climatique était d’origine anthropique alors que le deuxième, Vincent Courtillot, présenté
sur le même plan, soutenait la thèse inverse. Le journaliste scientifique de France-2 a refusé
de faire le sujet. En effet, il savait que Jean Jouzel était effectivement un spécialiste du
climat et donc une parole légitime sur ce sujet, ce qui n’était pas le cas de Vincent Courtillot,
un géophysicien non spécialiste du climat. Il était donc impossible de faire un face à face et
de mettre sur le même plan ces deux scientifiques, c'eût été duper le télespectateur. La
décision de France 2 fut de se tourner vers un journaliste non spécialisé qui a accepté de
traiter ainsi le sujet. La direction de la rédaction de France-2 a considéré comme sans intérêt
le fait qu’en science certaines personnes ont des spécialités et qu’il faut le prendre en
compte pour garantir la qualité de l’information.
- À peu près à la même époque l'hebdomadaire le Point a consacré sa Une – et plus de 10
pages - à Claude Allègre et son discours sur le climat. Sur les dix pages il y en avait deux de
bonne qualité d’un point de vue de l'information scientifique. Ces deux pages n’étaient pas
signées, ce qui est très rare. J’ai appris par la suite qu’elles avaient été écrites par le
journaliste scientifique du Point qui avait refusé de signer son article - c’est un acte violent -
en protestation du reste du dossier qui présentait M. Claude Allègre comme un grand
scientifique, légitime sur ce sujet et qui contestait les conclusions de ses collègues
spécialistes du climat, ce qu’il n’est pas. Notre collègue du Point savait, comme d'autres
journalistes spécialisés en sciences, que Claude Allègre n'a jamais travaillé sur ce sujet et
qu'il a très souvent menti à ses auditeurs sur les résultats des sciences du climat.
Les journalistes spécialisés en science sont donc soucieux d’être rigoureux dans
l’information du public, un souci parfois contredit par des directions soucieuses d’autres critères
que la qualité de l’information (le budget, l’audimat, le scoop…)
Enfin, sur l’affaire Séralini, j’ai déjà été auditionné par l’OPECST. Je veux seulement
rappeler la nécessité de respecter les règles de l’embargo qui permettent aux journalistes
scientifiques d’avoir accès aux articles à paraître avant la parution afin de les soumettre au regard
critique d'autres scientifiques. Un des moyens à notre disposition pour améliorer la qualité des
informations. En ce moment par exemple, les journalistes spécialisés en astrophysique préparent
des articles qui paraitront vendredi car jeudi
, il y aura un scoop mondial : l’Agence spatiale
européenne va révéler la carte du rayonnement cosmologique, que le télescope spatial Planck a
permis de réaliser. Grâce à l’embargo, nous pouvons demander l'avis de plusieurs scientifiques, ce
qui permet une meilleure information du public. C'est ce que voulait interdire Mr Séralini afin
d'obtenir des articles uniquement positifs sur son étude. Sur cette affaire, il est également à
remarquer que nombre de journalistes ont écrit sur ce sujet, mais que très peu avaient lu l’article
scientifique. Pour avoir une presse de qualité il faut pourtant des journalistes qui fassent ce travail.
L’essentiel des déformations dans la présentation de la science ne vient pas forcement d’un
manque de dialogue entre les journalistes scientifiques ou d’une incapacité des scientifiques à
communiquer. L’origine des déformations provient plutôt, de manière générale, des défaillances
internes à la presse. Il s’agit de ses difficultés économiques, du modèle des directions, de la
domination de l’audimat, donc du visuel, et de l’absence d’ambition culturelle.
La deuxième raison de ces déformations, c’est le manque de bonne volonté des acteurs des
polémiques publiques à propos d'usages des technologies. Sur les sujets les plus sensibles, c’est à
dire ceux qui donnent lieu à des débats et des choix sociétaux, la plupart des acteurs sociaux de ces
Jeudi 21 mars 2013