Créé par Bernadette Ramillier le 24 Août 2014 la guerre de 39-45 vécue à Feyzin - 4 -
Avec le poids de l’Occupation, les crimes des SS, de la Gestapo et de leurs alliés de la Milice, le
ton deviendra plus virulent et tout sera plus dur : obtenir une autorisation de livraison de papier,
recruter des ouvriers et distributeurs bénévoles, déménager sans cesse avec le lourd matériel de
l’époque. Arrestations, organisation des évasions. Ils envoient des colis-express, en plusieurs
départs, sous des noms d’emprunt : « on pesait gravement, dans un conciliabule pénétré, la
confiance que pouvait inspirer le titre d’un chanoine, ou celui d’un capitaine breveté d’état-major ;
on forgeait des étiquettes d’envoi empreintes de décente bondieuserie, d’un commercialisme
planant au-dessus de toute politique. » Les relais devaient être aussi insoupçonnables que possible,
par exemple une mercerie à l’ombre d’une église où «deux bonnes demoiselles instrumentaient,
glissant comme des ombres, partageant leur temps entre leur boutique et les saints offices. L’une
d’elle sortit un message entreposé dans son corsage où certainement nulle main d’homme n’aurait
eu l’audace d’explorer, entre les croix, les scapulaires et les médailles bénies ». En Joseph Martinet
en tire cette conclusion optimiste : « comment vouliez-vous que la Résistance ne triomphe pas ? »
La Résistance triomphera mais ses effectifs seront décimés. Joseph Martinet apprend la mort de
plusieurs de ses compagnons ou compagnes de lutte. L’étau se resserre. Son propre atelier de la rue
Viala est incendié et ses collaborateurs massacrés alors qu’il est absent. Dans les milieux de
l’imprimerie, on parle trop souvent du typo rescapé. Marcelline, sa femme et principale
collaboratrice, et lui décident d’envoyer leur petite fille à la campagne : « il valait mieux qu’on lui
apprenne tout doucement que ses parents étaient tués que de les voir abattus sous ses yeux… »
Outre ses relais permanents, la presse clandestine reçoit des aides discrètes. Il raconte que rue
Mongolfier, sous un escalier, un petit entrepôt tient lieu de magasin répartiteur. Un soir sans lune,
un messager qui connaît mal l’endroit dépose un paquet volumineux dans la mauvaise cave. Le
distributeur ne les trouve pas. Angoisse jusqu’à ce qu’un Monsieur distingué, croisant une de leurs
estafettes, lui dise : « vous avez entreposé des imprimés dans ma cave, ils sont à votre disposition. »
Ils admirent le tact de ce Monsieur dont ils avaient fracturé la cave pour y déposer des choses… qui
auraient pu lui valoir Montluc ou alors une prime à la délation, chose qui, hélas en tente plus d’un.
Lorsqu’enfin les Alliés pénètrent dans Lyon, il est le dernier imprimeur de la Résistance. Alors que
la fusillade crépite, une ultime livraison de la « Marseillaise » et de « Libération » se fait en carriole
à bras, et seulement à Villeurbanne. Il y a longtemps qu’ils ne peuvent plus emprunter ni voiture ni
essence… Il ne participe pas au défilé de la Libération, il va fleurir la tombe de ses compagnons
massacrés. Ceux qui ont une tombe. Car d’autres ont été déportés ou sont mots sous la torture.
Lorsque le Progrès organisa cette exposition, le petit atelier était déjà menacé par l'expansion de la
ville, il n’existe plus aujourd’hui. Mais il a été le cadre de la liberté de l’esprit et de l'esprit de
liberté. La vieille Minerve de l’atelier de Joseph Martinet était la pièce maîtresse de l'exposition et
devant un public intéressé, il avait repris du service pour quelques tirages spéciaux. Il raconta
l'épopée de la presse clandestine et Henri Frenay dira de lui à cette occasion : "Simple artisan de la
bonne tradition ouvrière lyonnaise, c'est-à-dire haïssant l'injustice, généreux, serviable, aimant la
liberté plus que la vie, il sera avec la Résistance jusqu'au bout, sans défaillance, prenant les risques
les plus grands. Après la Libération il fuira les honneurs, modestement, il rentrera dans l'ombre,
continuera son métier"
Les discours terminés, Joseph Martinet disparut de nouveau, discrètement, en homme "qui ne fait
pas de différence entre l'ouvrage bien fait et le devoir accompli, même si celui-ci comporte les
risques les plus définitifs." Après la Libération, il aurait pu devenir l’imprimeur officiel de la ville
de Lyon, du Département, et même de Ministères où il avait des amis du temps de la Résistance. Il
ne se servit pas des relations nouées à l’époque du danger pour « faire carrière ».
Reprenons l’ordre chronologique, plus commode, et le cadre régional, plus limité :