LA SOCIOLOGIE DES ANNEES 60/70 : les inégalités de l`éducation

UE 103 « Introduction aux Sciences Humaines 1 »
CM « Introduction à la Sociologie de l’éducation »
G. Espinosa
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Séances 2 et 3
La sociologie des années 60/70 :
les inégalités de l’éducation
C’est le rôle de l’éducation dans la communauté sociale et politique qui a constit
l’objet de la sociologie de l’éducation chez DURKHEIM, et non les différences entre
les enseignés en tant que telles.
Cependant, il n’ignore pas qu’un héritage culturel prédestine certains individus à
occuper des positions professionnelles élevées alors que d’autres ont peu de chance
d’y accéder malgré l’action du milieu scolaire.
Cette action peut limiter l’effet de l’hérédité sociale, mais elle contribue en même
temps à l’intégration dans une fonction non indépendante du milieu d’origine et
légitimé par le principe d’utilité.
En dernière instance, le rôle intégrateur de l’enseignement, la dimension morale et
politique de l’éducation sont mis en valeur, plus que la « reproduction » des
inégalités et sa dimension conflictuelle (CARDI et GAUDEMAR, 1993).
La perspective se modifie, au cours des décennies de l’après-guerre, quand l’école
démocratique paraît se réaliser : les écoles primaires supérieures sont assimilés aux
collèges modernes en 1941, le lycée devient gratuit autour de 1930.
La sociologie de l’éducation concentre alors ses analyses sur la persistance de
fortes inégalités entre les élèves malgré la prolongation des études.
La réflexion se déplace de l’école aux familles, génératrices d’inégalités culturelles,
retraduites en inégalités scolaires (BOURDIEU et PASSERON, 1970).
C’est non seulement la répartition inégale du capital culturel dans les familles qui
entre en jeu, mais encore la connaissance plus ou moins bonne des mécanismes
d’orientation qui déterminent les parcours scolaires.
Les réformes de structure (création du collège unique par la réforme HABY en 1975,
ouverture du second cycle) sont vues comme des marchés de dupes, les anciennes
divisions ayant le mérite de la clarté, alors que des formes de sélection plus
masquées sont à l’œuvre dans le nouveau système.
L’école demeure un objet privilégié pour la sociologie puisqu’elle est investie de
plusieurs missions dont les enjeux sont complexes et divers :
- élever le niveau de connaissances général de la population,
- favoriser la mobilité sociale,
- fournir à des jeunes venus d’horizons divers l’occasion de vivre une
expérience commune (pp. 4 et 5 de l’ouvrage de M. CACOUAULT et F.
ŒUVRARD, Sociologie de l’éducation (coll. Repères)).
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1. Le tournant des années 60 : un peu d’histoire pour
comprendre…
On s’aperçoit (ou l’on redécouvre) que l’accès à l’éducation, la chance de poursuivre
des études dépendent bien souvent du milieu social d’appartenance et non des
résultats ou des possibilités d’un élève donné.
Plusieurs éléments vont converger pour interroger, critiquer cette situation :
- développement des données statistiques,
- débat socio-politique sur les valeurs, débat idéologique sur la démocratie,
l’égalité des chances,
- préoccupation économique d’éviter la sous-utilisation des ressources de
talents disponibles,
- etc.
En fait, avec la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans (et donc l’obligation des études
secondaires), l’école entre dans une ère très conflictuelle. L’échec scolaire
devient un problème social, d’autant plus sensible que la réussite scolaire devient un
droit, ce qui rend plus insupportable la situation d’exclus de l’école.
Bernard CHARLOT dans L’école en mutation (Payot, 1987) montre comment ce
phénomène émerge dans les années 60.
De 1920 à 1959, l’évolution économique et sociale ébranle la forme éducative, le
système éducatif, et donc aussi l’école de la IIIème République [1870-1940] ; déjà
s’esquisse une nouvelle forme éducative.
Le taylorisme, le fordisme, le modernisme des années 60 font émerger cette forme
nouvelle, servie par un système scolaire conquérant mais structurellement agité par
- les contradictions de classe,
- les tensions sociales,
- les pressions divergentes,
- les demandes incompatibles qui émanent de la société.
Pour ce passage et les titres 1.1. à 1.3., voir le chapitre 4 de l’ouvrage de B.
CHARLOT (1987) intitulé « Un système scolaire moderne » (pages 77 à 103).
1.1 1920-1959 : la transition
1.2 Taylorisme, fordisme et modernisme
1.3 1959-1971 : la naissance du système scolaire moderne
1.3.1. Les transformations sociales des années 50-60
1.3.2. Pourquoi ces blocages concernant le système scolaire ?
1.3.3. En résumé et conclusion…
Ce système scolaire a définitivement mis fin à la dissociation qui caractérisait, et
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protégeait, l’école de la IIIème République.
Les enseignements primaires et secondaires ne sont plus institutionnellement
cloisonnés. Le système scolaire prend en charge la formation professionnelle des
enfants du peuple, tout comme leur formation générale.
L’école de Jules Ferry est morte.
Un système scolaire nouveau se construit, et occupe la place centrale dans un
système éducatif avec lequel il tend de plus en plus à se confondre.
Ce système scolaire moderne est un système en pleine expansion, qui
scolarise toujours plus de jeunes,
embauche toujours plus d’enseignants,
construit toujours plus de locaux.
L’enseignement secondaire s’ouvre : en 1969, 95 % des jeunes de la génération
concernée entrent en 6ème.
L’école
accueille les jeunes plus tôt,
les garde plus longtemps,
forme les cadres, les techniciens et les ouvriers qualifiés qui manquaient à
l’économie.
Elle sert la modernisation technique et économique en dirigeant une part croissante
des jeunes vers des études mathématiques, scientifiques ou techniques et en
développant les BEP, soucieux d’adaptabilité, de mobilité et de polyvalence.
Au total, le système scolaire élève le niveau de formation de la population et
forme la main-d’œuvre diversifiée et hiérarchisée qu’on lui réclame.
C’est donc un système conquérant, et non une vieille dame poussive, sénile, archaïque, qui entrerait
en crise.
C’est un système scolaire en expansion, qui certes garde quelques traits de son
aïeule de la IIIème République mais qui pour l’essentiel est adapté aux besoins de la
société bourgeoise moderne.
En ce sens, on se trompe totalement quand on attribue la crise de l’école à son
archaïsme ou à son incapaci à s’adapter aux évolutions économiques et
sociales.
L’école, au contraire, n’est plus, comme celle de la IIIème République, protégée par
une double dissociation, elle est désormais directement articulée à la réalité
économique et sociale, et donc exposée aux contradictions sociales et aux à-coups
économiques, ouverte sur des problèmes nouveaux et très sensibles, confrontée à
des attentes inconciliables.
Répétées de façon incantatoire [qui forme une incantation, c-à-d l’emploi de paroles magiques et/ou
l’action d’enchanter, d’agir avec force par l’émotion] ou mécanique que la solution à la crise de l’école
passe par son ouverture sur la vie, c’est dire n’importe quoi, par naïveté, par défaut
d’analyse ou avec une intention mystificatrice : l’école est déjà ouverte sur la vie,
c’est précisément pour cela qu’elle est en crise.
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Cette crise [a notamment] provoqué une crise de confiance et de légitimité d’autant
plus forte que les espoirs investis dans l’école au cours des années 60 étaient plus
grands (op. cit., pp. 100 à 102).
2. La ou les crises de l’école ?
Pour ce passage et les titres 2.1 à 2.2., voir le chapitre 5 intitulé « L’échec scolaire »
(pages 105 à 126) de l’ouvrage de Bernard CHARLOT L’école en mutation (Payot,
1987).
La crise naît de la forme éducative nouvelle, de sa logique, de sa structure.
En ce sens, elle est une.
Mais cette unité n’est donnée nulle part en tant que telle : la crise n’existe qu’à
travers ses manifestations, qui [bien sûr] sont liées mais n’en restent pas moins
multiples et spécifiques.
Elle est :
échec scolaire
crise des identités et des qualifications professionnelles
crise culturelle et pédagogique
et chacune de ces crises présente elle-même plusieurs aspects.
Il faut à la fois cesser de chercher la cause de la crise, celle qui appellerait la réforme
résolvant les problèmes une fois pour toutes, et comprendre qu’une même logique
est à l’œuvre à travers les crises spécifiques.
Chaque crise est particulière, [mais chaque crise n’est compréhensible qu’éclairée
par les autres. Cependant, comme il faut bien commencer par un bout, je voudrais ici
partir] du phénomène qui exprime le plus directement la contradiction centrale
de la forme éducative nouvelle : l’échec scolaire (op. cit., p. 105).
L’échec scolaire
2.1. Le droit à la réussite scolaire
2.2. Les exclus
2.2.1. La dévalorisation sociale des diplômes
2.2.2. L’inégalité sociale face à l’école et la persistance d’un échec
scolaire important
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3. Les données statistiques
A partir des années 50, au Royaume-Uni, un peu plus tard aux USA, de grandes
études sont menées sur les déterminants sociologiques de l’accès aux études et de
la réussite à l’école (au Royaume-Uni, plusieurs rapports officiels sur les problèmes
d’éducation entre 50 et 60).
Deux travaux vont avoir un impact important sur les études à venir :
3.1. Le rapport COLEMAN
Aux Etats-Unis, ce rapport (COLEMAN J and al., Report on equality of educational
opportunity, Washington US government printing office for Department of Health,
1966) résulte d’une enquête décidée par le Congrès et financée par le Département
d’Etat dans le cadre des travaux sur les minorités.
Il s’agissait de vérifier les facteurs déterminants de la réussite scolaire :
les dépenses par élève,
qualité des enseignants,
etc.
L’enquête se déroule sur 11 régions.
L’étude montre que les différences entre la majorité blanche et les minorités (dont les
noirs) s’aggravent durant la scolarité.
Le déterminant majeur est le niveau social de la famille et le niveau
d’instruction des parents.
L’accès à l’enseignement se révèle inégal selon les groupes sociaux, les chances de
faire un cursus long diffèrent selon les classes sociales.
Suite à la parution du Rapport Coleman (Equality of Educational Opportunities) en
1966, les éducateurs et éducatrices, surtout en Amérique du Nord, ont été
stupéfiés de découvrir que, selon des données de recherche, les écoles
américaines avaient beaucoup moins d'influence sur le rendement scolaire que
d'autres facteurs tels que le foyer familial ou le quartier.
L'idée que l'école puisse offrir à tous les enfants, quel que soit le milieu, les
mêmes chances de devenir des citoyens à part entière, c'est-à-dire qui ont un
bon emploi, qui paient des impôts et qui sont doués d'un esprit civique, semblaient
être si abîmée que bon nombre d'éducateurs et d'éducatrices ont été envahis
par un profond sentiment d'impuissance et de futilité quant à leur influence sur
l'avenir de leurs élèves.
Au cours [des 25 années suivantes], une grande partie des études et des
programmes de perfectionnement en éducation ont donc porté sur la recherche de
moyens, scolaires et non scolaires, d'égaliser les chances.
À cette fin, on a
créé des écoles parallèles et des écoles cibles,
amélioré la représentation des minorités dans les programmes d'études,
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