Jean-Pierre Minaudier. Lycée La Bruyère, Versailles, avril 16, 2017. RI 5.4
d'ailleurs voulaient se persuader qu'elle était déjà engagée
sur ce chemin. Dans l'enthousiasme de l'alliance contre
Hitler, Times n'avait-il pas appris aux Américains, en 1943,
que les Russes « ressembl[aient] aux Américains,
s'habill[aient] comme des Américains et pens[aient] comme des
Américains », et le New York Times, l'année suivante, que « la
pensée marxiste a[vait] disparu en Russie » ? On comprend
mieux, dans ce contexte, que Roosevelt ait pu faire preuve
d'un certain angélisme envers Staline, à Yalta notamment… En
1946, Henry Wallace, alors secrétaire au Commerce, alla
jusqu'à proposer de livrer la technologie atomique aux
Soviétiques ! En 1945, Staline semblait animé d'une volonté de
coopération, pourvu qu'on ne lui contestât point ses gains
territoriaux en Europe : dans ces conditions, on pouvait
croire que la coopération américano-soviétique allait être le
fondement du monde de l'après-guerre. Le problème, c'était que
l'U.R.S.S., État investi d'une mission depuis sa création,
n'était pas près de l'abandonner, ne fût-ce que parce que
renoncer à la Révolution mondiale eût ôté toute légitimité à
ses dirigeants (et puis tout simplement parce qu'ils y
croyaient !) ; et qu'à vive allure elle était elle-même en
train de devenir un Empire, portant haut et tentant d'imposer
au monde des valeurs tout aussi universelles que celles que
promouvaient les États-Unis, mais fort différentes. Elle ne
respectait ni les valeurs des États-Unis, ni leur leadership.
Dans ces conditions, ce qui en 1944-1945 avait été un
effort pour réorganiser un monde harmonieux se transforma
rapidement en une féroce compétition géopolitique, militaire
et surtout idéologique — en aucune période de l'Histoire
récente, depuis la fin des guerres napoléoniennes en Europe,
l'idéologie ne joua un aussi grand rôle dans les relations
internationales que durant la guerre froide : c’étaient deux
définitions de la démocratie qui s'affrontaient
.
La rapidité du processus donne le vertige : la conférence
de Potsdam, dernière manifestation de bonne entente entre les
deux superpuissances, eut lieu en juillet 1945, mais le
Conseil permanent au sein duquel les Alliés tentèrent de
prolonger leurs consultations après la victoire cessa de
fonctionner dès 1946. Les dernières manifestations d'une
volonté d'entente entre les deux Grands furent les traités de
paix avec les anciens alliés du Reich (la Bulgarie, la
Finlande, la Roumanie, la Hongrie et l'Italie) en février 1947
(mais la négociation traînait depuis septembre 1945, à cause
de la mainmise des communistes sur les deux pays balkaniques
et la Hongrie), ainsi que les procès de Nuremberg qui se
Bien entendu, chacune niait à l'autre le titre de démocratie. La
problématique du "totalitarisme" était en train d'émerger en Amérique, elle tendait
à assimiler le communisme et le fascisme en une seule et même menace pour la
démocratie; pour les communistes évidemmment des régimes capitalistes ne pouvaient
être qualifiés de démocratiques.