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Introduction
Les interrogations sur l’influence possible des activités humaines sur le climat de la
planète sont apparues dans les années 1970, en lien avec les observations sur l’augmentation
de la concentration en dioxyde de carbone. En effet, comme l’a indiqué l’analyse de bulles
d’air piégées dans les glaces polaires, la concentration actuelle en CO2 atmosphérique n’a
jamais été aussi importante depuis 420 000 ans. Depuis 1750, cette concentration s’est accrue
d’un tiers. Le 4ème rapport du Groupe international sur le changement climatique (GIEC),
publié le 2 février 2007, a confirmé le changement du climat mondial et attesté du rôle très
vraisemblable joué par les activités humaines dans celui-ci.
Les milieux naturels et cultivés, avec leur rôle fondamental dans les cycles de l’azote
et du carbone et dans les émissions de gaz à effet de serre (CO2, N2O et CH4) tiennent une
place importante dans la maîtrise de l’évolution de l’effet de serre et donc du climat. En
Europe, les écosystèmes terrestres gérés piègent environ 10% des émissions de CO2 (Janssens
et al., 2003), mais ils émettent du CH4 (issu de la fermentation entérique des ruminants
domestiques et des sols) et produisent du N2O partir des sols agricoles et des effluents
d'élevage). On sait depuis une dizaine d'années que les forêts constituent un puits et les
cultures une source de gaz à effet de serre. Le rôle des prairies est encore mal connu, mais
elles constitueraient vraisemblablement en Europe un puits pour les gaz à effet de serre
(Janssens et al., 2003, Soussana et al., 2007). De plus, la partie souterraine est encore mal
étudiée, mais on sait que 80 à 90% du carbone de l’écosystème y est stocké.
Le projet IMAGINE (Impacts du changement climatique sur la biodiversiet le cycle
du carbone en prairie), mené par l’Unité de Recherche sur l’Ecosystème Prairial de l’Inra de
Clermont-Ferrand, a pour but de tester expérimentalement les conséquences d’un scénario
moyen de changement climatique sur une prairie permanente. Le dispositif expérimental
utilisé est capable de recréer un scénario de changement climatique prévu pour 2050 :
augmentation de la température annuelle moyenne de 3°C, diminution de la pluviométrie
estivale de 20% et augmentation de la concentration en CO2 atmosphérique de 200ppm.
Mon stage s’est intégré dans la thèse de Rémi PILON qui étudie la partie racinaire
dans ce projet. J’ai pu suivre l’expérimentation pendant dix semaines avec comme mission
principale le suivi des ingrowth cores, mis en place cette année. Il m’a été confié la tâche
d’effectuer les prélèvements ainsi que les analyses chimiques et de morphologie des racines.
Ceci afin de répondre à la problématique suivante : quel est l’impact du changement
climatique, prévu d’ici la fin du siècle, sur la production racinaire d’une prairie permanente ?
Dans un premier temps l’Inra et l’UREP seront brièvement présentés. Puis,
l’expérimentation sera replacée dans son contexte, avec une explication du changement
climatique, du rôle des prairies et des tendances qui ont déjà été observées quand à l’impact
du changement climatique sur les prairies. Ensuite sera décrite toute la partie matériel et
méthodes, avec le dispositif général, le principe des ingrowth cores et les mesures effectuées
au laboratoire. Et enfin, les résultats obtenus seront exposés puis discutés, afin d’émettre des
hypothèses et de tenter un début de réponse à cette problématique.
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1. Présentation de l’Inra
1.1. Au niveau national
1.1.1. Un établissement public
L’Inra (Institut national de la recherche agronomique) a été créé en 1946 dans le
contexte de la reconstruction nationale d’après-guerre et du projet de modernisation de
l'agriculture française. L’institut a accompagdepuis les mutations du monde agricole, des
filières alimentaires et des territoires avec l’objectif de répondre aux attentes exprimées par la
société, notamment celle de la suffisance alimentaire de la nation. Aujourd’hui, les défis
scientifiques et sociétaux sont bien différents et ont une dimension mondiale : profondes
évolutions de l'alimentation, érosion de la biodiversité, changement climatique,
développement des maladies émergentes, progrès de la chimie verte. L’Inra a profondément
renouvelé ses approches pour y répondre. C’est devenu le premier institut de recherche
agronomique européen et le deuxième mondial. L’Inra mène maintenant des recherches
finalisées pour une alimentation adaptée, pour un environnement préservé et pour une
agriculture compétitive et durable. L’institut est présent sur vingt centres régionaux, y
compris en outre-mer. Il développe de multiples collaborations et échanges avec la
communauté scientifique internationale dans de nombreux pays.
1.1.2. Des axes de recherche
L'Inra a défini sept axes stratégiques auxquels il attribue un budget chaque année :
- gérer l'espace, préserver l'environnement et produire durablement ;
- améliorer la nutrition, répondre aux attentes des consommateurs, contribuer à leur
santé ;
- diversifier les produits et leurs usages, améliorer leur compétitivité ;
- développer les stratégies génériques pour la connaissance du vivant et la
transformation des produits ;
- adapter les espèces et les pratiques à des contextes changeants ;
- aider la décision des agents économiques, favoriser l'emploi ;
- informer le citoyen et éclairer la décision publique.
Les recherches s’articulent autour de différentes thématiques réparties au sein de
quatorze départements scientifiques.
1.2. Au niveau régional : le centre Inra de Clermont-Ferrand-Theix
1.2.1. Un regroupement important
Ce centre régional, parmi les vingt et un que compte l'Inra, est le plus important après
celui de Paris-Versailles. Avec 9% de l'effectif total de l'Inra, ce centre représente 40% de la
recherche publique en Auvergne.
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1.2.2. L’Unité de Recherche sur l’Ecosystème Prairial (UREP)
L’Unité de Recherche sur l’Ecosystème Prairial (UREP), anciennement Unité
d’Agronomie fait partie du département EFPA (Ecologie des Forêts, Prairies et milieux
Aquatiques), créé le 1er mars 2004. Dans un contexte de changements globaux et dans la
perspective d’une gestion durable des ressources et milieux naturels, le département EFPA
conduit des recherches sur la biodiversité, la dynamique et le fonctionnement des écosystèmes
continentaux naturels. L’UREP étudie l'écologie fonctionnelle, la biodiversité et les cycles
biogéochimiques (carbone et azote) des prairies permanentes pâturées dans un contexte de
changement global. Les études visent à intégrer les connaissances sur les interactions plante-
plante, plante-sol et plante-herbivore. L'UREP étudie également les émissions de gaz à effet
de serre en prairie, de l'échelle locale à l'échelle de la parcelle.
2. Contexte de l’expérimentation
2.1. Changement global
2.1.1. Mécanisme de l’effet de serre
L’effet de serre est tout d’abord un phénomène naturel. Lorsque le rayonnement
solaire arrive sur Terre, une partie est directement réfléchie vers l'espace (30%), par les
nuages (20%), les diverses couches de l'atmosphère (6%), et la surface de la terre (4%), (Cf.
Figure 1). Le reste est absorbé par le sol, les océans et l’atmosphère, puis finalement réémis
vers l'espace sous forme de rayonnement infrarouge. Cependant, une grande partie de ce
rayonnement infrarouge est interceptée par des gaz absorbants présents naturellement dans
l’atmosphère. Ils en récupèrent l'énergie et chauffent. Tout comme la surface de la terre, ils
vont dissiper cette énergie en émettant eux aussi des infrarouges, dont une partie retourne vers
le sol, le chauffant donc une deuxième fois après que le soleil l'ait fait une première. Cette
interception de chaleur conduit donc ces gaz à effet de serre, puis l'atmosphère basse (la
troposphère), puis la surface de la Terre, à être plus chauds que si le rayonnement infrarouge
passait à travers l'atmosphère sans être intercepté. Le système finit toujours par s'équilibrer,
mais avec une température de surface supérieure à celle qu'il y aurait si ces gaz n'étaient pas
là. L’énergie « piégée » par l’effet de serre naturel conduit à une élévation de la température
en surface, essentielle au maintien et au développement de la vie. Sans cet effet de serre, la
Terre aurait une température moyenne de -18°C au lieu de 15°C.
2.1.2. Gaz à effet de serre
Les deux principaux gaz naturels responsables de l’effet de serre sont présents depuis
très longtemps dans l’atmosphère. La vapeur d'eau est le gaz le plus important. Ensuite
viennent le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d'azote (N2O) et
l'ozone (O3). Bien que la plupart des gaz à effet de serre soient d'origine naturelle, certains
sont uniquement dus à l'activité humaine (Cf. Figure 2) ou bien voient leur concentration dans
l'atmosphère augmenter en raison de cette activité.
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Les gaz à effet de serre n’ayant pas la même structure moléculaire, ils n’ont pas le
même pouvoir de réchauffement de l’atmosphère. Il a été défini pour chaque gaz un RPG
(Pouvoir de Réchauffement Global) qui permet de les comparer entre eux (Cf. Tableau 1). Il
est calculé en fonction de deux paramètres : l’un est la quantité d’énergie qu’il peut
intercepter et l’autre est sa durée de résidence dans l’atmosphère.
Depuis le début de l’ère industrielle les émissions de dioxyde de carbone et de
méthane ont explosées. L’apport de CO2 en 200 ans a atteint le même ordre de grandeur que
sa variation naturelle au cours des derniers 20 000 ans. La concentration actuelle n’a jamais
été atteinte durant les derniers 400 000 ans (Cf. Figure 3). La modification de l’atmosphère
qui en résulte conduit à un effet de serre additionnel, se traduisant par un réchauffement
global et, au-delà, par une modification du système climatique de la planète.
2.1.3. Scénarios et modèles climatiques
Le GIEC
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a édité un rapport en 2001 et 2007 décrivant quarante scénarios regroupés
en quatre grandes familles. Chaque famille, désignée par un sigle (A1, A2, B1, B2), est
supposée correspondre à un projet de société particulier, et les hypothèses de base, portant sur
la population, les pratiques agricoles, l'évolution des techniques, servent ensuite à modéliser
une consommation d'énergie et une consommation agricole qui sont ensuite converties en
émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre de l’expérimentation décrite dans la suite du
texte, le scénario A2 a été choisi comme référence. Il correspond aux hypothèses suivantes :
- le monde évolue de manière très hétérogène ;
- la population mondiale atteint 15 milliards d'individus en 2100, sans cesser de croître ;
- la croissance économique et la pénétration de nouvelles technologies énergétiquement
efficaces sont très variables selon les régions.
A la fin du siècle, les modèles prévoient des concentrations atmosphériques en CO2
situées entre 540 et 970ppm, qu’il faut comparer avec une concentration avant la révolution
industrielle de 280ppm et avec une concentration actuelle d’environ 380ppm. L’accroissement
moyen de la température de surface est estimé entre 1,5 et 6°C de 1990 à 2100.
Une comparaison des scénarios les plus récents d’évolution de la pluviométrie
saisonnière dans trente deux régions du monde faite par le GIEC montre une tendance à
l’augmentation pour l’Europe du Nord (0 à +3% par décennie) au printemps, à l’automne et
en hiver. En revanche pour les zones Europe du Sud et Afrique du Nord, les modèles
prédisent une réduction de la pluviométrie estivale (de -0,2 à -6% par décennie), qui pourrait
également intervenir en Europe du Nord (de -1,8 à +0,8% par décennie).
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Le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) est une organisation qui a été mise
en place en 1988. Son appellation anglaise est IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change. Le rôle du
GIEC est « d'expertiser l'information scientifique, technique et socio-économique qui concerne le risque de
changement climatique provoqué par l'homme ».
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Les conclusions du GIEC concernant les tendances observées et prévues pour
différents évènements climatiques extrêmes avaient été classés en 2001 selon leur niveau de
probabilité, et le rapport de 2007 n’a pas changé le diagnostic. On retiendra parmi les
conclusions très probables (à plus de 95%) :
- une augmentation des températures maximales et de la fréquence des jours chauds,
- une augmentation des températures minimales et une diminution de la fréquence des
jours froids (ou encore des gelées).
Dans ce contexte de changement global, les écosystèmes terrestres et notamment les
prairies peuvent jouer un rôle majeur dans l’évolution de la concentration atmosphérique en
gaz à effet de serre en ayant ou non la capacité de stocker du carbone dans les sols.
2.2. Rôle des prairies
2.2.1. Dans les chaînes de production végétale et animale
Les prairies sont le plus souvent des formations secondaires qui ne sont maintenues au
stade herbacé que par le pâturage et la fauche. L’existence même de la prairie dépend donc
d’activités d’élevage, importante au plan national puisque 60% des exploitations agricoles
professionnelles élèvent des herbivores. Les prairies sont donc le premier maillon de toute une
chaîne de productions, végétales et animales.
La révolution fourragère du XVIIIème siècle, remplacement de la jachère par la prairie
artificielle de gumineuses et par des plantes sarclées fourragères, fut suivie, au XIXème
siècle, par une extension de la prairie permanente. Cette extension, motivée au début par
l’exode rural et le manque de main d’œuvre, s’explique aussi aujourd’hui par le
développement de l’élevage devant l’augmentation de la demande de produits animaux.
Néanmoins, on constate une diminution de la surface des prairies permanentes depuis
une trentaine d’années, bien que la prairie reste quand même une formation végétale majeure.
En Europe, les prairies occupent 20% de la superficie du territoire (80 millions d’hectares).
Les prairies permanentes occupent 80% de cette superficie. En France la prairie occupe près
de 25% de la superficie du territoire national avec 8,1 millions d’ha de prairies permanentes et
3,2 millions d’ha de prairies semées (Cf. Figure 4). La gion Auvergne se place au 4ème rang
national pour l’élevage des bovins et au 5ème rang pour les ovins. Avec 80% du territoire
agricole voué à l’élevage d’herbivores, l’Auvergne est la plus grande prairie de France.
L’herbe y occupe plus de 1,2 millions d’hectares.
2.2.2. Dans l’effet de serre
La concentration atmosphérique des gaz à effet de serre (CO2, CH4 et N2O) a
augmenté au cours de ces dernières dizaines d’années en raison des activités humaines. Les
prairies, et surtout les prairies pâturées, sont des contributeurs majeurs des échanges
atmosphère-biosphère de ces trois gaz : le N2O, qui est émis par les sols ; le CO2, émis par les
sols, les herbivores et absorbé ou émis par la gétation ; le CH4, principalement produit par
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