(fgtb, csc, cgslb) lors du ccpie stakeholders dialogue du 22 juin 2010

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INTERVENTION DES SYNDICATS (FGTB, CSC, CGSLB) LORS DU CCPIE STAKEHOLDERS DIALOGUE DU 22 JUIN 2010
ENTRE LES ADMINISTRATIONS FEDERALES ET REGIONALES ET LES CELLULES POLITIQUES DE L’ENVIRONNEMENT ET LES
PRINCIPAUX INTERVENANTS EN VUE DE LA PRESIDENCE BELGE DE L’UE.
Nous tenons tout d’abord à vous remercier de nous permettre d’exprimer notre point de vue sur les
priorités syndicales en matière d’environnement à l’occasion de la présidence belge de l’Union
européenne.
La liste des priorités que vous nous avez communiquées démontre de l’urgence d’une action sur
plusieurs plans. Sont, en effet, concernés deux défis environnementaux majeurs de notre temps, le
climat et la biodiversité, mais aussi la question de la gouvernance, ainsi la problématique de nos modes
de consommation et de production.
Une liste longue, actant l’existence tant des multiples défis que les multiples crises qui existent
aujourd’hui au niveau global et que l’Europe doit affronter. Le climat, l’épuisement des ressources
naturelles ou la biodiversité, l’économie, l’alimentaire, l’emploi, la pauvreté, les inégalités entre
régions du monde et à l’intérieur de celles-ci ne sont, pour nous syndicats, que les multiples facettes
d’une crise systémique globale et généralisée, démontrant que nous avons atteint nos limites et
qu’aujourd’hui des actions politiques fortes s’imposent dans une approche intégrée de développement
durable.
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Durabilité des modes de production et de consommation : analyse systémique et réponses
intégrées.
Pour résoudre les crises que nous traversons, il est impératif que nous résolvions les causes de cellesci. Nous devons dès lors analyser le système dans sa globalité, en nous questionnant tant sur la
durabilité de nos modes de production que de consommation, que sur nos investissements, nos
importations…
L’UE doit se doter urgemment des moyens politiques et légaux qui lui permettront de relever
positivement les défis auxquels elle est confrontée. Les crises qui nous touchent renforcent et
renforceront encore d’avantage les inégalités existantes. Nous devons agir pour préserver notre
environnement, notre santé mais aussi les travailleurs et plus largement les individus.
Se présentant souvent comme un vecteur de progrès social et de défense des droits de l’homme au sens
le plus large dans ses relations internationales, l’Union européenne doit parvenir à se repositionner à
l’extérieur comme à l’intérieur de ses frontières en tant que puissance politique apte à contrer les
dérives d’un marché laissé à lui-même. L’Europe, et la Belgique à l’occasion de sa présidence en
particulier, devraient pouvoir dans le double contexte de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne et
de l’adoption de la stratégie Europe 2020 (EU 2020), réinsuffler les composantes sociales et
environnementales à cette Europe qui se contente d’être l’Europe des marchés.
Ce qui implique au niveau de ses politiques internes de réhumaniser et d’encadrer le marché intérieur
par des mesures sociales et environnementales fortes, plutôt de que de se lancer dans des stratégies de
sorties de crise.
Renforcer le marché intérieur et réduire les dépenses publiques n’instaureront pas un cercle vertueux
en eux-mêmes. Prôner la croissance à tout prix nous condamne au contraire à tolérer l’exploitation
tant humaine qu’environnementale sous couvert de considérations purement économiques. Une
option intolérable pour nous, syndicats, qui plaidons pour qu’en cas de conflit de normes, la référence
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devienne le respect des normes sociales et environnementales plutôt que l’économique. Il est pour nous
primordial que l’Europe se lance dans des travaux d’envergure, dans des réformes structurelles qui
permettront de créer de l’emploi tout en faisant du respect des normes sociales et environnementales
des éléments de la compétitivité de l’économie européenne. La compétitivité et la croissance ne
doivent jamais être que des moyens d’augmenter le bien-être et avant tout des individus et non
constituer des fins en soi.
Nous devons mettre en place une politique industrielle européenne à bas carbone basée sur une
dynamique de coordination industrielle communautaire permettant de transcender les divisions intraeuropéennes et les effets pervers des exigences de profitabilité de court terme des investissements
industriels.
L’Union européenne doit également permettre le développement de politiques nationales durables,
telles que l’instauration de taxations sur l’énergie ou des mesures destinées à réduire et à lutter contre
la précarité énergétique par exemple, même si elle n’arrive pas à obtenir un consensus au niveau
européen. L’Europe doit stimuler le progrès écologique et solidaire là où il se manifeste et ne jamais
constituer un frein.
Pour ce faire, cela implique également de pourvoir influer dans ses politiques externes sur les règles du
commerce international dans un sens plus durable et de faire du respect des normes fondamentales du
travail et des normes environnemental des conditions de la compétitivité de l’économie européenne en
en faisant la norme de référence au niveau mondial. Nous devons prendre l’initiative et cesser de nous
retrancher derrière des niveaux de pouvoir qui ne dépendraient pas de notre ressort. Nous devons
être les leviers du changement tant que l’action est gérable. L’attente n’en sera que plus coûteuse.
Il nous faut des règles légales, des cadres juridiques, pour rendre nos modes de consommation et de
production plus durables. Les prix sont aujourd’hui compétitifs s’ils font l’économie du respect des
normes fondamentales du travail, des normes environnementales (que ce soit par le biais de la
pollution ou de la perte de la biodiversité), voire de normes sanitaires. C’est particulièrement le cas
dans le cadre de l’alimentaire où on voit par ailleurs se développer des labels en tout genre et dans une
optique qui ne vise qu’à stimuler la demande. Mais les pouvoirs publics doivent pouvoir également
influer sur l’offre. Une réglementation en matière de transparence et de traçabilité sociale et
environnementale serait nécessaire, mais ne semble par ailleurs pas être à l’ordre du jour. C’est
pourtant un impératif si on espère rendre notre système plus productif, plus durable, plus écologique,
plus solidaire.
Le marché laissé à lui-même ne s’orientera pas tout seul vers la durabilité, ni ne sera à même d’intégrer
les externalités négatives des biens ou des services qu’il produit en raison des règles qui le
gouvernent. Or, il y a urgence à l’action. Nous avons donc besoin d’un new deal durable, reposant sur
des pouvoirs publics forts, des réformes structurelles justes, équitables, et sur le déploiement d’emplois
verts et décents permettant de créer de l’emploi et de transformer celui qui existe. La présidence belge
doit en faire sa priorité.
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2. Nécessité d’intégrer et de hiérarchiser les politiques européennes via des instruments
juridiques.
L’importance des enjeux est telle qu’elle demande des réponses intégrées. L’exemple de la
biodiversité est pour nous criant dans la mesure où étant le deuxième grand enjeu environnemental de
notre temps avec les changements climatiques, elle semble au pire être plutôt boudée du côté des
politiques, au mieux faire l’objet d’actions de sensibilisation. C’est pourquoi nous nous réjouissons que
la biodiversité se trouve à l’agenda des travaux de la Commission européenne dans le cadre d’une
stratégie à élaborer pour la période post-2010.
Pour nous, syndicats, traiter cette matière ainsi que les questions climatiques, doit se faire dans le
cadre d’un new deal durable. Il n’est pas tenable de le faire via la voie des accords volontaires, du libre
marché ou d’actions qui ne sont destinées qu’à stimuler les seuls comportements individuels. Les
différentes crises que nous connaissons aujourd’hui sont la preuve de l’échec de ce genre d’approche.
Il faut des règles légales et un encadrement juridique suffisamment protecteur pour des régulations
nouvelles.
Ces règles doivent nous pousser à repenser nos modes de consommation mais aussi de production
dans le sens de la durabilité. Cela implique notamment qu’il faut miser sur une meilleure gouvernance
et intégration des politiques au niveau européen. Ce qui vaut pour la biodiversité, vaut évidemment
pour le climat, pour les emplois verts, pour l’emploi en général ou encore pour la politique sociale…
Pour illustrer ce constat, citons que dans la stratégie EU 2020 la biodiversité n’est citée qu’une seule
fois. Or, les objectifs de durabilité doivent se retrouver aussi bien dans les stratégies de long terme
(stratégie européenne de développement durable) que de court terme (EU 2020). Il convient donc de
miser en priorité sur l’intégration des politiques européennes, la nécessité d’opérer des liens :
biodiversité & changement climatique ; biodiversité & EU2020 ; biodiversité &PAC ; pêche ; PAC &
EU2020 ; biodiversité et politique commerciale et d’investissement ; l’association du conseil
environnement à la mise en œuvre de la stratégie EU 2020 (conclusion du conseil environnement du 15
mars 2010).
La durabilité des politiques s’impose et doit être au cœur des stratégies et des réformes européennes et
nationales. Ce qui concerne aussi bien l’environnement, que le social et l’emploi. Malheureusement
aujourd’hui la durabilité n’est souvent réduite qu’à sa seule composante environnementale ;
tendance- lourde- que l’on retrouve également notamment en matière de biodiversité. Parler
biodiversité c’est aussi parler du fait de l’homme, de ses choix économiques, du type d’agriculture qu’il
pratique et des métiers orientés sur la gestion active de la biodiversité. Nous pensons qu’il faut
aborder ces aspects cruciaux dans le cadre d’une stratégie européenne en la matière.
Comme le soulignent les conclusions du Conseil Environnement du 15 mars dernier, l’environnement
est une opportunité de répondre à la crise grâce au potentiel de création de nouveaux emplois et de
verdissement des emplois existants. Des emplois liés aux préoccupations environnementales et à la
biodiversité en particulier peuvent être créés si une gestion active des services écosystémiques est
réellement mise en place dans tous les secteurs concernés ; avec obligation par exemple de systèmes
d’évaluation pour les entreprises. Mais des emplois risquent également d’être détruits dans certains
secteurs (pêche, agriculture, …) et c’est pourquoi l’Union doit permettre d’instaurer les filets de
protection sociale efficaces en plus d’assurer des formations spécifiques aux travailleurs.
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Ce qui implique notamment:
 des politiques publiques fortes, des législations et l’organisation d’une hiérarchisation de la
réglementation au profit de la réglementation durable;
 des études sectorielles approfondies portant sur l’évaluation des impacts, notamment en matière
d’emplois, des politiques à mettre en œuvre en fonction d’un objectif de durabilité ;
 Intégrer au débat la question des sources de financement (fonds structurels, fiscalité verte,
propriété intellectuelle) :
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Création d’une agence européenne chargée de fixer les benchmarks et la traçabilité carbone
généralisée à l’ensemble des produits, agence ouverte aux partenaires sociaux ;
Mobilisation et renforcement des ressources existantes pour les politiques climatiques,
notamment celles de la Banque européenne d’investissements et des fonds structurels ;
Réforme du système de gouvernance des fonds utilisés pour lutter contre le changement
climatique, notamment en faisant du respect des principes sociaux et environnementaux une
obligation préalable à l’obtention de financements de projet ;
Utilisation de nouvelles sources de financement innovantes, telles qu’une taxe sur les
transactions financières.
 Une prise en compte des enjeux alimentaires qui sont importants : exploitation de la biomasse,
droit à l’alimentation, pauvreté (intra-Europe mais aussi extra EU).
 L’organisation d’une concertation entre les parties prenantes (organisations représentatives des
employeurs, organisations représentatives des travailleurs et autres intérêts), d’un dialogue entre
elles et les gouvernements, … afin d’assurer une transition juste au travers de programmes de
formation, de reconversion, de mise en place de passerelles pour les travailleurs dont l’emploi
serait détruit pour leur permettre de réintégrer le marché du travail, …
3. Questions environnementales et justice sociale : Assurer une transition juste vers une société
pauvre en carbone pour lutter contre les changements climatiques.
Pour nous, syndicats belges, l’instauration d’un new deal durable implique la mise en œuvre d’une
transition juste en vertu de laquelle un développement écologiquement responsable va de pair avec une
approche de justice sociale car pour nous, la voie de la justice est aussi celle de l’efficacité.
Cette transition doit être basée sur les principes suivants : dialogue entre gouvernement, industrie et
syndicats, et autres intérêts sur le changement économique et industriel ; des emplois verts et
décents ; des investissements dans les technologies à bas carbone de nouvelles qualifications
« vertes ». Ce qui implique :
 Des études nationales, régionales et sectorielles sur les politiques liées au changement climatique
et leur impact sur l’emploi et les marchés du travail doivent être systématiquement réalisées, en
concertation avec les interlocuteurs sociaux.
 Au niveau européen, la création d’un instrument (coordonnant notamment les instruments
existants tels que les conseils sectoriels) permettant d’assurer l’anticipation des transitions socio
économiques et renforçant le dialogue entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. Dans
ce cadre, l’Union Européenne doit s’atteler aux défis des restructurations industrielles auxquels
sont confrontés les nouveaux Etats membres.
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 Cet instrument d’anticipation sera destinataire des études d’impacts développement durable et
pourra participer à la définition du cahier des charges, au suivi et à la mise en œuvre à chaque
phase d’élaboration de ces instruments de décisions communautaires.
 Les plateformes technologiques européennes intégrant les technologies produit-process bas
carbone devront faire participer les organisations syndicales dans leur système de gouvernance et
aussi prendre en compte dans les travaux de leur task force, les évaluations et propositions du
comité d’anticipation prédéfini.
 La création d’un fonds international et d’un Fonds européen en vue de faciliter le développement
de technologies à faible émission de carbone, ainsi que de technologies basées sur l’efficacité
énergétique et les énergies renouvelables dans les pays en voie de développement, ainsi que le
développement de politiques de l’emploi basées sur la protection sociale, la promotion du travail
décent et les services publics.
 Une croissance verte contribuant au maintien et à la création d’emplois de qualité et au progrès
social, au travers de toute l’économie.
 Il est nécessaire et urgent d’intégrer une dimension sociale beaucoup plus forte dans les politiques
européennes contribuant au développement de stratégies industrielles bas carbone par le biais
d’une stratégie Européenne de l’emploi moderne et guidée par la demande, garantissant la création
d’emplois et une mobilité protégée, et non par une stratégie basée uniquement sur la dérégulation
du marché du travail.
 La Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) doit être réorientée
délibérément au service de l’anticipation des changements.
 Une transition juste garantissant par exemple la création de passerelles destinées à aider les
travailleurs des secteurs en contraction à trouver des emplois dans les secteurs en expansion, tout
en protégeant leurs salaires, leurs conditions de travail et leurs organisations syndicales.
 Tout lieu de travail peut être « vert ». Il y a de plus en plus d’indices que les syndicats agissent pour
s’attaquer au problème du changement climatique. C’est pourquoi nous demandons des droits
nouveaux et plus étendus en matière de protection de la santé et de l’environnement sur les lieux
de travail et de mise à disposition de formations et de qualifications pertinentes.
 La négociation de Cancun doit aboutir à un accord international contraignant, ambitieux et
exhaustif visant à limiter la hausse globale des températures à 2°C maximum en respectant les
scénarios fixés par le GIEC, réduisant d’au moins 25 à 40% d’ici 2020 les niveaux de 1990 dans les
pays industrialisés.
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4. Quelques pistes en matière de gouvernance (environnementale) européenne.
La gouvernance au niveau européen désigne « Les règles, les processus et les comportements qui
influent sur l’exercice des pouvoirs au niveau européen » qui respectent les principes d’ « ouverture, de la
participation, de la responsabilité, de l’efficacité et de la cohérence ». Ce qui implique une meilleure
coordination entre les politiques européennes d’une part, et, d’autre part, une participation des parties
prenantes au processus.
Nous avons tenté de vous montrer tout au long de cette intervention en quoi il était nécessaire de lier
et d’intégrer les politiques tant dans la compréhension des crises que nous traversons que par rapport
aux solutions urgentes qu’elles exigent. Traiter des problématiques majeures comme les changements
climatiques ou la biodiversité en s’en tenant strictement au domaine environnemental et via des
mécanismes du seul marché n’est pas tenable et est source d’injustices diverses. Nous espérons vous
avoir convaincu qu’il y a urgence aujourd’hui de hiérarchiser les politiques européennes, de leur faire
subir des analyses d’impact social et environnemental et de faire pencher la balance dans le sens du
respect des normes sociales et environnementales plutôt que de l’économique et de la finance purs.
L’Europe a besoin d’un new deal durable, pas d’une réduction pure et simple de ses dépenses
publiques.
Mais le new deal n’ira pas de soi s’il ne repose pas également sur une base sociale. Forte de sa
tradition en matière de concertation sociale et des dialogues constructifs et structurels qui s’opèrent
entre le pouvoir public et la société civile, la Belgique est, de par cette tradition, un exemple en tant
que tel. Pour doter les politiques de l’assise sociétale nécessaires à leur acceptabilité par le plus grand
nombre, il faut continuer à instaurer les dialogues avec les interlocuteurs sociaux et la société civile
afin de les rendre les acteurs et non les victimes de la transition qui s’imposera à nous tous.
En vous remerciant de votre attention,
Diana Van Oudenhoven, Sébastien Storme, Bert De Wel
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