La Ve République : Un nouveau système républicain

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Stage : Nouveaux programmes de terminale en histoire-géographie, mai 2004.
La Ve République : Un nouveau système républicain
Dans le libellé, système républicain et nouveau !
- système républicain ? l'architecture des pouvoirs, la culture politique qui la sous-tend et
l'organisation des forces politiques (acteurs).
- nouveau système ? par rapport à un autre (ancien) système ? Faut-il pour cela connaître la
IVe République qui n'est pas au programme de la Terminale S ?
La Ve République réaffirme le principe de la souveraineté nationale et instaure un nouvel
équilibre entre les pouvoirs ; la constitution s'attache à une séparation entre l'exécutif et le
législatif, attribue la primauté au premier et encadre l'activité du second.
Après avoir rappelé ces caractéristiques, on montre que le système né en 1958 a évolué du
fait des pratiques des acteurs, du contexte d'ensemble (cadre économique, rôle attribué à
l'Etat, …) et des choix électoraux.
B.O n°7, 3 octobre 2002, HS
- Deux aspects : une approche institutionnelle descriptive en évitant tout "fétichisme
institutionnel" (B. François) et, plus dynamique, l'évolution du système en fonction des
diverses conjonctures traversées depuis presque cinquante ans en prenant bien soin de ne pas
faire l'histoire politique de la Ve République.
- Trois questions : Nouveau système mais quand est-il véritablement en place ?
Durant 46 ans, une évolution mais dans quel sens et jusqu'où ?
Début XXIe siècle, après plusieurs cohabitations, le système est-il en
panne ?
I. 1958-1962, une transition républicaine
A. Septembre 1958, la Ve entre deux républiques
1. Un mixte constitutionnel.
a) Des éléments de continuité
¤ les symboles : emblème, hymne national, devise (article 2).
¤ les grands principes de philosophie politique et sociale de la République
+ les droits de l'homme et la souveraineté nationale de 1789 (Préambule)
+ la "république indivisible, laïque, démocratique et sociale" (art 2), la démocratie
représentative et directe par le référendum (art 3) repris du titre I souveraineté de 1946.
¤ dans le respect de la tradition arbitrale du président de la République : Art 5 : "il assure
par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de
l'Etat".
+ d'où reprise du statut : la durée septennale, l'irresponsabilité politique (au-dessus des
passions parlementaires)
+ d'où reprise des pouvoirs : les attributions de "notaire" : ex : promulgation des lois,
ratification des traités, nomination aux plus hautes charges ; des attributions régaliennes : ex
droit de grâce, accréditation des ambassadeurs, grand maître des ordres nationaux (Légion
d'Honneur) etc.. ; la présidence du Conseil des Ministres.
1
¤ SURTOUT le maintien du parlementarisme : le vote des lois, du budget et le contrôle
de l'activité gouvernementale.
b) TROIS éléments majeurs de rupture avec la IVe République
¤ la séparation des pouvoirs :
Ce principe n'est textuellement pas inscrit dans la constitution mais les applications en sont
multiples : ainsi l'interdiction du cumul de la fonction gouvernementale et du mandat parlementaire. Surtout, le gouvernement procède du seul président de la République (art 8).
¤ l'affaiblissement du parlement (significatif : Titre II sous la IVe, titre IV sous la Ve)
+ le parlement ne crée plus le gouvernement.
+ le pouvoir législatif est encadré : le parlementarisme rationalisé (ou régénéré)
- dans son fonctionnement : ex : ordre du jour défini par le gouvernement, perte de la
maîtrise du calendrier et 2 sessions ordinaires jusqu'en 1995.
- SURTOUT dans son activité législative : la limitation du domaine de la loi (art 34)
aux matières définies par la constitution ; la concurrence référendaire ; l'initiative
partagée et même réduite en matière financière ; le refus du débat imposé par l'exécutif :
le 49/3 : responsabilité sur tout ou partie d'un texte adopté sans discussion sauf si motion de
censure, le vote bloqué ; le contrôle de constitutionnalité par un Conseil Constitutionnel.
- dans ses capacités de contrôle de l'action gouvernementale : un contrôle-surveillance
allégé : ex la fin des interpellations au profit des questions posées au gouvernement, des
commissions d'enquête sans grands moyens techniques et un contrôle-sanction très encadré
(art 49) : "l'improbable censure" (B.François) : motion de censure = 1/10 e des députés, 48 h
après son dépôt, majorité absolue des votants !
¤ l'instauration d'un exécutif fort et à 2 têtes
+ un bicéphalisme
- Un président de la République à l'autorité accrue (Titre II : Le président de la
République) : par l'élection, un surcroît de légitimité : le grand collège : 80 000 grands
électeurs au sein desquels les parlementaires sont minoritaires ; par les pouvoirs inédits en
République et parfois en propre (sans contreseing) : article 16, référendum 11, surtout
nomination du chef de gouvernement sans oublier la dissolution.
- Un gouvernement à la conduite des affaires : Art 20 : "le gouvernement détermine et
conduit la politique de la Nation".
Une innovation de la Constitution de 1958 : une définition constitutionnelle de la fonction
gouvernementale et l'inventaire des moyens affectés pour remplir ses missions. Titre III
(art 20 à 23 inclus)
De nombreuses attributions propres : d'ordre exécutif : ex le pouvoir réglementaire,
responsable de la défense nationale, nomme aux emplois civils et militaires sous réserve des
pouvoirs du président de la République ; d'ordre législatif : ex droit d'initiative, engagement
de la responsabilité du gouvernement…
D'autres partagées avec le Président de la République (pouvoir de nomination, pouvoir
réglementaire général)
+ un bicéphalisme problématique : difficile de dire qui gouverne ? constitutionnellement
parlant c'est le premier ministre (art 20) mais le président avec ses pouvoirs dont celui de
nomination discrétionnaire ?
Un mixte constitutionnel, ambigu puisqu'il juxtapose de 2 logiques contradictoires :
- la logique parlementaire : un gouvernement aux affaires responsable devant le seul
Parlement puisqu'il devient après sa nomination, juridiquement indépendant de celui qui l'a
nommé (ainsi que de Gaulle le déclare en septembre 1958 devant les "constituants").
- la logique présidentielle : un gouvernement nommé par le détenteur de l'autorité de
l'Etat, qui en exécute les volontés et qui lui rend des comptes.
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Comment expliquer cet entre-deux constitutionnel ? cette constitution "hors série" (G.
Burdeau)
2. Le fruit d'un compromis politique.
Entre de Gaulle, le pourfendeur impitoyable du "régime des partis et les représentants des
partis de la IVe République ! Entre l'homme de la démocratie exécutive du discours de
Bayeux et les tenants de la tradition parlementaire.
Blum au lendemain du discours de Bayeux (juin 1946 dans le Populaire) : "Quel est le républicain
qui pourrait consentir à cela ? ".
a) Un compromis imposé par le contexte de crise de régime
¤ mai-juin 1958 : crise politique liée à l'insurrection en Algérie (le 13 mai 1958)
: qui accentue la crise institutionnelle : instabilité gouvernementale,
faiblesse de l'exécutif, incapacité à se réformer et discrédit dans l'opinion.
¤ face à cette conjoncture, un choix commun : la continuité républicaine.
+ pour les hommes de la IVe : en position de faiblesse, de Gaulle est incontournable
pour l'Algérie, pour la réforme institutionnelle mais il faut sauver ce qui peut l'être de la
tradition parlementaire (notamment le mécanisme parlementaire) et pour cela participer à la
définition du nouveau régime.
+ pour de Gaulle, en position de force, arriver au pouvoir en évitant toute assimilation à
juillet 40 (Vichy), imposer un pouvoir d'Etat sans risquer l'accusation de dictature d'où la
volonté de ménager les partis tout en restant maître du jeu.
b) aussi de juin à septembre, une réforme "négociée" de juin à septembre.
¤ le Parlement remet son pouvoir constituant au gouvernement mais le gouvernement n'a
pas les mains libres. Il doit respecter 5 principes dont le suffrage universel, la séparation des
pouvoirs et la responsabilité du gouvernement devant le parlement et 1 condition :
associer la représentation de la Nation sous la forme d'un Comité consultatif constitutionnel.
D'où une élaboration collective : de Gaulle pour l'impulsion, des politiques sous la forme
d'un comité interministériel (4 ministres d'Etat G. Mollet, L. Jacquinot, P. Pflimlin et F.
Houphouët-Boigny encadrés par des juristes (Cassin et R. Janot) à Matignon, des experts
juristes sous l'impulsion de M. Debré garde des Sceaux (au ministère de la justice), et des
parlementaires du comité consultatif constitutionnel (39 membres, 16 députés, 10 sénateurs
et 13 personnalités choisies par le gouvernement sous la présidence de Reynaud).
¤ Résultat : un consensus républicain avec moult références républicaines lors de la
présentation : le 4 septembre 1958, place de la République, les gardes républicains…
: un consensus large des partis, sauf le PC, Mendès-France et Mitterrand et de
Français : 28 septembre OUI à 80 %
: mais un consensus ambigu (avec arrière-pensées)
- pour les hommes de la IVe République (G. Mollet), application du texte dans sa lettre et
dès que de Gaulle serait parti, retour à la pratique parlementaire = lecture parlementaire
- pour de Gaulle, "ce qui est écrit, fût-ce sur un parchemin, ne vaut que par l'application.
Une fois votée la constitution nouvelle, il restera à la mettre en pratique de telle sorte qu'elle
soit marquée en fait par l'autorité et l'efficacité qu'elle va comporter en droit. Ce combat-là
aussi sera le mien." Mémoires d'espoir = lecture présidentielle.
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B. De 1958 à 1962, une présidentialisation du régime.
1. Une présidentialisation en force du régime de 1959 à octobre 1962
a) une pratique extensive des pouvoirs (au grand dam de la classe politique)
¤ ex nomination : des hauts fonctionnaires ministres dès 1959, Pompidou, premier ministre
en 1962 sans être ni parlementaire, ni membre d'un des partis de la coalition
¤ ex décision dans tous les domaines : l'Algérie, la défense, politique étrangère et même
intérieure (ex dossier des prix agricoles en 1960), sans domaine réservé : ainsi lorsque
Chaban-Delmas s'essaie à théoriser le domaine réservé, refus de De Gaulle : pas de domaine qui soit
négligé ou réservé.
b) une pratique assumée devant l'opinion par dessus la classe politique
¤ une opinion prise à témoin : conférence de presse, interventions télévisées, voyages en
province
¤ une opinion prise comme juge (aspect plébiscitaire) : les 4 questions de confiance en 4 ans
: référendums de 1958, 1961 et 1962 + élections législatives de novembre 1962.
De plus en plus de critiques de la classe politique (hors les gaullistes) : au départ retenues
pour cause d'Algérie, mais à l'été 1962, avec l'épilogue algérien, de plus en plus ouvertes.
2. Une présidentialisation légitimée par les Français : la réforme de l'élection du président
au SUD (octobre 1962).
a) Un affrontement politique violent que provoque une réforme très controversée
¤ une réforme très controversée :
+ dans la procédure : court-circuitage du Parlement (art 11 et non art 89) d'où motion de
censure et formation d'un camp du NON ("forfaiture" de G. Monnerville).
+ sur le fond : les mêmes craintes que celles exprimées en 1958 : rappel de 1848,
politisation de la fonction.
¤ Un trouble de l'opinion net dans les résultats : NON = 38 % des suffrages exprimés et si
les OUI = 62 % mais 46 % des inscrits. Alors "faible, médiocre ou aléatoire" ? (De Gaulle)
b) Une véritable "constitution bis" avec des effets majeurs
¤ deux effets institutionnels :
+ elle assoit la prééminence du président dans l'exécutif en tant que représentant direct
de la Nation
+ elle lui confère une légitimité supérieure à celle du Parlement (naissance du
monarque républicain en tant que recours ultime.
¤ deux effets politiques
+ par le couplage référendum/élections législatives, un couplage majorité présidentielle
/majorité parlementaire bien que de Gaulle se défende d'être le capitaine du camp
présidentiel
+ surtout elle devient l'élection par excellence avec pour l'opposition, un choix difficile :
soit l'exil intérieur avec refus de la nouvelle donne institutionnelle (P. Mendès-France), soit
adaptation (F. Mitterrand dès 1965) d'où organisation d'une force de conquête.
Pour nombre de juristes et politologues la véritable fondation de la IVe, 1962 et non 1958 ? En
1962, le régime a trouvé sa voie présidentielle dans un "16 Mai à rebours"(S. Berstein)
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II. De 1962 à nos jours, une lecture, des pratiques.
A. Le présidentialisme "impérial" (1962-1969) fondé sur 2 réalités
1. le président-monarque
a) l'incarnation exclusive de l'Etat.
"Le Président de la République est évidemment le seul à détenir et à déléguer l'autorité de
l'Etat." Conférence de presse du 31 janvier 1964
¤ la mise en scène monarchique du pouvoir d'Etat : ex l'entrée en fonction, protocole
élyséen
¤ la grandeur nationale : les grands choix extérieurs (le domaine réservé) = politique
étrangère, défense nationale avec prise de décision sans concertation voire sans information
au préalable des ministres : ex sortie de l'OTAN en 1966 et intérieurs (le plan Calcul)
¤ le style de Gaulle : le verbe + dimension historique + la vision planétaire
b) une volonté de se situer au-dessus de la mêlée politique
"Ne pas être absorbé sans relâche et sans limite par la conjoncture politique,
parlementaire, économique et administrative" conférence de 1964.
¤ les tâches d'exécution au gouvernement : l'accessoire c'est-à-dire les dossiers complexes
économiques, monétaires avec un très large liberté d'action des ministres.
¤ le président au-dessus des partis et seulement responsable devant le peuple = refus de
s'inscrire dans une logique d'affrontement partisan (un système partisan à reconstruire).
En 1965 : l'homme de l'Histoire, de Gaulle et le peuple même si surprise désagréable
(ballottage)
En 1969 : échec référendaire, malgré une majorité au parlement écrasante et départ.
2. Une adéquation entre le projet du régime et la société : "écosystème sociopolitique" (S.
Berstein)
a) un projet de modernisation par l'Etat, assumé par des hauts fonctionnaires et experts au
cœur de l'appareil d'Etat (énarques)
¤ la tutelle sur le capitalisme industriel : concentrations : PUK, SNIAS.., aides publiques
(fin des années 60 = 15 % des investissements), contrôle des prix..
¤ les grands projets : Plans sectoriels et opérations d'aménagement du territoire
b) une adhésion fragile de la société
¤ des thèmes mobilisateurs : rayonnement international ("antiaméricanisme"),
croissance et consommation, discours de l'efficacité et de la stabilité, inanité du débat
idéologique, promotion (élites dirigeantes : un patronat de gestionnaires salariés issus des
grandes écoles (idéologie d'Etat), au niveau de la classe moyenne la promotion de cadres).
¤ pourtant une insatisfaction croissante : la personnalisation du pouvoir, des choix
extérieurs (1967), les inégalités et la posture d'autorité (raison d'Etat, télévision d'Etat) = mai
1968 sans raccrochage malgré la tentative de relance du régime d'où échec d'avril 1969.
Une personnalisation du pouvoir. De Gaulle se veut l'homme du pays mais prend le risque de
cesser d'être l'homme des Français !
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B. Le présidentialisme majoritaire (1969-1986, 1988-1993, 1995-1997, 2002-?)
1. Un président chef de majorité
a) une équation personnelle différente (Pompidou dans le nœud gordien)
¤ pas la légitimité historique de De Gaulle : pas la personnalisation, pas l'appel au peuple
d'où l'abandon du référendum plébiscitaire, effacement du mythe résistancialiste, le style
décrispé (surtout avec Giscard).
¤ seulement la légitimité de l'élection présidentielle avec l'impérieuse nécessité d'être
confirmée.
b) un contexte nouveau
¤ politique : la "binarisation" de la vie politique imposée par l'élection du président au
SUD et le mode de scrutin législatif s'achève (gauche unie sous G. Pompidou)
¤ culturel : dans la lancée de 1968, le rapport au pouvoir : libéralisation de l'audiovisuel,
autonomie de l'université, évolution des moeurs…
¤ économique et social : fin de la croissance, du plein emploi avec lutte prioritaire contre la
crise.
Le président descend dans la mêlée pour son camp (Pompidou en 1973, Giscard en 1978,
Mitterrand avec modification du mode de scrutin en 1986). Le Président se met à l'écoute de
la société française.
2. Un président gouvernant.
a) une primauté présidentielle accentuée
¤ par une pratique jalouse des prérogatives : "c'est moi qui conduirai le changement" de
Giscard : tous les dossiers à l'Elysée avec double gouvernement et dyarchie asymétrique
¤ par le ralliement de la gauche à la lecture institutionnelle gaullienne suite à
l'alternance réalisée par l'élection présidentielle de 1981
b) une autorité présidentielle différemment acceptée
¤ Le président à fort soutien parlementaire : Pompidou (1969-1974), Giscard d'Estaing
(1974-1976), Mitterrand I 1981-1986, Chirac I (1995-1997) et Chirac II (2002-…)
+ omniprésence présidentielle = le président en 1ère ligne.
+ une majorité soumise dont le président est le chef (les godillots), avec parfois "violence"
ex loi de réhabilitation des généraux d'Algérie sous le gouvernement Mauroy en 1982
+ un premier ministre commis : Messmer, Barre, Mauroy, Juppé, Raffarin, qui ne doit pas
faire d'ombre sinon démission provoquée (révocation) : Chaban-Delmas (1972).
¤ Le président à soutien parlementaire affaibli : Giscard d'Estaing (1976-1978), Mitterrand
II (1988-1993)
+ retrait présidentiel = le président en 2ème ligne.
+ une majorité mal assurée : président minoritaire dans la majorité (contestation gaulliste)
sous Giscard et majorité parlementaire relative pour Mitterrand (1988-1993) : recours au
parlementarisme rationalisé (49/3)
+ un premier ministre paratonnerre ou fusible du président : Barre (1976-1981), Rocard,
Cresson et Bérégovoy
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C. Un présidentialisme à correctif parlementaire (1986-1988, 1993-1995, 1997-2002)
1. Une pratique institutionnelle aujourd'hui "normalisée"
a) La durée : puisque sur les deux derniers septennats, la moitié en cohabitation (1993-1995
= 2 ans et 1997-2002 = 5 ans), et qu'aucune majorité présidentielle n'a été confirmée lors des
législatives intermédiaires : 1986 après 1981, 1993 après 1988, 1997 après 1995.
b) Les règles du jeu consensuelles définies lors de la 1ère cohabitation. (Mitterrand-Chirac)
¤ la soumission du président au choix des électeurs : choix du moment avec distinction
des temps (une élection n'efface pas l'autre) d'où nomination du chef de l'opposition comme
chef du gouvernement
¤ accord entre les deux têtes de l'exécutif pour le respect de la Constitution et des
prérogatives du Président :
+ la posture tribunitienne : réserves, critiques, refus : ex les ordonnances sur la
privatisation, les communiqués de presse d'après conseil des ministres.
+ le pouvoir de nomination : refus de certaines nominations ministérielles (ex Léotard au
ministère des Affaires étrangères), hauts fonctionnaires reclassés.
¤ accord pour le respect de la coutume : le rôle prééminent en politique extérieure
2. Une pratique problématique
¤ une dyarchie en apparence favorable au chef du gouvernement par le soutien majoritaire
Pourtant capacité de résistance forte du président
+ grâce aux pouvoirs constitutionnels : la parole présidentielle notamment pendant et
après le conseil des ministres, les nominations, les politiques étrangère et européenne
+ grâce à la tension permanente : entourage, médias entre chef de l'opposition et chef de la
majorité surtout en cas de concurrence électorale (1986-1988 et 1997-2002).
In fine rétablissement du président par usure du chef du gouvernement.
¤ Un symptôme de crise : le résultat d'une élection sanction de l'exécutif présidentiel dont
fait les frais le parlement !
Une lecture présidentielle continue et des pratiques d'adaptation permises par une
constitution plastique. Mais, aujourd'hui, la capacité d'adaptation institutionnelle suffit-elle
pour répondre à l'insatisfaction de la société politique française ?
III. La Ve République, un régime essoufflé ?
A. Un déficit de responsabilité politique
1. Un recul de la démocratie délibérative
a) Un faible contrôle politique de l'activité gouvernementale
¤ le président : irresponsable par l'abandon du référendum plébiscite, par la dissolution
émoussée avec un premier ministre fusible ou concurrent en cohabitation.
¤ le premier ministre : échappe au contrôle législatif par le fait majoritaire et le
parlementarisme rationalisé
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¤ Un parlement doublement abaissé par le haut et pas le bas : dissolution chiraquienne en
1997 et sanction électorale avec alternance majoritaire ample et brutale (1993, 1997 et 2002)
b) Une nouvelle prise de décision : la gouvernance
¤ concertation à base de consultations, comités états généraux, sondages "démocratie de
l'opinion".
¤ la communication comme mise en scène de la décision (médiatisation télévisuelle)
2. "La République saisie par son droit" (B. François) ou le gouvernement des juges
constitutionnels (Conseil constitutionnel)
a) En 1958 un texte sommaire et sujet à beaucoup d'interprétations.
¤ Une compétence étroitement limitée aux attributions dévolues par la Constitution :
- autorité constitutionnelle : intervention en cas de vacance pour la désignation du président de
la République et pour l'application de l'art 16 (pouvoirs de crise)
- juge électoral pour les élections nationales (sauf européennes) et référendum
- juge constitutionnel : contrôle de la répartition des compétences législatives et réglementaires
c'est-à-dire éviter les empiètements du législatif sur l'exécutif = un contrôle externe
: un contrôle double : avec saisine obligatoire pour les lois organiques et
les règlements des assemblées, avec saisine facultative les engagements internationaux et pour les lois
ordinaires (art 61)
¤ Pour les lois ordinaires de 1959 à 1974 = moins d' 1 décision par an.
b) à partir du milieu des années 1970, un fort accroissement de l'activité du conseil lié à 3
facteurs :
¤ La décision du 16 juillet 1971 à propos d' une loi modifiant la loi relative aux associations de
1901 avec instauration d'un contrôle a priori par l'autorité judiciaire : extension de la notion de
constitution au préambule et aux textes auxquels le préambule renvoie à savoir la déclaration des
Droits de l'homme et du citoyen et le préambule de la constitution de 1946.
Conséquence : un contrôle au fond, c'est-à-dire du contenu des lois par rapport à un ensemble de droits
et de principes que le corps du texte constitutionnel, c'est-à-dire les articles numérotés, ignorait) =
véritable révolution jurisprudentielle.
¤ L'élargissement de la saisine au parlement (60 députés ou 60 sénateurs) par la révision
constitutionnelle à l'initiative de Giscard d'Estaing en octobre 1974.
Résultat : de 1975 à 1981 = plus de 7 décisions par an
¤ Avec l'alternance de 1981 et jusqu'à nos jours, avec la saisine comme posture
oppositionnelle
Résultat : de 1982 à 2000 = plus de 10 décisions par an et sur tous les grands problèmes
de société d'où des critiques permanentes à l'encontre du CC (propos violents au lendemain de
l'annulation de la loi Pasqua 1993) et des tentatives de brider le CC : ex l'extension du champ
du référendum législatif de 1995 pour limiter le champ du Conseil.
Alors une 3e chambre ? mais sur quelle légitimité ?
B. L'Etat en question : fondement de la Ve république (pouvoir d'Etat)
1. Un pouvoir d'Etat contesté : la libéralisation
- la poussée libérale : privatisations, dérèglementations, abandon d'outils d'intervention : la
planification et l'aménagement du territoire
- le recul de l'Etat keynésien et la remise en cause de l'Etat providence
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2. L'Etat unitaire en question : la décentralisation
a) La loi Defferre de mars 1982 sur les "droits et libertés des communes, des départements et
des régions" = : redistribution des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales
¤ une position amoindrie du préfet : perte des exécutifs même si son autorité sur les services
extérieurs de l'Etat est réaffirmée → rôle d'animation dans le cadre de la politique contractuelle (plan
régional, de ville)
¤ une affirmation des élus locaux surtout des détenteurs d'un exécutif local : une pleine
capacité décisionnelle, une expertise grâce à l'appareil administratif de la collectivité locale par
transfert d'une partie du personnel de l'Etat et un accès au pouvoir central par le cumul des mandats
(2000 = 1 mandat national et 1 mandat local = député/maire, sénateur/président de conseil général).
Résultat : dans le monde urbain surtout, constitution de hiérarchies locales avec rapport
de force et de dépendance = présidentialisation des institutions locales.
b) Une nouvelle étape aujourd'hui (loi constitutionnelle de 2002) visant à "libérer la
démocratie locale" : transfert de compétence, droit à l'expérimentation, droit de pétition et
référendums locaux.
3. L'Etat nation en question : l'intégration européenne
a) Problème du transfert et de la divisibilité de la souveraineté
¤ Pendant longtemps des transferts de souveraineté sans trace constitutionnelle.
Sous la IVe, en l'absence de contrôle de constitutionnalité effectif, la ratification du traité de Paris
(CECA), celle du traité de Rome (CEE et Euratom) se font sans révision de la constitution.
En 1958, à peine plus : un article (54) qui stipule qu'en cas d'engagement international comportant une
clause contraire à la constitution, une révision de la constitution préalable à la ratification devra
intervenir. Mais, d'une part, la saisine du CC n'est pas obligatoire, d'autre part, la construction
européenne dérive vers l'économique et quand le CC est saisi (3 fois), il ne trouve que de la
conformité !
¤ Le tournant : 1992 à l'occasion de Maastricht
Avec l'Union européenne à forte charge politique, le CC saisi par Mitterrand, impose une révision
constitutionnelle d'où le titre XV : "Des communautés européennes et de l'Union européenne" : 4
articles dont 2 sont révisés en 1999 à la suite du traité d'Amsterdam (1997).
"La République participe aux Communautés européennes et de l'Union européenne, constituées
d'Etats qui ont choisi librement en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun
certaines de leurs compétences" = transferts de souveraineté acceptés.
Aujourd'hui, un partage peu clair d'où le projet de constitution européenne.
b) L'impact de l'Union européenne sur le système politique
¤ au niveau des institutions
+ une frustration parlementaire
- Elaboration en dehors de lui des politiques communautaires importance de la législation
européenne dans le domaine économique, social et un jour fiscal. (Selon un rapport du Conseil d'Etat
de 1992, un texte nouveau / deux est d'origine communautaire)
- Pourtant quelques moyens d'agir :
- autorisation de ratification des traités par une loi
- conformément à l'article 88-4, vote d'une résolution sur tous les projets ou proposition des
communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions législatives qui lui
sont obligatoirement soumis et éventuellement sur d'autres projets ou propositions d'actes. Ainsi de
1997 à 2002, 43 résolutions votées.
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+ une valorisation de l'exécutif :
- le président de la République : surcroît de prestige (présidence de l'Union) et de pouvoir (toutes
les questions inscrites à l'ordre du jour du Sommet).
- le gouvernement : même si sa marge de manœuvre est parfois étroite en matière économique et
financière, il participe, au sein du Conseil, à l'élaboration des directives et règlements communautaires
et obtient parfois plus des ses collègues européens qu'il n'aurait obtenu de son Parlement national.
Pour la coordination gouvernementale, une interface le SGCI (secrétariat général du Comité
interministériel pour les questions de coopération économique européenne). Il est l'interlocuteur
officiel de la représentation permanente française auprès de l'Union, des ministères, du premier
ministre (le secrétaire général = conseiller auprès du Premier ministre) qu'il assiste dans le contrôle de
la transposition et de la mise en œuvre des directives européennes.
¤ dans le débat politique : le paradoxe européen
+ l'Europe : de plus en plus présente dans la vie quotidienne nationale : l'euro, le droit
communautaire (plus de la moitié des textes nouveaux sont d'origine communautaire et ils
s'imposent sur le droit national)
+ l'Europe : un objet politique non identifié
- au niveau de l'opinion : un désintérêt et une méconnaissance
: une opinion clivée hors de l'opposition gauche/droite avec d'autres
paramètres : appartenance socioculturelle et niveau d'instruction ; permissivité/ conservatisme sur les
questions de société (mœurs, peine de mort…) ; "centres/ extrémités" : centre-gauche (PS) et centre
droit (UDF+UMP)/ protestataires et sensibilité souverainistes (Chevènementistes et ex RPR).
- au niveau des partis : des opposants déterminés : l'Europe bouc émissaire, cheval de Troie
de la mondialisation et du libéralisme
: des partis proeuropéens frileux car divisés : ex le PS
C. La crise du politique (désenchantement)
1. La technocratisation de la politique
a) En 1958, de Gaulle pour exercer ce pouvoir d'Etat prend appui sur l'appareil régalien
avec notamment la haute administration. Se constitue alors une force politique de soutien : de
façon conjoncturelle, l'entrée en politique des hauts fonctionnaires en relève du personnel de la IV e
République (ex Chirac) et de façon plus structurelle, le lien organique entre haute fonction publique et
pouvoir d'Etat de moins en moins idéologique (intérêt général, service de l'Etat), et de plus en plus
opérationnel (nomination et carrière).
b) Avec des effets pervers de plus en évidents : 3 principaux
- l'Etat partial (Etat UDR, Etat PS) et système des dépouilles (spoil system)
- l'affadissement du débat démocratique au profit d'une culture de gouvernement à base
d'expertise technocratique.
- une coupure avec le citoyen (impuissance face à la crise économique et sociale).
2. Une désertion civique
a) Une montée de l'abstentionnisme électoral
- un "désintérêt" politique équivoque : ni structurelle, ni permanente
- des constantes sociologiques
Deux catégories d'abstentionnistes : les out (hors jeu) et les in (dans le jeu)
b) Le reflux du militantisme politique
- un rôle essentiel des partis (inscrits dans la constitution même si réduit à la dimension
électorale) : fonction programmatique, formation de (s) l'opinion (s), sélection du personnel
politique.
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- une crise des partis : méfiance ancienne et défiance actuelle (affaires, "promesses",
complexité du jeu partisan).
Un entre-deux constitutionnel et, en cohabitation, une pratique institutionnelle mixte :
présidentielle et parlementaire avec brouillage politique. D'où des appels de plus en plus
insistants pour une clarification : soit régime parlementaire, soit régime présidentiel.
Une réforme institutionnelle récente (2000) : le quinquennat.
- Un projet ancien, d'origine présidentielle : G. Pompidou avec échec en 1973 et V. Giscard
d'Estaing en 2000.
- Une réforme en 2000 par référendum sans grande consistance institutionnelle sauf
l'argument de la modernisation et l'évitement de la cohabitation. D'où les effets incertains :
Renforcement du président ? (surtout avec l'inversion du calendrier mais encore faut-il
qu'il y ait convergence des résultats)
Affaiblissement du président au profit du premier ministre avec fin de la double
commande gaullienne ?
D. Bernussou
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