Session 5 : Gestion et régimes de taux de change

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COURS A DISTANCE
Du 15 avril au 7 juin 2004
Gestion macroéconomique et stratégie de réduction
de la pauvreté en Afrique subsaharienne
Session 5 : Gestion et régimes de taux de change
Modérateur local :
Dr. Idrissa M. Ouédraogo
18 Mai 2004
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REGIMES DE CHANGE ET POLITIQUE DE
CHANGE AU BURKINA FASO
I- L’organisation de la Zone Franc et les mécanismes de change de l’UEMOA.
Le Burkina Faso fait partie de la Zone Franc. Cette zone est régie par un certain nombre de
règles qui n'ont pas pratiquement varié depuis sa création en 1945. Les Etats africains
membres de la ZF sont regroupés en deux unions monétaires: l’Union Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA), pour les pays de l'Afrique de l’Ouest et la Communauté Economique et
Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC), pour l'Afrique centrale. Les principales règles qui
président au fonctionnement de la zone Franc sont les suivantes:
. La transférabilité illimitée des fonds entre les Etats membres: En vertu de cette règle il
n'y a pas de contrôle de change à l'intérieur de la zone. En 1993 cependant cette libre
transférabilité a été limitée aux transferts bancaires: les banques centrales des deux Unions ne
rachètent plus leurs billets hors de leur zone.
. La convertibilité assurée de la monnaie: cette règle fait obligation à la France d'assurer la
convertibilité illimitée du FCFA en FF. Ainsi les pays membres de la zone peuvent par
l’intermédiaire du FF, obtenir autant de devises qu’ils désirent dans le cadre de leurs
transactions extérieures.
. La couverture des déficits de paiements: la France s'engage à fournir aux Etats membres
tous les FF dont ils ont besoin pour faire face aux déficits de leurs balances des paiements.
En contrepartie, les pays membres de la ZF cèdent au Trésor français, contre FF, 65% de leurs
avoirs de réserve. Les produits de ces opérations de change sont reversés dans un "compte
d'opérations" ouvert sur les livres du Trésor français au profit des banques centrales des pays.
. La parité fixe: cette règle stipule l’existence d’une parité fixe entre le FCFA, et le FF. La
parité qui s’établissait en 1945 à 1 FCFA pour 1.70 FF; en 1948 elle passe à 1 FCFA pour 2
FF; suite à la création du nouveau FF en 1958, cette parité s'établit à 1 FCFA = 0,02FF. On en
restera là jusqu'à la dévaluation de 100% de 1994. Le taux était fixé à 1 FCFA pour 0,01 FF.
Depuis janvier 2002, avec l'avènement de l'Euro, le taux change en vigueur est de 1 Euro pour
655,957 FCA c'est à dire, 1FCFA = 0,001524.
II La nature du régime de change
Le régime de change adopté était donc un système de changes fixes administré. En effet la
fixité était assurée non pas à travers une intervention des banques centrales sur le marché des
changes mais du fait de l’existence de la garantie de convertibilité - à un taux fixe - donnée
par le Trésor français. Cependant il est prévu dans les textes mettant en place les comptes
d'opération la possibilité d'une révision des taux de change nominaux. Dans la pratique,
lorsque ces pays ont subi le contrecoup des chocs des termes de l’échange à partir de la
deuxième moitié des années 1980, ils ont mis en oeuvre une politique d’ajustement axée sur
des variables internes. Leurs efforts ont porté alors sur la maîtrise de la demande et
l’accroissement de la productivité.
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La politique de change était empreinte d'un certain pragmatisme. En premier lieu en effet les
pays avaient mis en place une politique de contrôle de change, nonobstant la règle de libre
transférabilité des fonds à l'intérieur de la zone. Les pays de la zone franc ont ainsi souscrit à
l’article XIV du FMI qui en matière de liberté de changes est moins contraignante que
l’article VIII. Ils assuraient donc la liberté des opérations de change portant sur des
transactions commerciales bien établies mais limitaient les sorties injustifiées de fonds. En
effet la libre convertibilité du FCFA en FF, assurait une convertibilité du FCFA en devises
étrangères et notamment en dollars.
En second lieu, lorsqu'il a été constaté des sorties massives de billets CFA avec l'obligation de
rachat qu'elles créaient, les pays africains membres de la ZF ont annoncé qu'ils ne
rachèteraient plus leurs billets hors de leur zone.
Pour résumer disons que le régime de change en vigueur au Burkina Faso est celui de la ZF:
un taux change fixe et administré, un contrôle de change et une convertibilité limitée.
III- Evolution du taux de change nominal et du taux de change réel
Dans les pays ayant adopté un taux de change fixe, ce taux ne reflète pas en général l’état réel
de leur économie. Le taux de change dépend en effet de l’évolution des fondamentaux qui
sont l’ampleur des chocs réels - comme les termes de l’échanges, l’aide extérieure, les taux
d’intérêts, les quotas à l’importation, les tarifs douaniers, les taxes à l’exportation... Beaucoup
de ces variables sont instables ou volatiles. C'est pourquoi il y a souvent nécessité pour la
Banque Centrale d'intervenir pour maintenir le taux de change au niveau souhaité. D’où la
nécessité de calculer le taux de change réel théorique. Plusieurs auteurs s’accordent sur le
mode de calcul de ce taux, à savoir le rapport entre les prix des biens échangeables et les prix
des biens non échangeables. Mais face à la difficulté qu’on a dans le calcul de ces prix, on
convient dans la pratique de calculer le taux de change effectif réel (TCER) qui est une
approximation du taux réel théorique (TCR).
Dans le cadre d’un pays comme le Burkina, où le taux de change par rapport au francs
français est resté invariable pendant plusieurs décennies il va sans dire que c’est le niveau du
taux de change effectif réel qui s’avère plus significatif.
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2.1 Evolution du taux de change nominal et du taux de change réel
Graphique 1:
Source : Données du Centre d'Etude et de Recherche sur le Développement International
(CERDI), Université d'Auvergne
La lecture de ce graphique nous permet de constater qu’au cours des années 1970-1980, nous
avons une forte fluctuation du taux de change effectif nominal. De 1975 à 1980, on peut noter
un appréciation moyenne du taux de change nominal. A partir de cette date, le taux de change
effectif nominal va connaître une baisse régulière jusqu’en 1993. Ce mouvement s’explique à
travers l’évolution du FF, par rapport au $. En effet de 1980 à 1984, on note une hausse du $,
suivie d’une dépréciation du FF, dans le Système monétaire Européen (SME). De 1986 à
1987, on constate une chute du dollars qui serait cependant compensée par la dépréciation du
FF.
En 1994, nous constatons une forte baisse qui résulte de la dévaluation du FCFA.
L’évolution du taux de change effectif réel présente quelques particularités. On note une
légère appréciation du taux de change effectif réel de 1970 à 1980. Cette appréciation peut se
justifier théoriquement du fait du boom des cours internationaux qui a eu lieu au cours de ces
années. L’effet de dépense qui en a résulté explique sans nul doute ce niveau d’appréciation.
Par contre de 1980 à 1986, nous observons une dépréciation notable du taux de change
effectif réel. Cette dépréciation peut traduire la dépréciation du taux de change effectif
nominal résultant de l’évolution du FF, par rapport au dollars. Mais la dépréciation réelle qui
semble plus forte que la dépréciation nominale, laisse entendre qu’il ya d’autres facteurs qui
ont pu intervenir. On pourrait pense à une politique de réduction de la demande qui a eu une
conséquence heureuse sur le niveau des prix. Cette politique pourrait relever de l’ajustement
réel qui a lieu à cette période et qui était le fait de la politique du gouvernement.
A partir de 1987, cependant, le taux de change effectif réel va connaître un nette appréciation.
Il enregistre d’ailleurs une évolution divergente par rapport à celle du taux de change effectif
nominal qui s’est dépréciée a cours de cette période. Cette situation montre que l’ajustement
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réel était devenu très difficile et l’Etat éprouvait du mal à contenir l’évolution de la demande
intérieure. Cela se traduit donc par une perte de compétitivité. Le mouvement du taux de
change effectif réel semble en ce moment déconnecté de celui du taux de change effectif
nominal.
2.2 Variation du taux de change nominal et du taux de change réel
Tableau 1 : Variation taux de change effectif réel et nominal
Variation du taux de change nominal Variation du taux de change réel
1985/93
1993/97
1985/93
1993/97
Bénin
10,5
-48,8
-1,1
-21,4
Burkina Faso
12,9
-45,8
-13,0
-34,6
Côte d'Ivoire
175,1
-43,5
18,7
-30,7
Mali
7,0
-49,5
-29,4
-30,8
Niger
0,4
-45,7
-34,0
-25,9
Sénégal
575
-46,3
-19,1
-31,9
Togo
60,8
-46,1
-13,4
-27,4
Total UEMOA
52,4
-9,1
-29,5
Source : MEF, Compétitivité et croissance économique, 2001
- Dans le milieu des années 1980 les pays de la zone francs ont assisté à une forte
détérioration (de l'ordre de 40%) des termes de l’échange des principaux produits qu'ils
exportent. Cela a entraîné une forte dépréciation du taux de change réel d’équilibre dans la
zone.
- La forte tenue du franc français par rapport au dollar a permis une forte appréciation, en
terme nominal, du franc CFA : 52% dans l'UEMOA et 13% au Burkina Faso.
- Les efforts d'ajustement internes pour restaurer la compétitivité n'ont eu que très peu d'effet.
On estimait que le taux de change réel dans la zone franc était surévalué de 31% par rapport à
sa valeur d'équilibre ; pour le Burkina Faso, la surévaluation était estimée à 9% (cf. Devarajan
S. 1996, "Désalignement des taux de change réels dans la zone CFA" Revue d'économie du
développement 4 ).
Notons que la surévaluation indique la mesure dans laquelle les prix intérieurs devront baisser
pour rétablir les équilibres.
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