La pauvreté conviviale et volontaire fait la promotion de la frugalité heureuse, d’un mode
de vie simple et de bon sens, c’est-à-dire de ce qui est nécessaire et suffisant pour bien vivre. A la
différence de la misère, la pauvreté volontaire « se base sur un choix délibéré » et « la quête d’une
richesse plus libératrice de toute dépendance matérielle superflue. Elle exclut les plaisirs qui
dégradent la relation personnelle » [8] aux autres et à soi même.
La pauvreté est souvent perçue, de nos jours, comme un fait négatif, or cela n’a pas toujours
été ainsi. Le sociologue Jean Labbens rappelle que « la pauvreté a souvent été prônée comme un
bien. Pour des raisons morales et religieuses, d’abord ; elle libère des soucis terrestres et permet de
vaquer à la contemplation ». C’est-à-dire à une vie plus méditative qu’hyperactive. De plus dans
cette approche religieuse « la pauvreté laisse à l’homme de quoi subvenir à ses besoins ; peu sans
doute, mais assez, tout de même, pour donner un sentiment de sécurité ; sinon, elle créerait des
préoccupations temporelles, au lieu d’en retirer. L’excellence de la pauvreté ne se mesure donc
point au dépouillement des biens, mais à la libération qu’elle procure » au plan spirituel. Dans cette
perspective, le pauvre ne doit donc pas avoir à se soucier de sa subsistance, sinon il vit dans la
misère angoissante et destructrice [9]. Autrement dit, le pauvre doit au minimum disposer de ce qui
est nécessaire pour se dégager de la misère matérielle.
Comme le souligne Blandine Destremeau, Rahnema et Robert se défendent « d’un regard
romantique ou nostalgique sur cette pauvreté et pour ce faire, ils en appellent aux registres
philosophique, sociologique, économique et écologique, qui s’enracinent dans la notion de
puissance, la potentia de Spinoza [10]. C’est-à-dire la maîtrise et la plénitude intérieure alors que la
potestas ou pouvoir est un pouvoir extérieur dont l’essence est l’exercice d’une force d’intervention
sur les autres. Un chapitre entier de l’ouvrage est d’ailleurs consacré à Spinoza » [11].
La satisfaction des besoins psychologiques est une des conditions du bien vivre.
Parallèlement, aux besoins essentiels physiologiques et au besoin de puissance sur soi-même, il
existe d’autres besoins psychiques essentiels à la « vie bonne », tel qu’en parle en particulier le
philosophe Paul Ricœur. La « sobriété heureuse » telle que la formule Pierre Rabhi vise à retrouver
une harmonie intérieure et extérieure, psychique et écologique. Elle vise aussi à développer les
qualités psychologiques de l’être humain (se détacher du besoin de posséder, de consommer, du
pouvoir, de s’oublier dans l’activisme…). Qualités qui sont nécessaires d’acquérir, afin de pouvoir
réellement mettre en œuvre cette autolimitation, en vue d’un partage équitable des ressources entre
tous les êtres vivants.
Selon le psychologue Maslow, les cinq besoins fondamentaux principaux sont les besoins
physiologiques, le besoin de sécurité, les besoins d’appartenance, le besoin d’estime de soi et
d’accomplissement de soi [12]. Cependant, à l'exception des besoins physiologiques et d'estime de
soi, il ne nous semble pas qu'ils sont véritablement fondamentaux, puisqu'ils sont composés en
réalité de certains d'autres besoins plus fondamentaux. C'est pourquoi les besoins véritablement
fondamentaux devraient plutôt être les suivants : les besoins physiologiques, le besoin de vivre
(pulsion de vie), le besoin d’être fort, le besoin d’aimer (de servir autrui, d’être utile), le besoin de
réalisation de soi-même (par la création de soi ou d’objets) et le besoin de compréhension (de
curiosité). Par exemple, le besoin d’estime de soi étant un besoin fondamental, puisqu’il découle du
besoin d’aimer sa propre force (niveau primaire). Lorsqu’il est vécu sous la forme de la peur d’avoir
une mauvaise estime de soi ou une mauvaise confiance en soi, il peut engendrer un besoin
névrotique de reconnaissance conscient ou non.
La pauvreté conviviale et la sobriété heureuse supposent donc la satisfaction de ses besoins
physiques, matériels et psychologiques. Satisfaire les 5 besoins fondamentaux psychologiques
suppose de parvenir à prendre conscience des peurs subconscientes engendrées par leur non-
satisfaction, puis de parvenir à s’en détacher psychiquement. Ces 5 peurs sont reliées aux 5 besoins
psychiques fondamentaux : la peur de la mort au besoin de vivre, la peur d’être faible au besoin
d’être fort, la peur de ne pas être aimé au besoin d’aimer, la peur de ne pas se réaliser au besoin de
réalisation de soi même par la création, la peur de ne pas comprendre et donc ne pas maîtriser son
environnement au besoin de compréhension du monde. Se détacher de ces peurs suppose non