Kant : Citations complémentaires : G.LEBRUN, Kant sans kantisme, Paris, Fayard, 2009. A propos du « règne des fins » « La morale « kantienne » perd l’aspect d’abstraction qu’on lui a tant reproché si l’on considère qu’elle ne concerne pas un sujet sensible qui se trouve être aussi doué de raison, mais un Weltwesen qui est capable de se rendre rationnel. Ce qui implique qu’il doit avoir un intérêt à vivre en se soumettant (sans intérêt) à la Loi, -qu’il doit pouvoir aspirer à être membre d’un règne qui adviendra, et que, s’il prend soin de « se conduire d’après les maximes de la liberté comme si elles étaient des lois de la nature », il faut que ce « comme si » ait pour lui un autre sens que celui d’une simple clause rhétorique. Un platonicien nihiliste : telle serait l’absurde condition du sujet moral assujetti à la Loi s’il n’estimait pas alors qu’il agit, que nature et liberté peuvent s’unifier en ce monde sous la loi de la liberté, et que le phénomène pourra se conformer au suprasensible. p. 313 « Ce que le sujet autonome affirme seulement, à travers chacun de ses actes, c’est que le règne des fins dont il se rend digne pourra acquérir la réalité d’une nature-et que son action désintéressée d’aujourd’hui contribue à la production future de cet effet. » p. 307 A propos des « postulats de la raison pratique » Pas d’assurance théorique préalable pour les objets postulés pratiquement car : « le mundus intelligibilis » ne se dévoile jamais comme une possession assurée, mais [qu’]il n’a de présence que pour autant qu’il est requis par la détermination pratique de ma volonté. » p. 307 « l’interprétation « autoritariste » de la morale (…), sans doute, ne falsifie pas l’analyse de l’action faite par devoir. Mais, comme elle fait passer au second plan l’impulsion pratique à réaliser le suprasensible, elle ne tient pas compte de la différence entre la finitude théorique qui confine le Sinnenwesen dans les limites de la possibilité de l’expérience, et la finitude pratique, qui porte le sujet à s’outrepasser dans le suprasensible, et dont le propre est de travailler à se supprimer (MLD : se dépasser en tt qu’ê naturel). Ainsi le suprasensible ne désigne pas le même au-delà pour le sujet théorique et pour le sujet pratique. Et le trait qui caractérise le mieux ce dernier en tant que sujet rationnel n’est pas en définitive l’asservissement à la Loi – qui le renforce plutôt dans son être naturel, dans sa condition profane-, mais le fait qu’il vise le suprasensible comme objet de croyance, autre façon qu’aurait l’homme de vivre son rapport à un au-delà indéchiffrable. Elle atteste au contraire que l’inconnaissable selon la critique théorique n’est pas synonyme d’impossible en soi ni d’irréalisable. P. 312