domination ? Cette superpuissance subordonne-t-elle l’ensemble de sa politique à ses intérêts économiques ? Nul ne
songe à nier les réalités d’un impérialisme qui se manifeste par exemple au Moyen-Orient. Mais mettre la diplomatie
de Washington au service du big business et l’accuser d’avoir rompu la grande alliance pour pouvoir étendre et affirmer
ses marchés serait excessif. En 1945, le projet américain s’appuie aussi sur la recherche de la paix et l’extension
de la démocratie. Autre question qu’il est possible de se poser : on sait que la décision d’employer la bombe sur
Hiroshima et Nagasaki fut motivée par la volonté d’achever le conflit mondial. Mais dans quelle mesure la volonté
d’impressionner les Soviétiques a-t-elle joué dans la prise de décision ? Ainsi, ceci montre que si l’on ne peut accuser
l’impérialisme américain d’avoir été à l’origine de la guerre froide, il ne faut pas non plus sous-estimer les
ambiguïtés, la duplicité de la diplomatie américaine, ni nier les effets de cet impérialisme : les réalités sont plus
complexes que cela. Le drame d’Hiroshima montre combien il est difficile de démêler dans la question des
origines ce qui relève de la réaction (préoccupation défensive), et ce qui relève de l’intention (préoccupation
offensive).
Les organisations internationales.
La pax americana voulue par Washington repose sur quelques principes : nécessité de tirer un trait sur
l’isolationnisme, et de reconnaître qu’il ne peut y avoir de paix que mondiale. La paix doit être mondiale et fondée
sur le droit à l’opposé de l’équilibre européen traditionnel. L’instrument de cette politique, c’est l’ONU. L’assemblée
générale au sein de l’ONU assure le leadership américain (chaque pays dispose d’une voix, et les 20 pays d’Amérique
Latine soutiennent les USA dans leurs décisions…) Le Conseil de Sécurité, véritable organe décisionnel de l’ONU,
compte parmi ses membres permanents trois pays favorables aux USA (GB, Fr, Chine) ; ainsi, si l’URSS ne peut
utiliser le Conseil à ses fins contrairement aux USA, elle dispose néanmoins d’une possibilité de blocage avec
son veto. Les institutions économiques et financières internationales mises en place à Bretton Woods en 1944
confirment la prédominance américaine (seul le dollar est convertible en or). Le FMI est dominé par les USA et
n’accorde des crédits qu’aux pays dont la politique économique s’accorde aux directives de Washington. Idem pour les
aides provenant de la Banque Mondiale. Mais ces organismes ne s’inscrivent pas dans la perspective de la guerre
froide : ils ne sont pas dirigés contre l’URSS mais contre les concurrents potentiels des USA (GB, et à un moindre
degré, Fr…).
Les initiatives soviétiques.
Les objectifs de Staline.
Il est difficile d’apprécier les objectifs réels de l’URSS en 1945, surtout à l’égard des pays de l’Europe de l’Est. En
premier lieu, il existe une multitude d’organismes traitant des Affaires Etrangères, Staline coiffant le tout et prenant
les décisions importantes. Que Staline, en deuxième lieu, décide seul, donne à la politique étrangère de l’URSS
un caractère imprévisible et désordonné, reflet des hésitations et de la prudence extrême du dictateur. Entre 45 et
52, la politique allemande de l’URSS semble osciller entre trois solutions :
- une Allemagne neutre, unifiée et démilitarisée
- une Allemagne unifiée et sous contrôle communiste (mais à caractère « démocratique » pour pouvoir
convaincre les populations ouest-allemandes)
- la transformation de la zone orientale en Etat « soviétisé », solution qui n’a pas les faveurs de Staline, seulement
celles des communistes est-allemands. D’ailleurs, le blocus de Berlin en 48 serait une ultime tentative de
la part de Staline pour éviter la division de l’Allemagne.
Ne pouvant connaître les objectifs de Staline, on ne peut que formuler des hypothèses et s’appuyer sur l’examen des
réalisations. Celles-ci manquant de cohérence, on peut en conclure que Staline n’avait pas de politique allemande
prédéfinie, agissait sur le court terme et de façon réactive. Ou alors, ses projets initiaux se sont heurtés à des obstacles,
et il a dû composer avec les réactions des alliés et de la population ouest-allemande. Enfin, il est difficile de démêler
ce qui relève de l’idéologie et ce qui relève de la realpolitik. Soit l’idéologie a inspiré l’expansionnisme
soviétique (et alors l’URSS est largement responsable de la guerre froide), soit les préoccupations de sécurité
donnent à cette politique un caractère surtout défensif (et c’est l’enchaînement des faits et réactions qui est à
l’origine de la crise). Or les archives soviétiques permettent d’éclaircir ce point. Si l’on favorisait auparavant
davantage la seconde hypothèse, l’examen des archives montrent un Staline certes inquiet de la sécurité de son
pays (programme minimal : le glacis protecteur), mais aussi prudemment expansionniste (programme
maximal : les objectifs expansionnistes). Idéologie et realpolitik ne s’opposent pas forcément. C’est ce que les
historiens Zubok et Pleshakov appellent le paradigme révolutionnaire-impérial. Ainsi, par son double jeu,
Staline supporterait la part la plus lourde des responsabilités dans les origines de la guerre froide.
L’expansion du communisme en Europe de l’Est.
Staline suit en Europe de l’Est la politique du « tout le monde impose son système aussi loin que son armée puisse
avancer ». En conséquence, l’avancée de la soviétisation en Europe de l’Est se fait très rapidement ressentir,
notamment en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Pologne, en encore en Yougoslavie (même si le cas yougoslave diffère