La mondialisation financière n’est pas notre ennemie David THESMAR1 Loin d’être la force d’oppression que le débat public français aime à décrire, la finance mondialisée est un formidable gisement d’innovations pour les consommateurs et d’emplois pour les salariés. Les travaux de recherche menés par les universitaires le confirment avec une rare unanimité : la finance libéralisée accélère la croissance de l’économie, aussi bien dans les pays riches que dans les pays en développement. Plus encore, la financiarisation ne profite pas qu’aux capitalistes. Au cours de la période récente en effet, la part de la richesse nationale accaparée par les investisseurs ne s’est pas accrue. Dans les pays en développement, c’est plutôt le sous développement financier qui concentre la richesse dans les mains de quelques grands capitalistes. Alors, pourquoi les français se méfient-ils tant de la finance ? Pour certains, il y a tout simplement une incompatibilité entre la culture politique française, qui place l’Etat au centre de la vie économique, et le capitalisme financier, qui cède le contrôle de nos entreprises aux fonds d’investissement les plus offrants. Cet héritage culturel Colbertiste nous interdit d’accepter les dictats de la finance moderne. Pourtant, la thèse du « gène interventionniste » français ne résiste pas à l’analyse historique. Jusqu’aux années trente, la France est une nation de petits épargnants, pour lesquels la détention d’un portefeuille d’actions et d’obligations est chose courante. Le marché financier français est au début du siècle l’un des plus actifs au monde. Décimés par l’inflation, la grande dépression puis la guerre, les épargnants disparaissent en quelques années. Sur les décombres de cette société d’investisseurs, l’Etat français prend en 1945 le contrôle de l’ensemble du système financier afin d’organiser la reconstruction. Ironiquement, cette inflexion historique a eu pour effet de restreindre la propriété de nos entreprises à une poignée de familles capitalistes et à l’Etat. Depuis le milieu des années 1980, les français retrouvent avec méfiance le chemin de la modernisation financière. A la figure de l’entrepreneur dynastique, capitaliste autoritaire mais humain, s’est substitué un actionnaire sans visage, capricieux et souvent étranger. Pour réconcilier les français avec la finance, il est possible d’encourager les français à détenir davantage leurs propres actions. Rien dans notre culture politique ne l’interdit. Et de cette manière, nos concitoyens pourront directement mesurer les bienfaits de la finance moderne et se ressaisir du contrôle de leur outil de production. Professeur associé d’économie et de finance, HEC ; Professeur associé, Ecole Polytechnique. Email : [email protected] 1