Epidémiologie de l'hépatite B
par Peter M. Ndumbe
Chef de Département de microbiologie et des pathologies infectieuses,
Faculté de médecine et des sciences biomédicales, Université de Yaoundé I,
BP 8445, Yaoundé, Cameroun.
I. Généralités
D'après les estimations de l'Organisation mondiale de la santé, 2 milliards de
personnes sont infectées par le virus de l'hépatite B, dont 350 millions sont porteurs
chroniques du virus. Ces derniers présentent un risque important de déclarer un jour
une cirrhose ou un cancer du foie. Au moins 1 million en meurent chaque année.
Bien qu'ubiquitaire, la répartition géographique du virus de l'hépatite B n'est pas
homogène. On peut (en tenant compte de la présence des marqueurs du virus de
l'hépatite B) définir trois zones d'infections persistantes :
les zones de haute endémicité, telles que l'Afrique et l'Asie du Sud-Est, 70 à
90 % de la population qui présentent des marqueurs du virus de l'hépatite B et
plus de 8 % de la population sont constitués de porteurs chroniques (présence
de l'antigène de surface HBS de l'hépatite B).
les zones d'endémicité moyenne qui sont le Moyen-Orient, l'Amérique
Centrale et l'Amérique du Sud. On y observe entre 2 et 7 % de porteurs
chroniques et 20 à 55 % de personnes présentant des marqueurs du virus.
les zones d'endémicité faible, telles que l'Amérique du Nord, l'Europe
occidentale et du Nord, où le taux de porteurs chroniques est inférieur à 2 %
et la présence des marqueurs du virus se retrouve chez moins de 20 % de la
population.
Au plan mondial, le taux d'infection est plus important chez les hommes que chez les
femmes, chez les enfants que chez les adultes, dans les populations urbaines que
dans les populations rurales.
La transmission horizontale, très fréquente chez les enfants et les adolescents, serait
responsable de la majorité des infections en Afrique et au Moyen-Orient. En
revanche, la transmission périnatale est beaucoup plus répandue en Asie.
Il. Modes de transmission du virus de l'hépatite B
La transmission du VHB s'explique par :
la longueur de la phase d'incubation (2 à 6 mois), le sang étant infectant dans la
seconde partie de cette phase ;
le très haut titre infectieux du sang (0,0001ml de plasma peut transmettre le
VHB) ;
le grand nombre de porteurs asymptomatiques ;
la présence du virus dans tous les liquides biologiques : liquide séminal
(sperme), secrétions vaginales, sueur, larmes, salive, urine (alors que
l'infectiosité des selles est négligeable) ;
5. la fréquence de l'inoculation inapparente. Le virus de l'hépatite B est 50 à 100 fois
plus infectieux que le VIH.
Il existe 4 principaux modes de transmission :
parentéral
sexuel
périnatal
horizontal
1. La transmission parentérale
La transmission du virus de l'hépatite B par voie parentérale existe dans toutes les
zones d'endémie.
Les sources d'infection sont le sang, les produits sanguins et dérivés, ainsi que le
matériel souillé (aiguilles, bistouris, tout matériel médical et dentaire piquant ou
tranchant utilisé par les soignants).
Elle se fait :
- par la transfusion du sang et de ses dérivés.
Pour chaque donneur il faudrait pouvoir rechercher l'antigène HBS, l'anticorps
antiHBC et doser les ALAT. Ce mode de transmission explique la forte
prévalence chez les hémophiles.
- par piqûres.
Dans ce dernier cas, on peut distinguer la transmission par les aiguilles lorsqu'elles
ne sont pas à usage unique ou lors de certaines pratiques (toxicomanie, tatouage,
acupuncture, scarifications, piercing des oreilles... )
- la transmission accidentelle. Ce mode de transmission explique la
contamination du personnel de santé.
Le taux de transmission par piqûre est évalué entre 7 et 30 %.
L'hépatite B constitue l'une des infections professionnelles les plus importantes dans
les professions médicales et paramédicales.
2. La transmission sexuelle
La présence du VHB dans le liquide séminal et les sécrétions vaginales explique que
l'hépatite B soit une maladie sexuellement transmissible. Elle survient lors du contact
avec des muqueuses fragiles, du sperme, des sécrétions vaginales ou des
menstruations des porteurs du virus de l'hépatite B.
Le risque d'infection augmente avec le nombre de partenaires sexuels, le nombre
d'années d'activité sexuelle et la présence ou non d'autres maladies sexuellement
transmissibles.
La transmission se fait soit par des sujets atteints d'infections aiguës, soit par des
porteurs chroniques, mais la plupart du temps, ces infections sont transmises par des
personnes hétérosexuelles ou homosexuelles qui ignorent leur état d'infection.
Bien que la transmission sexuelle existe dans toutes les zones d'endémie, elle
représente l'une des voies d'entrée les plus importantes de l'hépatite B dans les
zones à faible endémie.
3. La transmission périnatale
La transmission périnatale ou verticale, qui se fait d'une re infectée vers son
enfant, est la voie la plus redoutable car, parmi les personnes en contact avec le
virus, ce sont les nouveau-nés qui présentent le risque le plus important de devenir
des porteurs chroniques. Près de 95 % des transmissions périnatales se font lors de
l'accouchement et du post partum.
La transmission est due soit au fait que la mère est une porteuse chronique de
l'hépatite B, soit parce qu'elle a déclaré une infection aiguë pendant sa grossesse.
Dans ce dernier cas, plus la maladie survient tard dans la période de la grossesse,
plus le risque de transmission est important.
Le risque de transmission est fonction du statut réplicatif de la mère lié à la présence
de l'antigène « e » (AgHBe) dans le sérum.
Le risque de transmission est en corrélation directe avec la présence de l'antigène «
e » dans le sérum. Ainsi, les mères AgHBe positives transmettent le virus de
l'hépatite B dans 70 à 90 % des cas. Au moins 90 % de ces enfants seront des
porteurs chroniques.
4. La transmission horizontale
La transmission de l'hépatite B est possible par la salive, la sueur, les larmes, l'urine.
Elle peut se faire à partir d'objets usuels (rasoir, brosse à dent, couteau, etc.) au sein
d'une même famille ou dans le cadre d'un habitat collectif. D'où la nécessité de
vacciner l'entourage d'une personne infectée.
Bien que le canisme ne soit pas bien connu, on pense que la transmission du
virus de l'hépatite B se fait par le sang ou les liquides biologiques qui entrent en
contact avec la peau lésée par des blessures, des piqûres d'insectes, l'impétigo, la
gale, etc. La blessure par morsure peut être également en cause.
III. Les groupes à risque
La connaissance des modes de transmission du virus de l'hépatite B permet
d'identifier les personnes ayant un risque élevé d'être infectées par ce virus. Ceci
permet de prendre des mesures préventives à leur endroit.
Dans les pays de haute endémicité, la majorité de la population est infectée soit à la
naissance, soit pendant l'enfance; plus de 60 à 70 % des infections se font chez les
nouveau-nés ou les enfants en bas âge. Une minorité est susceptible de s'infecter
plus tard dans leur vie.
Dans les pays à faible endémicité, l'infection par le VHB (considérée comme une
maladie infectieuse importante), survient principalement chez les adolescents et les
jeunes adultes. Des études ont identifié certaines populations comme courant un
risque plus élevé que d'autres, en raison de leur profession, de leur mode de vie ou
de leur état général (maladie en cours).
Ces populations à risque sont, dans la plupart des pays, les suivantes :
les personnels de santé,
les toxicomanes,
les personnes ayant des partenaires sexuels multiples,
les personnes regroupées dans des centres de soins (handicapées, internées ..),
les malades transfusés (hémophiles...)
les nouveau-nés des femmes enceintes infectées par le VHB.
IV. La surveillance
La surveillance de l'infection par le virus de l'hépatite B est nécessaire pour
déterminer la prévalence, l'incidence (les nouveaux cas), afin de définir des priorités
et d'élaborer des stratégies de lutte appropriées.
La surveillance doit permettre aux responsables de la santé d'évaluer les éventuelles
épidémies. Compte tenu des difficultés de notification dans beaucoup de pays en
développement et de l'insuffisance du nombre de laboratoires effectuant la rologie
de l'hépatite B, les chiffres obtenus peuvent être en deçà de la vérité. Même dans les
pays le système de surveillance est bien organisé, on notera une sous-estimation
provenant de l'absence de notification des cas asymptomatiques. Les cas
symptomatiques ne sont pas toujours référés à l'hôpital, et la coopération des
médecins est parfois insuffisante quand ils ne notifient pas systématiquement tous
les cas.
Des études doivent être initiées dans tous les pays pour permettre l'obtention de
données fiables sur l'hépatite B. Ces données induiront le choix des stratégies de
lutte contre l'hépatite B.
V. Le contrôle de l'infection par le VHB
1. Généralités
Les pays développés dépensent d'importantes sommes d'argent dans le contrôle et
la prévention de l'hépatite B par le dépistage dans les centres de transfusions, les
cliniques prénatales et pour le traitement des enfants nés de mères infectées par le
virus. Les moyens utilisés dans les programmes de lutte contre l'hépatite B sont :
les actions préventives générales,
les précautions universelles,
la vaccination,
l'immunothérapie.
Nous n'aborderons ici que les aspects généraux et les précautions universelles, les
autres sujets étant traités par d'autres auteurs dans cette édition.
2. Les activités préventives
Elles consistent en l'information du personnel de santé, des décideurs et du public
sur les dangers de l'infection par le VHB. Certains comportements favorisent la
transmission du VHB et d'autres maladies sexuellement transmissibles. Il s'agit en
particulier de l'utilisation des drogues par injection IV, des rapports sexuels non
protégés, de la pratique de tatouages et de l'acupuncture avec des instruments non
stériles ou mal stérilisés.
Une prévention efficace est fonction du niveau d'information sur le VHB, ses modes
de transmission et ses conséquences.
Parallèlement à ces mesures, la vaccination doit être encouragée.
3. Les précautions universelles
La plupart des porteurs chroniques du VHB ignorent leur statut et présentent donc un
risque important pour le personnel de santé et les autres personnes susceptibles
d'être exposées à leurs liquides biologiques.
Le concept de précaution universelle suppose que le personnel de santé considère
tout liquide biologique comme potentiellement infecté par un ou plusieurs agents
pathogènes sanguins. Ainsi, il prendra soin de se protéger devant tout malade, sans
tenir compte du diagnostic affiché.
Le personnel de santé doit connaître son statut sérologique. Tout soignant ayant une
sérologie d'hépatite B négative doit être vacciné. Le soignant doit utiliser le matériel
protecteur (gants, lunettes, blouses, etc.) chaque fois qu'il est exposé aux liquides
biologiques.
Idéalement, le matériel d'injection (et autres objets tranchants) devrait être à usage
unique. Dans les cas cela est impossible, les aiguilles et autres doivent être
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