Ethnologies comparées
Centre d'Études et de Recherches Comparatives en Ethnologie
universellement partagées. J’ai connu ce type de situations où j’aurais très bien
pu passer à côté de l’essentiel. L’essentiel pour les Samo, c’est qu’ils ont une
terminologie de parenté omaha et un système semi-complexe d’alliance. Le
système semi-complexe d’alliance, en posant des questions et en faisant un
inventaire comme je l’ai fait (« qui était épousable ou pas ? »), je l’aurais peut-
être vu mais j’aurais très bien pu passer à côté du système omaha de
terminologie. Je n’avais pas appris l’existence de ce type de système. Je ne me
doutais même pas que cela pouvait exister tout comme je ne savais pas que
l’ethnologie existait avant de découvrir Lévi-Strauss. Ce qui fait que lorsque j’ai
commencé à recueillir des termes de parenté, j’ai cru que j’étais induite en erreur
par des défauts de compréhension, que je n’arrivais pas à me faire comprendre,
que les autres ne recevaient pas clairement ma demande. Et donc que j’obtenais
des résultats erronés, fallacieux, alors que, tout simplement, j’obtenais des
réponses dont je ne comprenais pas la logique parce que je n’étais pas armée
pour cela, ni culturellement ni scientifiquement.
Par ailleurs, cette première expérience de recueil de termes de parenté m’a
amenée à me rendre compte d’un fait essentiel : il nous est difficile de nous
représenter mentalement, sans l’aide du papier et d’un dessin, le rapport de
parenté qui existe (prenons un exemple simple) entre moi et le fils de la fille du
frère de la mère de mon père. Il faut un gros effort mental pour nous représenter
de qui il s’agit. C’est pareil pour les autres : ils font ce même effort et la
difficulté est encore plus grande si celui qui interroge ou celui qui répond doit
opérer une conversion. Qu’est-ce à dire ? Dans notre conception nous partons
d’Alter : dans mon exemple, le fils de la fille du frère de la mère de mon père.
Les Samo partent d’Ego, quelque chose comme : de ma mère le père puis la
sœur (du père), le fils (de cette sœur), la fille (de ce fils). Donc une conversion
difficile à mettre au point à laquelle aucun apprentissage ne m’avait préparée.
Deuxièmement, j’ai essayé d’appliquer des conseils alors en usage et figurant
dans des manuels. Pour recueillir une terminologie de parenté sommaire (car on
n’envisageait pas un recueil très approfondi) il était conseillé de passer par la
généalogie, de dresser la généalogie d’individus réels et de recueillir leurs
appellations réciproques. Je me suis très vite rendu compte que cela posait deux
ordres de problèmes. Le premier, c’est que si des positions de parenté
manquaient d’un porteur dans la généalogie, personne ne voyait la nécessité de
dire comment on aurait appelé un individu qui n’existait pas. La deuxième
difficulté, parfaitement compréhensible si j’arrive à l’exprimer clairement, tenait
au fait suivant. Dans des sociétés où il y a beaucoup d’inter-mariages
(contrairement à ce que l’on pourrait croire au vu des interdictions), les
individus sont reliés par plusieurs chaînes de parenté et non pas par une seule.
L’appellation qui leur est donnée, quand il s’agit d’individus réels, ne tient pas
nécessairement compte de la chaîne que, nous, nous avons en tête mais peut-être
d’une autre chaîne qui est soit plus courte soit plus évidente pour le locuteur. Par