Des exemples d’étude du statut relationnel (ou syntagmatique) d’un mot. http://www.charmeux.fr/travailvocabul.html L’objectif de ce type d’activité est de structurer la connaissance de la polysémie des mots, c’est-à-dire des variations de sens en fonction des mots environnants (les “collocations”) et des situations de communication (données “pragmatiques”). Comme toujours, il s’agit de choisir des mots déjà rencontrés par les enfants, notamment dans leurs activités scolaires, mais dont la polysémie constitue pour eux une difficulté (termes scientifiques, ou mathématiques, appartenant au langage courant, mais avec des acceptions spécifiques, par exemple). Le choix du mot à étudier vient de l’enseignant essentiellement ; pas question de demander aux enfants ce qu’ils veulent étudier ! La constitution du corpus, qui peut avoir été préparée par des recherches préalables dans les textes lus, s’effectue en grand groupe avec l’enseignant. Il s’agit de lister les collocations possibles du mot en question. Lister les collocations, cela veut dire, chercher les mots qui peuvent se trouver à sa gauche et ceux qui peuvent se trouver à sa droite. Par exemple, si l’on décide de travailler sur le verbe monter (4). 1) Travail collectif, sous la direction de l’enseignant : les recherches effectuées par l’ensemble de la classe ont abouti au tableau de collocations suivantes : à gauche Nous Les prix La fièvre Les passagers Nous Le roi Pierre Le soldat Ma grand-mère Le bijoutier La classe La route C’est mon frère qui Mon métier Le fleuve Ma mère Cette histoire Les frais monter sommes montés montent monte montent monterons monte est monté monte monte trop fort monte a monté monte monte est de monter monte a monté a monté montent à droite sur le Mont Blanc tous les jours le soir vers cinq heures dans le bateau à Paris pour Noël sur le trône en grade au front le son de la Télé une perle sur ma bague une pièce de théâtre. sans arrêt les tentes de camping des films. de plusieurs centimètres par jour les œufs en neige les élèves contre le professeur à plusieurs milliers de francs Après avoir installé ce tableau de collocations, les premières observations collectives portent sur les constats grammaticaux : différences de conjugaison aux temps composés, différences de type de compléments, avec ou sans préposition, ou sans compléments du tout. 2) Travail par groupes : recherche de classement de ces emplois, à partir de consignes proposant les critères. Pour avoir le maximum d’informations, dans un temps assez restreint, des consignes différentes sont proposées, chacune à deux groupes, afin de pouvoir confronter les résultats. Les critères sont donnés à partir, d’une part, des constats effectués de façon générale dans l’observation collective, d’autre part, des types de transformation les plus efficaces ici : transformation par substitution de synonymes, par substitution de contraires, par transformation nominale. Les résultats des transformations sont naturellement donnés aux élèves. Il serait absurde de leur demander de les trouver, puisque ces résultats sont à acquérir par eux : la transformation nominale, par exemple, est pratiquement inconnue des élève, même en 6ème de collège. Si donc, on leur demande de trouver eux-mêmes que monter la tente, cela donne : le montage de la tente, tandis que la route monte, cela donne : la montée de la route, on pratique automatiquement une sélection de classes sociales. L’objectif pédagogique est complètement manqué. * Première consigne, donnée aux deux premiers groupes : “Remplir, avec les phrases du corpus, le tableau de fonctionnement grammatical suivant”. (On remarquera que plusieurs exemples du corpus contiennent des formes avec auxiliaire : il n’est pas question de laisser les enfants trouver tout seuls : quelques balises sont nécessaires (5)) Monter avec auxiliaire être Monter avec l’auxiliaire avoir Monter avec complément sans préposition = v. transitif direct Monter avec complément prépositionnel = v. transitif indirect Monter sans aucun complément = v. intransitif * deuxième consigne, donnée à deux autres groupes : « Remplir, avec les phrases du corpus, le tableau de synonymes proposés » : grimper aller progresser tenir assembler augmenter s’élever embarquer exciter etc. * Troisième consigne, donnée encore à deux autres groupes : « Remplir, avec ces mêmes phrases, le tableau des contraires suivants » : descendre diminuer régresser baisser quitter abdiquer défaire calmer * Quatrième consigne, pour les deux derniers groupes : « Remplir, avec les phrases, le tableau de transformations nominales suivantes » la le le la la l’ascension l’embarquement la montée montage total crue hausse préparation 3) Mise en commun et formulation des constats. Le premier critère qui permet un classement, c’est l’opposition d’auxiliaire, qui correspond à peu près à l’opposition « transitif / intransitif » Ensuite, c’est la transformation nominale qui conduit à un sous classement : montée, montage, hausse, ascension, préparation, embarquement (crue et montée, ayant les mêmes emplois, simplement, crue est spécifique des inondations). Nous n’avons pas mis en évidence le caractère animé ou non des sujets, car ce critère ne semble pas vraiment pertinent pour le fonctionnement de ce verbe, même si la plupart des dictionnaires en font état. Ce troisième moment peut être renforcé par la consultation des dictionnaires, notamment au CM. Il s’agit, bien sûr, des dictionnaires de langue : Dictionnaire du français contemporain, Larousse de la langue française Lexis(6),, Petit Robert(7).. Il faut bien comprendre que les dictionnaires ici (au pluriel, bien sûr !) servent de vérification, et d’élément de comparaison : encore une fois, il n’est pas question de trouver la vérité, ni de faire une étude exhaustive (celle que nous proposons est loin de l’être) mais de permettre une prise de conscience sur le certains aspects du fonctionnement syntaxique et sémantique de ce mot. Il est très important que les enfants quittent l’école primaire en ayant acquis l’habitude de fréquenter les dictionnaires, en sachant lesquels choisir en fonction des besoins du moment, et en sachant s’orienter dans leurs divers volumes. Cela ne peut que les aider grandement au Collège. 4) Jeux de renforcement : on peut reprendre ici les propositions qui ont été faites à propos de la transformation nominale, et inviter les élèves à un entraînement ludique aux transformations nominales des verbes étudiés On peut ainsi travailler sur des verbes, comme tomber, et faire découvrir, à partir d’un corpus comme celui-ci : La nuit est tombée. L’enfant est tombé. Le rideau tombe sur cette scène. Une dépêche est tombée. Cet homme est tombé à Verdun. La fièvre est tombée. Le député est tombé aux dernières élections etc. les transformations nominales qui correspondent aux différents secteurs sémantiques de ce verbe : chute, baisser, tombée, mort, diminution, échec, arrivée. Il est également nécessaire de travailler sur des mots, substantifs, ou adjectifs, utilisés dans des disciplines différentes, avec des acceptions spécifiques, souvent sans rapport apparent les unes avec les autres, ou avec le sens courant quand il en a un. Par exemple : Facteur : Le facteur n’est pas passé ce matin Il s’agissait d’un facteur de pianos célèbre Décomposer un nombre en facteurs premiers Il faut compter sur le facteur chance. L’inversion des facteurs ne change pas la valeur du produit. Si l’un des facteurs est nul, le produit est nul. etc. On peut penser aussi à des adjectifs, comme égal : Voici deux récipients de capacité égale Le double de douze est égal au triple de huit La partie n’est pas égale entre eux. les sont en principe égaux devant la loi. C’est égal, je ne m’attendais pas à cela. Les quatre côtés d’un carré sont égaux. Sa probité est égale à son dévouement. etc. Ou des adjectifs aux significations extrêmement diverses, comme frais, dont les contraires sont très amusants à noter : du pain frais ≠ du pain rassis (on remarque que du pain fais est en général chaud !) du lait frais ≠ du lait condensé ou homogénéïsé (on remarque que le lait frais, n’est pas moins froid que le lait froid !) de la viande fraîche ≠ de la viande congelée, ou avariée des nouvelles fraîches ≠ des nouvelles qui datent du beurre frais ≠ du beurre rance un temps frais ≠ un temps étouffant (et non un temps chaud qui a pour contraire un temps froid) de l’herbe fraîche ≠ de l’herbe sèche des fleurs fraîches ≠ des fleurs fanées ou séchées etc. Travail qui peut mettre en relation cet adjectif et le substantif différent d’origine et de sens, frais signifiant “dépenses”. Ce qui peut conduire à des petites incursions dans le domaine passionnant, mais assez controversé, de l’étymologie, qui est au cœur des activités à mener autour de la notion de famille de mots. 4- L’exemple ici développé a été vécu dans une classe de CE2, classe de Monsieur Carrère à Toulouse. 5- Rappelons que l’objectif est que tout le monde réussisse… On l’oublie parfois ! 6- Édition Larousse, Paris. (tous les deux) 7- Édition le Petit Robert Paris.