1. ELEMENTS DE THEORIE DE LA COMMUNICATION
L'existence de toute vie sociale est nécessairement liée à la possibilité donnée aux individus
de communiquer entre eux. La communication se fait non seulement de façon verbale, par un
échange de mots, d'idées, de sentiments, mais également de façon non-verbale (ou infra-
verbale), par des gestes, des attitudes, des mimiques.
- Il est impossible de ne pas communiquer : si par l'ensemble de notre attitude on ne suscite
rien qui induise le contact avec autrui, on manifeste ainsi, de façon parfois très claire, que l'on
ne souhaite pas communiquer, on communique ainsi quelque chose de très précis.
- Dans toute communication on distingue deux aspects : le contenu (ce qui est réellement
dit, appelé également sens manifeste ou signifié) ainsi que le type de relation qui unit les
individus en communication (la façon dont s'établit la communication appelée également
sens latent ou signifiant). Un même contenu peut être exprimé de façon très dissemblable par
deux personnes et possède, de ce fait, une valeur d'information très différente. En règle
générale la relation, la façon de s'exprimer, "collent" à ce qui est dit et est, de ce fait, perçu
adéquatement. Cependant, on sait qu'il peut y avoir parfois de très grandes discordances,
voire une opposition, entre ce qui est dit et la façon dont cela est exprimé. On ne s'étonnera
donc pas que le message soit parfois mal interprété ou, en tout cas, ressenti de façon peu
satisfaisante. Ainsi, une attitude hyperprotectrice, rassurante à l'excès vis-à-vis d'un patient
sera, on le sait, souvent source, au contraire, d'inquiétude pour lui.
- Types de communications
Soit, deux personnes, A et B
a) La communication est acceptée de part et d'autre, on parle alors de dialogue ou
d'acceptation
b) L'une ou l'autre personne manifeste l'une ou l'autre forme d'opposition à la communication,
on parle de refus.
Il existe plusieurs façons de refuser la communication :
1. L'annulation : une des deux personnes manifeste clairement et explicitement, verbalement
ou non-verbalement, qu'elle ne souhaite pas communiquer. La communication est empêchée
et elle s'interrompt tôt ou tard.
2. Le rejet : l'une des deux personnes ou les deux rejettent plus ou moins systématiquement
le contenu de ce que l'autre lui communique. Cependant, une telle communication peut durer
très longtemps, les protagonistes n'étant pas d'accord sur les thèses, les opinions en présence.
C'est typiquement le cas d'un débat contradictoire.
3. Le déni : ceci est une forme plus subtile, et d'ailleurs pathogène, d'opposition à la
communication : il semble exister un pseudo-accord sur le contenu, sur ce que l'on dit, alors
qu'il existe plus fondamentalement un refus d'établir réellement la relation avec d'autres
individus.
Le rejet se pratique très régulièrement dans le cadre de la relation parents/enfants, les
premiers interdisant aux seconds de faire l'une ou l'autre chose (refus du contenu) mais ceci,
habituellement, dans le cadre d'une attitude claire et précise, d'une relation et d'une ambiance
chaleureuse qui font que le contact parents/enfants se maintient dans de bonnes conditions.
Au contraire, une attitude systématique de la part de parents vis-à-vis d'un enfant, par laquelle
on lui manifeste un pseudo-accord sur tout ce qu'il fait, alors qu'au fond on ne prend pas
l'enfant en considération en tant que personne (refus de la relation conduisant à un refus de la
personne elle-même) peut conduire à faire apparaître chez cet enfant des pathologies parfois
très graves.
On a ainsi montré que certaines formes de schizophrénie (forme de psychose) étaient à mettre
en relation avec de telles attitudes de communication durant l'enfance où, de façon
systématique, des attitudes de déni ont existé de la part des parents vis-à-vis de l'enfant. Cette
attitude qui conduit à ne pas prendre en considération la personne elle-même, empêche
l'organisation cohérente de la personnalité et conduit effectivement à une dissociation de
celle-ci qui font que le schizophrène apparaît plus tard comme un être peu cohérent,
ambivalent, n'ayant pas d'unité dans sa personnalité; caractéristiques de la personnalité
schizophrénique. Ce type de communication, s'il est pratiqué systématiquement, peut donc
devenir source de pathologie.
- Satisfaction du patient et qualité de sa collaboration au traitement
En psychologie médicale, on se préoccupe de plus en plus d'étudier la qualité de satisfaction
que ressent le patient au cours de son traitement, ceci non seulement par respect
déontologique mais également par souci d'efficacité. On a, en effet, montré que la qualité de
la satisfaction est l'un des facteurs principaux qui conditionnent la collaboration du patient au
traitement, collaboration indispensable quelle que soit la forme du traitement appliqué.
Or, la plupart des enquêtes montrent que 30 à 50 % des patients (de médecine générale) ne
sont pas satisfaits du type de contact qu'ils ont avec leur praticien. Ils lui reprochent, avant
tout, le manque d'information qu'ils reçoivent au sujet de leur maladie ainsi que du traitement
qui leur est appliqué.
Interrogés sur les raisons de ce manque d'information, les praticiens estiment :
1°) que cela tient au manque de temps
2°) au fait que le patient ne demande pas, en général, à être clairement informé de ce qu'il a
3°) qu'ils ont le sentiment que le malade ne désire pas connaître les détails du diagnostic et
du traitement
4°) que d'autres membres de l'équipe de soins ont déjà fourni cette information au patient
Observation de patients hospitalisés pour intervention chirurgicale
- Un premier groupe de ces patients a été traité comme à l'habitude en leur fournissant peu
d'informations quant à la maladie, à la technique de l'intervention et à l'utilité des
dicaments à prendre par la suite.
- Un deuxième groupe de patients a été, au contraire, particulièrement informé, par
l'ensemble de l'équipe soignante, de leur maladie, du traitement et de la façon dont allaient
agir les médicaments.
Les patients de ce deuxième groupe ont pu quitter l'hôpital plus précocement que ceux du
premier, ils se sont moins plaints de douleurs postopératoires et ont nécessité l'administration
en moindre quantité de médicaments antalgiques.
En fait, le patient ignorant de son état, devient anxieux et on connaît l'impact nocif de
l'anxiété sur l'équilibre neuro-végétatif d'un sujet (stress) qui influence largement les
processus de guérison, en particulier, la cicatrisation (psychosomatique). De plus, le patient
mieux informé de son traitement aura plus facilement tendance à suivre plus aisément les
instructions médicales. Par manque d'informations, certains patients vont également appliquer
le traitement de façon souvent erronée.
Observation de patients présentant un ulcère gastro-duodénal et auxquels on propose
habituellement de manger fréquemment de petits repas au cours de la journée
- Un certain nombre de ces patients n'avaient pas suivi cette dernière instruction car ils
étaient convaincus qu'en ayant de nombreux repas ils augmentaient la sécrétion d'acidité
gastrique et aggravaient ainsi la pathologie...
Lorsqu'on donne une information au patient, il y a également lieu de s'assurer, en le lui
demandant, s'il a exactement compris ce qu'on a voulu lui dire.
1.1. Aspects psychologiques de la relation médecin-malade
On désigne sous le terme de relation médecin-malade, l'ensemble des conditions
psychologiques qui vont influencer le type de contact qui s'établira entre le médecin et son
patient.
Certaines conditions sont inhérentes à tout acte médical : le patient est nécessairement un
individu qui vient chercher de l'aide auprès d'un autre qui possède nécessairement un savoir
et un savoir-faire; ce qui contribue à créer d'emblée un climat de confiance et d'aide
thérapeutique. D'autres facteurs peuvent conditionner le type de contact qui va s'établir :
- Les conditions de la pratique médicale (en cabinet privé ou à l'hôpital; sur rendez-vous ou
en urgence; médecin travaillant seul ou faisant partie d'une équipe).
- L'idée que se fait le patient du médecin avant de le rencontrer
- Pour le médecin, l'évolution de cas similaires chez des patients qu'il a rencontrés
auparavant
- Etc. ...
En fait, médecin et patient auront tendance tous deux à réagir en fonction de leur expérience
personnelle passée, tant professionnelle (pathologie similaire ou médecin semblable
rencontré) que émotionnelle (le premier contact peut éveiller des sentiments de sympathie ou
d'antipathie vis-à-vis d'un patient qui, dès le premier abord, manifeste une attitude qui en
rappelle certaines rencontrées auparavant auprès d'autres patients). Lorsqu'on travaille au sein
d'une équipe, l'attitude psychologique qu'adoptera un praticien vis-à-vis de son patient peut
également être colorée par les relations et conflits qu'il a avec ses collègues ou avec ses
supérieurs hiérarchiques. Ainsi, un jeune praticien travaillant au sein d'une équipe, pourra être
tenté, afin de faire preuve de ses capacités vis-à-vis des autres, de pratiquer un type de
médecine très interventionniste, avec un excès d'investigations et d'examens, afin de montrer
qu'aucune éventualité ne lui échappe, ... mais ceci toujours dans l'intérêt du patient. Certains
aspects de la personnalité du praticien pourront également se répercuter de façon nocive sur
la pratique : un praticien supportant mal de paraître dépendant fera rarement appel à l'avis de
ses collègues dans une communauté hospitalière... D'autres, particulièrement sensibles à
l'échec, engageront le patient dans une série de thérapeutiques successives, toutes aussi
inefficaces les unes que les autres, alors que la seule attitude raisonnable serait que le
praticien dise au patient qu'il ne voit pas, personnellement, de solution adéquate à son
problème et l'engage éventuellement à demander un avis à un collègue.
De même, le patient se montrera difficile, méfiant, voire agressif si quelque chose dans
l'attitude du praticien évoque en lui des expériences désagréables de son passé.
Dans tous les cas, des mécanismes de transfert interviennent : projection du patient (du
praticien) sur le praticien (le patient) d'attitudes, de sentiments que l'on a eus auparavant vis-
à-vis de personnages significatifs du passé personnel.
Deux notions sont intéressantes, se sont la dépendance et la régression.
La dépendance
Le patient consultant le médecin lui abandonne, sur le plan symbolique tout au moins, une
part de son indépendance et s'en remet à lui pour une part de ses responsabilités et décisions.
Il s'établit ainsi entre patient et praticien une forme de dépendance (de même que l'enfant est
dépendant de ses parents). Cette situation particulière est, en général, bien acceptée de part et
d'autre et contribue à la confiance que place le patient en son médecin ainsi qu'aux soucis de
responsabilité et de prise en charge manifestés par le praticien vis-à-vis de son patient.
Cependant, dans certains cas, cette situation réactive, le plus souvent inconsciemment, des
conflits anciens de dépendance que le sujet a vécus en tant qu'enfant vis-à-vis du monde
adulte. C'est ainsi que certains patients pourront apparaître comme particulièrement difficiles,
discutant sans cesse les directives du praticien, essayant de contrôler ce qui leur est proposé,
manifestant des attitudes d'opposition, etc... ceci afin de ne pas vivre, si peu soit-il, cette
dépendance. Ces patients changeront souvent de médecin, feront fréquemment des sorties
exigées à l'occasion d'hospitalisations, feront de l'automédication, etc... (attitude de contre-
dépendance). De même, certains praticiens auront difficile à assumer ce rôle plus directif, ils
hésiteront à donner des avis, des conseils à leurs patients, leur laissant sans cesse le choix des
décisions et ils manifesteront de l'agacement lorsque le malade montre des attitudes de
dépendance et de passivité (« faites un effort, ne vous laissez pas aller, etc... »).
Au contraire, d'autres patients trouveront un bénéfice psychologique évident à se mettre en
situation de dépendance excessive vis-à-vis du praticien (« faites de moi ce que vous voulez...
mais cela doit réussir... »). Le praticien pourra, lui, également être tenté de prendre dans cette
relation un rôle excessivement directif, ne laissant au patient aucune possibilité d'initiative ni
de participation au traitement, cela se manifestera, entre autres, le plus souvent
inconsciemment, par une absence d'information au patient des éléments du diagnostic ou des
modalités de traitement.
La régression
Tout individu en situation de difficultés physiques ou psychologiques tend à manifester des
attitudes psychologiques régressives qui sont un retour à des comportements quelque peu
similaires à ceux qui étaient les siens à un stade infantile de son développement
psychologique. On rappellera que les réactions infantiles sont, par opposition aux attitudes
complexes de l'adulte, marquées par des attitudes simples, peu structurées, peu différenciées
et mal adaptées aux exigences du monde extérieur.
L'état de maladie ou plus simplement de douleur, est évidemment une situation qui peut
favoriser la régression. Les caractéristiques essentielles en sont (voir développement
psychologique de la personnalité) :
- La réduction temporo-spatiale de sa personnalité : comme l'enfant, le malade vit de plus
en plus le moment présent, devient incapable d'anticiper le futur et de tenir compte de ses
expériences passées. Il se désintéresse progressivement de ce qui ne touche pas l'immédiat.
Comme l'enfant, il a également tendance à limiter son champ spatial de déplacement; soit,
réellement à cause d'un handicap physique, mais également souvent du fait d'attitudes
psychologiques de repli qui font que le patient reste dans son fauteuil, reste dans son lit...
- L'égocentrisme : le malade n'accorde d'importance aux événements que par rapport à lui-
même et devient progressivement incapable de manifester de l'intérêt pour les autres
personnes de son environnement.
- La régression favorise les mécanismes de transfert : en situation de maladie, le patient
projettera beaucoup plus intensément sur les personnes de son environnement (en particulier
sur le médecin) des sentiments, des attitudes qu'il a eus durant son enfance vis-à-vis de
personnages significatifs. Ceci peut favoriser l'état de dépendance ou l'expression de
sentiments agressifs ou d'hostilité vis-à-vis du médecin (un bon ou un mauvais père, une
bonne ou une mauvaise mère). La relation médecin-malade pourra, dans certains cas, évoquer
celle de l'enfant vis-à-vis d'une mère chaleureusement maternante ou, au contraire, d'un père
excessivement autoritaire.
La régression est d'autant plus importante que :
- Le malade est plus globalement atteint dans son intégrité physique ou psychologique.
- Que la maladie s'est installée de façon plus brutale
Ainsi, de grands malades, fortement invalidés, ne pouvant quitter leur lit, seront souvent
vécus comme des malades "faciles" et susciteront souvent de la part du personnel infirmier,
des attitudes d'attachement, de maternage. Ce sera le contraire pour des "petits malades", peu
invalidés, obligés de passer un temps à l'hôpital pour une observation et qui y garderont
toutes leurs habitudes d'adulte (se déplacer beaucoup, fumer, etc...). Si des modalités
particulières ne sont pas prévues pour canaliser ces "comportement non-régressifs", des
difficultés d'adaptation surgiront sans cesse.
L'évolution vers la guérison impliquera nécessairement une reprise d'autonomie du patient
par rapport à son état de dépendance antérieur. De même que l'enfant, le malade pourra
passer par des phases critiques dans ses relations avec l'équipe de soins. Si pendant la phase
aiguë de la maladie le personnel soignant se doit d'avoir une attitude d'autant plus directive
face à la passivité du patient, au cours de la guérison, il faut favoriser une participation de
plus en plus active du patient, ce qui implique des attitudes beaucoup moins
interventionnistes de la part de l'équipe de soins. De plus en plus ces deux phases
"régression" et "reprise d'autonomie" tendent à être imbriquées dans les conceptions actuelles
de traitement (mise en activité de plus en plus précoce d'un patient atteint d'un infarctus du
myocarde).
Dans le cas de maladies chroniques, le patient a, en général, trouvé un mode personnel
d'adaptation à son handicap et des interventions dites "médicales trop directives" seront mal
acceptées si le patient n'y est pas préparé.
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