L’EXAMEN MEDICO-LEGAL INITIAL L’examen médical se déroule dans un hôpital ou chez un généraliste selon l’importance des lésions initiales. Lorsqu’il s’agit d’une infraction avec dépôt de plainte, l’examen devrait se dérouler sur réquisition judiciaire (art. 60 C. proc. pén.) dans une unité de médecine légale d’urgence [LHT]. D’une façon générale, l’exercice médical s’accompagne de la rédaction de certificats médicaux qui engagent la responsabilité civile et pénale du médecin et sont d’une importance capitale pour les victimes qui en font la demande. Il existe d’autres circonstances où le médecin est impliqué dans la rédaction de certificats médicaux destinés aux autorités judiciaires ou administratives comme dans la procédure de « signalement des enfants en danger » [LHT]. REGLES DEONTOLOGIQUES Tout médecin est tenu de délivrer un certificat à qui en fait la demande (art R.4127-76 CSP et art. 76 C. déont. méd.) : « L'exercice de la médecine impose normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, observations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires ». Le médecin est tenu au secret professionnel (art. 226-13 C. pén.) : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par sa profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 € d'amende ». Il existe des dérogations à cette règle, les unes obligatoires, les autres facultatives, résumées sur le tableau suivant : - Quelques dérogations au secret professionnel Obligatoires Facultatives Réquisition judiciaire - Déclaration des agressions sexuelles. Déclaration de naissance - Sévices sur mineur. Certificat d'accident de travail et de maladie - Sévices sur une personne incapable de se professionnelle. protéger en raison de son âge ou de son état Déclaration de certaines maladies contagieuses physique ou psychique ou sexuellement transmissibles Certificat d'internement (loi du 27.6. 1990) Déclaration des alcooliques dangereux. Certificat pour obtention de pension civile ou militaire. Le secret n’est pas opposable au patient car il est destiné à le protéger. Mais il peut être une source de maltraitance sociale lorsque le médecin se retranche derrière lui au détriment du patient. En revanche, il est opposable aux médecins qui ne participent pas au diagnostic ou au traitement du malade, mais il peut être partagé avec un médecin-conseil de la Sécurité sociale ou un médecin du travail avec l'accord du patient. Le médecin doit être vigilant vis à vis des assurances. Il ne peut refuser de rédiger un certificat à la demande de son patient, mais il le lui remet « en main propre ». Si le patient lui demande de certifier qu’il est en bonne santé, il est recommandé d’utiliser une formule arguant de « la bonne santé apparente ou de l’absence de maladie cliniquement décelable » par exemple, car le Code des assurances ne peut sanctionner que (art. 113-8 C. assur.) : « la fausse déclaration intentionnelle ». D’une façon générale, (art. 51 C. déont. méd.) : « Le médecin ne doit pas s'immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ou dans la vie privée de ses patients » et ne pas délivrer des certificats tendancieux ou de complaisance (art 28 C. déont. méd.). La plus grande vigilance s’impose, en particulier dans les procédures de divorces et les conflits de droits de garde, tout en gardant à l’esprit que le médecin doit faire cesser une situation de danger. Le médecin ne peut délivrer un certificat que s’il a effectivement examiné le patient. Il ne doit pas « outrepasser son rôle pour satisfaire à la demande du patient », proposer une mesure judiciaire, car seul l’expert judiciaire est habilité à le faire, à la demande du juge. Il ne peut porter une accusation sans que celle-ci ait été dûment vérifiée. « Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection (art. 44 C. déont. méd.) » Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un mineur (ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique), le médecin est tenu, de faire cesser la situation de danger ou d’alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives [LHT]. LA REDACTION DES CERTIFICATS MEDICO-LEGAUX INITIAUX Le certificat médical initial est couramment rédigé dans un service hospitalier ou par un médecin de ville. Il peut également être dressé sur réquisition, dans un service de médecine judiciaire par exemple [LHT]. Dans tous les cas, la réquisition est nominative, le médecin devenant un auxiliaire de justice, doit prêter serment par écrit en tête de son rapport, sauf s'il est expert près les tribunaux. Il ne peut, sauf en cas de force majeure, se dérober à sa mission (art. L 367 C. sant. publ.) ou se retrancher derrière le secret professionnel (art. 74 C. pr. pén.), mais il doit rester dans les limites étroites de sa mission, et uniquement si cette dernière est conforme aux règles déontologiques. Le médecin doit s'entourer de précautions car, sauf exception, il n'a pas assisté aux faits. Il est d'usage d'utiliser le conditionnel ou la formule selon ses dires. La même remarque s'impose pour rapporter l'identité déclinée par le patient si elle n'a pu être vérifiée. Un certificat médico-légal commence par un bref rappel des faits (commémoratifs). Il se poursuit par l'énumération des allégations de la victime. Les doléances doivent être notées de façon exhaustive, avec le maximum de neutralité. Un oubli peut être la cause d'une contestation ultérieure dans le cadre de la réparation du préjudice corporel [LHT], il peut être la source d'une survictimation en étant pris, par la victime, pour une négligence ou une dénégation médicale. Il conviendrait toutefois de signaler les allégations réellement incompatibles avec le constat médical, car le médecin est requis pour éclairer son mandataire. La description lésionnelle proprement dite est le temps le plus technique, celui qui engage le clinicien. Elle doit être établie précisément : taille, aspect, localisation des lésions en fonction des repères cutanés classiques. Un pantin préétabli ou un simple dessin sont très utiles pour les intervenants non médecins (policiers, juges) à qui sont destinés les certificats. Des photographies incluses dans le texte sont également possibles. Il convient de préciser si l'âge des lésions est compatible avec les allégations, si les éléments constatés sont d'âges différents, etc. Les éléments cliniques négatifs sont mentionnés si cela est utile, comme par exemple : « hématome bipalpébral, non occlusif, sans trouble de l'oculo-motricité ou de la vision ». PANTIN Droite Gauche Il est indispensable de noter les seuls antécédents qui pourraient interférer avec les lésions et préciser la possibilité d'une éventuelle décompensation d'un état pathologique préexistant (par exemple les risques d'hémorragie si la victime est traitée par des anticoagulants), c'est tout le problème de l'état antérieur. Le retentissement psychologique est très souvent négligé, bien qu'il soit parfois la cause exclusive de l'ITT [LHT]. De nombreux médecins légistes ne prennent pas en compte les troubles psychologiques initiaux qui, pour eux, seraient subjectifs. En fait, ils sont connus, décrits, répertoriés. Des examens paracliniques sont parfois utiles : investigations de laboratoire, imagerie médicale, recours à des avis cliniques spécialisés (ophtalmologie, oto-rhino-laryngologie, psychiatrie, neurochirurgie). Ils sont réalisés parfois en urgence (à l'hôpital) ou différés (en ville), dans un but thérapeutique, diagnostique ou de façon à éviter d'éventuelles contestations ultérieures dans le cadre de la réparation du préjudice corporel. La conclusion doit comporter une évaluation du retentissement fonctionnel et sa durée prévisible, car ils permettent de déterminer la durée de l'ITT [LHT]. Il convient de préciser si des complications sont prévisibles et d'émettre des réserves motivées : "Sous réserves de complications...». La mention du destinataire doit enfin figurer sur le certificat : "A la demande de l'intéressé - Certificat destiné à ... - Sur réquisition de ..." Le certificat doit revêtir la signature de son rédacteur. Des exemples de certificat médicaux sont disponibles [LHT]