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Stage : Nouveaux programmes de terminale en histoire-géographie, mai 2004.
La Ve République : Un nouveau système républicain
Dans le libellé, système républicain et nouveau !
- système républicain ? l'architecture des pouvoirs, la culture politique qui la sous-tend et
l'organisation des forces politiques (acteurs).
- nouveau système ? par rapport à un autre (ancien) système ? Faut-il pour cela connaître la
IVe République qui n'est pas au programme de la Terminale S ?
- Deux aspects : une approche institutionnelle descriptive en évitant tout "fétichisme
institutionnel" (B. François) et, plus dynamique, l'évolution du système en fonction des
diverses conjonctures traversées depuis presque cinquante ans en prenant bien soin de ne pas
faire l'histoire politique de la Ve République.
- Trois questions : Nouveau système mais quand est-il véritablement en place ?
Durant 46 ans, une évolution mais dans quel sens et jusqu'où ?
Début XXIe siècle, après plusieurs cohabitations, le système est-il en
panne ?
I. 1958-1962, une transition républicaine
A. Septembre 1958, la Ve entre deux républiques
1. Un mixte constitutionnel.
a) Des éléments de continuité
¤ les symboles : emblème, hymne national, devise (article 2).
¤ les grands principes de philosophie politique et sociale de la République
+ les droits de l'homme et la souveraineté nationale de 1789 (Préambule)
+ la "république indivisible, laïque, démocratique et sociale" (art 2), la démocratie
représentative et directe par le référendum (art 3) repris du titre I souveraineté de 1946.
¤ dans le respect de la tradition arbitrale du président de la République : Art 5 : "il assure
par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de
l'Etat".
+ d'où reprise du statut : la durée septennale, l'irresponsabilité politique (au-dessus des
passions parlementaires)
+ d'où reprise des pouvoirs : les attributions de "notaire" : ex : promulgation des lois,
ratification des traités, nomination aux plus hautes charges ; des attributions régaliennes : ex
droit de grâce, accréditation des ambassadeurs, grand maître des ordres nationaux (Légion
d'Honneur) etc.. ; la présidence du Conseil des Ministres.
La Ve République réaffirme le principe de la souveraineté nationale et instaure un nouvel
équilibre entre les pouvoirs ; la constitution s'attache à une séparation entre l'exécutif et le
législatif, attribue la primauté au premier et encadre l'activité du second.
Après avoir rappelé ces caractéristiques, on montre que le système en 1958 a évolué du
fait des pratiques des acteurs, du contexte d'ensemble (cadre économique, rôle attribué à
l'Etat, …) et des choix électoraux. B.O n°7, 3 octobre 2002, HS
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¤ SURTOUT le maintien du parlementarisme : le vote des lois, du budget et le contrôle
de l'activité gouvernementale.
b) TROIS éléments majeurs de rupture avec la IVe République
¤ la séparation des pouvoirs :
Ce principe n'est textuellement pas inscrit dans la constitution mais les applications en sont
multiples : ainsi l'interdiction du cumul de la fonction gouvernementale et du mandat parle-
mentaire. Surtout, le gouvernement procède du seul président de la République (art 8).
¤ l'affaiblissement du parlement (significatif : Titre II sous la IVe, titre IV sous la Ve)
+ le parlement ne crée plus le gouvernement.
+ le pouvoir législatif est encadré : le parlementarisme rationalisé (ou régénéré)
- dans son fonctionnement : ex : ordre du jour défini par le gouvernement, perte de la
maîtrise du calendrier et 2 sessions ordinaires jusqu'en 1995.
- SURTOUT dans son activité législative : la limitation du domaine de la loi (art 34)
aux matières définies par la constitution ; la concurrence référendaire ; l'initiative
partagée et même réduite en matière financière ; le refus du débat imposé par l'exécutif :
le 49/3 : responsabilité sur tout ou partie d'un texte adopté sans discussion sauf si motion de
censure, le vote bloqué ; le contrôle de constitutionnalité par un Conseil Constitutionnel.
- dans ses capacités de contrôle de l'action gouvernementale : un contrôle-surveillance
allégé : ex la fin des interpellations au profit des questions posées au gouvernement, des
commissions d'enquête sans grands moyens techniques et un contrôle-sanction très encadré
(art 49) : "l'improbable censure" (B.François) : motion de censure = 1/10 e des députés, 48 h
après son dépôt, majorité absolue des votants !
¤ l'instauration d'un exécutif fort et à 2 têtes
+ un bicéphalisme
- Un président de la République à l'autorité accrue (Titre II : Le président de la
République) : par l'élection, un surcroît de légitimité : le grand collège : 80 000 grands
électeurs au sein desquels les parlementaires sont minoritaires ; par les pouvoirs inédits en
République et parfois en propre (sans contreseing) : article 16, référendum 11, surtout
nomination du chef de gouvernement sans oublier la dissolution.
- Un gouvernement à la conduite des affaires : Art 20 : "le gouvernement détermine et
conduit la politique de la Nation".
Une innovation de la Constitution de 1958 : une définition constitutionnelle de la fonction
gouvernementale et l'inventaire des moyens affectés pour remplir ses missions. Titre III
(art 20 à 23 inclus)
De nombreuses attributions propres : d'ordre exécutif : ex le pouvoir réglementaire,
responsable de la défense nationale, nomme aux emplois civils et militaires sous réserve des
pouvoirs du président de la République ; d'ordre législatif : ex droit d'initiative, engagement
de la responsabilité du gouvernement…
D'autres partagées avec le Président de la République (pouvoir de nomination, pouvoir
réglementaire général)
+ un bicéphalisme problématique : difficile de dire qui gouverne ? constitutionnellement
parlant c'est le premier ministre (art 20) mais le président avec ses pouvoirs dont celui de
nomination discrétionnaire ?
Un mixte constitutionnel, ambigu puisqu'il juxtapose de 2 logiques contradictoires :
- la logique parlementaire : un gouvernement aux affaires responsable devant le seul
Parlement puisqu'il devient après sa nomination, juridiquement indépendant de celui qui l'a
nommé (ainsi que de Gaulle le déclare en septembre 1958 devant les "constituants").
- la logique présidentielle : un gouvernement nommé par le détenteur de l'autorité de
l'Etat, qui en exécute les volontés et qui lui rend des comptes.
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Comment expliquer cet entre-deux constitutionnel ? cette constitution "hors série" (G.
Burdeau)
2. Le fruit d'un compromis politique.
Entre de Gaulle, le pourfendeur impitoyable du "régime des partis et les représentants des
partis de la IVepublique ! Entre l'homme de la démocratie exécutive du discours de
Bayeux et les tenants de la tradition parlementaire.
Blum au lendemain du discours de Bayeux (juin 1946 dans le Populaire) : "Quel est le républicain
qui pourrait consentir à cela ? ".
a) Un compromis imposé par le contexte de crise de régime
¤ mai-juin 1958 : crise politique liée à l'insurrection en Algérie (le 13 mai 1958)
: qui accentue la crise institutionnelle : instabilité gouvernementale,
faiblesse de l'exécutif, incapacité à se réformer et discrédit dans l'opinion.
¤ face à cette conjoncture, un choix commun : la continuité républicaine.
+ pour les hommes de la IVe : en position de faiblesse, de Gaulle est incontournable
pour l'Algérie, pour la réforme institutionnelle mais il faut sauver ce qui peut l'être de la
tradition parlementaire (notamment le mécanisme parlementaire) et pour cela participer à la
définition du nouveau régime.
+ pour de Gaulle, en position de force, arriver au pouvoir en évitant toute assimilation à
juillet 40 (Vichy), imposer un pouvoir d'Etat sans risquer l'accusation de dictature d'où la
volonté de ménager les partis tout en restant maître du jeu.
b) aussi de juin à septembre, une réforme "négociée" de juin à septembre.
¤ le Parlement remet son pouvoir constituant au gouvernement mais le gouvernement n'a
pas les mains libres. Il doit respecter 5 principes dont le suffrage universel, la séparation des
pouvoirs et la responsabilité du gouvernement devant le parlement et 1 condition :
associer la représentation de la Nation sous la forme d'un Comité consultatif constitutionnel.
D'où une élaboration collective : de Gaulle pour l'impulsion, des politiques sous la forme
d'un comité interministériel (4 ministres d'Etat G. Mollet, L. Jacquinot, P. Pflimlin et F.
Houphouët-Boigny encadrés par des juristes (Cassin et R. Janot) à Matignon, des experts
juristes sous l'impulsion de M. Debré garde des Sceaux (au ministère de la justice), et des
parlementaires du comité consultatif constitutionnel (39 membres, 16 putés, 10 sénateurs
et 13 personnalités choisies par le gouvernement sous la présidence de Reynaud).
¤ Résultat : un consensus républicain avec moult références républicaines lors de la
présentation : le 4 septembre 1958, place de la République, les gardes républicains…
: un consensus large des partis, sauf le PC, Mendès-France et Mitterrand et de
Français : 28 septembre OUI à 80 %
: mais un consensus ambigu (avec arrière-pensées)
- pour les hommes de la IVe République (G. Mollet), application du texte dans sa lettre et
dès que de Gaulle serait parti, retour à la pratique parlementaire = lecture parlementaire
- pour de Gaulle, "ce qui est écrit, fût-ce sur un parchemin, ne vaut que par l'application.
Une fois votée la constitution nouvelle, il restera à la mettre en pratique de telle sorte qu'elle
soit marquée en fait par l'autorité et l'efficacité qu'elle va comporter en droit. Ce combat-là
aussi sera le mien." Mémoires d'espoir = lecture présidentielle.
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B. De 1958 à 1962, une présidentialisation du régime.
1. Une présidentialisation en force du régime de 1959 à octobre 1962
a) une pratique extensive des pouvoirs (au grand dam de la classe politique)
¤ ex nomination : des hauts fonctionnaires ministres dès 1959, Pompidou, premier ministre
en 1962 sans être ni parlementaire, ni membre d'un des partis de la coalition
¤ ex décision dans tous les domaines : l'Algérie, la défense, politique étrangère et même
intérieure (ex dossier des prix agricoles en 1960), sans domaine réservé : ainsi lorsque
Chaban-Delmas s'essaie à théoriser le domaine réservé, refus de De Gaulle : pas de domaine qui soit
négligé ou réservé.
b) une pratique assumée devant l'opinion par dessus la classe politique
¤ une opinion prise à témoin : conférence de presse, interventions télévisées, voyages en
province
¤ une opinion prise comme juge (aspect plébiscitaire) : les 4 questions de confiance en 4 ans
: référendums de 1958, 1961 et 1962 + élections législatives de novembre 1962.
De plus en plus de critiques de la classe politique (hors les gaullistes) : au départ retenues
pour cause d'Algérie, mais à l'été 1962, avec l'épilogue algérien, de plus en plus ouvertes.
2. Une présidentialisation légitimée par les Français : la réforme de l'élection du président
au SUD (octobre 1962).
a) Un affrontement politique violent que provoque une réforme très controversée
¤ une réforme très controversée :
+ dans la procédure : court-circuitage du Parlement (art 11 et non art 89) d'où motion de
censure et formation d'un camp du NON ("forfaiture" de G. Monnerville).
+ sur le fond : les mêmes craintes que celles exprimées en 1958 : rappel de 1848,
politisation de la fonction.
¤ Un trouble de l'opinion net dans les résultats : NON = 38 % des suffrages exprimés et si
les OUI = 62 % mais 46 % des inscrits. Alors "faible, médiocre ou aléatoire" ? (De Gaulle)
b) Une véritable "constitution bis" avec des effets majeurs
¤ deux effets institutionnels :
+ elle assoit la prééminence du président dans l'exécutif en tant que représentant direct
de la Nation
+ elle lui confère une légitimité supérieure à celle du Parlement (naissance du
monarque républicain en tant que recours ultime.
¤ deux effets politiques
+ par le couplage référendum/élections législatives, un couplage majorité présidentielle
/majorité parlementaire bien que de Gaulle se défende d'être le capitaine du camp
présidentiel
+ surtout elle devient l'élection par excellence avec pour l'opposition, un choix difficile :
soit l'exil intérieur avec refus de la nouvelle donne institutionnelle (P. Mendès-France), soit
adaptation (F. Mitterrand dès 1965) d'où organisation d'une force de conquête.
Pour nombre de juristes et politologues la véritable fondation de la IVe, 1962 et non 1958 ? En
1962, le régime a trouvé sa voie présidentielle dans un "16 Mai à rebours"(S. Berstein)
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II. De 1962 à nos jours, une lecture, des pratiques.
A. Le présidentialisme "impérial" (1962-1969) fondé sur 2 réalités
1. le président-monarque
a) l'incarnation exclusive de l'Etat.
"Le Président de la République est évidemment le seul à détenir et à déléguer l'autorité de
l'Etat." Conférence de presse du 31 janvier 1964
¤ la mise en scène monarchique du pouvoir d'Etat : ex l'entrée en fonction, protocole
élyséen
¤ la grandeur nationale : les grands choix extérieurs (le domaine réservé) = politique
étrangère, défense nationale avec prise de décision sans concertation voire sans information
au préalable des ministres : ex sortie de l'OTAN en 1966 et intérieurs (le plan Calcul)
¤ le style de Gaulle : le verbe + dimension historique + la vision planétaire
b) une volonté de se situer au-dessus de la mêlée politique
"Ne pas être absorbé sans relâche et sans limite par la conjoncture politique,
parlementaire, économique et administrative" conférence de 1964.
¤ les tâches d'exécution au gouvernement : l'accessoire c'est-à-dire les dossiers complexes
économiques, monétaires avec un très large liberté d'action des ministres.
¤ le président au-dessus des partis et seulement responsable devant le peuple = refus de
s'inscrire dans une logique d'affrontement partisan (un système partisan à reconstruire).
En 1965 : l'homme de l'Histoire, de Gaulle et le peuple même si surprise désagréable
(ballottage)
En 1969 : échec référendaire, malgré une majorité au parlement écrasante et départ.
2. Une adéquation entre le projet du régime et la société : "écosystème sociopolitique" (S.
Berstein)
a) un projet de modernisation par l'Etat, assumé par des hauts fonctionnaires et experts au
cœur de l'appareil d'Etat (énarques)
¤ la tutelle sur le capitalisme industriel : concentrations : PUK, SNIAS.., aides publiques
(fin des années 60 = 15 % des investissements), contrôle des prix..
¤ les grands projets : Plans sectoriels et opérations d'aménagement du territoire
b) une adhésion fragile de la société
¤ des thèmes mobilisateurs : rayonnement international ("antiaméricanisme"),
croissance et consommation, discours de l'efficacité et de la stabilité, inanité du débat
idéologique, promotion (élites dirigeantes : un patronat de gestionnaires salariés issus des
grandes écoles (idéologie d'Etat), au niveau de la classe moyenne la promotion de cadres).
¤ pourtant une insatisfaction croissante : la personnalisation du pouvoir, des choix
extérieurs (1967), les inégalités et la posture d'autorité (raison d'Etat, télévision d'Etat) = mai
1968 sans raccrochage malgré la tentative de relance du régime d'où échec d'avril 1969.
Une personnalisation du pouvoir. De Gaulle se veut l'homme du pays mais prend le risque de
cesser d'être l'homme des Français !
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