2 Alésia : 53 avJC En 53 avant Jésus Christ, César pense avoir définitivement soumis la Gaule. Mais un jeune chef arverne, Vercingétorix, réussit à convaincre les autres tribus gauloises à le rejoindre pour constituer une grande armée et libérer la Gaule du joug romain. Sa stratégie est de ne jamais livrer bataille en terrain découvert, mais au contraire d’harceler l’armée romaine et abandonner les villes quand César s’en approche en saccageant tout pour que l’armée romaine ne puisse se ravitailler. Malgré les conseils de Vercingétorix, les habitants d’Avaricum refusent d’abandonner leur ville qui est prise et détruite. Mais César est obligé de diviser ses légions en 2 groupes pour éteindre les foyers de rébellion. Il essaie de prendre Gergovie, une des plus grandes cités gauloises. Vercingétorix a bien observé l’organisation militaire des Romains. Pendant plusieurs nuits les gaulois harcèlent les sentinelles ennemies. Litaviccos rejoint Gergovie avec une troupe de milliers d’hommes. La cavalerie, point fort des Gaulois, enfonce la légion et fait 700 morts. César est obligé de lever le camp. Mais ses légions prennent Lutèce et Bibracte. Vercingétorix veut à tout prix anéantir les armées romaines avant qu’elles ne partent. Car il sait qu’elles reviendront encore plus nombreuses. Les cavaliers gaulois attaquent sans cesse la légion en marche. Mais les cavaliers germains recrutés par les romains contreattaquent et font reculer la cavalerie gauloise. Vercingétorix choisit de se réfugier à Alésia, place forte réputée imprenable, et d’attendre César pour le combattre à un endroit qu’il connaît et qu’il a choisi. Il envoie une partie de sa cavalerie chercher du renfort avec l’idée de prendre les romains par surprise en les encerclant, alors qu’eux-mêmes assiègent Alésia. Après 30 jours de siège, la bataille d’Alésia s’engage : 70 000 romains contre 40 000 gaulois. (Ces chiffres sont très controversés, César dans la Guerre des Gaules cite 100 000 Gaulois). A l’intérieur d’Alésia, Vercingétorix n’a gardé que l’élite de son armée pour économiser la nourriture. Les romains construisent des fortifications immenses. Les renforts gaulois tardent à venir. La bataille qui durera plusieurs jours commence par un combat de cavalerie. Il se solde par un échec. L’armée de secours arrive et attaque de nuit de l’extérieur en même temps que les assiégés de l’intérieur mais ils ne parviennent pas à se rejoindre et à percer les fortifications romaines. Le lendemain, à midi une attaque surprise d’un point faible romain, à la montagne Nord, est proche de réussir. La victoire est à portée de main. C’est alors que César, conscient de l’enjeu, vient luimême au risque de sa vie galvaniser ses troupes. Les Gaulois sont repoussés et pendant leur repli, les cavaliers germains les exterminent. Effrayés, les rescapés de l’armée de secours s’enfuient et rentrent chez eux en abandonnant Alésia assiégé. Vercingétorix sait que, seul dans Alèsia, il ne pourra pas vaincre, il se rend à César. Les survivants sont donnés en esclave aux soldats romains. Intelligemment, pour diviser le peuple gaulois, César libère les Eduens et les Arvernes. Analyse cindynique L’histoire de l’humanité est constellée de catastrophes ayant débutées par des déclarations orgueilleuses du type : « nous vaincrons car nous sommes les plus forts, nous sommes invincibles, il ne peut rien nous arriver, nous avons tout prévu, etc » Ainsi les Gaulois se croyaient très supérieurs en cavalerie. Ils étaient persuadés de pouvoir battre César affaibli par les Eduens et les Narbonnais. Après la victoire de Gergovie, Vercingétorix pense qu’il peut refaire la même bataille. Il choisit Alésia, colline réputée imprenable. Les archers gaulois étaient réputés plus efficaces que ceux des romains. Si César quittait la Gaule, il reviendrait avec plus de troupes. Le raisonnement simpliste a été qu’il fallait donc le battre maintenant. Les gaulois, parce qu’ils ont choisi le lieu de l’affrontement, Alésia, pensent qu’ils seront en position dominante. Ils n’ont pas analysé que la victoire de Gergovie est plus due à la désobéissance des centurions qu’à leur propre supériorité. Les gaulois pensent : « si nous avons vaincu César, c’est que nous sommes les plus forts et donc qu’on peut le battre encore. » Vercingétorix avait réussi à unir les forces gauloises mais ce n’était que superficiel, chaque tribu a conservé, en fait, ses propres intérêts, ses propres sentiments par rapport au jeune chef et leurs propres relations vis-à-vis des romains. Bien qu’un peu improvisée, l’idée d’assiéger les assiégeants et de les prendre en tenailles n’était pas mauvaise en soi. Mais les troupes d’Alésia n’ont pas nouvelles des renforts qui doivent arriver. Ils n’ont pas pu avoir d’informations sur les fortifications : contrevallation, pièges, pics acérés, etc. Les troupes de l’extérieur ont du mal, malgré les trompettes et les cris, à savoir où attaquer pour faire l’effet tenaille avec les soldats de l’intérieur. Les vivres commencent à manquer dans Alésia assiégée. Les Gaulois trépignent d’impatience. Les combats vont commencer avant l’arrivée des renforts (productivisme). Les Gaulois sont valeureux mais sont ingouvernables quand ils sentent qu’ils peuvent gagner ou quand ils s’enfuient terrorisés. La bataille est très désorganisée. L’armée gauloise, patchwork de tribus est très indisciplinée. Vercingétorix devait convaincre chaque petit chef pour avoir une unité de commandement. De nombreuses petites trahisons renseignent César et affaiblissent les Gaulois. Vercingétorix n’a pas pris en compte la supériorité de la cavalerie des germains, pourtant déjà tragiquement vécue. Il n’a pas compris que la victoire de Gergovie était due à un cafouillage des soldats romains qui n’ont pas suivi les consignes de César (pas de retour d’expérience). La recherche de renforts est improvisée. Le repli de la cavalerie se fait dans le plus grand désordre. La gestion du rationnement fait de nombreux mécontents et notamment les habitants d’Alésia. Vercingétorix gère très mal l’appel à des renforts et la distribution des vivres pendant le siège (gestion de la crise). Déficits Systémiques Cindynogènes L’analyse cindynique démontre qu’une série d’erreurs d’appréciation a conduit les Gaulois à la défaite. Les grands propriétaires et commerçants gaulois sont romanisés. Souvent, ils ne participent pas à l’effort de guerre et au contraire freinent les initiatives de Vercingétorix pour ne pas déplaire à Rome. Ils préfèrent leurs intérêts à la libération de leur patrie. Devant l’échec des attaques, l’armée de secours disparates et moins motivée se disperse et les soldats rentrent chez eux en laissant Vercingétorix et leurs compatriotes seuls dans Alésia (Déficit déontologique). Les mandubiens d’Alésia trahissent. Les armées gauloises, malgré leur serment de vaincre ou de mourir, n’arrivent pas à casser l’encerclement romain. Vercingétorix a sous-estimé la rapidité et l’ampleur des travaux de fortifications romaines autour d’Alésia. Malgré la réputation de César sur ce style de travaux : Avaricum, Bibracte les gaulois improvisent des machines pour passer les pièges sans savoir comment s’y prendre (déficit épistémique). L’arrivée des renforts n’est pas connue, ils sont en retard. Les vivres commencent à manquer. Les assiégés anxieux commencent à douter de l’existence réelle de l’armée de secours et de l’efficacité de la stratégie de tenailles. Le nombre de soldats romains est mal connu. Les historiens sont, d’ailleurs, très partagés eux-mêmes sur le nombre de combattants de part et d’autre. C’est la première fois que l’artillerie romaine est utilisée avec autant de force de machines de guerre : balistes, scorpions, boule de plomb, onagre, catapulte…Les gaulois les découvrent en attaquant ! (déficit mnésique) Vercingétorix oublie l’extrême diversité du peuple gaulois et leur susceptibilité. Arvernes, Eduens, Séquanes, Senons, Bituriges, Rutènes n’ont pas les mêmes intérêts et les mêmes valeurs. Des alliès comme Litaviccos et Viridomaros hésitent entre une paix séparée avec César et la libération de la Gaule. Malgré leur serment ils trahiront. Vercingétorix veut attaquer les romains alors sur le départ et encombrés de tous leurs bagages et serviteurs. Les gaulois coalisés avaient prêté le serment solennel de ne pas abandonner avant la victoire finale et d’avoir chacun « traversé au moins deux fois les lignes romaines » mais ils s’enfuirent quand même après les échecs de leurs attaques. Ils laissent les assiégés sûrs d’un traitement cruel. La cavalerie interne et externe attaque en même temps mais les difficultés du franchissement des pièges et fortifications romaines avaient été mal évaluées. Malgré les cris et cornes gauloises pour coordonner les attaques, l’armée de secours se replie alors que les assiégés sont encore à l’attaque. Les romains libérés d’un côté peuvent porter toutes leurs forces vers Alésia. Des divergences commencent rapidement à apparaître entre les tribus gauloises fraîchement alliées. Certains voudraient combattre pour une Gaule unie et libérée des romains mais ne pas mettre en péril sa tribu quitte à signer une paix séparée avec César et pouvoir continuer à commercer avec les envahisseurs. Battre César pour prendre la tête d’une Gaule unifiée était sans doute l’objectif caché du jeune chef gaulois mais il fallait avant réunir les forces disparates en ménageant les chefs de tribu et donc ne pas trop s’imposer. Vercingétorix se sent porter par un dessein national mais les habitants d’Alésia n’étaient pas trop d’accord pour qu’il utilise leur ville pour la bataille : « not in my garden ». Les vivres furent rationnés sévèrement et des récalcitrants habitants d’Alésia pourtant déjà fort ponctionnés furent décapités pour l’exemple. Pour survivre certains assiégés voulurent tuer les chevaux les officiers s’y opposèrent : leurs propres soldats les égorgèrent. Dans chaque crise, des obstacles ou des événements imprévus précipitent les événements. Les cavaliers germains féroces et barbares attaquent avec une furie incroyable, sabrant les blessés, les femmes et les enfants. La cupidité de certains chefs gaulois les pousse à trahir ou à s’occuper de piller les riches citoyens romains des environs plutôt que rejoindre Alésia. Vercingétorix pensait pouvoir passer les défenses romaines qu’ils avaient étudiées, mais celles d’Alésia étaient d’une ampleur et d’une complexité encore jamais vues. Le matériel d’assaut fabriqué sur place par les Gaulois pour sortir d’Alésia est mal adapté et dimensionné Au moment de la capitulation, Vercingétorix se retrouve seul. Ses soi-disant alliés le laissent seul rendre la responsabilité de la reddition, malgré leurs serments de vaincre ou de mourir Alors que tous les vaincus sont donnés en esclave aux soldats comme le veut la règle, César renvoie les Eduens et les Arvernes chez eux pour les dévaloriser et bloquer par le récit du carnage les possibilités de toute renaissance de la rébellion en Gaule.