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LA GUERRE DE 39-45
VECUE A FEYZIN ET PAR LES
FEYZINOIS COMBATTANTS
OU RESISTANTS
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LA GUERRE DE 39-45 VECUE A FEYZIN ET PAR
LES FEYZINOIS COMBATTANTS OU RESISTANTS
Avertissement au lecteur : certains de ces textes ont déjà été publiés dans mes « Chroniques de
Feyzin, tomes 1, 2 et 3 » Ont été ajoutés des documents familiaux (1940) et les évènements
marquants de l’actualité française et mondiale tels que nous les comprenons aujourd’hui avec le
recul du temps, les moignages, les ouvertures récentes d’Archives, et la façon dont ces
évènements étaient portés (ou non) à la connaissance de la population par les journaux autorisés et
les clandestins. Une large place a été donnée aux difficultés matérielles : « taxation des abats et
viandes de cheval, âne, mulet et chèvre » (c’est la viande qu’on consomme, si l’on peut), « la
réglementation des chaussures : inscriptions pour le ressemelage » « l’échange des pantoufles :
deux paires usagées contre une neuve ». Ces restrictions sont parmi les premiers souvenirs que
mentionnent les témoins de cette époque, elles les ont beaucoup marqués.
Joseph Martinet, imprimeur de la Résistance :
la liberté de l’esprit et l'esprit de liberté
En 1975, à l'occasion du 30ème anniversaire de la libération des camps, Le Progrès a organisé dans
ses locaux de la rue de la République une exposition sur la presse clandestine pendant l’Occupation.
On mentionne que dès 1941, un maître imprimeur tirait sur une machine artisanale le premier
numéro de la presse clandestine "les Petites Ailes". Allaient suivre "Vérités", "Combat", « France »,
Libération", « La Marseillaise », puis lorsque fut arrêté un autre imprimeur clandestin « Franc-
Tireur », et le « Courrier du Témoignage chrétien ». Il s’agit des Martinet. Il est né à Lyon en 1903,
mort à Vaux-en-Velin en 86, sa femme est née aux Razes le 18 Avril 1907 fille de Jean Vachon,
menuisier, et décédée en 2003. Ils ont habité quelques temps les Razes.
L’imprimerie clandestine a besoin d’argent, de papier, de rotatives, très repérables car bruyantes. Le
papier et l’encre sont fournis par les parachutages des Alliés ou achetés au marché noir. A Lyon le
Progrès en donne jusqu’à son sabordage : son directeur et de nombreux membres du personnel sont
résistants ou sympathisants. Les presses sont rares, les écrits souvent rédigés à la main. La diffusion
est dangereuse, le Code des otages du 30 septembre 1941 précise que les otages doivent être choisis
en premier lieu parmi « les personnes qui ont collaboré à la distribution de tracts ». La transmission
de la main à la main et l’information orale répercutent les informations de la presse clandestine, de
plus en plus crédible par rapport à la presse collaboratrice dont on voit bien qu’elle ment. Les
imprimeurs de la Résistance fabriquent aussi des cartes d’identité, d’alimentation, des feuilles de
démobilisation et pour cela les tampons de légalisation et même les cachets allemands.
Consommant en une semaine l’allocation d’électricité d’un mois, l’équipe de la rue Viala, grâce à
son savoir-faire en matière de faux tampons, en-têtes d’usines allemandes, etc., demande même et
obtient quelques temps le régime privilégié des usines travaillant pour l’Allemagne !
Principaux journaux clandestins imprimés par le couple Martinet, au 5 rue Mozart de
Villeurbanne, à Crémieu ou rue Viala (atelier attaqué par 150 Allemands et miliciens le 17
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juin 44 le 17 juin 44 et incendié tandis que le couple était absent, après quoi Joseph devient
« le typo rescapé » et, bien sûr, très recherché) :
- "Les Petites Ailes" dans les départements de la zone interdite, Nord et Pas de Calais. Treize
numéros diffusés, de 200 à 800 exemplaires, puis le titre change. Il y aura deux éditions, une de
chaque côté de la ligne de démarcation, avec un éditorial et certains articles communs. (n.b. la
France n’est pas divisée en 2 zones comme on le dit souvent, mais en 4 : l’Alsace-Lorrain annexées
au 3ème Reich, une zone interdite tout le long du littoral atlantique de la frontière belge à la
frontière espagnole, une zone occupée, le Nord Est de la France et une zone dite libre, au Sud). Fin
Août 41, il s’appelle dans la zone Nord Résistance dans la zone Sud Vérités qui, en novembre 1941,
fusionnera avec Liberté sous un nouveau titre, Combat (15 exemplaires). Avec Bertie Albrecht et
Henri Frenay, son titre fournit au Mouvement de Libération Nationale son nouveau nom, Combat.
- « France », journal du Mouvement Libération Nationale (Henri Frenay et Robert Guédon), suite
des Petites ailes de France.
- "Vérités" le 30 août 1940, les Comités français pour la IVe internationale (Parti ouvrier
internationaliste à partir de décembre 1942, puis Parti communiste internationaliste en mars 1944)
impriment le premier numéro de La Vérité. C'est le premier journal clandestin de la presse
française. Son responsable Marcel Hic est déporté en octobre 1943. Les 19 premiers exemplaires
sont tapés à la machine à écrire et ronéotés puis il est le plus souvent imprimé. Le journal est tiré à
3 000 exemplaires. Vérités devient un nouveau journal, commun aux trois zones,
- « l’Insurgé » qui d’après Martinet, n’a pas beaucoup vécu, mais vécu dignement.
- « Libération" créé en juillet 1941, issu de la Dernière colonne, groupe mené par Emmanuel
d'Astier. Destiné au recrutement et à l'implantation du mouvement, le journal dispose d'un service
de propagande-diffusion. La composition était assurée par des typos d’autres journaux, l’imprimeur
changeait souvent. Diffudans la zone Sud jusqu'en 1944, son tirage atteint 300 000 exemplaires.
Donne des consignes claires : boycotter les journaux allemands, les entreprises travaillant pour
- « Franc-Tireur », dont le couple Martinet reprit l’impression lorsque fut arrêté X, un autre
imprimeur clandestin. De tendance radicale-socialiste, "mensuel dans la mesure du possible et par la
grâce de la police de Pierre Laval", lancé le 1er décembre 1941 en même temps que le mouvement
clandestin du même nom en zone Sud. 39 numéros clandestins paraissent. Légal à la Libération,
- « le Courrier du Témoignage chrétien » publié clandestinement depuis Novembre 41, sous forme
d'un opuscule de petit format (d'où le nom de Cahier), rédipar des Jésuites de la faculté de
Fourvière à Lyon et des Protestants. Appelle à s'opposer au nazisme au nom des valeurs
chrétiennes, ne traite qu'un sujet à chaque fois et donne naissance, dès mai 1943, au Courrier
Français du Témoignage Chrétien, d'un tirage de 100 000 puis 200 000 exemplaires qui revendique
une résistance spirituelle, en référence à l'Evangile et aux idéaux chrétiens qu’il oppose au nazisme.
Son sous-titre est « Lien du Front de résistance spirituelle contre l'Hitlérisme ».
Les débuts de l’opposition : Dans son livre « Combats dans l’ombre », malheureusement dépourvu
de dates, Joseph Martinet raconte l’évolution de la presse clandestine : « les « Petites Ailes » était
un bien petit journal mais imprimé au lieu d’être ronéotypé, il présentait mieux. On le tira sur trois
feuillets piqués en coin ; cela faisait sérieux comme un compte-rendu financier d’une grosse société
anonyme. Il n’était point encore d’opinion gaulliste, simplement anti-allemand et les fléchettes
lancées contre le vieux maréchal étaient entourées d’ouate littéraire, à tel point qu’il fallait relire
telle phrase dix fois, pour finalement se dire : « mais enfin, il l’engueule ! »
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Avec le poids de l’Occupation, les crimes des SS, de la Gestapo et de leurs alliés de la Milice, le
ton deviendra plus virulent et tout sera plus dur : obtenir une autorisation de livraison de papier,
recruter des ouvriers et distributeurs bénévoles, déménager sans cesse avec le lourd matériel de
l’époque. Arrestations, organisation des évasions. Ils envoient des colis-express, en plusieurs
départs, sous des noms d’emprunt : « on pesait gravement, dans un conciliabule pénétré, la
confiance que pouvait inspirer le titre d’un chanoine, ou celui d’un capitaine breveté d’état-major ;
on forgeait des étiquettes d’envoi empreintes de décente bondieuserie, d’un commercialisme
planant au-dessus de toute politique. » Les relais devaient être aussi insoupçonnables que possible,
par exemple une mercerie à l’ombre d’une église «deux bonnes demoiselles instrumentaient,
glissant comme des ombres, partageant leur temps entre leur boutique et les saints offices. L’une
d’elle sortit un message entreposé dans son corsage certainement nulle main d’homme n’aurait
eu l’audace d’explorer, entre les croix, les scapulaires et les médailles bénies ». En Joseph Martinet
en tire cette conclusion optimiste : « comment vouliez-vous que la Résistance ne triomphe pas ? »
La Résistance triomphera mais ses effectifs seront décimés. Joseph Martinet apprend la mort de
plusieurs de ses compagnons ou compagnes de lutte. L’étau se resserre. Son propre atelier de la rue
Viala est incendié et ses collaborateurs massacrés alors qu’il est absent. Dans les milieux de
l’imprimerie, on parle trop souvent du typo rescapé. Marcelline, sa femme et principale
collaboratrice, et lui décident d’envoyer leur petite fille à la campagne : « il valait mieux qu’on lui
apprenne tout doucement que ses parents étaient tués que de les voir abattus sous ses yeux… »
Outre ses relais permanents, la presse clandestine reçoit des aides discrètes. Il raconte que rue
Mongolfier, sous un escalier, un petit entrepôt tient lieu de magasin répartiteur. Un soir sans lune,
un messager qui connaît mal l’endroit dépose un paquet volumineux dans la mauvaise cave. Le
distributeur ne les trouve pas. Angoisse jusqu’à ce qu’un Monsieur distingué, croisant une de leurs
estafettes, lui dise : « vous avez entreposé des imprimés dans ma cave, ils sont à votre disposition. »
Ils admirent le tact de ce Monsieur dont ils avaient fracturé la cave pour y déposer des choses… qui
auraient pu lui valoir Montluc ou alors une prime à la délation, chose qui, hélas en tente plus d’un.
Lorsqu’enfin les Alliés pénètrent dans Lyon, il est le dernier imprimeur de la Résistance. Alors que
la fusillade crépite, une ultime livraison de la « Marseillaise » et de « Libération » se fait en carriole
à bras, et seulement à Villeurbanne. Il y a longtemps qu’ils ne peuvent plus emprunter ni voiture ni
essence… Il ne participe pas au défilé de la Libération, il va fleurir la tombe de ses compagnons
massacrés. Ceux qui ont une tombe. Car d’autres ont été déportés ou sont mots sous la torture.
Lorsque le Progrès organisa cette exposition, le petit atelier était déjà menacé par l'expansion de la
ville, il n’existe plus aujourd’hui. Mais il a été le cadre de la liberté de l’esprit et de l'esprit de
liberté. La vieille Minerve de l’atelier de Joseph Martinet était la pièce maîtresse de l'exposition et
devant un public intéressé, il avait repris du service pour quelques tirages spéciaux. Il raconta
l'épopée de la presse clandestine et Henri Frenay dira de lui à cette occasion : "Simple artisan de la
bonne tradition ouvrière lyonnaise, c'est-à-dire haïssant l'injustice, généreux, serviable, aimant la
liberté plus que la vie, il sera avec la Résistance jusqu'au bout, sans défaillance, prenant les risques
les plus grands. Après la Libération il fuira les honneurs, modestement, il rentrera dans l'ombre,
continuera son métier"
Les discours terminés, Joseph Martinet disparut de nouveau, discrètement, en homme "qui ne fait
pas de différence entre l'ouvrage bien fait et le devoir accompli, même si celui-ci comporte les
risques les plus définitifs." Après la Libération, il aurait pu devenir l’imprimeur officiel de la ville
de Lyon, du Département, et même de Ministères il avait des amis du temps de la Résistance. Il
ne se servit pas des relations nouées à l’époque du danger pour « faire carrière ».
Reprenons l’ordre chronologique, plus commode, et le cadre régional, plus limité :
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Evolution de Feyzin pour cette période (1) :
Population
1934
1778
1946
1775
Cultivateurs, jardiniers ou maraîchers
133
186
Ouvriers agricoles, domestiques de ferme
28
8
Employés bureau
46
40
Domestiques
19
11
Ingénieurs, Fabricants, Négociants
9*
14
Ouvriers(ères) d’usine
156**
299
Ouvriers spécialisés, contremaîtres
101
97
Artisans et ouvriers du bâtiment
44
46
Artisans ruraux : charrons ou maréchaux-ferrants, bourreliers
6
9
Boulangers et mitrons
7
7
Epiciers (res) et coquetière
4
13
Charcutiers ou bouchers
7
6
Cafetiers, restaurateurs
15
23
Autres commerçants, employés commerce
23
25
Employés PLM
30
34
Autres métiers du transport
7
2
Métiers de l’habillement, revendeuses
15
15
Vanniers
15
0
Potiers
7***
0***
Autres artisans et leurs apprentis
2
18
Etudiants
1
21
Rentiers, retraités, écoliers, sans profession ****
691
853
Curé, fonctionnaires, militaires hors du Fort)
16
25
* les métiers sont ceux déclarés par les personnes interrogées
** fermeture de La Soie
*** fermeture poterie Bonnet, puis les Paillet se déclarent agriculteurs
**** les enfants vont à l’école jusqu’à 14 ans.
Entre les deux guerres, les métiers des femmes se sont un peu diversifiés : une gérante de cantine,
une accoucheuse, des sténos-dactylos. Des épouses de cultivateurs ou maraîchers sont déclarées
cultivatrices, d’autres sans profession. Des teinturiers, dévideuses, moulineuses travaillent à la Soie,
des forgerons, chaudronniers, mécaniciens, soudeurs, serruriers, chauffeurs, électriciens, plombiers,
un tailleur de pierre, des typographes, dessinateurs, gardes et ouvriers du bâtiment, chez Planchon,
Saint-Gobain, les Usines du Rhône, Bâle, Berliet. Dans le transport apparaissent camionneurs,
chauffeurs d’auto ou conducteurs de tramway, un marinier, et les salariés du PLM : employés,
aiguilleurs, garde barrières, poseurs de rails, chef de gare, venant souvent de l’Ardèche, l’Hérault
etc.. Un mutilé de guerre, trois veuves chefs de famille sont sans profession déclarée. Les enfants de
plus de 14 ans qui suivent des cours professionnels sont classés « étudiants » (1).
Société : En 1934 (dernier recensement avant la guerre) Feyzin compte 1630 Français et 170
Etrangers. 3 % ont moins de 1 an, 30 % 1 à 19 ans, 28 % 20 à 39 ans, 24 % 40 à 59 ans, 15 % 60
ans et plus. Les moins de 40 ans représentent toujours les 2/3 de la population. Ceci s’explique par
une espérance de vie plus faible qu’aujourd’hui et l’appel de main-d’œuvre par les usines.
1/ Archives Départementales de l’Isère 123 M 71, 176, 373, 401
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