La saga autour de VOO et le caractère très politique de la

La TV de demain : beaucoup d’appelés, peu d’élus
Il ne passe pas un jour sans qu’on ne parle du marché de télévision : c’est Test Achat qui
met en garde contre le duopole Telenet/Belgacom qui se met en place pour la TV après
l’ADSL, c’est Telenet qui gagne son référé contre Belgacom pour publicité comparative
incorrecte (L’Echo du 19-12), c’est Belgacom qui conteste le projet de l’IBPT d’ouvrir
son réseau VDSL à la concurrence alors qu’il est destiné à la TV haute définition
(L’Echo du 13-12), c’est Interkabel (L’Echo du 17-12 et du 4-12) qui cède son activité
TV à Telenet (malgré la très forte résistance politique…et ce n’est pas encore gagné),
c’est enfin la saga politique autour de la consolidation du ble wallon, sans compter les
mouvements à la tête du CSA. C’est beaucoup et ce n’est qu’un début….
Ce secteur va bientôt connaitre les cycles de développement ultra-rapides qui
caractérisent les télécommunications et l’IT : il n’y aura pas de place pour tout le monde.
Il y a aujourd’hui 5 plate-formes pour diffuser la TV (excusez du peu) : le satellite, le
câble, la diffusion hertzienne (par antenne) et les réseaux télécoms tant fixes que mobiles.
L’opérateur télécom : le challenger
Ce qui différencie les réseaux télécoms des autres plate-formes est la possibilité de
délivrer un signal TV individualisé à chaque client. Jusqu’ici, seul le broadcasting (le
même signal capté par un grand nombre d’utilisateurs) prévalait avec la diffusion
hertzienne et par le câble.
Les télécoms peuvent frapper fort: avec une diffusion point à point, la porte est ouverte à
la TV interactive, à la TV à la demande, à la publicité personnalisée comme Google avec
son moteur de recherche, bref proposer à chaque client de se construire sa propre offre
télévisuelle, ses programmes où et quand il veut. C’est, transposé à la TV, ce que
Amazon a pu faire dans le domaine de l’édition : exploiter les marchés niches hors de
portée du modèle traditionnel de masse « broadcasting ».
Un tel rêve exige des investissements considérables dans le réseau d’accès pour
augmenter la bande passante : Verizon s'y est engagé aux US avec son projet d’amener
des fibres jusqu’au domicile (Fios) ou ATT qui s’en approche avec son projet Lightspeed.
L’expérience de l’opérateur PCCW montre qu’on peut réussir sans aller aussi loin car il a
inversé l’érosion du nombre de lignes fixes par une offre TV proche des câblo-opérateurs
sans sophistication mais avec un contenu premium de choix.
France Telecom a des projets ambitieux de fibre jusqu’au domicile mais agit en fait à
l’offre de Free, un des seuls opérateurs alternatifs qui a osé suivre cette voie. Car de tels
investissements favorisent les opérateurs historiques qui peuvent compter sur les revenus
guliers de leur marché domestique.
En Allemagne, en Suisse en Belgique et en Hollande, les opérateurs historiques mettent à
jour leur réseau pour transporter des débits de plus en plus grands (VDSL, fibres). Certes
le dégroupage y reste obligatoire à l’avantage des concurrents mais il impose aux
opérateurs alternatifs d’être interconnectés en tellement d’endroits que ce n’est plus
viable. Aux US, cette obligation a d’ailleurs disparu, ce qui signe la mort certaine des
opérateurs alternatifs.
Comment le câble réagira
Les câblo-opérateurs ont de quoi faire face : leur réseau permet le broadcasting et
l’interactivité. Quand le câble offre la téléphonie et internet sur le même réseau, il met
par la même occasion le réseau à jour pour la future TV interactive si elle devient le
modèle dominant. De fait, si la TV ne va aussi loin que la TV individuelle, le
broadcasting restera le plus économique et une bonne dose d’interactivité fera la
différence. Encore faut-il que la bande passante soit suffisante et que la coexistence de la
TV digitale et analogique en attendant la transition au tout digital ne fasse pas pire en
réduisant l’offre. Cela chasserait les clients potentiels vers les autres plate-formes.
TELENET a été confronté à ce problème : sa bande passante sur câble était faible (450
Mhz) ; il a upgradé vers 600 Mhz et il est passé en force pour imposer ses nouveaux
décodeurs, non sans grincement de dent. Tout comme les mobiles, les décodeurs ne
peuvent être subsidiés en Belgique.
Les outsiders
Les opérateurs satellites sont mal placés : ils n’ont que le broadcasting pour diffuser leur
offre. S’ils veulent mettre un peu d’interactivité, ils doivent opérer simultanément un
réseau terrestre. C’est ce que Sky en UK a fait en achetant Easynet, un fournisseur
d’accès internet. Il faut dire que les opérateurs satellites avaient la belle vie jusqu’ici : ils
se contentaient d’acquérir le contenu et de les diffuser à travers un satellite qui ne leur
appartenait pas dans la plupart des cas ; ils n’avaient qu’à faire la gestion des clients
puisque ces derniers s’occupent même d’acheter et d’installer la parabole.
S’ils se dépêchent, ils peuvent néanmoins prendre pied sur le marché de la TV haute
définition avant les autres plate-formes. Ces derniers demandent des réseaux à jour
(comme BELGACOM avec son déploiement VDSL) pour transporter les très grands
débits nécessaires pour la haute définition (HD). Les satellites, eux, opèrent dans des
bandes de fréquence très hautes qui n’intéressent personne. Ils y ont un accès quasi
illimitée. Tout dépend de la pénétration des écrans plats HD; aujourd’hui on en achète un
même si les émissions TV ne suivent pas : car ils peuvent servir au DVD Blue Ray, aux
consoles de jeu,... Les opérateurs satellites pourraient profiter de la nétration déjà
grande des écrans plats HD pour capturer vite une grande part de marché…si le modèle
d’avenir de la TV est la haute définition avant la TV interactive ou la TV personnelle
Les perdants
Les opérateurs traditionnels hertziens vont continuer à souffrir du peu de spectre
disponible. Même si en télévision numérique, le nombre de chaînes est plus grand, il
restera inférieure au satellite, au câble ou à l’IPTV des opérateurs télécoms. Ce seront
peut-être les grands perdants de la révolution TV. Les gouvernements n’aident pas quand
ils poussent à tout prix le lancement de la TV digitale terrestre simple définition en
gaspillant ainsi le spectre pour de la TV digitale haute définition. La fragmentation du
marché avec plus de 30 chaînes en hertzien mettra aussi à mal de modèle actuel de la
publicité comme moyen de financement de ce mode de diffusion.
Ceux qui mettront tout le monde d’accord
Quant aux opérateurs mobiles, ils pourraient mettre tout le monde d’accord puisqu’ils
peuvent combiner la télévision point à point grâce à la technologie 3G (HSUPA) et le
broadcasting avec la norme DVB-H. Car même dans le monde de la TV à la carte, il
restera une demande pour le broadcast (sports, journaux télévisés).
Un opérateur télécom se lance dans la TV pour stopper la perte des lignes fixes ou pour
augmenter son revenu si la concurrence des opérateurs mobiles et alternatifs est faible.
BELGACOM est engagé sur la première voie avec son programme VDSL pour faire face
à TELENET et à VOO. Pourtant chaque plate-forme véhicule avec elle sa vision de la TV
du futur : TV individuelle ou à la carte, TV interactive, TV haute définition….En
Belgique, deux plate-formes se taillent ou vont se tailler la part du lion : le câble et
l’IPTV. Espérons que ce sont bien leur vision de la TV du futur qui est la bonne sans
qu’un duopole ne perturbe leur élan.
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