Mais où est donc Ornicar ? Atelier de réflexion sur la langue française On s’interroge, on fait des recherches, on échange et on partage. On essaie de nourrir sept rubriques : les bizarreries, des précis linguistiques, les fautes de langue, les expressions imagées, les astuces mnémotechniques, les étymologies étonnantes, les devinettes et les jeux de mots et de lettres. Site internet : http://jacge.nguyen.free.fr/ornicar/ Séance du 29 septembre 2009 Bizarreries ou anomalies Avènement, mais événement : l’Académie française et le Petit Robert recommandent évènement. Règle, règlement, mais réglementer, réglementation, réglementaire, réglementairement : l’Académie recommande règlementer, règlementation, règlementaire, règlementairement. Précis linguistiques Recommandation de l’Académie française : on mettra fin aux hésitations concernant la terminaison -otter ou -oter, en écrivant en -otter les verbes formés sur une base en -otte (comme botter sur botte) et en -oter les verbes formés sur une base en -ot (comme garroter sur garrot, greloter sur grelot) ou ceux qui comportent le suffixe verbal –oter (exemples : baisoter, frisoter, cachoter, dansoter, mangeoter, comme clignoter, crachoter, toussoter, etc.). Dans les cas où l’hésitation est possible, on ne modifiera pas la graphie (exemples : calotter sur calotte ou sur calot, flotter sur flotte ou sur flot, etc.), mais, en cas de diversité dans l’usage, on fixera la graphie sous la forme -oter. Les dérivés suivront le verbe (exemples : cachotier, grelotement, frisotis, etc.). Maint, adj. indéfini, exprimant un grand nombre indéterminé, s’emploie au singulier et au pluriel : mainte(s) fois, mainte(s) et mainte(s) fois, à mainte(s) reprise(s), maint(s) et maint(s) conseil(s) .Maint, pronom indéfini, est un archaïsme : Maint(s) d’entre eux. [Le Bon Usage de M. Grévisse] Ne dites pas, n’écrivez pas de mal en pire, de pire en pire, tant pire Dites, écrivez de mal en pis, de pis en pis, tant pis : pis = plus mal, pire = plus mauvais. en cinq sept, en cinq sets en cinq sec = très rapidement, comme si l’on jouait en cinq points sec, au jeu de l’écarté. une chose flambant neuf une chose flambant neuve : une chose tellement neuve qu’elle flambe (participe présent : « flambant ») l’handicap, les z-handicaps, les z- le handicap, les handicaps, les handicapés : étym. handicapés hand in cap, « main dans le chapeau » ; il s’agit d’un h aspiré, pas d’élision, pas de liaison. la panacée universelle la panacée : du grec pan « tout » et akos « remède ». L’ajout de l’adjectif universelle est donc un pléonasme. Expressions imagées Mieux vaut pain en poche que plume au chapeau : Tout ce qui est superficiel n’a pas de valeur réelle et ne nourrit pas. Trempé comme une soupe : A l’origine, la soupe était la tranche de pain que l'on arrose de bouillon, de lait… Par déformation, c’est le liquide dans lequel on trempe qui est devenu la « soupe ». Faire un pied de nez à qqn (un nez d'un pied de long), un geste de dérision qui consiste à étendre la main, doigts écartés, en appuyant le pouce sur son nez. En fait, celui qui était déçu avait le nez allongé jusqu’à un pied, l’ancienne mesure de longueur. Astuces mnémotechniques Perchée sur la racine de la bruyère, la corneille boit l’eau de la fontaine Molière : pour garder en mémoire le nom des principaux écrivains du XVIIe siècle (Racine, La Bruyère, Corneille, Boileau, La Fontaine, Molière). Rappelons que cette fameuse fontaine se trouve au pied de la roche Foucauld ; avec des cartes, on peut s’y rendre en voiture, si la male herbe n’a pas trop bossué le chemin. Parce qu’alors… (La Rochefoucauld, Descartes, Voiture, Malherbe, Bossuet, Pascal…). Etymologies étonnantes Civet, de cive « ciboule » : ragoût de gibier aux cives. Cf. civette « ciboulette ». A distinguer de l’autre nom civette, italien zibetto, arabe zabâd : Mammifère carnivore (viverridés) au pelage gris jaunâtre taché de noir. Palanquée, de l'ancienne forme de palan : 1. (Marine) Fardeau, contenu d'un palan. 2. (Par extension) Quantité de poissons déchargés d'un chalutier. 3. (Par extension et familièrement) Grosse quantité. 4. Plusieurs plongeurs qui effectuent ensemble une plongée présentant les mêmes caractéristiques de durée, de profondeur et de trajet. Age canonique : (relig.) âge de quarante ans (minimum pour être servante chez un ecclésiastique). Cour. Être d'un âge canonique, très âgé. Cynégétique : art de la chasse. Du grec kunêgetikos, de kunêgetein « chasser avec une meute », de kuôn, kunos « chien ». Cynorhodon ou cynorrhodon, grec kunorodon, proprement « rose de chien », c'est-àdire « plante contre les morsures de chien » : Réceptacle rouge renfermant les fruits (gratte-cul) du rosier et de l'églantier. Méandre : Aujourd’hui fleuve turc sous le nom de Menderes, le Maiandros (en latin Mæander) arrosait jadis la Phrygie. Ses très nombreuses sinuosités étaient connues des peuples de la région, et tout cours d’eau au lit tortueux comportant des courbes lui était comparé. Par extension, ce sont les boucles, les zigzags, les coudes, les contours… qui furent dénommés des méandres. Concert, concerto, se concerter, concertation : Contrairement à l’idée d’accord, d’entente, d’harmonie que ces mots évoquent, leur étymologie révèle plutôt celle de lutte, de rivalité. En effet, en latin concertare signifie lutter, rivaliser, et concertatio, c’est la lutte d’athlètes antiques. Il est vrai que, si l’on a besoin de se concerter, c’est que l’on avait au départ des avis divergents. De même, dans un concerto tous les instruments ne jouent pas tout le temps ensemble ; il y a des solos de tel ou tel instrument, qui rivalise de virtuosité avec les autres. Chabrol ou chabrot n. m. occitan chabro, latin capreolus « chevreuil » : Mélange de vin rouge et de bouillon chaud. Faire chabrol : verser son verre de vin dans le fond de son assiette de soupe et boire le mélange. Devinettes, jeux de mots, jeux de lettres Que cache ce texte de Georges Perec ? Que scie cette huître neuve d’Is Once douce Tresse qu’à tort je crains Je sais Je dis : Ces thés disent Oui Et disent : Ne fais vain ! Solution en dernière page. Le jeu de la langue française du Nouvel’Obs. Le quiz de Jacques Drillon (1) 1. On accorde : C'est son humour et c. Tirelire. non son savoir que nous avons... 7. Handball se prononce : a. Aimé a. Handbal b. Aimés b. Handbol c. L'un ou l'autre. c. Comme on veut. 2. On écrit : 8. Qu'est-ce que des paronymes ? a. Et tout ce qui s'ensuit a. Des mots qui s'écrivent presque de b. Et tout ce qui s'en suit la même manière (prodige/prodigue) c. Les deux. b. Des mots qui ont un sens opposé (vrai/faux) 3. Egayement, c'est : c. Des mots qui vont souvent a. Le fait de se disperser ensemble (bel et bien). b. Le fait de rendre gai c. Les deux. 9. «Sucrer les fraises» signifie : a. Trembler 4. On sait qu'il faut écrire « au temps b. Ajouter un élément superfétatoire pour moi » mais comment écrit-on : c. Oublier le superflu au profit du a. Jusqu'à temps qu'il arrive nécessaire. b. Jusqu'à tant qu'il arrive c. L'un ou l'autre. 10. Le «Stentor» de la «voix de stentor» était : 5. Malraux a-t-il raison d'écrire que les a. Un chanteur romain tableaux du Douanier Rousseau sont b. Le conseiller d'Alexandre le Grand « à mille lieux de la couleur naïve » ? c. Un personnage de l'Iliade. a. Oui b. Non 11. On écrit : c. Oui et non. a. Vous allez avoir affaire à lui b. Vous allez à voir à faire à lui 6. L'alouette : c. L’un ou l’autre. a. Grésille b. Graille 12. Dans «moeurs»... a. On prononce le s final b. On ne prononce pas le s final c. On fait comme on veut. 13. Comment accorde-t-on ? a. Elle s'est promise de lui écrire b. Elle s'est promis de lui écrire c. Cela dépend. 14. Et dans ce cas ? a. Elle s'est attendue à cet échec b. Elle s'est attendu à cet échec c. Cela dépend. 15. Et enfin ? a. Elle s'est vue mourir b. Elle s'est vu mourir c. Cela dépend. 16. Le pantoiement, qu'on trouve cité dans les anciens dictionnaires, c'est : a. Le refus d'avancer, pour un âne b. Le phénomène du recul, pour un canon Solutions page suivante. c. L'asthme des oiseaux de proie. 17. Comment accorde-t-on ? a. Des chansons, j'en ai chanté b. Des chansons, j'en ai chantées c. Les deux sont possibles. 18. Et ici ? a. Les conclusions que j'en ai tiré b. Les conclusions que j'en ai tirées c. Les deux sont possibles. 19. Puisqu'on peut dire «un concierge» ou «une concierge», «un enfant» et «une enfant», ces mots sont : a. Epicènes b. Ambicynes c. Bigenriques. 20. Un haut- relief est : a. Plus haut placé qu'un bas-relief b. Plus en relief qu'un bas-relief c. Plus ancien qu'un bas relief. Solutions du quiz de Jacques Drillon : 1a 2a - ensuivre (s’) v. pron. 1. (En loc.) Et tout ce qui s'ensuit : et tout ce qui vient après, accompagne la chose. 2. Littér. Survenir en tant qu'effet naturel ou en tant que conséquence logique. => découler, résulter. Loc. cour. Jusqu'à ce que mort s'ensuive, jusqu'à la mort du supplicié. Impers. Il s'ensuit qu'il a tort ; il ne s'ensuit pas qu'elle doive refuser. 3b - égaiement ou égayement : (Rare) Action d'égayer ; fait de s'égayer, c’est-à-dire de rendre gai ou de se réjouir. Ne pas confondre avec s’égailler (= se disperser, s’éparpiller). 4b - Jusqu’à tant que (et le subj.). Jusqu'à tant que cela cesse. « Plusieurs années s'écoulèrent ainsi […] jusqu'à tant que la mère mourût » (Henriot). 5b - Il faudrait écrire : à mille lieues. 6c - Le grillon grésille. La corneille graille, craille ou croasse. L’alouette grisolle, turlute ou tirelire. 7a - Le mot handball vient de l’allemand. 8a - Paronyme, adjectif et nom masculin : Didact. Se dit de mots presque homonymes qui peuvent être confondus (ex. conjecture, conjoncture ; éminent, imminent). 9a - Fam. Sucrer les fraises : être agité d'un tremblement. « Je tremble de partout, regardez mes mains, je sucre les fraises » (Aymé). Par ext. Être gâteux. Il commence à sucrer les fraises. 10c - Dans la mythologie grecque, Stentor est le crieur de l'armée des Grecs lors de la guerre de Troie (« Stentor, qui, de sa voix de bronze, faisait autant de bruit que cinquante hommes »). Son nom vient du verbe στένειν / sténein qui signifie « gémir profondément et bruyamment, mugir ». Il reste dans l'expression populaire « avoir une voix de Stentor » qui, dès l'Antiquité, signifie avoir une voix très puissante, retentissante et parfaitement audible. Le conseiller d’Alexandre le Grand s’appelle Cratère. 11c - Avoir affaire. (fin XIIe s.) Vx Avoir affaire de, besoin de. « Qu'un lion d'un rat eût affaire » (La Fontaine). « Qu'ai-je affaire d'aller me tuer pour des gens ? » (Montesquieu). ▫ Mod. Avoir affaire à qqn : se trouver en rapport avec qqn. J'ai déjà eu affaire à lui. Avoir affaire à forte partie. Vous aurez affaire à moi ! formule de menace (cf. Vous aurez de mes nouvelles). Avoir à faire avec, à : avoir à faire un travail avec qqn. ▫ Par ext. Je n'ai rien à faire avec lui, je ne veux avoir aucune relation. Nous n'avons plus rien à faire ensemble, séparons-nous. Avoir fort à faire avec qqn. 12c - mœurs [mœʀ(s)] nom féminin pluriel. 13b - Elle s’est promis de lui écrire. Sens : elle a promis à elle-même de… Le pronom s’ est complément d’objet indirect. Le participe passé ne s’accorde pas. 14a - S’attendre à… est un verbe pronominal subjectif (ou non réfléchi). Le pronom s’ n’est pas analysable. Le participe passé s’accorde avec le sujet. 15a - Elle s’est vue mourir. Sens : elle s’est vue en train de mourir. Le pronom s’ est à la fois complément d’objet direct du verbe voir et sujet du verbe mourir. Le participe passé s’accorde avec ce pronom. 16c 17a - On laisse invariable le participe passé précédé de en. 18b - Sens : Les conclusions que j’ai tirées de cela. Ici, le complément d’objet direct est le pronom relatif que. L’accord se fait avec ce pronom. 19a - Epicène, adj. : Dont la forme ne varie pas selon le genre. Adjectif (habile), pronom (tu) et substantif (enfant) épicènes. Ambicynes et bigenriques n’existent pas. 20b - Bas-relief : Ouvrage de sculpture en faible saillie sur un fond uni. Haut-relief : Sculpture présentant un relief très saillant sans se détacher toutefois du fond dans toute son épaisseur (intermédiaire entre le bas-relief et la ronde-bosse). Ronde-bosse : Ouvrage de sculpture en relief, qui se détache du fond (et autour duquel on peut tourner). Solution de la devinette Georges Perec : Prononcez le texte à haute voix pour entendre, à peine déformés, les nombres de 6 à 20 !