Proposition de thèse en mathématiques appliquées
Modélisation couplée sol-végétation-atmosphère
Direction de thèse : E. Blayo (LMC), C. Messager (Université de Leeds/UK), L. Viry (LMC).
Contact : [email protected] Tel : 04 76 63 59 63
Résumé De nombreux problèmes de modélisation, notamment dans le domaine de
l’environnement, mettent en jeu des processus reliant des milieux différents ayant des échelles
dynamiques spatiales et temporelles elles-mêmes très différentes. C’est le cas par exemple
lorsque l’on souhaite étudier le cycle de l’eau en considérant l’ensemble de ses composantes.
Le but de cette thèse, dans une première phase, est de développer des méthodologies de
couplage de modèles adaptées à de tels problèmes. D’un point de vue mathématique, les
difficultés principales consistent à identifier de bons opérateurs d’interface pour les modèles
considérés, et à tenir compte du fort aspect multi-échelles et des raccords non-conformes de
maillages en temps et en espace. Dans une seconde phase, on abordera également le
problème de l’analyse de sensibilité de la réponse du système couplé à ses différents
paramètres.
Les méthodes développées seront testées sur un cas réaliste de modélisation hydro-
météorologique en Afrique de l’Ouest, mettant en jeu un modèle d’hydrologie de surface, un
modèle de végétation et un modèle atmosphérique.
Contexte applicatif
Le réchauffement climatique global n’est pas uniforme sur toute la planète. Ainsi certaines
régions semblent plus touchées que d’autres, et de la même manière l’impact de ces
changements peut varier d’une région à l’autre.
Une région particulièrement sensible à ces changements est l’Afrique de l’Ouest, qui tire la
plus grande partie de sa ressource en eau de la précipitation associée à sa mousson. Le régime
de mousson de l’Afrique de l’ouest (MAO) est, dans ses grands principes, identique aux
autres moussons (Asie, Australie). Ainsi, l’ensemble du cumul pluviométrique est réalisé
durant la saison humide (l’été boréal). La variabilité de cette mousson conditionne donc la
classification d’une année en type sec ou humide.
L'Afrique de l'ouest possède un climat marqué par la forte rétroaction entre la végétation et le
régime pluviométrique sur une large gamme d'échelles de temps (intra saisonnière à
décennale au moins). Cette région apparaît comme une zone géographique adaptée à l’étude
des couplages hydro-météorologiques. Le rôle climatique supposé des processus
hydrologiques continentaux dans ces régions est de conditionner l'accès de la gétation au
réservoir d'eau dans les sols, et de ce fait le développement et la persistance de l'activité
végétative, en particulier durant les périodes sèches. Il en résulte alors un impact sur les
échanges d'énergie surface-atmosphère via le pouvoir réflecteur du système sol-végétation, le
transfert radiatif à travers la végétation et la transpiration de cette dernière. Par ailleurs, la
végétation est une composante importante de la source continentale d'humidité
atmosphérique.
D’autre part, en Afrique de l’Ouest, la zone Sahélienne apparaît être la région la plus sensible
à la variabilité des conditions climatiques du fait des faibles précipitations enregistrées et de
l’importance des gradients méridiens entre les isohyètes : une faible variation de la limite
septentrionale des plus faibles pluies peut donc avoir un impact direct sur la limite entre la
zone désertique et la zone semi-aride et sur le débit des grands fleuves traversant la zone
Sahélienne. Par exemple, le bit moyen annuel du Niger à Niamey est passé de 1060 m3/s
sur la période 1929-1968 à 690 m3/s sur la période 1969-1991. Au Bénin, les écoulements des
rivières ont pour leur part diminué de 40%. Il est aussi à noter que le déficit des débits sur les
grands bassins versants (Sénégal, Niger) a été deux fois plus important que les déficits
pluviométriques. Cela montre l’impact d’une variabilité négative du régime pluviométrique
(associé à la dynamique de la MAO) avec des conséquences non-linéaires sur la ressource en
eau. Toutefois, cet impact négatif n’est pas univoque. Par exemple, certaines nappes ont
accusé des baisses significatives de leur niveau moyen, alors que localement (cas de la région
de Niamey) on a observé une remontée à partir de la fin des années 70, bien que la période
sèche se soit prolongée jusqu’au milieu des années 90. Une explication possible de ce dernier
phénomène est la diminution de la couverture végétale et les conséquences qui en découlent
sur le ruissellement et le remplissage des mares qui alimentent ponctuellement les nappes.
Ceci illustre combien l’impact hydrologique de la variabilité climatique résulte d’une rie de
processus en forte interaction les uns avec les autres et combien la zone sahélienne est
sensible aux aléas de la MAO. Tous les phénomènes évoqués jusqu’ici constituent de bonnes
raisons pour la mise en place d’un couplage entre atmosphère, végétation et hydrologie dans
cette zone.
Travaux antérieurs
La méthodologie de couplage sur le cas particulier de l’Afrique de l’Ouest a préalablement été
abordée dans un cadre climatique d’étude du cycle de l’eau à l’échelle régionale à travers le
projet COUMEHY (COUplage MEtéo Hydrologie, ACI GRID)
(http://www.lthe.hmg.inpg.fr/GRID/) et poursuivi au travers du projet HYCYWAC
(HYdrologic CYcle over West African Continent), projet applicatif au sein du programme
Européen DEISA (Distributed European Infrastructure for Scientific Applications,
http://www.deisa.org) qui utilise une grille européenne de supercalculateurs. Ces projets
reposent sur l’utilisation d’une architecture modulaire, extensible et interopérable qui permet
d’utiliser des codes patrimoines de disciplines scientifiques différentes. Ainsi, un modèle
atmosphérique régional est couplé avec plusieurs types de modèles de végétation et
d’hydrologie. Le développement de cette architecture a été rendu possible par l’utilisation de
la technologie CORBA (Common Object Request Broker Architecture) particulièrement bien
adaptée au déploiement des applications modulaires sur grille de calcul.
Projet de thèse
Le travail de thèse proposé se décompose en deux phases.
Dans un premier temps, on cherchera à améliorer les couplages entre les différents modèles
mis en jeu, en développant des méthodes adaptées à de tels problèmes. D’un point de vue
mathématique et numérique, les difficultés principales consistent d’une part à identifier de
bons opérateurs d’interface pour les modèles considérés, et d’autre part à tenir compte du fort
aspect multi-échelles et des raccords non-conformes de maillages à la fois en temps et en
espace. On pourra s’appuyer notamment pour cela sur les méthodes de Schwarz globales en
temps avec opérateurs absorbants, et les techniques « mortar » non conformes.
Ce travail sera validé par une mise en œuvre sur un cas-test physiquement réaliste. On verra
ainsi l’impact éventuel de la qualité des méthodes de couplage sur le contenu physique de la
solution.
Les simulations numériques seront réalisées sur grille de calcul. D’un point de vue de
l'implémentation, l'objectif est de développer, à partir de différents outils pré-existants, une
interface commune entre les composants du couplage garantissant les performances et une
totale indépendance de ces composants. Cette interface devra permettre l'intégration des
méthodes numériques testées de la façon la plus générique possible.
Dans un second temps, selon l’avancement des travaux, on cherchera à mettre en œuvre une
analyse de sensibilité de la précipitation aux paramètres physiques étant pris en compte à la
fois dans le couplage et dans les différents modèles. Le but est donc d’identifier les
paramètres du système prépondérants par rapport à cette fonction-réponse. Différentes pistes
de travail sont possibles à ce niveau, et des choix seront à effectuer. On pourra aborder ce
problème par différentiation (exacte ou numérique) du système par rapport aux différents
paramètres incertains. Une autre approche possible est celle des méthodes stochastiques,
reposant sur la notion d’analyse de variance fonctionnelle. Dans tous les cas, un grand nombre
de simulations numériques seront nécessaires, soit pour différentier, soit pour évaluer des
intégrales par techniques de Monte-Carlo. Là encore, on utilisera une grille de calcul pour ces
expériences numériques. Du point de vue de la physique, cette analyse de sensibilité
constituera sans doute la contribution climatique principale de ce travail.
Ce travail sera réalisé au Laboratoire de Modélisation et Calcul de Grenoble, au sein du projet
IDOPT/MOÏSE de l’INRIA, et en collaboration étroite avec C. Messager (Université de
Leeds, School of Earth and Environment), dans le cadre du programme international AMMA
(Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Africaine).
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