Introduction Les interrogations sur l’influence possible des activités humaines sur le climat de la planète sont apparues dans les années 1970, en lien avec les observations sur l’augmentation de la concentration en dioxyde de carbone. En effet, comme l’a indiqué l’analyse de bulles d’air piégées dans les glaces polaires, la concentration actuelle en CO2 atmosphérique n’a jamais été aussi importante depuis 420 000 ans. Depuis 1750, cette concentration s’est accrue d’un tiers. Le 4ème rapport du Groupe international sur le changement climatique (GIEC), publié le 2 février 2007, a confirmé le changement du climat mondial et attesté du rôle très vraisemblable joué par les activités humaines dans celui-ci. Les milieux naturels et cultivés, avec leur rôle fondamental dans les cycles de l’azote et du carbone et dans les émissions de gaz à effet de serre (CO2, N2O et CH4) tiennent une place importante dans la maîtrise de l’évolution de l’effet de serre et donc du climat. En Europe, les écosystèmes terrestres gérés piègent environ 10% des émissions de CO2 (Janssens et al., 2003), mais ils émettent du CH4 (issu de la fermentation entérique des ruminants domestiques et des sols) et produisent du N2O (à partir des sols agricoles et des effluents d'élevage). On sait depuis une dizaine d'années que les forêts constituent un puits et les cultures une source de gaz à effet de serre. Le rôle des prairies est encore mal connu, mais elles constitueraient vraisemblablement en Europe un puits pour les gaz à effet de serre (Janssens et al., 2003, Soussana et al., 2007). De plus, la partie souterraine est encore mal étudiée, mais on sait que 80 à 90% du carbone de l’écosystème y est stocké. Le projet IMAGINE (Impacts du changement climatique sur la biodiversité et le cycle du carbone en prairie), mené par l’Unité de Recherche sur l’Ecosystème Prairial de l’Inra de Clermont-Ferrand, a pour but de tester expérimentalement les conséquences d’un scénario moyen de changement climatique sur une prairie permanente. Le dispositif expérimental utilisé est capable de recréer un scénario de changement climatique prévu pour 2050 : augmentation de la température annuelle moyenne de 3°C, diminution de la pluviométrie estivale de 20% et augmentation de la concentration en CO2 atmosphérique de 200ppm. Mon stage s’est intégré dans la thèse de Rémi PILON qui étudie la partie racinaire dans ce projet. J’ai pu suivre l’expérimentation pendant dix semaines avec comme mission principale le suivi des ingrowth cores, mis en place cette année. Il m’a été confié la tâche d’effectuer les prélèvements ainsi que les analyses chimiques et de morphologie des racines. Ceci afin de répondre à la problématique suivante : quel est l’impact du changement climatique, prévu d’ici la fin du siècle, sur la production racinaire d’une prairie permanente ? Dans un premier temps l’Inra et l’UREP seront brièvement présentés. Puis, l’expérimentation sera replacée dans son contexte, avec une explication du changement climatique, du rôle des prairies et des tendances qui ont déjà été observées quand à l’impact du changement climatique sur les prairies. Ensuite sera décrite toute la partie matériel et méthodes, avec le dispositif général, le principe des ingrowth cores et les mesures effectuées au laboratoire. Et enfin, les résultats obtenus seront exposés puis discutés, afin d’émettre des hypothèses et de tenter un début de réponse à cette problématique. 1 1. Présentation de l’Inra 1.1. Au niveau national 1.1.1. Un établissement public L’Inra (Institut national de la recherche agronomique) a été créé en 1946 dans le contexte de la reconstruction nationale d’après-guerre et du projet de modernisation de l'agriculture française. L’institut a accompagné depuis les mutations du monde agricole, des filières alimentaires et des territoires avec l’objectif de répondre aux attentes exprimées par la société, notamment celle de la suffisance alimentaire de la nation. Aujourd’hui, les défis scientifiques et sociétaux sont bien différents et ont une dimension mondiale : profondes évolutions de l'alimentation, érosion de la biodiversité, changement climatique, développement des maladies émergentes, progrès de la chimie verte. L’Inra a profondément renouvelé ses approches pour y répondre. C’est devenu le premier institut de recherche agronomique européen et le deuxième mondial. L’Inra mène maintenant des recherches finalisées pour une alimentation adaptée, pour un environnement préservé et pour une agriculture compétitive et durable. L’institut est présent sur vingt centres régionaux, y compris en outre-mer. Il développe de multiples collaborations et échanges avec la communauté scientifique internationale dans de nombreux pays. 1.1.2. Des axes de recherche L'Inra a défini sept axes stratégiques auxquels il attribue un budget chaque année : - gérer l'espace, préserver l'environnement et produire durablement ; améliorer la nutrition, répondre aux attentes des consommateurs, contribuer à leur santé ; diversifier les produits et leurs usages, améliorer leur compétitivité ; développer les stratégies génériques pour la connaissance du vivant et la transformation des produits ; adapter les espèces et les pratiques à des contextes changeants ; aider la décision des agents économiques, favoriser l'emploi ; informer le citoyen et éclairer la décision publique. Les recherches s’articulent autour de différentes thématiques réparties au sein de quatorze départements scientifiques. 1.2. Au niveau régional : le centre Inra de Clermont-Ferrand-Theix 1.2.1. Un regroupement important Ce centre régional, parmi les vingt et un que compte l'Inra, est le plus important après celui de Paris-Versailles. Avec 9% de l'effectif total de l'Inra, ce centre représente 40% de la recherche publique en Auvergne. 2 1.2.2. L’Unité de Recherche sur l’Ecosystème Prairial (UREP) L’Unité de Recherche sur l’Ecosystème Prairial (UREP), anciennement Unité d’Agronomie fait partie du département EFPA (Ecologie des Forêts, Prairies et milieux Aquatiques), créé le 1er mars 2004. Dans un contexte de changements globaux et dans la perspective d’une gestion durable des ressources et milieux naturels, le département EFPA conduit des recherches sur la biodiversité, la dynamique et le fonctionnement des écosystèmes continentaux naturels. L’UREP étudie l'écologie fonctionnelle, la biodiversité et les cycles biogéochimiques (carbone et azote) des prairies permanentes pâturées dans un contexte de changement global. Les études visent à intégrer les connaissances sur les interactions planteplante, plante-sol et plante-herbivore. L'UREP étudie également les émissions de gaz à effet de serre en prairie, de l'échelle locale à l'échelle de la parcelle. 2. Contexte de l’expérimentation 2.1. Changement global 2.1.1. Mécanisme de l’effet de serre L’effet de serre est tout d’abord un phénomène naturel. Lorsque le rayonnement solaire arrive sur Terre, une partie est directement réfléchie vers l'espace (30%), par les nuages (20%), les diverses couches de l'atmosphère (6%), et la surface de la terre (4%), (Cf. Figure 1). Le reste est absorbé par le sol, les océans et l’atmosphère, puis finalement réémis vers l'espace sous forme de rayonnement infrarouge. Cependant, une grande partie de ce rayonnement infrarouge est interceptée par des gaz absorbants présents naturellement dans l’atmosphère. Ils en récupèrent l'énergie et chauffent. Tout comme la surface de la terre, ils vont dissiper cette énergie en émettant eux aussi des infrarouges, dont une partie retourne vers le sol, le chauffant donc une deuxième fois après que le soleil l'ait fait une première. Cette interception de chaleur conduit donc ces gaz à effet de serre, puis l'atmosphère basse (la troposphère), puis la surface de la Terre, à être plus chauds que si le rayonnement infrarouge passait à travers l'atmosphère sans être intercepté. Le système finit toujours par s'équilibrer, mais avec une température de surface supérieure à celle qu'il y aurait si ces gaz n'étaient pas là. L’énergie « piégée » par l’effet de serre naturel conduit à une élévation de la température en surface, essentielle au maintien et au développement de la vie. Sans cet effet de serre, la Terre aurait une température moyenne de -18°C au lieu de 15°C. 2.1.2. Gaz à effet de serre Les deux principaux gaz naturels responsables de l’effet de serre sont présents depuis très longtemps dans l’atmosphère. La vapeur d'eau est le gaz le plus important. Ensuite viennent le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d'azote (N2O) et l'ozone (O3). Bien que la plupart des gaz à effet de serre soient d'origine naturelle, certains sont uniquement dus à l'activité humaine (Cf. Figure 2) ou bien voient leur concentration dans l'atmosphère augmenter en raison de cette activité. 3 Les gaz à effet de serre n’ayant pas la même structure moléculaire, ils n’ont pas le même pouvoir de réchauffement de l’atmosphère. Il a été défini pour chaque gaz un RPG (Pouvoir de Réchauffement Global) qui permet de les comparer entre eux (Cf. Tableau 1). Il est calculé en fonction de deux paramètres : l’un est la quantité d’énergie qu’il peut intercepter et l’autre est sa durée de résidence dans l’atmosphère. Depuis le début de l’ère industrielle les émissions de dioxyde de carbone et de méthane ont explosées. L’apport de CO2 en 200 ans a atteint le même ordre de grandeur que sa variation naturelle au cours des derniers 20 000 ans. La concentration actuelle n’a jamais été atteinte durant les derniers 400 000 ans (Cf. Figure 3). La modification de l’atmosphère qui en résulte conduit à un effet de serre additionnel, se traduisant par un réchauffement global et, au-delà, par une modification du système climatique de la planète. 2.1.3. Scénarios et modèles climatiques Le GIEC1 a édité un rapport en 2001 et 2007 décrivant quarante scénarios regroupés en quatre grandes familles. Chaque famille, désignée par un sigle (A1, A2, B1, B2), est supposée correspondre à un projet de société particulier, et les hypothèses de base, portant sur la population, les pratiques agricoles, l'évolution des techniques, servent ensuite à modéliser une consommation d'énergie et une consommation agricole qui sont ensuite converties en émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre de l’expérimentation décrite dans la suite du texte, le scénario A2 a été choisi comme référence. Il correspond aux hypothèses suivantes : - le monde évolue de manière très hétérogène ; la population mondiale atteint 15 milliards d'individus en 2100, sans cesser de croître ; la croissance économique et la pénétration de nouvelles technologies énergétiquement efficaces sont très variables selon les régions. A la fin du siècle, les modèles prévoient des concentrations atmosphériques en CO2 situées entre 540 et 970ppm, qu’il faut comparer avec une concentration avant la révolution industrielle de 280ppm et avec une concentration actuelle d’environ 380ppm. L’accroissement moyen de la température de surface est estimé entre 1,5 et 6°C de 1990 à 2100. Une comparaison des scénarios les plus récents d’évolution de la pluviométrie saisonnière dans trente deux régions du monde faite par le GIEC montre une tendance à l’augmentation pour l’Europe du Nord (0 à +3% par décennie) au printemps, à l’automne et en hiver. En revanche pour les zones Europe du Sud et Afrique du Nord, les modèles prédisent une réduction de la pluviométrie estivale (de -0,2 à -6% par décennie), qui pourrait également intervenir en Europe du Nord (de -1,8 à +0,8% par décennie). 1 Le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) est une organisation qui a été mise en place en 1988. Son appellation anglaise est IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change. Le rôle du GIEC est « d'expertiser l'information scientifique, technique et socio-économique qui concerne le risque de changement climatique provoqué par l'homme ». 4 Les conclusions du GIEC concernant les tendances observées et prévues pour différents évènements climatiques extrêmes avaient été classés en 2001 selon leur niveau de probabilité, et le rapport de 2007 n’a pas changé le diagnostic. On retiendra parmi les conclusions très probables (à plus de 95%) : - une augmentation des températures maximales et de la fréquence des jours chauds, - une augmentation des températures minimales et une diminution de la fréquence des jours froids (ou encore des gelées). Dans ce contexte de changement global, les écosystèmes terrestres et notamment les prairies peuvent jouer un rôle majeur dans l’évolution de la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre en ayant ou non la capacité de stocker du carbone dans les sols. 2.2. Rôle des prairies 2.2.1. Dans les chaînes de production végétale et animale Les prairies sont le plus souvent des formations secondaires qui ne sont maintenues au stade herbacé que par le pâturage et la fauche. L’existence même de la prairie dépend donc d’activités d’élevage, importante au plan national puisque 60% des exploitations agricoles professionnelles élèvent des herbivores. Les prairies sont donc le premier maillon de toute une chaîne de productions, végétales et animales. La révolution fourragère du XVIIIème siècle, remplacement de la jachère par la prairie artificielle de légumineuses et par des plantes sarclées fourragères, fut suivie, au XIX ème siècle, par une extension de la prairie permanente. Cette extension, motivée au début par l’exode rural et le manque de main d’œuvre, s’explique aussi aujourd’hui par le développement de l’élevage devant l’augmentation de la demande de produits animaux. Néanmoins, on constate une diminution de la surface des prairies permanentes depuis une trentaine d’années, bien que la prairie reste quand même une formation végétale majeure. En Europe, les prairies occupent 20% de la superficie du territoire (80 millions d’hectares). Les prairies permanentes occupent 80% de cette superficie. En France la prairie occupe près de 25% de la superficie du territoire national avec 8,1 millions d’ha de prairies permanentes et 3,2 millions d’ha de prairies semées (Cf. Figure 4). La région Auvergne se place au 4ème rang national pour l’élevage des bovins et au 5ème rang pour les ovins. Avec 80% du territoire agricole voué à l’élevage d’herbivores, l’Auvergne est la plus grande prairie de France. L’herbe y occupe plus de 1,2 millions d’hectares. 2.2.2. Dans l’effet de serre La concentration atmosphérique des gaz à effet de serre (CO2, CH4 et N2O) a augmenté au cours de ces dernières dizaines d’années en raison des activités humaines. Les prairies, et surtout les prairies pâturées, sont des contributeurs majeurs des échanges atmosphère-biosphère de ces trois gaz : le N2O, qui est émis par les sols ; le CO2, émis par les sols, les herbivores et absorbé ou émis par la végétation ; le CH4, principalement produit par 5 les ruminants, mais pouvant être émis par les microorganismes du sol (Cf. Figure 5). L’amplitude de ces flux dépend de nombreux facteurs, qu’ils soient liés au climat, au sol, à la végétation, à la gestion, ou à l’environnement global. Une étude de dix sites européens a permis de comparer les flux nets de CO2, CH4 et N2O de prairies fauchées ou pâturées. Les prairies étudiées représentaient un puits important pour le CO2 atmosphérique et constituaient de plus un puits net pour les GES. Le mode de gestion des prairies a un impact important sur la taille du puits de carbone ; celle-ci diminue avec le taux d’utilisation de la productivité primaire aérienne par la fauche et le pâturage (Sousssana et al., 2007). La fertilisation azotée augmente les émissions de N2O, par l’apport de substrats aux voies microbiennes de nitrification (NH4+) et de dénitrification (NO3-). Les fertilisants organiques contiennent du carbone facilement minéralisable qui stimulent l’activité microbienne et donc les émissions de N2O (Jones et al., 2007). Enfin, les émissions de CH4 des ruminants au pâturage dépendent du chargement animal, du type d’animal, de leur poids vif, de leur activité métabolique (production laitière ou entretien) et de la teneur en fibres de la matière organique ingérée. Comme les modèles le prédisent, l’augmentation de la concentration en gaz à effet de serre devrait entraîner une élévation de la température moyenne à la surface de la Terre de plusieurs degrés. Les années 2003 et 2005 ont rappelé la sensibilité des systèmes fourragers au déficit hydrique estival et à la canicule. En 2003, la production fourragère a été réduite de 30% en moyenne en France, et les stocks de foin et d’ensilage constitués pour l’hiver ont partiellement été utilisés durant l’été. De tels évènements climatiques, considérés aujourd’hui comme exceptionnels, pourraient à la fin du siècle se reproduire une année sur deux ou trois. 2.3. Importance de la partie souterraine des prairies 2.3.1. Rôle du sol Le sol sert à la fois de support et de milieu nutritif pour les plantes. C’est un monde très complexe, le plus actif et le plus peuplé qu’il soit. Des multitudes de populations y prolifèrent. Elles sont souvent constituées d’individus infimes, très spécialistes et dont les densités atteignent des chiffres considérables (un hectare de sol forestier contient plus d’organismes vivants qu’il n’y a d’être humains sur Terre). Le système sol se place à la charnière des grands cycles biogéochimiques de la planète, en particulier ceux du carbone et de l’azote. Le cycle de l’azote passe par la dégradation des diverses structures protéiques provenant des être vivants. Cette dégradation aboutit à l’azote gazeux, réémis vers l’atmosphère et à l’azote minéral (NH4+ et NO3-), qui constitue pour la plupart des végétaux, la seule source d’azote assimilable. En ce qui concerne le cycle du carbone, il est réalisé entre autre par la photosynthèse et la respiration des êtres vivants. Les sols dans le monde représentent le deuxième plus gros réservoir de carbone de la planète après les océans (38000 Gt C) avec des estimations allant de 1000 à 3000 Giga tonne de carbone. La principale source d’entrée du carbone dans le sol des prairies permanentes sont les litières végétales et plus précisément les racines. En effet, dans les écosystèmes prairiaux, 60% à 90% de la production primaire est racinaire (Arnone et al 2000) et la biomasse racinaire est deux à trente fois supérieure à la phytomasse aérienne (Sims et sigh 1978). 6 2.3.2. Rôle des racines Outre l’importance des racines dans le stockage en carbone du sol, elles ont un rôle majeur dans le développement de la plante : - elles ont un rôle d’ancrage pour fixer la plante dans le sol qui est son principal substrat ; - elles assurent l’absorption des minéraux et de l’eau ; - elles captent certains éléments minéraux en symbiose avec des micro-organismes (mycorhizes, bactéries dans des nodosités) ; - elles assurent le transport de ces ressources aux parties supérieures de la plante via les vaisseaux conducteurs xylémiens ; - elles « relarguent » du carbone et d’autres nutriments dans le sol par exudation ou desquamation (déchets racinaires) lors de leur croissance ou par décomposition des tissus quand elles meurent. Moins de 1% des études sur l’écosystème prairial en 2008 au niveau mondial (ISI Web of Knowledge, 2009) a porté sur les racines dans un contexte de changement climatique (Cf. Figure 6). De plus, la plupart des expérimentations menées depuis ces dernières années se sont portées sur des modèles simples ou mono factoriels ne prenant en compte qu’une espèce ou qu’un facteur du changement climatique (sécheresse, température, CO2…). Seuls les travaux de Arnone et al 2000, Milchunas et al 2005, Wan et al 2007, tentent de répondre aux différentes questions portant sur le rôle des racines en prairie dans un contexte de changement global. 2.3.2. Rôle des rhizomes Les rhizomes sont des tiges souterraines, il existe deux types de rhizomes : l’un à un rôle de réserve et l’autre un rôle de colonisation. Ce qui les différencie visuellement, est la distance entre les nœuds. Les rhizomes dit de réserve sont courts et les entre nœuds très serrés. C’est l’inverse pour les colonisateurs. Les rhizomes sont initiés en hiver et leur croissance apparaît tout au long de l’année. La colonisation est proportionnelle aux conditions du milieu. Plus un milieu est riche en nutriments et plus les espèces rhizomateuses vont tenter de le coloniser (communication personnelle Michel Lafarge). 2.4. Impact du changement global sur les écosystèmes prairiaux Plusieurs tendances ont été observées quant à l’impact du changement climatique sur les milieux naturels et agricoles, parmi lesquels : - l’augmentation de la croissance de certains végétaux, - la précocité de la floraison et des divers stades phénologiques chez certaines espèces, ainsi que l’avancée du calendrier des pratiques culturales annuelles, 7 - l’extension géographique de pathogènes et ravageurs des cultures. Au niveau de la prairie, des études ont été menées pour déterminer les effets d’un changement climatique, selon un ou plusieurs facteurs combinés. 2.4.1. Effets du réchauffement et de la pluviométrie Au niveau physiologique, toute augmentation de la température stimule l’ensemble des activités enzymatiques jusqu’à une température optimale, au-delà de laquelle, les activités diminuent rapidement pour cause d'inactivation des protéines. Ce phénomène affecte en particulier la photosynthèse (Drake et al., 1997). De plus, quand la température est élevée, la croissance végétative démarre plus tôt et la phénologie des plantes peut être accélérée. La température a également un effet direct sur le bilan hydrique des plantes, étant donné que la chaleur stimule l’évapotranspiration. Les conséquences d’un déficit hydrique sont une diminution de la photosynthèse liée à la fermeture des stomates et un changement d’allocation des ressources, avec une diminution de la croissance foliaire au profit de la croissance racinaire (Jones, 1992). La température et le bilan hydrique étant toujours en interaction dans les conditions naturelles, la plupart des études associent ces deux facteurs. La croissance des prairies en fin d’hiver et au printemps est fortement dépendante de la température. Une prairie de fétuque élevée peut avoir une vitesse de croissance qui varie de 55 à 155 kg de matière sèche par hectare et par jour pendant les mois de mars à avril, soit une variation de 1 à 36 selon les années. Cette variation de la croissance de matière sèche est directement liée aux variations de température. Cependant à la fin du mois d’avril, les températures ne sont plus un facteur limitant dans la production de matière sèche. En été, la production est surtout limitée par le déficit hydrique. C’est la quantité de rayonnement qui devient alors un facteur limitant. Ainsi un réchauffement climatique global aurait tendance à augmenter la production des prairies au printemps et à la diminuer en période estivale, augmentant ainsi l’irrégularité saisonnière de production. 2.4.2. Effets d’une augmentation de la concentration en CO2 L’effet d’un doublement de CO2 a été étudié sur une prairie du Massif Central, sans modification des autres conditions climatiques. L’effet du doublement de la concentration en CO2 sur la physiologie des plantes entraîne une augmentation du taux d'assimilation photosynthétique foliaire d'environ 30% pour les espèces en C3 (Drake et al., 1997). L’expérience à montré un accroissement de la production de matière sèche de la communauté de 15% en moyenne. Le doublement du CO2 entraîne une augmentation de la photosynthèse et de la fixation biologique de l’azote, via le développement accru des légumineuses. Les deux phénomènes favorisent la production de la prairie durant les premières années mais les effets à plus long terme sont encore incertains, car l’évolution du climat (température, pluviométrie) interfèrera avec l’augmentation du CO2 atmosphérique. Une modification de la constitution des plantes a été observée. Elles accumulent plus de sucres solubles. L’herbe a donc une plus grande valeur énergétique. Cependant, la teneur des plantes en matières azotées est diminuée. De plus, la part relative des graminées a tendance à baisser au profit des légumineuses et des autres dicotylédones non fixatrices (Teyssonneyre et al., 2002). Cette 8 évolution tend à rééquilibrer sur le long terme la baisse relative de la teneur en matières azotées des plantes car les légumineuses sont plus riches en matières azotées que les graminées. 2.4.3. Effet combiné de tous les facteurs Il existe des interactions entre tous les facteurs du changement climatique. La concentration en CO2 atmosphérique interagit avec le bilan hydrique des plantes. En concentration en CO2 atmosphérique élevée, le degré d'ouverture des stomates diminue de 20% en moyenne sans altérer le taux d'assimilation photosynthétique : cela permet une économie d’eau à l’échelle de la feuille (Casella et al., 1996). Une augmentation d’efficience d’utilisation de l’eau (quantité de matière sèche produite par volume d'eau consommé) en concentration en CO2 atmosphérique élevée a également été mise en évidence, et pourrait entraîner un accroissement de la productivité de l'écosystème. Le CO2 interagit également avec la température (Drake et al., 1996). La température optimale de la photosynthèse augmente de plusieurs degrés en CO2 élevé. Ainsi, l’augmentation du CO2 stimule la photosynthèse d’autant plus que les températures sont élevées. 3. Projet IMAGINE Le projet, qui a pour objectif d’étudier in situ les impacts des principales composantes du changement climatique sur des prairies extensives et des friches méditerranéennes, est mené sur deux sites contrastés : Montpellier, avec un climat méditerranéen, et Theix, moyenne montagne continentale. C’est le volet Clermont-Ferrand-Theix qui va être présenté. 3.1. Présentation Afin de disposer de références expérimentales concernant les impacts de scénarios climatiques prévus pour 2050, une expérience a été entreprise à l’Inra de Clermont-Ferrand, en 2005, sur prairie permanente. Le scénario climatique qui a été retenu correspond à la moyenne des prédictions pour le centre de la France dans le cas d’une augmentation rapide des émissions de gaz à effet de serre (scénario A2, GIEC) : réchauffement de 3°C, diminution de 20% de la pluviométrie estivale et augmentation de 200 ppm2 du CO2 atmosphérique. Le dispositif est l’un des seuls au monde (Duke Face aux Etats-Unis, Climaite au Danemark) à permettre de reproduire expérimentalement un scénario de changement climatique. Il constitue une innovation importante dans la mesure où la plupart des études antérieures avaient abordé séparément le rôle du CO2, de la température et de la pluviométrie. 3.2. Végétation initiale L’expérience consiste à recréer l’impact du changement climatique sur une prairie permanente de moyenne montagne. Dans le but de travailler sur des assemblages naturels 2 ppm : partie par million, 200ppm de CO2 signifie 200 molécules de CO2 par million de molécules d’air. 9 d'espèces, des monolithes3 ont été prélevés dans une prairie permanente de moyenne montagne du Massif Central. Cette prairie, située à Theix, a été gérée depuis quinze ans par un pâturage ovin léger sans fertilisation minérale ou organique. En octobre 2004, quatre vingt monolithes (50 x 50 x 40cm de profondeur) ont été extraits (Cf. Figure 7) et placés dans des boîtes en acier inoxydable (quatre côtés et un fond percé). Les monolithes ont été stockés sur la parcelle pendant l'hiver, de manière à pouvoir commencer l'expérience au printemps en évitant l'artefact lié à un prélèvement récent des monolithes. La composition botanique de chaque monolithe a été déterminée avant leur extraction (octobre 2004) et avant le début des traitements climatiques (avril 2004). 3.3. Plan expérimental Le plan expérimental retenu repose sur les prédictions du climat dans le Massif Central à l'horizon 2050, basées sur le scénario A2 (GIEC, 2001). Il prend en compte trois composantes du changement climatique : température, précipitations et concentration atmosphérique en CO2. Chacun de ces facteurs peut prendre deux valeurs (ambiant ou modifié) : - l’augmentation de température (+3°C) est obtenue par un gradient altitudinal de 500m en transportant les monolithes prélevés à Theix en plaine sur le site de Crouël à Clermont-Ferrand (Theix : 850m et Crouël : 350m), notée T ; - la réduction de la pluviométrie estivale (-20 %) est obtenue grâce au climat plus sec en été du site de plaine ; dans les autres traitements, une irrigation complémentaire permet de maintenir un apport d’eau égal aux précipitations du site de montagne. Quand la pluie est en excès par rapport à la pluviométrie cible ou lors du traitement estival, des écrans sont disposés au dessus des monolithes ; facteur noté D ; - l’enrichissement en CO2 (+200ppm) est obtenu par fumigation à l’air libre de CO2 dans des anneaux (Mini-FACE4) de 1m50 de diamètre. Noté CO2; - le témoin correspond à des monolithes mis en place à côté de l’endroit où ils ont été prélevés, à Theix, noté C. Les quatre traitements climatiques sont construits en ajoutant les facteurs de la manière suivante : C, T, TD, TDCO2, (Cf. Figure 8). Si l'on voulait pouvoir tester toutes les interactions entre ces facteurs, il faudrait mettre en place huit traitements différents (CO2, TCO2, DCO2, TDCO2, C, T, D, TD comme Mikkelsen et al., 2008) : cela pose un problème de coût important. De plus, certaines 3 Monolithe : bloc cohérent de terre et de végétation. Le dispositif Mini-FACE (Free Air Carbon dioxide Enrichment) permet de réaliser une fumigation contrôlée en CO2 d’un écosystème. La fumigation consiste à injecter de l’air fortement enrichi en gaz carbonique dans un anneau creux placée autour d’une parcelle expérimentale. Cette fumigation est contrôlée en fonction de la concentration en CO2 mesurée au centre de l’anneau et de la vitesse du vent. 4 10 combinaisons sont incohérentes par rapport aux prédictions du climat futur. C'est pourquoi le choix d'un dispositif additif s'est révélé le plus adapté. Il ne nécessite la mise en place que de quatre traitements favorisant ainsi à même budget le nombre de répétitions (n=5). Le premier traitement correspond à la situation actuelle en moyenne montagne tandis que le quatrième correspond aux conditions attendues en 2050 pour ce même milieu. Par différence entre chaque traitement, nous pouvons étudier l'effet de chaque composante du changement climatique. Par contre, il n'est pas possible de déterminer les interactions entre les facteurs. Les unités expérimentales (Cf. Figure 9), nommées anneaux dans la suite du texte, contiennent quatre monolithes et sont répétées cinq fois par traitement. Trois monolithes sont constitués d’herbacées et le quatrième est en sol « nu » où la partie aérienne a été supprimée pendant les prélèvements. Dans le cadre de mon stage, un seul monolithe herbacé est utilisé. Ainsi cinq anneaux sont situés à Theix et servent de contrôle (C) et quinze anneaux ont été disposés à Crouël pour obtenir une différence de +3°C grâce au gradient d’altitude. Parmi ces quinze anneaux, cinq ne subissent que l’effet température produit par le gradient altitudinal (T), cinq autres subissent l’effet température et sécheresse estivale grâce à des écrans de pluie captant 20% des précipitations en été (TD), et enfin cinq autres ont ces deux traitements plus un ajout de 200ppm de CO2 grâce aux anneaux d’enrichissement (TDCO2). Pour recréer l’effet du pâturage, une coupe est effectuée deux fois par an, en avril et en octobre, à 6cm du sol. Remarque : Avant la mise en place des monolithes, du sol de la prairie initiale de Theix (sol brun limono-sableux) a été déposé en profondeur, pour que les conditions de l’expérimentation soient les mêmes sur les deux sites. De plus, des anneaux sont disposés autour de chaque unité, y compris celles ne subissant pas le traitement « enrichissement en CO2 » de manière à s’affranchir d’un éventuel effet anneau. Sur le dispositif, des études sont menées en parallèle sur la partie aérienne et sur la partie sous-terraine. Dans le cadre de mon stage, c’est la partie « racines » qui nous intéressera plus particulièrement. 4. Etude de la croissance racinaire Il existe plusieurs techniques pour étudier la croissance des racines. Chacune ont leurs avantages et leurs inconvénients. Certaines sont non destructives comme le minirhizotron qui permet d’observer les racines in situ grâce à un tube transparent installé dans le sol. A intervalles de temps réguliers une caméra est introduite dans le tube pour filmer ou prendre des photos numériques selon les besoins. Les images sont ensuite analysées par un logiciel. Cette technique permet d’observer la démographie racinaire entre deux dates de prise d’images : croissance, mortalité et production, longévité des racines. Il existe aussi des techniques destructives, c’est le cas des ingrowth cores. Sur le dispositif expérimental, ces deux techniques sont utilisées. Un minirhizotron est installé sur chaque monolithe et un ingrowth core par anneau a été mis en place. Mon stage a été consacré uniquement aux manipulations autour des ingrowth cores. 11 4.1. Technique des ingrowth cores 4.1.1. Principe La technique (Dahlman & Kucera, 1965) consiste à effectuer des prélèvements successifs d’un même volume de sol, toujours au même endroit, et à intervalles de temps réguliers. Après chaque prélèvement, le trou laissé est rebouché avec un sol tamisé, de même origine et ne contenant aucune racine. Il est alors possible de quantifier la croissance racinaire de prélèvements en prélèvements ainsi que d’effectuer des analyses morphologiques et chimiques sur les racines récupérées. Par ailleurs, le premier prélèvement permet d’avoir « une image » du monolithe à un moment donné. Dans le cas de l’expérimentation, les premières carottes ont subit quatre années d’application des traitements. 4.1.2. Mise en place Un premier prélèvement P0 a été effectué le 16 mars 2009, à l’aide d’une carotteuse cylindrique de 15cm de long et 8cm de diamètre, sur le monolithe de chaque anneau dédié aux ingrowth cores. Un filet à mailles larges (8mm), permettant de laisser passer les racines, a ensuite été mis en place au fond du trou de manière à faciliter les prélèvements suivants qui seront effectués toujours à cet endroit. Le sol utilisé pour reboucher les trous provient de la prairie de Theix. Il a été tamisé une première fois à 5mm de manière à enlever le maximum de racines (environ 60%), puis une seconde fois après avoir laissé le tas de terre se minéraliser pendant un an pour qu’il ne reste plus aucune racine. Le sol est stocké à Crouël, à l’abri de la lumière et des intempéries. 4.1.3. Protocole Pour tous les prélèvements à partir de P1, le filet est retiré, mis dans un sachet en papier étiqueté du numéro de l’échantillon, du numéro du monolithe et du traitement, puis mis au frais jusqu’au démarrage des analyses, le lendemain (Cf. Figure 10). Au même moment, un filet vide est mis en place autour d’un tube du même diamètre que la carotte et d’une hauteur d’environ 50cm. Le tube, entouré du filet, est déposé au fond du trou. Un volume de sol connu, 650cm3, y est versé puis tassé de manière homogène (Cf. Figure 11). Enfin le tube est retiré du trou. Le filet, rempli de sol sans racine, a ainsi pu prendre la forme de la carotte. Les prélèvements sont espacés de cinq semaines. Au cours de mon stage j’ai pu effectuer deux prélèvements, P1 et P2, leur analyse ainsi que celles du prélèvement initial P0. Il est prévu de faire durer l’expérience un an, avec une dizaine de prélèvements. 4.2. Analyse des carottes Une fois que les prélèvements ont été effectués, soit vingt carottes par date, des analyses sont réalisées d’une part sur les racines et les rhizomes et d’autre part sur le sol. 12 4.2.1. Préparation du sol et des racines Une partie du sol de chaque carotte est tamisée à 2mm (Cf. Figure 12) puis conservée dans des sachets hermétiques étiquetés. Le reste de la carotte est placé dans un seau et brassé avec un jet d’eau de manière à séparer les racines du sol restant. Une fois plein, le seau est vidé délicatement sur un tamis de 1mm. Le sol, plus lourd que les racines reste au fond du seau tandis que les racines qui surnagent sont entraînées avec l’eau et retenues par le tamis. Quand la totalité de l’eau a été vidée, le sol resté au fond du seau est de nouveau brassé pour récupérer les racines encore présentes. L’eau dans laquelle les racines surnagent est de nouveau versée sur le tamis. L’opération est répétée jusqu’à ce que le sol ne contienne plus aucune racine. Quand la totalité des racines (Cf. Figure 13) a été récupérée, elles sont lavées puis déposées dans des barquettes remplies d’eau. Là elles sont triées pour enlever les collets (jonction entre aérien et souterrain) et les parties aériennes tombés lors du prélèvement. Les rhizomes sont séparés pour être analysés à part. 4.2.2. Analyse des racines et des rhizomes - Notions de traits biologiques En écologie, le fonctionnement des espèces et celui des communautés végétales peuvent être traduits par des caractéristiques biologiques. Selon Diaz et al. (1999), on peut considérer que les traits biologiques sont des « ponts » entre la physiologie des plantes et les processus des communautés et des écosystèmes. Plusieurs traits morphologiques racinaires sont généralement étudiés tels que la masse, la surface ou la longueur totale de racines par unité de surface du sol. Les plus intéressants sont la SRL (longueur spécifique racinaire), la densité des tissus et le diamètre des racines. La SRL est la longueur racinaire par unité de masse de racine et traduit le pouvoir d’acquisition des nutriments par la plante (Ryser, 2006). La densité nous informe, quant à elle sur la qualité des tissus, donc sur leur capacité à se dégrader mais aussi sur la conductivité en eau des tissus (Wahl & Ryser, 2000 ; Hummel et al 2007). Enfin le diamètre est lié à la compacité du sol, à la sécheresse notamment, ce trait est donc très variable selon les conditions de milieu et du type de racines. - Détermination de la biomasse Quand les racines sont lavées et triées, un sous échantillon est mis à part pour étudier la morphologie. Le reste est mis à l’étuve à 60°C. 48h plus tard les racines sèches sont pesées. Après avoir fait la morphologie, les sous échantillons sont aussi mis à l’étuve et pesés deux jours plus tard. La masse sèche totale par carotte est ainsi obtenue et notée sur une feuille de calcul Excel. 13 - Analyse de la morphologie Les racines de graminées, majoritaires en prairie permanente (80% de phytomasse, communication personnelle Pascal Carrere), sont fines et donc difficiles à observer. Une analyse de leur morphologie peut apporter des informations sur leurs surfaces de contact avec le sol, leur capacité d’absorption ou encore leur potentialité à se décomposer. Préparation de l’échantillon d’après le protocole Revaillot et al. (2005) A partir des prélèvements de carottes de sol, un sous échantillon de racines lavées, choisi à l’œil de manière à ce qu’il soit le plus représentatif possible de l’échantillon initial, est placé dans une barquette en plastique contenant un fond de solution de bleu de méthylène (1%), puis mis en chambre froide pendant 24h. Ensuite, dans un bac en plastique, les racines sont disposées sur une toile à bluter (30µm) humide, écartées délicatement les unes des autres pour ne pas qu’elles se chevauchent (Cf. Figure 14). Une fois l’opération terminée, la toile est retirée du bac. Les racines humides et bien étalées restent parfaitement en place. La toile est déposée sur un tissu absorbant, face racines vers le haut. Une feuille transparente (type rétroprojection) est alors posée sur les racines. Le tout est retourné, face transparent et racines vers le bas, et la toile est essuyée avec un tissu absorbant pour sécher les racines, puis retirée. Les racines sont prêtes pour être scannées, sèches et bien écartées sur le transparent. Pour chaque carotte, deux échantillons de racines sont scannés (Moy1 et Moy2). Numérisation Le scanner utilisé, EPSON TWAIN PRO (32bit), est équipé d’un capot lumineux permettant à la lumière de traverser les objets. Le contraste obtenu est beaucoup plus fort qu’avec un capot classique et aucune ombre portée n’apparaît. L’acquisition des images est réalisée par l’intermédiaire du logiciel Adobe Photoshop, à partir duquel le scanner est paramétré. Chaque image obtenue est nommée avec le numéro du prélèvement (P0,P1…) suivi du numéro de l’échantillon (1,2,3…) et du numéro du sous-sous échantillon scanné (Moy1 ou Moy2). Traitement des images Les images obtenues sont analysées avec le logiciel commercial WinRhizo (Cf. Figure 15). Le principe d’analyse repose sur les niveaux de gris des pixels de l’image scannée. Le logiciel détermine de nombreuses mesures biométriques racinaires dont la longueur et le diamètre qui nous intéressent le plus. Pour calculer la longueur des racines, le logiciel utilise la formule suivante : L = nombre de pixels alignés sur la racine taille d’un pixel (pour une résolution de 400 dpi, 1 pixel = 62,5 μm). Le diamètre moyen des racines est estimé grâce à une formule de trigonométrie, avec l’hypothèse que les racines sont circulaires : Diam moy = Surface totale projetée/Longueur totale (sachant que Stot projetée = nb pixels sur racine surface d’un pixel). 14 Deux méthodes d’analyse donnant des résultats rapides sont utilisées : - la méthode automatique permet de récupérer les diamètres, car les racines les plus fines ne sont pas prises en compte donc la longueur est biaisée ; - la méthode « very pale » détecte toutes les racines, les valeurs des longueurs sont justes mais celles des diamètres sont imprécises. Les deux méthodes sont donc utilisées en complémentarité. Cependant, le logiciel peut faire des erreurs d’interprétation à cause de bulles d’eau, de poussières ou encore de rayures sur le transparent. Avant de lancer l’analyse il est nécessaire de créer des zones d’exclusion qui ne seront pas prises en compte. Ensuite, les valeurs calculées par le logiciel sont enregistrées dans un fichier qui peut être ouvert avec un tableur. Pesée des échantillons scannés Le logiciel fournit des données sur la longueur et le diamètre. Il calcule également le volume. Pour avoir la densité et la SRL, il faut connaître la masse sèche des échantillons (Moy1 et Moy2). Elle est déterminée après un passage à l’étuve pendant 48h à 60°C. - Détermination de la teneur en carbone et en azote totaux Préparation des échantillons Les échantillons à analyser sont broyés de manière à éviter les problèmes de représentativité de la prise d’essai, étant donné les faibles masses analysées. Les racines sont broyées à 1mm au cyclotech, un broyeur à hélice (pour le Near Infra-Red Spectroscopy, non montré dans ce rapport) puis au petit broyeur à billes, et les rhizomes sont directement broyés au petit broyeur à billes. Ensuite, 5mg sont pesés précisément. La masse exacte est notée. L’échantillon est mis dans une capsule en étain qui est déposée dans une boîte avec des emplacements numérotés. Une fois que tous les échantillons ont été pesés et numéroté, ils sont mis en place dans l’ordre dans l’analyseur CNS. Le numéro des échantillons et la masse sont entrés dans l’ordinateur. Principe de l’analyseur L’échantillon placé dans une capsule d’étain passe dans une chambre à combustion, chauffée à 1000°C avec un apport d’oxygène ce qui provoque une combustion totale. Les gaz formés sont entraînés par un courant d’hélium vers un chromatographe en phase gazeuse, qui peut quantifier les teneurs respectives en C et N, après une calibration appropriée avec des échantillons de composition connue en C et N (étalon de ray-grass ou trêfle dans notre cas). 4.2.3. Analyse du sol Pour chaque prélèvement, environ 100g de sol frais de chaque carotte sont tamisés à 2mm puis stockés dans des sachets en plastique numérotés. 15 - Détermination de la teneur en eau La détermination de la teneur en eau du sol permet de connaître un des composant abiotiques affectant la croissance des racines. Avant de peser le sol dont la teneur en eau va être déterminée, la masse de la barquette (Tare, T) dans laquelle sera déposé le sol est notée puis la balance est tarée. Ensuite 5g de sol environ sont pesés précisément. La masse exacte (MF) est notée. Les échantillons sont ensuite mis à l’étuve à 60°C pendant 48h puis pesés. La masse sèche plus la tare (MS+T) est notée. La teneur en eau (TE) peut ensuite être déterminée de la manière suivante : TE = 1 – MS/MF. - Extraction de l’azote minéral La détermination de la teneur en azote minéral, ammoniacal (NH4+) et nitrique (NO3-), s’effectue sur des échantillons fraichement prélevés, et conservés au froid pour éviter la minéralisation de l’azote organique. Ces ions présents dans le sol sont directement utilisables par les plantes. Les ions nitrates (NO3-), très solubles dans l’eau, ne nécessitent pas de réactif particulier pour leur extraction. Cependant, les ions ammonium (NH4+), susceptibles de se fixer sur les sites négatifs des sols, doivent être échangés avec d’autres cations pour passer en solution. On utilise pour cela du chlorure de potassium (KCl). Préparation de la solution de chlorure de potassium Tout d’abord, 74g de KCl en poudre sont introduits dans une fiole jaugée de 1L complétée au trait de jauge avec de l’eau ultra pure. Le tout est agité jusqu’à la dissolution complète du KCl, pendant environ 10mn puis versé dans une bouteille en verre sur laquelle une pipette de distribution peut être vissée. Déroulement de l’extraction Pour les vingt carottes des trois dates (P0, P1, P2) et pour le sol ajouté dans les ingrowth core sans racines, 5g de sol tamisé sont pesés précisément puis mis dans des flacons en verre, étiquetés. 20mL de la solution de KCl sont ensuite introduits dans tous les flacons qui sont agités pendant 40mn afin que l’extraction se fasse. Ensuite, le contenu des flacons est filtré à 50µm (Cf. Figure 16). Les solutions obtenues sont récupérées dans des piluliers qui sont envoyés dans un laboratoire (ENITA de Clermont-Ferrand) où les concentrations initiales des échantillons de sol en azote ammoniacal et nitrique sont déterminées, par spectrocolorimétrie. - Détermination de la teneur en carbone et en azote totaux Les 5g de sol mis à l’étuve pour déterminer la teneur en eau sont broyés au « gros broyeur à billes » de manière à obtenir des échantillons les plus homogènes possible. Les échantillons sont récupérés dans des piluliers puis de nouveau mis à l’étuve quelques heures avant d’effectuer les pesées à la balance de précision pour les analyses C et N. L’analyseur 16 utilisé est le même que celui qui a servi pour les racines, cependant le sol est plus hétérogène que les racines. On pèse 30mg. 4.2.4. Enregistrement atmosphérique en CO2 des données météorologiques et de la concentration Chaque site est équipé d’une station météo automatisée qui enregistre la température en continu. Des pluviomètres et des capteurs à CO2 sont également installés (Cf. Figure 17). Pluviométrie (Cf. Figure 18) Pour les deux périodes étudiées, l’écart de pluviométrie entre les deux sites est de +2,6mm à Crouël pour la période de P0 à P1 et +9mm à Crouël pour la période de P1 à P2. Pour les mêmes sites, la pluviométrie des deux périodes n’a pas non plus sensiblement changé avec -4,2mm pour la période de P1 à P2 à Theix et +2,2mm pour la même période à Crouël pour une moyenne de 92mm sur les deux sites et les deux périodes. Température (Cf. Figure 18) Sur les deux sites un écart moyen de 6°C peut être observé entre les deux périodes. Dans nos résultats, la température sera à prendre en compte pour l’éventuelle observation d’un effet date. De plus, l’écart de température entre les deux sites est assez important, avec +4,4°C à Crouël pour la période P0-P1 et +4,7°C pour P1-P2. La différence de température est proche des +3°C annuel et a bien été obtenue par le gradient altitudinal. Concentration en CO2 atmosphérique Sur le site de Crouël, la concentration en CO2 atmosphérique est légèrement plus élevée qu’à Theix, à cause de sa proximité avec l’aéroport, l’autoroute et la ville, mais les valeurs sont comparables, respectivement 380 et 350ppm, mais toujours bien inférieures à la prédiction étudiée dans l’expérience soit 580ppm. 4.3. Analyse statistique des résultats Tout d’abord, la végétation étudiée est supposée identique sur tous les monolithes. Ce point est essentiel dans la mesure où selon les espèces, les racines ont des morphologies et des vitesses de croissance qui peuvent être différentes. Par ailleurs, il a été effectué un inventaire floristique sur le bord des ingrowtn cores et la fréquence des espèces a été notée de manière à connaître les espèces dont les racines et les rhizomes sont susceptibles de venir dans les ingrowth cores. On peut aussi noter que toutes les plantes ne sont pas rhizomateuses. Pour la biomasse des rhizomes, la valeur obtenue a été pondérée par la proportion d’espèces qui sont capables d’en former. Les données obtenues (biomasse, morphologie, chimie) sont entrées dans un logiciel de statistiques (Statgraphics Plus for Wondows 4.1). Ensuite, avant de lancer une analyse de variance, la normalité des résidus (écart entre la valeur mesurée et la valeur théorique) est testée afin de s’assurer que les résultats de l’ANOVA (ANalyse Of VAriance) soient 17 exploitables. Quand les résidus ne suivent pas une loi normale, il est possible de transformer les variables avec des formules comme log(X), 1/rac(X)... Ces mêmes formules sont ensuite utilisées pour l’ANOVA. Pour les variables dont les résidus ne suivent pas une loi normale, on utilise tout de même la transformation logarithmique. En théorie des tests non paramétriques devraient être réalisés mais la complexité d’analyse nécessitait plus de temps. L’ANOVA indique si les différences sont significatives entre les Traitements (ou les Dates, ou les interactions Date*Traitement) en donnant la P-Value du test. Une P-Value inférieure à 0,05 indique que les valeurs comparées sont différentes. Dans le cas de la comparaison entre les différents traitements, une P-Value inférieure à 0,05 indique donc un effet Traitement. Les résultats de tous les tests sont récapitulés sous forme de tableaux (Cf. partie 5. Résultats et discussion). 5. Résultats et discussion 5.1. Racines 5.1.1. Prélèvement P0 - Phytomasse Les résultats de phytomasse inscrits dans le Tableau 2 sont ceux d’une demi-carotte. L’autre demi-carotte a été conservée pour d’autres analyses comme la diversité microbienne ou le fractionnement des sols. On peut noter une différence significative entre la quantité de racines contenues dans les demi-carottes prélevées dans les monolithes contrôle (C) situés à Theix, et la quantité de racines contenues dans les carottes provenant des monolithes situés à Crouël (Cf. Figure 19). En moyenne, la quantité de racines est deux fois supérieure à Theix. De plus, on voit se détacher une tendance (n.s.) qui indique que les carottes ayant subit un traitement TDCO2 contiennent plus de racines que celles qui ont subit les traitements T et TD. Les racines des monolithes qui ont été déplacés de Theix à Crouël se sont moins bien développées que celles des monolithes implantés dans leur milieu d’origine. L’effet température a donc diminué la production racinaire. On peut mettre en avant l’effet négatif de la température (+3°C). Ceci s’explique essentiellement par le fait que la température augmentant, l’humidité du sol diminue (Garten et al. 2009) et par conséquent l’activité végétale est dimunée. Pour le traitement TDCO2, la biomasse racinaire tend à se rapprocher du contrôle. L’effet du CO2 à donc pu compenser l’effet négatif de la température, par une augmentation de la photosynthèse, et par la suite, une production de biomasse racinaire plus importante. 18 - Morphologie Sur le Tableau 2, on voit que la différence de SRL, longueur racinaire par unité de masse de racine, n’est pas significative entre les traitements. On note cependant qu’elle est légèrement supérieure sur les monolithes de Crouël. En ce qui concerne la densité, elle est plus importante pour les racines qui ont subit le traitement température. Il en est de même pour la finesse. Enfin pour les diamètres, la différence entre les traitements n’est pas significative. La densité est plus élevée pour les racines qui ont subit le traitement température que pour les racines contrôle. Dans une racine, la stèle, qui contient les vaisseaux qui véhiculent l’eau, est plus dense que le cortex qui l’entoure. De plus, densité racinaire et surface de la stèle sont positivement corrélées (Wahl & Ryser, 2000 ; Hummel et al., 2006). L’augmentation de la densité des racines avec l’augmentation de la température pourrait s’expliquer par une augmentation du diamètre de la stèle dans le but de former plus de vaisseaux conducteurs augmentant les flux en eau. En effet, quand la température augmente, l’évaporation du sol et la transpiration de la plante augmentent, et les besoins en eau de la plante sont donc plus importants. On peut également noter qu’avec l’élévation de la température, la finesse, qui améliore la capacité d’acquisition des nutriments et de l’eau, est plus élevée. Une élévation de la température a donc eu un effet sur la morphologie des racines, mais indirect et certainement principalement lié à l’acquisition en eau. On aurait pu s’attendre à un effet positif de la température en augmentant les activités biologiques mais l’effet indirect de la température sur la teneur en eau du sol a été supérieur (Wan et al., 2007). - Chimie Les analyses de carbone et d’azote n’ont pas révélé de différences significatives entre les traitements. 5.1.2. Prélèvements P1 et P2 Pour ces prélèvements, très peu de résultats sont significatifs (Cf. Tableaux 3 et 4). Il a donc été choisi de cumuler les deux périodes pour voir les effets des traitements. Les résultats n’ont pas changé. La période entre deux prélèvements dure seulement cinq semaines et l’expérience des ingrowth cores doit durer un an. Ce sont les tout premiers prélèvements. En cumulant les prélèvements suivants, des résultats plus significatifs seront peut-être mis en avant. Bien que peu d’effets Traitement aient été observés (Cf. Tableau 5), des effets Date ressortent très nettement (Cf. Tableau 6). Une coupe a eu lieu le même jour que P1. En plus des conditions climatiques qui sont à prendre en compte dans la comparaison des deux périodes, il faut aussi noter l’importance de la coupe. Cependant aucun témoin non coupé n’a été mis en place. Il est donc impossible de justifier des effets dus à la coupe. 19 - Biomasse La quantité de racines produites a été inférieure pour la période P1-P2, (Tableaux 3 et 4) La coupe pourrait expliquer cette baisse car la réduction de la surface foliaire entraîne une diminution de la photosynthèse sur une courte période et donc une diminution de la production de biomasse. Cependant, l’absence d’un témoin ne permet pas de l’affirmer. La baisse de biomasse peut aussi s’expliquer par le fait qu’entre P1et P2 la température a augmenté de plus de 5°C sur les deux sites accentuant ainsi l’effet négatif de la température. - Morphologie (Cf. Figure 20) En ce qui concerne la densité, pour le traitement contrôle, elle est très nettement supérieure sur P2 (période P1-P2). Pour les autres traitements, aucune différence significative n’a été mise en avant entre les deux périodes. Par ailleurs, les racines sont significativement plus fines et les diamètres sont inférieurs sur P2 que sur P1, dans les carottes prélevés sur les monolithes contrôle et TDCO2. On observe ici à nouveau une réaction identique du traitement TDCO2 vis-à-vis du contrôle. La température moyenne a été supérieure sur la période P1-P2 à la température moyenne sur la période P0-P1. La différence de densité peut s’expliquer par un décalage phénologique lié à la différence de température. Les plantes forment des racines plus denses, avec une proportion de stèle plus élevée, pour faire face à des besoins en eau plus importants. Cependant, la différence de densité entre les prélèvements P1 et P2 n’est visible que pour le contrôle. Pour les autres traitements, la densité n’a pas augmenté car les racines ont peut être atteint leur limite physiologique. En effet, ce sont de jeunes racines (cinq semaines). De plus, il est possible de mettre en avant l’hypothèse selon laquelle, couplé à l’élévation de la température, le CO2 a compensé l’effet de la température seule sur la finesse et le diamètre. La coupe aurait aussi pu expliquer le fait que les racines sont plus fines pour P2, avec un diamètre inférieur, afin d’augmenter la capacité d’acquisition de l’eau et des nutriments. - Chimie Les teneurs en carbone et en azote sont nettement inférieures pour P2. Une fois de plus, la coupe pourrait expliquer cette différence mais l’absence de témoin ne permet pas de le confirmer. Une autre hypothèse serait l’effet de la température, qui augmente entre P1 et P2, qui aurait affecté l’allocation du carbone entre partie aérienne et souterraine (Steinaker & Wilson, 2008). 5.2. Rhizomes On rappellera que les rhizomes peuvent remplir deux fonctions dans le fonctionnement d’une plante prairiale. D’une part, ils lui permettent de coloniser un milieu, d’autre part, ils 20 peuvent accumuler des réserves. Toutes les espèces ne forment pas des rhizomes. Sur notre dispositif, seules Elytrigia repens et Poa trivialis sont capables d’en former. 5.2.1. Prélèvement P0 - Biomasse Tout d’abord on note le fait que les rhizomes récupérés sont vivants car très blancs et entourés d’une peau. On peut donc parler de biomasse de rhizomes. La biomasse présente dans les carottes ayant subit les traitements T et TD est inférieure de plus de 50% en moyenne (Cf. Tableau 7 et figure 21) à celle des rhizomes contenus dans les carottes contrôle (p value = 0,032). Par contre, pour le traitement TDCO2 la masse de rhizomes est sensiblement identique au contrôle. Les traitements n’ont pas d’effet sur les pourcentages des espèces rhizomateuses. En prenant en compte ces espèces présentes autour de la carotte, les résultats restent toujours significatifs. Le CO2 a compensé l’effet négatif de la température sur la formation de rhizomes. Les observations menées en parallèle sur la partie aérienne des monolithes n’ont pas montré d’effet Traitement sur la phytomasse (Cf. Figure 22). Elle reste stable quel que soit le traitement. Les observations ont seulement fait ressortir un effet saisons entre le printemps et l’automne. La phytomasse aérienne a été maintenue grâce au fait que les plantes aient eu la capacité sous forme de rhizome de puiser dans leurs réserves. La température aurait dû affecter négativement la production aérienne mais les rhizomes ou réserves ont compensé cet effet. L’ajout de CO2 a dû augmenter la photosynthèse et donc la formation de sucres. Les réserves ont donc pu se refaire. C’est pourquoi on observe une biomasse de rhizomes plus importante pour le traitement TDCO2, mais une phytomasse aérienne identique pour tous les traitements. Cependant, la biomasse de rhizomes de T, TD et TDCO2 reste inférieure au contrôle. Le CO2 n’a donc pas pu totalement compenser l’effet négatif de la température. On peut émettre l’hypothèse que dans les années qui vont suivre, des effets sur la phytomasse aérienne seront visibles, car la compensation liée aux rhizomes n’est pas totale. De plus, les réserves de T et TD vont peut-être s’épuiser. - Morphologie La morphologie des rhizomes est comparable pour tous les traitements. - Chimie On n’observe pas de différence significative de la teneur en carbone et en azote entre les différents traitements. 21 5.2.2. Prélèvements P1 et P2 - Biomasse Pour les deux prélèvements, des rhizomes n’ont pas été récupérés dans toutes les carottes. Les rhizomes mettent du temps à se former. Deux dates ne suffisent pas pour expliquer la croissance. Pour avoir une dynamique, il faudrait attendre au moins un an pour émettre des hypothèses. 5.3. Bilan et hypothèses Les principaux résultats qui ont été mis en avant avec les trois prélèvements P0, P1, et P2 des ingrowth cores, en résumé : Au niveau des racines - Une augmentation de la température annuelle moyenne de 3°C pendant quatre ans a fait diminuer à même volume de sol, la phytomasse racinaire de moitié. Mais l’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 de 200ppm a en partie compensé l’effet négatif de l’élévation de la température sur la phytomasse en faisant l’hypothèse que la photosynthèse était plus importante sous CO2 élevé (résultats en cours pour la thèse d’Amélie CANTAREL). - L’augmentation de la température, qui augmente les pertes en eau du sol et des plantes via l’évaporation et la transpiration, a entraîné une augmentation de la densité et de la finesse des racines améliorant la capacité d’acquisition en eau des plantes. Au niveau des rhizomes - L’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 a compensé l’effet négatif de la température par une mise en réserve plus importante, et ce toujours grâce à une augmentation de l’activité photosynthétique. Par ailleurs, d’autres mesures, ont été effectuées dans le cadre de la thèse de Rémi PILON. Les images de minirhizotron ont montré une croissance racinaire plus importante pour le traitement TDCO2. De plus, ces analyses ont montré une durée de vie des racines pour C et TDCO2 identiques (400 jours) et supérieure à celle des racines des traitements T et TD (350 jours). Enfin, la respiration est plus forte en TDCO2 comparée aux autres traitements, ce qui traduit une activité plus importante de croissance et/ou de mortalité. La quantité de racines mortes n’est toutefois pas différente sur le cumul des quatre dernières années. Cette respiration est donc principalement liée à la croissance. Comme en T et TD, la croissance et la respiration ne sont pas différentes et que les racines vivent moins longtemps, on peut penser que le stock de carbone va diminuer. Le CO2 a quant à lui compensé l’effet négatif de la température. Par conséquent le stock de carbone devrait être inchangé ou supérieur. 22 Ces observations amènent à émettre des hypothèses sur les conséquences d’un changement climatique sur prairie permanente du Massif Central. Il semblerait que l’effet combiné d’une élévation de la température (+3°C), d’une sècheresse en période estivale (20%) et d’une augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 de 200ppm, augmenterait ou du moins ne diminuerait pas le stockage de carbone de la prairie, ce qui ne serait pas le cas de l’effet température ou sécheresse. La prairie pourrait éventuellement avoir un bilan de carbone positif. En stockant du carbone dans le sol, les prairies pourront donc jouer un rôle majeur dans la concentration en CO2 de l’atmosphère. Toutefois le climat n’est pas la seule composante de cette capacité à stocker. Les gestions agricoles (renouvellement des terres, érosion, gestion durable…), l’évolution des comportements de consommation de la société (surconsommation de viande, gaspillage, raisonné…) sont aussi des paramètres clés qu’il faut prendre en compte pour calculer des stocks de carbone. 23 Conclusion Bien que la période de mon stage ait été courte, quelques résultats intéressants ont été obtenus, en particulier avec le premier carottage effectué (P0), dont l’écosystème avait subit les traitements depuis la mise en place du dispositif, soit quatre ans auparavant. Il a été observé un net effet du changement climatique, d’une part sur la phytomasse de racines et leur morphologie, et d’autre part sur la mise en place de réserves dans les rhizomes. Mon stage s’est inséré dans une expérimentation qui devrait se poursuivre encore une année. Pour l’instant, avec seulement deux prélèvements (P1 et P2) depuis la mise en place des ingrowth cores, des conséquences sur la morphologie ont été observées, mais, au niveau de la croissance des racines, rien n’a pu être mis en avant. Quand une dizaine de prélèvements auront été effectués des tendances ressortiront certainement. Cependant, avant de tirer des conclusions des expériences, il faut tout de même souligner le fait que le dispositif présente quelques limites. En effet, la petite taille des monolithes et la durée de l'expérimentation relativement courte pourraient rendre difficile l'extrapolation des résultats aux écosystèmes naturels. En particulier, les réponses à long terme pourraient différer des réponses à court terme. De plus, l’une des limitations des expériences de transplantation est que d’autres facteurs varient avec l'altitude, comme l’intensité lumineuse ou l'humidité relative de l'air (Bruelheide, 2003). D'autre part, le changement climatique est appliqué de façon brutale dans notre expérience, alors qu'il se produit en réalité de façon plus progressive. Enfin, notre expérience néglige les événements climatiques extrêmes, qui risquent pourtant d'avoir également de forts impacts. C’est pourquoi de nouvelles expériences s’intéressent actuellement à ces évènements (Projet Validate). Ce stage m’a fait découvrir le monde de la recherche. En seulement dix semaines, j’ai pu aller sur le terrain, travailler en laboratoire et réussir à avoir des résultats intéressants et à les discuter. Cependant, j’ai vu combien la collecte d’informations pouvait aussi prendre beaucoup de temps, avec souvent des expérimentations menées sur plusieurs années. Par ailleurs, j’ai pu toucher à beaucoup de choses, en particulier aux appareils tel que le NIRS (Spectroscopie proche Infra-rouge) qui n’est pas abordé dans ce rapport. Enfin, j’ai amélioré mon utilisation de l’outil informatique et principalement celle des tableurs. 24 Bibliographie Références bibliographiques Arnone III J.A., Zaller JG, Spehn EM, Niklaus PA, Wells CE, Korner C (2000). Dynamics of root systems in native grasslands: effects of elevated atmospheric CO2. New Phytologist, 147: 73-85. Bruelheide H. (2003). Translocation of a montane meadow to simulate the potential impact of climate change. App. Veg. Sci., 6, 23-34. Casella E., Soussana J.F. & Loiseau P. (1996). Long-term effects of CO2 enrichment and temperature increase on a temperate grass sward. Plant & soil, 182, 83-99. Dahlman R.C., Kucera C.L. (1965). Root productivity and turnover in native prairie. Ecology, 46(1/2): 84-89. Diaz S., M. Cabido, Zak, M.,Martinez Carretero, E., Aranibar, J. (1999). "Plant functional traits, ecosystem structure, and land-use history along a climatic gradient in central-western Argentina." Journal of Vegetation Science 10(5): 651-660. 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Le dispositif expérimental combine plusieurs facteurs du changement climatique prévu : réchauffement de 3°C (obtenu par un déplacement de monolithes d’un site de moyenne montagne vers un site de plaine); réduction de la pluviométrie en été de 20 % (par la mise en place d’écrans contre la pluie); enrichissement en CO2 de 200ppm (par un dispositif « mini-FACE »). Dans le cadre de ce stage, une méthode à été utilisée pour déterminer l’impact du changement climatique sur la croissance racinaire. La technique des ingrowth cores (Dahlman & Kucera, 1965) consiste à effectuer des prélèvements successifs d’un même volume de sol, toujours au même endroit, et à intervalles de temps réguliers. D’une part, la croissance peut être quantifiée, et d’autre part des analyses chimiques et morphologiques sont effectuées. Des premiers résultats ont été observés. L’augmentation de la concentration en CO2 atmosphérique de 200ppm a compensé en partie l’effet négatif de la température sur la production de racines et sur la mise en place des réserves dans les rhizomes. La partie racinaire des prairies joue un rôle clé dans le stockage de carbone. Si le changement climatique se déroule selon ce scénario, les stocks de carbone pourraient ne pas être affectés négativement. Mots clés : Prairie, Racines, Rhizomes, Changement climatique, Bilan de carbone Climate change impacts on the root production of the grassland ecosystem The research unity on the grassland ecosystem (UREP) of the INRA of ClermontFerrand-Theix set up in 2005 a device capable of reproducing the effects of a climate change on a grassland of medium-altitude mountain. The experimental device combines several factors of the planned climate change: a 3°C warming (obtained by transplanting the monoliths along an altitudinal gradient; a 20% decline in summer rainfall (using rain shelters); a free air CO2 enrichment of 200ppm (mini-FACE). Within the framework of this internship, a method has been used to determine the impact of the climate change on the growth of the roots. The ingrowth cores technique (Dahlman and Kucera, on 1965) consists in making successive samples of an equivalent volume of soil, always in the same place, and in regular intervals of time. First results have been observed. The CO2 enrichment of 200ppm compensated partially the negative effect of the temperature on the production of roots and on the implementation of the reserves in rhizomes. Key words: Grassland, Roots, Rhizomes, Climate change, Carbon sequestration 27 Sommaire Introduction ................................................................................................................................ 1 1. Présentation de l’Inra ............................................................................................................. 2 1.1. Au niveau national .......................................................................................................... 2 1.2. Au niveau régional : le centre Inra de Clermont-Ferrand-Theix ..................................... 2 2. Contexte de l’expérimentation ............................................................................................... 3 2.1. Changement global .......................................................................................................... 3 2.2. Rôle des prairies .............................................................................................................. 5 2.3. Importance de la partie souterraine des prairies .............................................................. 6 2.4. Impact du changement global sur les écosystèmes prairiaux .......................................... 7 3. Projet IMAGINE .................................................................................................................... 9 3.1. Présentation ..................................................................................................................... 9 3.2. Végétation initiale ........................................................................................................... 9 3.3. Plan expérimental .......................................................................................................... 10 4. Etude de la croissance racinaire ........................................................................................... 11 4.1. Technique des ingrowth cores ....................................................................................... 12 4.2. Analyse des carottes ...................................................................................................... 12 4.3. Analyse statistique des résultats .................................................................................... 17 5. Résultats et discussion .......................................................................................................... 18 5.1. Racines .......................................................................................................................... 18 5.2. Rhizomes ....................................................................................................................... 20 5.3. Bilan et hypothèses ........................................................................................................ 22 Conclusion ................................................................................................................................ 24 Bibliographie ............................................................................................................................ 25 28 Je tiens tout d’abord sincèrement à remercier Rémi PILON, en deuxième année de thèse, pour toute l’attention qu’il a porté à mon stage. Il m’a suivi et m’a aidé jusqu’à la rédaction de mon rapport. Merci aussi à Catherine PICON-COCHARD, responsable du stage, à Sandrine REVAILLOT, technicienne, ainsi qu’à toute l’équipe de Jean-François SOUSSANA, directeur de l’unité, pour leur accueil. 29