TEXTO 2
Dans le cadre de la « société du savoir » (et de la mondialisation), il est possible
d’identifier un certain nombre de tendances clé (Nowotny, Scott et Gibbons 2001). La
première est l’accélération - et, étroitement liée à celle-ci, la complexité. L’accélération
et le changement sont généralement perçus comme des phénomènes technologiques et
économiques (l’impact des TIC et le triomphe du « marché ») ; et, deuxièmement,
comme linéaires et prévisibles. Mais l’accélération est aussi un phénomène scientifique,
intellectuel et culturel - et il est souvent littéralement incontrôlable. Tout fluctue. La
deuxième tendance est l’incertitude - ou le risque, car à coté de la « société du savoir »
se trouve l’autre, la « société du risque » (Beck 1992). Cette incertitude comporte deux
aspects. Le premier est typiquement décrit en termes négatifs, à savoir le mauvais côté
de la croissance économique et des changements sociaux en termes de pollution
environnementale et de ruptures familiales. Mais le second aspect plus positif est que la
réussite de la science est génératrice (et l’a toujours été) d’incertitude; dès qu’un
problème est résolu, il y en a d’autres qui apparaissent. Pendant un certain temps, cette
incertitude a été contenue à l’intérieur de la sphère intellectuelle relativement sûre.
Maintenant, elle a inondé la société dans son ensemble. Ainsi, l’incertitude est
intimement liée au potentiel, qui est à son tour un élément clé dans la production de
l’innovation.
La troisième tendance est que la Société du savoir est un terrain contesté - dans deux
sens différents. Premièrement, comme je l’ai déjà affirmé, son impact n’est pas limité à
l’économie. Son impact est tant social que culturel. Le quotidien des individus est tissé
de noms de marques qui sont souvent elles-mêmes « localisées »; les chances de vie, qui
constituaient autrefois les indices brutes pour le calcul économique de la droite « de
marché » et de la gauche « socialiste » ont été remplacées par des styles de vie, voir par
des marques de vie. C’est dans un sens très réel que la « société du savoir » va « au-delà
du marché ». Deuxièmement, la « société du savoir » - et plus particulièrement la
mondialisation - sont hautement idéologiques. Le triomphalisme associé à l’idée de «
fin de l’histoire » (pour citer le titre - naïf - d’un ouvrage de Francis Fukuyama sorti il y
a une décennie) est déplacé (Fukuyama 1992); l’idée que la nation - ou l’Etat
providence est remplacée par l’Etat « marchand » dans un grand changement historique