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Les cellules se transforment et deviennent autres. Un des mécanismes fondamentaux qui
permettent la construction d’un embryon à partir des descendants d’une cellule-œuf unique est la
diversification – la différenciation – des cellules filles. Des cellules initialement identiques vont
d’abord se transformer en deux, puis en quatre grandes familles distinctes, dotées de propriétés
nouvelles. Puis, comme les arborescence d’un buisson en train de grandir, les premières branches
donneront naissance à des branches nouvelles, qui donneront naissance, à leur tour, à de nouveaux
rameaux, aboutissant à l’apparition de plus d’une centaine de familles de cellules différentes.
(p.22)
L’extraordinaire diversité des formes, des activités, des fonctions et des potentialités des cellules
qui composent notre corps est déterminée par les interactions entre les outils – les protéines – que
nos cellules fabriquent continuellement à partir des informations contenues dans nos gènes. (p.23)
Les gènes sont comme de longues suites de lettres qui s’agencent en mots, s’enchaînent en phrases
et forment des livres. La bibliothèque de nos gènes est constituée de plus de cent mille livres, tous
différents, et chacun présent en double exemplaire, l’un provenant de notre père, l’autre de notre
mère, deux variations sur un même thème, comme deux éditions différentes, annotées et révisées,
d’un même livre. Le langage dans lequel sont écrits les livres de nos gènes est commun à
l’ensemble de l’univers du vivant, des bactéries aux oiseaux, des fleurs aux poissons, et des souris
à l’homme. Seule change, dans chacune des espèces, la nature du texte. Le vocabulaire de ce
langage universel comporte soixante-quatre mots, chacun formé d’une suite de trois lettres, à partir
d’un alphabet d’une simplicité extrême qui se réduit à quatre lettre. Cet alphabet a une nature
concrète : chaque lettre est une molécule. La bibliothèque des livres de nos gènes se déploie ainsi
le long d’un enchainement de plusieurs milliards de lettres, qui constituent un immense filament
d’ADN (l’acide désoxyribonucléique). Ce filament de plus d’un mètre de long, replié et enroulé
sur lui-même comme une pelote, est condensé dans nos chromosomes et contenu tout entier dans
une sphère microscopique – le noyau – entourée d’une enveloppe qui la sépare du cytoplasme – le
corps – de chacune de nos cellules. (p.23,24)
Mais les gènes ne peuvent quitter le noyau et les protéines sont fabriquées dans le cytoplasme. Les
cellules construisent les protéines à partir d’une copie mobile et éphémère d’un gène (…) qui
voyage du noyau vers le cytoplasme. Et chaque protéine est elle-même l’équivalent d’une
traduction de ce livre dans un autre langage, une longue suite de lettres – de molécules – les acides
aminés, dont il existe vingt exemplaires différents – assemblées à partir des informations
contenues dans la copie d’un gène. (p.24)
Les véritables acteurs de la vie cellulaires sont les protéines (p.24)
Mais tenter d’attribuer à une protéine donnée une activité univoque – une propriété intrinsèque –
correspond à une illusion. Son activité, en effet, et sa pérennité, dépendent de son environnement,
de la collectivité des autres protéines qui l’entourent, du ballet préexistant dans lequel elle va
s’intégrer. Et c’est l’ensemble – la collectivité – des protéines que produit une cellule qui
détermine, à un moment donné, ses caractéristiques, ses potentialités particulières et son
appartenance à l’une des cent familles cellulaires qui nous composent. (p.24, 25)
La différence entre deux cellules qui appartient à deux familles distincte de notre corps, comme
une cellule du cerveau et une cellule du foie, une cellule du poumon et une cellule de la peau, est
due au fait que chaque famille de cellules consulte des informations génétiques différentes
fabrique donc des protéines différentes. Aucune cellule ne peut lire et utiliser la totalité des
informations génétiques contenues dans la bibliothèque des gènes commune à toutes les cellules
de notre corps. Dans chaque cellule, la bibliothèque originelle est toujours présente, mais la
plupart des livres sont devenus inaccessibles. Ainsi, le développement d’un embryon dépend de la