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point de référence (R), qui peut se confondre avec le point de l’événement ou
en être distinct. Le point de référence permet, tout en maintenant la distinction
entre les trois époques, d’expliquer le fonctionnement des temps composés du
verbe d’un point de vue temporel. Ce point est déterminé par le contexte (évé-
nements rapportés) ou par les adverbes de temps (hier, maintenant,...). Pour les
temps simples, le point de référence se confond avec le point de l’événement,
alors que, pour les temps composés, il en est nécessairement distinct ; il déter-
mine dans ce cas la perspective à partir de laquelle l’événement est considéré :
ainsi, dans Maintenant que Pierre a dîné, il va au cinéma, le point de
l’événement exprimé au passé composé (a dîné) est antérieur au point de renon-
ciation (le fait est passé), mais le point de référence coïncide avec le point de re-
nonciation (le fait est envisagé à partir du moment de renonciation). On peut op-
poser de la même façon l’imparfait et le plus-que-parfait. Dans il fermait la
porte, le point de référence et le point de l’événement coïncident ; dans Quand il
avait fermé la porte, il sortait, le point de référence du plus-que-parfait avait
fermé, fourni par la principale, est nécessairement postérieur au point de
l’événement exprimé par le plus-que-parfait. Certains, comme Kamp et Rohrer
1983, utilisent aussi le point de référence pour expliquer le fonctionnement des
temps simples, imparfait et passé simple notamment. Dans Orphée chanta ; le
soleil se levait, l’imparfait se levait maintient le point de référence du passé
simple chanta, alors que dans, Orphée chanta ; le soleil se leva, le passé simple
se leva introduit un nouveau point de référence qui remplace le précédent.
Remarque. — Suivant la manière dont ils situent le procès par rapport au mo-
ment de renonciation, on oppose souvent des temps relatifs et des temps abso-
lus. Les temps absolus, comme les éléments déictiques, sont directement repérés
par rapport au point de renonciation, alors que les temps relatifs s’y réfèrent à la
manière d’une anaphore, par l’intermédiaire d’un autre procès. Ainsi, le futur
simple dans II partira bientôt est un temps absolu, repéré directement par rapport
au présent de renonciation, alors que, dans la phrase Quand il avait dîné, Lantier
flânait dans les rues, le plus-que-parfait doit s’appuyer sur un autre fait passé
pour être situé. Il en va de même pour le conditionnel employé dans une subor-
donnée complément d’un verbe principal au passé : dans Martin espéra que son
chat descendrait du toit, le conditionnel est repéré par rapport au passé simple.
Cette distinction, imaginée au XVIIIe siècle (Girard), est inadéquate. « Les ter-
mes relatif et absolu sont impropres », car il y a toujours relation entre un procès
et son repère [S. Mellet : 1988, p. 17]. Cette relation peut d’ailleurs varier selon
le point de vue: dans l’exemple de plus-que-parfait ci-dessus, la subordonnée de
temps quand il avait dîné peut, d’un autre point de vue, mettre en place, repère
temporel sur lequel s’appuie l’imparfait flânait. Et « il n’y a pas dans le verbe
français de tiroirs adaptés spécialement les uns à la chronologie absolue, les
autres à la chronologie relative » [H Yvon : 1951] ; ainsi, un temps composé