aux bouts arrondis ou pointus, lisses ou à cercles… Les bovidés fournissent l’essentiel du bétail utilisé aujourd’hui (chèvres, moutons et bovins). Leur domestication a d’ailleurs commencé dès le néolithique. Le petit mouton sauvage de Corse, par exemple, n’est probablement pas une espèce indigène, mais un animal transplanté par les peuples qui vivaient là à cette époque de la préhistoire. Le nom scientifique du yak est Bos mutus. Il est l’un des cinq espèces de bovins, dont le bœuf domestique Bos taurus. Bos mutus signifie « bœuf grogneur ». Effectivement, le mâle yak sauvage grogne, mais uniquement pendant le rut, tandis que le yak domestique, lui, grogne tout le temps. Il n’existe normalement qu’une seule espèce de yak, mais actuellement, certains scientifiques contestent cette position et revendiquent un yak septentrional, qui serait l’ancêtre du yak domestique utilisé dans les monts Altaï, et qui se nommerait Bos baicalensis. Le zoologue allemand H. Bohlken, lui, trouve cette hypothèse complètement ridicule. Il fait remarquer que les races domestiques varient à un tel point que vouloir leur donner un nom scientifique est un non-sens. « C’est ainsi que le yak domestique, dit-il, qui a été élevé par l’homme en dehors de son environnement naturel, ne devrait être classé ni comme sous-espèce, ni comme une race de yak sauvage ». très poilu Le yak mesure jusqu’à deux mètres au garrot (le record est de 2,30 m) – imaginez-vous un peu à côté de ce colosse des montagnes – et la longueur de son corps peut dépasser 3,2 m (le record est 3,48 m). Le mâle pèse parfois plus d’une tonne. Quant à la femelle, elle atteint sans problème les trois cent cinquante kilogrammes. Le corps du yak révèle l’adaptation naturelle à son milieu glacé des monts de l’Himalaya, où la température peut descendre jusqu’à – 40°C. Son corps court et trapu recouvert d’une fourrure épaisse et hirsute le protège du froid. Celle-ci est tellement chaude qu’il peut dormir à même la neige. La couleur du pelage est noire chez le mâle (grisâtre en été), mais vire au marron foncé chez la femelle. De longs poils pendant de la tête, du cou, du garrot, des flancs et des cuisses, lui couvrant la moitié des pattes – surtout en hiver. Certaines de ces franges tombent jusqu’à terre. Cette fourrure est composée de deux couches : une bourre dense, courte et laineuse, cachée sous des poils plus longs. Le yak possède une grosse bosse proéminente formée par ses épaules. Ses larges cornes, placées haut et dont la longueur peut atteindre le mètre et la circonférence quarante centimètres, suivent tout d’abord une direction latérale avant de monter en s’écartant puis de se courber au-dessus de la tête vers l’arrière. Chez certains individus, il arrive qu’elles pointent vers l’avant. On pourrait lui trouver une allure pataude et lourde, mais c’est un habile montagnard. Ses pattes sont courtes et musclées, lui assurant ainsi une grande sûreté sur les pentes gelées qu’il doit quotidiennement parcourir dans son environnement naturel, parfois repoussé par un vent violent. Son sabot est fendu pour lui permettre d’agripper le sol enneigé ou rocheux. Le yak sait aussi s’adapter à la chaleur. Un individu a longtemps vécu au zoo de Rio de Janeiro où la température dépassait parfois 40°C. L’animal a réagi à l’environnement en ayant moins des poils qui poussaient moins vite et un rythme de respiration plus rapide, facilitant l’évaporation. Le yak sauvage a la vue très faible mais compense ce handicap par un odorat particulièrement développé et surtout une ouïe incroyable qui lui permet d'entendre à plusieurs kilomètres de distance. domestique ou sauvage Autrefois, des troupeaux comptant des milliers de yaks parcouraient les plateaux d’Asie centrale et les montagnes désertiques du Tibet entre 4000 et 6000 m d’altitude. Leurs migrations étaient saisonnières : entre août et septembre, ils se rendaient vers les plus hauts sommets enneigés pour y passer l’été et ne redescendaient vers des régions plus abrités qu’à l’approche de l’hiver. Aujourd’hui, il ne reste probablement que cinq cents yaks sauvages. Le mammifère n’est presque plus migrateur, passant toute l’année dans les endroits reculés, y étant confiné par les activités croissantes des hommes et la prolifération du yak domestique, qui envahit les plaines les plus douces. Certains disent que le yak n’est pas vraiment en voie de disparition, puisqu’il a été domestiqué et est donc commun dans le plateau tibétain. Ce n’est pas tout à fait vrai. Ces deux espèces n’en font pas qu’une ! De plus, pour améliorer leur rusticité, on n’hésite pas à croiser le yak domestique avec d’autres races de bœuf, transformant ainsi encore plus l’espèce originelle. Le produit est nommé « zo », mais il est difficile de le distinguer du yak domestique, à part s’il est dépourvu de cornes, comme c’est déjà arrivé suite à des croisements. On fait remonter domestication du yak à 1000 av. J.C, où il fut d’abord chassé par les tribus locales. Les hommes se sont bien vite rendu compte de sa force exceptionnelle, de sa résistance en haute altitude et de son endurance (il ne dort qu’une heure par jour). Utilisé en tant que monture ou animal de bâts, il fournit sa laine pour façonner des vêtements chauds et son lait, en tant que boisson, ou transformé en fromage ou beurre. Ce beurre, devenu rance, est aussi employé comme huile d’éclairage. Une fois mort, on en récupère la viande (pour se nourrir), le cuir (pour construire les tentes) et la peau (pour confectionner des manteaux). Même ses excréments sont utiles, produisant un excellent engrais ou un combustible de chauffage. Le yak domestique diffère cependant quelque peu du yak sauvage. Sa taille est nettement réduite, son pelage est moins hirsute, souvent plus clair ou moucheté. Il est aussi bien plus docile. vie rythmée en saison En dehors de la période des amours, la femelle yak vit en compagnie d’autres femelles et leurs petits, en hordes comptant de vingt à deux cents têtes, tandis que le mâle préfère une vie solitaire, même s’il arrive d’avoir affaire à des « tribus » de jeunes mâles yaks célibataires, regroupant cinq à six individus au maximum. Au printemps, la poussée de l’herbe nouvelle permet de plus grands rassemblements et les troupeaux s’agrandissent par réunions successives. En été, le yak gagne les hauteurs et redescend en automne, traversant les vallées inondées par les pluies en quête de pâture. Dès le mois de septembre, les premières neiges commencent à tomber et on le rencontre sur les hauts plateaux, errant dans les landes enneigées. Le troupeau avance en file indienne, chaque individu suivant les traces de celui qui le précède. Si l’ombre d ’un danger se présente, il se met à galoper, ses longues franges se balançant d’un côté et de l’autre et ses compagnons le suivent. Le yak n’est guère souvent mis en alerte, n’ayant que deux prédateurs potentiels : le loup et l’ours. Et encore, ces deux carnivores doivent bien souvent se contenter d’un jeune laissé sans protection, car l’adulte yak est quasiment intouchable. pâturages nourrissants Le yak se nourrit de lichens, d’herbes et de graminées dures qu’il détecte en haute montagne. Au cours du bref été tibétain, la neige fond, ouvrant ainsi la voie à des pâturages relativement riches en végétation en altitude. Le yak s’y précipite et y passe la courte saison avant de regagner, dès les premiers signes hivernaux, les vallées abritées laissées en friche durant la belle saison. On peut cependant facilement imaginer le peu de nourriture mis à sa disposition dans cet environnement hostile à la vie. Comment un tel animal peut-il y trouver ses besoins nutritionnels relatifs à sa taille ? Son secret est le système digestif qu’il possède comme tout ruminant. Le yak présente deux estomacs. Une fois avalée, la nourriture est partiellement digérée dans le premier, puis régurgitée pour une deuxième mâche. Avalée une seconde et dernière fois, elle passe à travers les trois autres estomacs qui peuvent en extraire sans difficulté tous les éléments nutritifs. Pour s’hydrater, l’eau se fait si rare que le yak n’a d’autre choix que de manger de la neige. mâle en rut La maturité sexuelle survient dès un an chez la femelle (même si certaines ne tentent pas l’expérience avant leurs trois ans), tandis que le mâle, mûr dès quatre ou cinq ans, ne s’accouple pas avant sa septième ou sa huitième année. Cette attente est sans aucun doute due aux combats que doit mener monsieur yak pour former autour de lui un harem de femelles. Au début de la saison du rut, entre la fin de l’été et le début de l’automne, il rejoint des troupeaux de femelle et des disputes ont lieu. Violents et bruyants combats rythment les journées. Les blessures graves restent rares, car il s’agit plus d’impressionner l’adversaire et de montrer sa force que de se lancer dans une bataille physique. Les contacts sont souvent limités au classique « tête contre tête ». Les mâles victorieux s’accouplent avec les femelles en chaleur. En général, Madame yak ne se livre au coït qu’une fois tous les deux ans – seulement la moitié des femelles ont une portée chaque année. La gestation dure neuf mois, au bout desquels naît un seul et unique veau. Il montre le bout de son nez vers le mois de juin, qui est synonyme de l’arrivée de la bonne saison. Il grandit de ce fait assez vite – le yak produit un lait très nourrissant – et est indépendant au bout d’un an. Le yak vit environ vingt-cinq ans. le mot de la fin En me documentant, j’ai trouvé cette jolie phrase que vous méritez de lire : Le yak est au Tibet ce que le renne est à la toundra, le chameau au désert et le cheval aux steppes.