La Saint-Cyrienne présente NAPOLEON ET AUSTERLITZ Général de brigade (2s) Jean Boÿ 1 PROPOS LIMINAIRE Cet exposé n’est pas un travail d’érudit pour des érudits. C’est un montage audio-visuel, du genre de ce que l’on nomme dans l’Armée de terre une « conférence de garnison ». Destiné à un auditoire de personnes cultivées mais pas de spécialistes, il ne dépasse pas l’heure et peut se prolonger, au gré de l’auditoire, par une période de discussion. Sans abuser de la terminologie militaire, il présente les actions de guerre de manière simplifiée voire schématique, afin qu’elles soient comprises dans leurs grandes lignes même par un public qui n’est pas nécessairement initié à la tactique. Si la commémoration du bicentenaire de la bataille d’Austerlitz en est la justification, c’est l’empereur Napoléon Ier, gouvernant, stratège, tacticien et communiquant qui en est le véritable sujet, d’où le titre : NAPOLEON et AUSTERLITZ. Par ailleurs, édité par La Saint-Cyrienne et destiné en premier lieu aux membres de cette association, le texte accorde une place particulière à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et à ses usages traditionnels. __________ Plan L’exposé dure une heure, dont trois minutes d’introduction et deux minutes de conclusion. Il s’articule en trois parties : -LA COALITION, qui présente la situation générale en Europe, le projet de débarquement en Angleterre, la montée en puissance de la 3e coalition et la campagne d’Ulm (quinze minutes) ; -LA BATAILLE, qui décrit la bataille d’Austerlitz (trente minutes) ; -LE SOUVENIR d’Austerlitz, que Napoléon, pour des raisons de propagande politique, s’est employé à développer ; avec un succès réel puisque de nos jours le seul nom d’Austerlitz est mondialement connu (dix minutes). Projections Soixante projections de plans et de documents d’ambiance sont proposées, parmi lesquelles le présentateur peut choisir. Celui-ci gagnera à se munir d’un « pointeur » laser. 2 Utilisation Objet promotionnel de La Saint-Cyrienne, ce CD ne peut en aucun cas être proposé à la vente et les documents qu’il fournit ne peuvent en aucun cas être utilisés à l’occasion de présentations payantes. Cette conférence est un outil qui peut être utilisé de façons très diverses, en premier lieu, en utilisant le texte initial et en projetant les soixante vues. Il est possible d’en limiter la durée en synthétisant la première partie et en supprimant la troisième, ce qui imposera cependant une réécriture partielle du texte. Au cas où le conférencier ne disposerait pas d’un système de projection adapté, il peut se limiter aux seuls plans et cartes, à tirer sous forme de transparents pour rétroprojecteur. On peut encore, après avoir acquis une bonne connaissance du sujet, se limiter à un commentaire des projections. Enfin, en associant aux vues un commentaire enregistré très simplifié, on peut réaliser un diaporama élémentaire. Notes Elles sont volontairement nombreuses. En effet, le but premier du texte est de mettre à la disposition des délégués de La SaintCyrienne intéressés, une conférence sur la bataille d’Austerlitz à l’occasion de son bicentenaire. La présentation étant d’une durée limitée, tout ne peut être dit et ces notes apportent au conférencier un complément d’informations sur le sujet traité. Par ailleurs, produit des recherches faites au cours de l’élaboration de ce travail, ces notes peuvent servir à animer une éventuelle période de discussion. Tous droits réservés La Saint Cyrienne Métaphore Production __________ 3 IMAGE D’ACCUEIL Bataille d’Austerlitz 4 BIBLIOGRAPHIE Deux ouvrages majeurs étayent cet exposé : -Napoléon à Austerlitz (Ed. Guy Victor, 1961), par le commandant Henry Lachouque, de la promotion du Centenaire d’Austerlitz (1904-1906) de l’Ecole spéciale militaire, donc particulièrement motivé pour parler de la bataille et dont la compétence est reconnue et -Journal inédit de la campagne de 1805. Austerlitz (Ed. La Vouivre, 1998), par le lieutenant-général comte Alexandre Andrault de Langeron, émigré français au service du Tsar, non moins compétent que le commandant Lachouque car présent à la bataille et dont la relation mordante est un témoignage essentiel. Mais il y a aussi : Sur Austerlitz -Austerlitz (Ed.Albin Michel, 2005), par le professeur Pierre Miquel. -Austerlitz. Le soleil de l’Aigle (Ed. Histoire et Collections, 2003), par François-Guy Hourtoulle, docteur en histoire. -Austerlitz 1805. Battle of the three emperors (Osprey Publishing, 1990), par David G. Chandler (ouvrage en langue anglaise). -Napoléon, le soleil d’Austerlitz (Ed. Robert Laffont, 1997), par Max Gallo. -La campagne de 1805 (Austerlitz), racontée par la colonne Vendôme (Ed. T.S.H., Le Cannet, 1998), par Maurice Griffe. -Slavkov u Bruna (Lektoroval : Ph Dr. Dusan Uhlir, 1987), par Jiri Pernes et Ivo Hola (ouvrage en langue tchèque). -Petit futé. Bataille d’Austerlitz (Nouvelles éditions de l’Université, 2000), par Marc Esquerre, Jaromir Hanak, Karel Toman, Dusan Uhlir, Fabien et Franck Tesson et Xavier Lafory. -Astérix en Corse, (Ed. Dargaud, 1973), par Goscinny et Uderzo. Sur l’Ecole spéciale militaire -Saint-Cyr et l’Ecole spéciale militaire en France (Ed. Firmin Didot, 1898), par le lieutenant-colonel Eugène Titeux. -Histoire des Saint-Cyriens (Ed. Lavauzelle, 1980), par le colonel Michel Camus. -Saint-Cyr. L’Ecole spéciale militaire (Ed. Lavauzelle, 2002), par le colonel Jacques Vernet, docteur en histoire, le général de brigade Pierre Gourmen, le général de brigade Jean Boÿ, le colonel Pierre Jacob et monsieur Yves Gourmen. 5 -Livre d’or des Saint-Cyriens morts au champ d’honneur (Ed. La Saint-Cyrienne, 1990), par le colonel Hervé Le Boulicaut. -Lexique-historique du langage utilisé à l’Ecole spéciale militaire (1802-2000) (Ed. La Saint-Cyrienne, 2000), par le général de brigade Jean Boÿ. A caractère général -Napoléon, (Ed. Flammarion, 1942), par Octave Aubry, de l’Académie française. -Dictionnaire des batailles de Napoléon (Ed.Tallandier, 2004), par le professeur Alain Pigeard. -Guide napoléonien, (Ed. Lavauzelle, 1981), par Alain Chappet, Roger Martin, le professeur Alain Pigeard et André Robe. -Les maréchaux du Premier Empire, leur famille et leur descendance, (Ed. par l’auteur, 1957), par Joseph Valynseele. -Histoire militaire de la France, (PUF, 1997), sous la direction du général Jean Delmas, docteur en histoire, avec le professeur Anne Blanchard, le colonel Gilbert Bodinier, docteur en histoire, le professeur Jean Chaniot, le professeur Philippe Masson et le professeur Jean Meyer. -Histoire de Napoléon, (Ed. Garnier frères, 1852), par P. M. Laurent (de l’Ardèche), illustrée par Horace Vernet et plusieurs autres. -Drapeaux et étendards de la Révolution et de l’Empire, (Ed. Copernic, 1982), par Pierre Charrié. -Le tunnel sous la Manche, (PUF, Collection Que sais-je ? n° 2668, 1999), par J. Spick. __________ REMERCIEMENTS Sont tout particulièrement remerciés : Mademoiselle Marguerite Smith, stagiaire à Métaphore Production, qui a fait face avec une immense bonne volonté aux exigences, compliquées d’incompétence en dessin informatique, du rédacteur et le colonel Jean André Boy, qui s’est attelé avec rigueur et conviction à la correction des innombrables fautes qui émaillaient ce travail ! __________ 6 INTRODUCTION Napoléon à la Malmaison Austerlitz, la plus brillante des batailles napoléoniennes, met fin victorieusement à la guerre contre la 3e coalition, en 1805. Durant cette campagne, du camp de Boulogne jusqu’en Moravie (aujourd’hui en République Tchèque), l’Empereur fait la démonstration de qualités de gouvernant, qui décide de la guerre, de stratège, qui gère le conflit politico-militaire, de tacticien, qui coordonne l’action des grandes unités au combat, de communiquant enfin, qui s’emploie, pour consolider le régime impérial, à faire vibrer les Français à l’annonce puis au souvenir des faits d’armes de leur Armée. Austerlitz symbolise le souvenir de l’Empereur et la gloire de l’Armée française. 7 PLAN La première partie de l’exposé présente le contexte général de la campagne contre la 3e coalition. Préparant un débarquement en Angleterre, Napoléon fait brusquement volte-face et, en trois mois, va écraser toutes les forces adverses qu’il rencontre. A Austerlitz, il rejoint l’ennemi dans un échelonnement favorable et sur un terrain que son génie de la guerre lui permet d’utiliser au mieux. Il conduit alors sa bataille la plus accomplie. Bataille qui reste, depuis, dans la mémoire des hommes ; ce que la troisième et dernière partie de cette présentation s’emploiera à mettre en évidence. __________ 8 PREMIERE PARTIE LA COALITION MONTEE DE LA CRISE ET LA GUERRE En ce temps là, comme en d’autres, l’Angleterre déteste la France… qui le lui rend bien. En mars 1802, Anglais et Français signent la paix d’Amiens mais ce n’est qu’une trêve. La France, qui étend son influence sur une bonne part de l’Italie et de l’Allemagne, veut la paix mais une paix respectueuse de ses conquêtes. Le Premier consul encourage le développement industriel du pays ce qui implique des débouchés commerciaux. La rivalité franco-britannique est essentiellement une lutte d’influence économique car l’Angleterre, elle aussi, développe son industrie et doit conquérir des marchés, bien évidemment en Europe. Il est vital pour elle de s’opposer à la France. Elle pousse donc à la guerre les souverains européens, qu’inquiètent la politique hégémonique de Napoléon et la propagation des principes de la Révolution. 9 Localisation des protagonistes Alexandre Ier(1), tsar de Russie, se voit bien en croisé de la contre-révolution et l’Angleterre lui fournit les subsides qu’il lui faut. L’Autriche de l’empereur germanique François II(2), récemment étrillée(3), hésite à s’engager. La Suède et Naples représentent une menace qu’il ne faut pas négliger. La Prusse, elle, adopte une position attentiste. Français et Anglais s’accusent réciproquement de ne pas respecter la paix d’Amiens. En mai 1803, un affrontement mineur entre deux navires anglais et français met le feu aux poudres(4) ; Bonaparte y répond en arrêtant tous les ressortissants britanniques résidant en France. Le 16 mai, l’Angleterre déclare la guerre à la France qui envahit aussitôt le Hanovre, possession continentale du roi d’Angleterre(5). Bonaparte, homme d’état et stratège, voit une solution simple et l’annonce : « Une descente et un séjour de deux mois en Angleterre (dit-il) seraient pour la France une paix de cent ans »(6). 10 LES PROJETS D’INVASION DE L’ANGLETERRE Envahir l’Angleterre : rien de nouveau(7). En 1797 déjà, un projet de débarquement a été étudié et devant l’état de la flotte française, ajourné. Cette gravure de l’époque montre un étonnant fourmillement d’idées pour réaliser l’invasion, par mer, air et même sous terre. L’idée du tunnel sous la Manche ne date pas d’aujourd’hui(8). En 1803, quand la guerre éclate à nouveau avec l’Angleterre, Bonaparte ne fait que relancer l’idée. Projets d’invasion de l’Angleterre PLAN D’ACTION DE NAPOLEON Pour réussir son débarquement Napoléon doit contrôler la Manche. Il conçoit donc une opération navale. Afin d’attirer la marine anglaise loin du Pas-deCalais, début 1805, cinq escadres françaises et espagnoles(9) se regrouperont à la Martinique et attaqueront les Antilles anglaises. Puis, trompant les Anglais venus au secours de leurs possessions américaines, la flotte franco-hispanique fera demi-tour et viendra dans la Manche protéger l’opération d’invasion(10) de l’Angleterre. Opération navale de Napoléon 11 EVOLUTION DE LA SITUATION En juillet 1804, aussitôt après le sacre, l’Empereur vient à Boulogne(11) où il inspecte ses troupes. Le moral de l’Armée est élevé et l’Empereur s’emploie à l’entretenir : il procède à la deuxième distribution solennelle des croix de la Légion d’honneur. Homme d’état autant que grand capitaine, Napoléon, tout en préparant le débarquement, ne perd jamais de vue qu’en Europe une nouvelle coalition couve. En effet, la tension monte. L’Angleterre ne ménage ni sa peine ni son or et en août, les relations sont rompues entre Paris et Moscou. Pour éviter l’engagement de la Prusse aux côtés de cette nouvelle coalition, Napoléon lui fait miroiter la possession du Hanovre. Distribution des croix de la Légion d’honneur L’Empereur envoie des espions(12) en Europe centrale s’informer sur les armées étrangères, les ressources des pays et leur géographie. En France, il ordonne la remise en état des routes allant de la côte à la frontière allemande. En avril 1805, le traité de Saint-Pétersbourg matérialise l’entente de l’Angleterre et de la Russie(13). Celle-ci pousse l’Autriche à s’engager à ses côtés. François II hésite encore : la situation financière de l’Autriche est mauvaise et son armée n’est pas prête. Mais l’or anglais aidant, il rejoint finalement la coalition en juillet 1805. L’Autriche dispose de près de 100.000 hommes et peut en mobiliser et armer autant. La Russie prépare 200.000 hommes, mal encadrés, sous-équipés et plus préparés à la parade qu’à la guerre(14). La Prusse ne prend toujours pas parti mais autorise quand même les Russes à traverser son territoire pour rejoindre les Autrichiens. Côté français, l’opération navale se déroule mal. L’amiral de Villeneuve, arrivant à la Martinique et se sachant poursuivi par l’amiral Nelson, fait demi-tour trop tôt sans attendre les autres escadres. Il revient dans le golfe de Gascogne puis se laisse bloquer à Cadix par les Anglais. Napoléon enrage. En effet, l’absence de protection navale rend la traversée de la Manche incertaine. Mais surtout, il ne peut prendre le risque de se retrouver bloqué en Angleterre par la flotte britannique revenue, alors que se prépare une offensive austro-russe dans le centre de l’Europe. Aussi, dès la mi-août, il abandonne le projet d’invasion de l’Angleterre : « Je veux (écrit-il à Talleyrand) attaquer l’Autriche et être à Vienne avant le mois de novembre prochain pour faire face aux Russes s’ils se présentent »(15). 12 LES FORCES COALISEES Quelles sont la situation et les intentions de l’ennemi ? Intentions stratégiques des Coalisés Dans l’immédiat, il n’y a que les Autrichiens sur le terrain. Pour ce qui est des Russes, le feld-maréchal Koutousov(16) marche en direction du Danube avec 50.000 hommes(17). Suivant les plans, les Autrichiens doivent l’attendre pour partir en campagne. Le reste des forces russes avance, encore loin derrière. L’empereur François II commande ses armées. L’archiduc Ferdinand d’Autriche-Este, son cousin(18), commande théoriquement l’Armée d’Allemagne, forte de 60.000 hommes. En réalité, cette armée se trouve sous le commandement de son chef d’état-major, le feld-maréchal Carl Mack(19), dont « l’entêtement égalait sa médiocrité »(20) mais écouté de son souverain, qu’il pousse à la guerre. Deux frères de François II, l’archiduc Charles et l’archiduc Jean commandent, le premier, l’Armée d’Italie, forte de 102.000 hommes, le second, l’Armée du Tyrol, avec 22.000 hommes. Il reste encore des réserves groupant 20.000 hommes(21), en Autriche. Les Coalisés prévoient de mener quatre attaques : -une attaque principale par la Bavière, le long de la vallée du Danube, menée conjointement par les Autrichiens et les Russes ; -une offensive en direction de la Lombardie, conduite par les Autrichiens. 13 -deux attaques secondaires, en Poméranie vers le Hanovre et à partir de Naples vers la Lombardie. LES FORCES FRANCAISES Du côté des Français, la Grande Armée est forte de 200.000 hommes(22). Napoléon la commande directement et au besoin, son beau-frère, le prince Murat, le supplée au commandement. Le maréchal Berthier assume la fonction essentielle de major-général. La Garde impériale, aux ordres du maréchal Bessières, regroupe plus de 5.000 soldats d’élite. Le reste de la Grande Armée s’articule en corps d’armée. [Echelon nouveau instauré par l’Empereur, le corps d’armée est une grande unité interarmes. Aux ordres d’un seul chef, il peut combattre de façon autonome. Un corps d’armée regroupe, en principe, trois divisions d’infanterie, une de cavalerie et de l’artillerie. Il compte de 18 à 25.000 hommes dont 1.000 à 2.000 cavaliers et 20 à 30 pièces d’artillerie. La composition exacte varie en fonction de la mission(23). Il y en a sept. Ce sont les « 7 torrents », qui vont se précipiter vers le Danube. Les sept « torrents » Bernadotte, Davout, Soult, Lannes, Ney et Augereau, juste élevés au maréchalat, et Marmont(24), encore général, commandent chacun un corps d’armée]. Il y a aussi des réserves : un corps de grosse cavalerie, un corps de dragons, les grenadiers 14 d’Oudinot et la division de dragons à pied du général Baraguey d’Illiers(25). Il reste, face à l’Angleterre, un corps d’armée à Boulogne et un autre aux Pays-Bas. Enfin, deux corps de gardes nationaux, à Besançon et à Saint-Omer, assureront éventuellement l’ordre intérieur. L’encadrement de la Grande Armée est jeune(26), solide et expérimenté(27). Quant aux soldats, les vétérans annoncent huit à douze ans de métier, voire plus. Les plus jeunes comptent deux ou trois ans de services(28). INTENTIONS DE L’EMPEREUR Au plan stratégique, le but de Napoléon est de battre séparément les différentes armées de la coalition ennemie avant que, regroupées, elles ne représentent une force supérieure à la Grande Armée. Intentions stratégiques de Napoléon (1) Tout en surveillant l’Angleterre, la Suède et la Prusse, il va chercher à écraser d’abord l’Armée autrichienne d’Allemagne, avant que les Russes ne puissent l’aider, puis l’armée russe elle-même. 15 Ensuite il se retournera contre l’Armée autrichienne d’Italie que le maréchal Masséna(29) doit initialement retenir. Cette Armée française d’Italie compte 48.000 hommes (auxquels s’ajoutent les forces de souveraineté). Elle fait face à l’archiduc Charles et ses 102.000 Autrichiens. Intentions stratégiques de Napoléon (2) Quant aux Bourbons de Naples, ils sont sous la surveillance du général Gouvion Saint-Cyr et de son corps dit « d’observation »… de 17.500 hommes, prêt à réagir en cas de débarquement anglais dans le sud de l’Italie(30). En outre, il peut éventuellement renforcer Masséna. 16 Au plan tactique, Napoléon monte d’abord une manœuvre de déception(31), en simulant un franchissement du Rhin à la hauteur de la Forêt-Noire. Il compte ainsi attirer l’attention des Autrichiens de ce côté. M a n œ u v r e t a c t i q u e d e N a p o l é o n en Bavière Puis les corps d’armée français -franchiront le Rhin entre Strasbourg et Spire et -marcheront rapidement et discrètement vers le Danube, afin -d’encercler les Autrichiens en leur coupant les routes de Vienne et du Tyrol et -d’interdire à Koutousov de venir les renforcer. L’Armée autrichienne d’Allemagne pourra alors être détruite. UNE CAMPAGNE ECLAIR Fin août, la Grande Armée marche vers le Rhin. Le maréchal Bernadotte quitte le Hanovre et le général Marmont la Hollande, tous deux en direction de la Bavière. 17 Début septembre, sans déclaration de guerre, les Autrichiens entrent en Bavière. C’est une double erreur(32) : d’abord, ils n’attendent pas, comme prévu, l’arrivée des Russes. Ensuite ils espèrent faire ainsi basculer la Bavière et ses 20.000 soldats dans leur camp mais ne savent pas que l’Electeur de Bavière a déjà fait secrètement alliance avec Napoléon. Tout se passe alors très vite. Bataille d’Ulm Fin septembre, la Grande Armée aborde le Rhin. Marmont et Bernadotte marchent pour la rejoindre. Mack est à Ulm. La manœuvre de déception à Neuf-Brisach a fait son effet : il pense que Napoléon va attaquer à partir de la Forêt-Noire. Il pousse son avant-garde jusqu’aux débouchés du massif et compte attendre les Français à la hauteur d’Ulm et de l’Iller. Dans les premiers jours d’octobre, les corps d’armée français franchissent le Rhin en aval de Strasbourg et marchent vers le Danube d’Ulm à Ingolstadt. Ils progressent par deux, de manière à pouvoir s’appuyer réciproquement. Bernadotte et Marmont, marchant aussi vers le Danube, protègent le flanc gauche de la Grande Armée qui exécute sa manœuvre d’encerclement. Mack ne paraît pas s’inquiéter de ces mouvements. Attendant la Grande Armée aux débouchés de la Forêt-Noire, en réalité, il prend l’aile droite française pour son aile gauche et ne voit pas qu’il se fait déborder. 18 Le 5 octobre, le maréchal Soult prend Donauwörth passe le Danube et se dirige vers Augsbourg. La route de Vienne est maintenant coupée. Derrière lui, le 8 octobre, Murat avec la réserve de cavalerie, le maréchal Lannes et le maréchal Ney, franchit à son tour, marche sur Ulm et bat les Autrichiens à Wertingen. Bernadotte pousse toujours en direction de Münich. Avec les Bavarois, ralliés à la France, il doit barrer la route à Koutousov, qui se dirige à marche forcée vers la Bavière. Dans cette situation critique, l’indécision de Mack sème le désordre chez les Autrichiens. Il envisage d’abord de se replier sur le Tyrol, vers le sud, puis se décide pour une offensive vers le nord, sur la rive gauche du Danube, en vue de gagner la Bohême. Du côté des Français, craignant que Mack ne s’échappe vers le Tyrol, Napoléon accélère le mouvement de Soult vers Memmingen. Le 11 octobre, Mack tente une trouée vers le nord. C’est un échec. Au sud, Soult s’empare de Memmingen le 13 octobre. La route du sud est coupée. Ney à Elchingen. Le 14 octobre Ney marche sur Ulm et bat les Autrichiens à Elchingen. Mais une bonne partie de l’Armée d’Allemagne parvient à s’échapper vers le Tyrol (12.000 hommes) et vers la Bohême (20.000 hommes). Mack s’enferme dans Ulm avec les 25.000 hommes qui lui restent, décidé à attendre sur place l’arrivée de secours. L’archiduc Ferdinand refuse ce plan. Il arrive à se dégager de l’encerclement avec 1.200 cavaliers de l’Armée d’Allemagne, et rejoint la Bohême. Les avant-gardes de Koutousov arrivent à peine sur l’Inn. Epuisées, elles ne peuvent s’engager au profit des Autrichiens. Le 19 octobre, les avant-gardes françaises franchissent l’Inn en plusieurs points. Koutousov n’est pas en mesure de l’interdire. A Ulm, la Grande Armée se prépare pour l’assaut final. 19 Mais le 20 octobre, le feld-maréchal Mack capitule sans combat, avec 40 drapeaux, 18 généraux, 25.000 hommes et 63 canons attelés(33) (34). La campagne éclair de Bavière s’achève : l’Armée autrichienne d’Allemagne est en grande partie défaite « tuée, blessée ou désertée »(35). Capitulation d’Ulm Quant à l’Armée autrichienne d’Italie, elle a subi, le 30 octobre, une semi-défaite à Caldiero(36). Au passage de l’Inn, le 27 octobre, et à Caldiero, le 30 octobre, tombent le sous-lieutenant de Lafforgue et le sous-lieutenant Bichier-Desroches, premiers anciens élèves de l’Ecole spéciale militaire morts pour la France(37). Ulm, le 20 octobre, Caldiero, le 30 octobre : succès des armes de la France. Mais le 21 octobre, c’est le désastre de Trafalgar(38) (39). __________ 20 DEUXIEME PARTIE LA BATAILLE INTRODUCTION La guerre n’est pas finie. Koutousov est toujours là. Des troupes russes sont signalées se dirigeant vers la Moravie. Il reste plus de 30.000 Autrichiens, sortis de l’encerclement d’Ulm à l’exemple de l’archiduc Ferdinand. Il y a aussi l’Armée du Tyrol. Et en Italie, l’archiduc Charles retraite en direction de Vienne. Le 14 octobre, les Bourbons de Naples ont déclaré la guerre à la France et ouvert leurs ports aux Anglais. Le 31 octobre, c’est au tour des Suédois de rejoindre la coalition ; mais ils sont loin. Néanmoins, tout en marchant vers Vienne, Napoléon crée l’Armée du Nord, chargée, avec l’Armée de Boulogne, de contrer une éventuelle menace anglo-suédoise. Le 3 novembre, la Prusse rejoint la coalition(1). Ce n’est encore qu’un traité secret et ses troupes ne sont toujours pas sur le terrain. 21 La Grande Armée, elle, s’éloigne de ses bases et s’amenuise avec les forces de souveraineté qu’il faut laisser sur les places conquises. Napoléon ne perd pourtant pas de vue les objectifs qu’il a définis : « Ce qui importe, (écrit-il à Murat) ce n’est pas d’entrer à Vienne mais bien de poursuivre, d’arrêter, de battre, de détruire l’armée russe »(2). LA MARCHE SUR VIENNE Murat et Lannes en tête, les corps d’armée foncent vers Vienne. Les 4 et 5 novembre, Ney s’empare du Tyrol. Le flanc sud est maintenant couvert. Koutousov retraite en bon ordre. Il s’emploie à gagner du temps, dans l’espoir que l’archiduc Charles, qui revient d’Italie, pourra l’aider à défendre Vienne. Mais devant la pression des Français, il doit reculer. Le prince Murat Murat est furieux : « La fuite de ces misérables est plus rapide que notre (3) poursuite », dit-il . Le 10 novembre, toujours talonné par les Français, Koutousov passe sur la rive gauche du Danube pour gagner la Moravie. Malgré les violents combats de Dürnstein, où se distinguent le maréchal Mortier(4) et le 8e corps, corps provisoire, l’armée russe parvient à poursuivre son repli. Le 13 novembre, les Français entrent sans combat dans Vienne et par une audacieuse ruse de guerre s’emparent des ponts sur le Danube avant qu’ils ne soient détruits(5). Le 14 novembre, Napoléon est à Schönbrunn. Murat, toujours à la poursuite de Koutousov, le rejoint près d’Hollabrünn. Mais le cavalier superbe se fait à son tour berner par le vieux renard qui parvient à lui extorquer un armistice. Quand Napoléon, très mécontent de son beau-frère, reprend la situation en main, le Russe est parvenu une fois de plus à s’esquiver avec le principal de ses forces, en direction d’Olmütz. 22 AVANT LA BATAILLE La poursuite continue. La Grande Armée entre à Brünn, à 130 kilomètres au nord de Vienne. Suivant son avant-garde, l’Empereur y arrive à son tour, le 20 novembre. Présentation du terrain Il reconnaît la région et prépare son plan de bataille. Présentation du terrain Sur un front d’une dizaine de kilomètres, la bataille d’Austerlitz va se dérouler entre, au nord, les collines de la Suisse morave et Rausnitz ; à l’est, Austerlitz ; au sud-est, le cours du Littawa ; au sud-ouest, les villages d’Aujezd, Telnitz et Menitz ; enfin, à l’ouest, le cours du Goldbach. Boisé dans la Suisse morave au nord de la route de Brünn à Olmütz, ailleurs, le terrain est généralement vallonné et plutôt découvert. Au centre, il est dominé par le plateau de Pratzen qui descend en pentes parfois raides sur le cours du Goldbach. Dans la partie sud de la zone de la bataille, au vallonnement plus marqué que dans le nord, le Goldbach, ruisseau marécageux, se rapproche sans le rejoindre du Littawa, alors que celui-ci se perd dans les étangs de Sastchau et de Menitz. Ces caractéristiques géographiques auxquelles s’ajoutent les villages de Kobelnitz, Sokolnitz, Telnitz et Menitz longeant le Goldbach, font du 23 sud de la zone de la bataille un terrain extrêmement favorable à une défense ferme. L’Empereur ne manque pas de le remarquer au cours de ses reconnaissances. Pendant ce temps, Murat poursuit l’ennemi vers Olmütz. Soult occupe Austerlitz, Lannes est dans la région de Bosenitz. Le reste des forces françaises est sur le Goldbach. Le maréchal Davout, avec son 3e corps d’armée, est encore à Vienne. Bernadotte marche vers Brünn. Le 23 novembre, les forces russes font leur jonction à Olmütz. Mais dans les jours qui précèdent la bataille, on engage des pourparlers. Les Austro-Russes pour donner le temps d’arriver à leurs renforts ; Napoléon lui aussi, pour concentrer ses corps d’armée et… faire croire à ses adversaires qu’il est à bout de souffle. Des rumeurs défaitistes sont habilement répandues dans la population locale et viennent aux oreilles de l’ennemi. L’Empereur donne à Lannes et à Murat l’ordre de ne pas se montrer trop offensifs, Soult abandonne Austerlitz et le plateau de Pratzen pour se replier à la hauteur du Goldbach. La Garde impériale et les réserves ne dépassent pas Schlapanitz. La ligne avancée française se situe bientôt le long du Goldbach et son aile droite apparaît bien faible aux Coalisés. D’ailleurs, elle l’est. Napoléon demande alors un armistice au Tsar. Le 29 novembre, celui-ci envoie seulement un de ses aides de camp, le prince Pierre Dolgorouki(6). Le Tsar exige l’abandon de l’Italie, du Rhin, de la Hollande et de Bruxelles. Napoléon refuse ces conditions. Mais, accueilli par l’Empereur aux avant-postes, Dolgorouki croit voir que les Français se préparent à un combat défensif et il le rapporte au Tsar. Finalement, mal informé par les rumeurs et de faux renseignements, par les mouvements de repli des Français et par ce que lui dit Dolgorouki, Alexandre Ier en vient à craindre une retraite précipitée de Napoléon qui le priverait de la victoire qu’il escompte. Aussi, sans attendre de possibles renforts autrichiens et russes, il décide d’attaquer. Quelles sont les forces en présence ? Forces en présence et intentions : Coalisés Alexandre Ier et François II Du côté des Coalisés, Alexandre Ier et François II sont à la tête de leurs troupes. Alexandre Ier prend une part active aux réunions de commandement et tient peu compte du feld-maréchal Koutousov(7), alors que celui-ci est commandant en chef des deux armées. Le chef d’étatmajor des Coalisés est un autrichien, le général-major Weyrother(8) (9) (10). L’articulation des forces austro-russes pour la bataille, combinaison de deux articulations nationales, est 24 incertaine(11) et compliquée. On trouve ainsi, d’abord : -l’avant-garde russe du lieutenant-général Bagration, avec 14.000 hommes et 30 canons ; -la Garde impériale russe, aux ordres du grand-duc Constantin(12), avec 8.500 hommes et 50 canons ; -et la cavalerie austro-russe du lieutenant-général (autrichien) Jean de Liechtenstein(13), avec 5.000 cavaliers et 30 canons. Puis vient le gros des forces. Il est composé essentiellement d’un ensemble aux ordres du lieutenant-général (russe) Buxhœwden, comprenant l’avant-garde autrichienne du lieutenantgénéral (autrichien) Kienmayer, avec 6.500 hommes et une quinzaine de canons ; la 1ère colonne, du lieutenant-général (russe) Doctorov, avec 13.500 hommes et 65 canons ; la 2e colonne, du lieutenant-général (émigré français au service du Tsar) de Langeron, avec 11.500 hommes et 30 canons ; et la 3e colonne, du lieutenant-général (russe) Pribischewski et du lieutenant-général (émigré français au service du Tsar) Wimpfen, avec 7.500 hommes et 30 canons. Il y a enfin une colonne qui marche de façon indépendante, la 4e colonne, du lieutenantgénéral (russe) Miloradovitch et du lieutenant-général (autrichien) Kollowrath, regroupant 17.000 hommes et 70 canons(14). L’ensemble représente une force de quelque 84.000 hommes et 320 canons(15). L’idée de manœuvre des Coalisés est simple. Le général-major Weyrother, chef d’étatmajor coalisé, s’en tient à la seule hypothèse des Français se battant en défensive à l’ouest du Goldbach. Ses renseignements sur les positions occupées par la Grande Armée sont mauvais et il pense n’avoir en face de lui que 40.000 hommes. Le plan d’action des Coalisés vise à couper la route vers le sud aux Français et à les détruire par une manœuvre enveloppante de leurs ailes gauche et droite, en attaquant un ennemi supposé installé en défensive. Le commandement austro-russe décide donc : -au nord, de confier au très manœuvrier Bagration(16) la mission d’attaquer l’aile gauche française, -au sud, en même temps et avec le principal de ses forces, de s’emparer de Sokolnitz et Telnitz puis d’attaquer les positions françaises du sud vers le nord afin de les détruire tout en leur interdisant de battre en retraite en direction de Vienne. Le plateau de Pratzen sert de pivot au mouvement de débordement mais le risque d’une action française en direction de ce point clé du terrain n’est pas retenu par Weyrother (17). Le lieutenant-général de Langeron, qui émet l’idée d’une attaque française du plateau de Pratzen n’est pas écouté(18). Forces en présence et intentions : Français Du côté français, Napoléon a vu le rôle essentiel de Pratzen dans la manœuvre offensive qu’il va conduire et non défensive comme il s’emploie à le faire croire aux Austro-Russes. 25 L’Empereur et Roi (Napoléon est empereur des Français et roi d’Italie) veut une victoire totale. Pour cela il cherche à attirer le maximum des forces coalisées vers le sud où il les détruira par une action de flanc à partir du plateau de Pratzen, conquis au préalable par une action de force au centre(19). L’Empereur et Roi Au plus fort de la bataille, la Grande Armée aligne 73.000 hommes (57.000 fantassins, 13.000 cavaliers et 3.000 artilleurs) et 140 canons(20), ce qui donne une supériorité manifeste à l’ennemi avec ses 84.000 hommes et ses 320 canons. Elle est toujours articulée en corps d’armée, réorganisés en fonction de leur rôle dans la bataille à venir. Il y a d’abord la Garde impériale avec ses 5.500 soldats dont 1.000 cavaliers et 300 artilleurs. Les grenadiers d’Oudinot constituent la réserve, avec 5.700 soldats d’élite. La plus grande partie de la cavalerie est aux ordres de Murat avec près de 9.000 sabres de cavalerie légère, de dragons et de grosse cavalerie, renforcés d’artilleurs à cheval et de dragons à pied de Baraguey d’Illiers. Le 1er corps de Bernadotte compte 10.000 hommes, dont 300 artilleurs. Il a du, au grand mécontentement de son chef, donner ses cavaliers à Murat. Lannes et son 5e corps d’armée de 14.500 hommes, dont 800 artilleurs, constitue l’aile gauche française. Il a, lui aussi, cédé sa cavalerie à Murat. Le 4e corps d’armée de Soult, le plus puissant, avec 24.500 hommes dont 600 cavaliers et 1.100 artilleurs, doit conduire l’action décisive en direction du plateau de Pratzen. Enfin, le 3e corps de Davout, qui arrive de Vienne, n’engagera que la division Friant et une partie de la division Bourcier, soit près de 6.000 hommes. La division Gudin rejoindra seulement dans la journée du 2 et participera à la poursuite de l’ennemi en fin de bataille. L’Empereur commande en personne. 26 Positions initiales des deux armées Au soir du 1er décembre 1805, les Coalisés sont déployés, prêts à l’attaque. L’avant-garde autrichienne de Kienmayer est en face de Telnitz et Sokolnitz. A la hauteur du plateau de Pratzen, les colonnes de Doktorov (la 1ère), de Langeron (la 2e) et de Pribischewski (la 3e) préparent leur mouvement vers le sud tandis que la 4e colonne (de Miloradovitch et Kollowrath) doit marcher derrière la colonne de Pribischewski. Au nord, Bagration, en avant de Rausnitz, se tient prêt à attaquer l’aile gauche française. La cavalerie de Liechtenstein et la Garde impériale russe sont regroupées, en deuxième échelon, à la hauteur d’Austerlitz. Positions initiales à la veille de la bataille En face, la Grande Armée est « pelotonnée » dans un triangle Brünn, Bosenitz, Telnitz. Formant la gauche du dispositif français, le 5e corps de Lannes est à la hauteur du Santon(21), sur lequel est installée une base d’artillerie(22) solidement défendue par tout un régiment d’infanterie. La réserve de cavalerie de Murat, renforcée des cavaleries des 1er et 5e corps, est groupée entre Schlapanitz et Bellowitz. Le 1er corps de Bernadotte vient de s’installer quelques kilomètres à l’est de Brünn. Le 4e corps d’armée de Soult tient le centre, à la hauteur de Schlapanitz, face à Pratzen ; sa e 3 division, la division Legrand, forme l’aile droite, avec des éléments avancés à Kolbenitz, Sokolnitz et Telnitz. 27 La Garde impériale et les grenadiers d’Oudinot se massent en arrière, à l’ouest de Schlapanitz. Le 3e corps de Davout n’est pas encore sur le terrain. LA BATAILLE On peut découper la bataille en quatre grandes phases, que l’on va ici nommer, l’engagement, l’assaut de Pratzen, la bataille pour le centre et … la déroute. -L’engagement Déjà, dans la nuit du 1er au 2, des éléments de l’avant-garde autrichienne de Kienmayer viennent tâter la résistance de Telnitz. Napoléon ordonne de renforcer les unités avancées de l’aile droite avec un régiment d’infanterie de la division Legrand. Pour l’Empereur c’est un indice de plus que l’ennemi a bien l’intention d’agir vers le sud et tombe donc dans le piège qu’il lui prépare. Afin de confirmer son impression, il fait, avec une petite escorte, une reconnaissance de nuit des lignes avancées, au cours de laquelle il échappe de peu à un parti de cosaques. Veille de la bataille Au retour de cette équipée qui a manqué de tourner au désastre(23), l’Empereur passe dans les bivouacs qui s’embrasent à son passage(24). Heureux et calme, il va prendre un peu de repos. Vers 7 heures, un épais brouillard couvre toute la zone. Koutousov lance l’offensive austrorusse. Napoléon confirme ses derniers ordres à ses maréchaux. Davout(25), dont les premiers éléments de son corps d’armée arrivent en toute hâte, a reçu de l’Empereur la responsabilité de l’aile droite française. La division Legrand, du 4e corps d’armée, passe sous ses ordres. 28 L’engagement Précédée par l’avant-garde autrichienne de Kienmayer, la 1ère colonne (Doctorov) marche en direction d’Aujezd et de Telnitz. La 2e colonne (Langeron) quitte Pratzen pour franchir le Goldbach entre Sokolnitz et Telnitz. La 3e colonne (Pribischewski), descend de Pratzen vers le château de Sokolnitz. La 4e colonne (Miloradovich et Kollowrath), dans le sillage de la 3e colonne doit, après avoir dépassé Pratzen et franchi le Goldbach, rejoindre les trois premières colonnes. Une fois leurs premiers objectifs sur le Goldbach conquis, les quatre colonnes s’aligneront et attaqueront de flanc les Français entre Turas et Schlapanitz. Au nord, Bagration quitte ses positions et, à cheval sur la route d’Olmütz à Brünn, lance l’attaque de l’aile gauche française. La cavalerie de Liechtenstein fait mouvement de manière à pouvoir l’appuyer. La Garde impériale russe, dont la mission première est au profit de l’aile droite coalisée, se déplace vers le nord-ouest. A 8 heures, face à une aile droite française réduite, Kienmayer s’empare de Telnitz. Des combats sporadiques voient la prise et la reprise de Telnitz et d’autres positions tenues par les Français. Les Coalisés, sentant le point faible, durcissent leurs attaques. 29 -L’assaut de Pratzen Vers 8 heures, l’action des trois premières colonnes austro-russes face à l’aile droite française, accrochée au Goldbach, semble en bonne voie de réussite. Mais la division Legrand, que commencent à renforcer les premiers éléments du 3e corps, déroutés vers Telnitz(26), tient bon. Le soleil se lève, perce puis disperse le brouillard. C’est alors que les divisions Vandamme et Saint-Hilaire, du 4e corps d’armée de Soult, qui ont profité du brouillard pour entamer leurs mouvements, partent à l’assaut de Pratzen. Le soleil d’Austerlitz Arrivant sur le plateau, les Français se heurtent à la 4e colonne austro-russe de Miloradovitch et Kollowrath, qui a perdu du temps pendant sa mise en place(27), et arrive L’assaut 30 seulement sur Pratzen. Miloradovitch croit n’avoir devant lui que des éléments de reconnaissance. Les autres colonnes ennemies, conscientes ou non de la situation, poursuivent sur les directions qui leur ont été fixées. Au nord, afin de lui interdire toute réaction en direction de Pratzen, Murat et Lannes attaquent Bagration et le repoussent au-delà de Kruch. Sur le plateau de Pratzen, Koutousov ne se rend pas compte tout de suite du volume et des intentions de son ennemi. Il s’efforce de résister avec les moyens dont il dispose sur place, la 4 e colonne de Miloradovitch, à laquelle se joignent bientôt quelques renforts envoyés par Liechtenstein. Il perd du temps et ne modifie pas sa manœuvre en direction du sud. Seul Langeron, laissant un moment sa colonne engagée sur le Goldbach, se porte auprès d’une de ses brigades, la brigade Kamenski, qui, sans ordre, a fait demi-tour et revient sur Pratzen. Il rend compte de la situation à Buxhœwden puis reprend sa position de commandement. Buxhœwden ne prend pas l’initiative qui aurait peut-être permis d’éviter ou de limiter le désastre. Au sud, pour les Français, la situation est très difficile autour de Telnitz et Sokolnitz. La division Legrand qui subit la poussée des têtes des colonnes austro-russes, s’accroche à un terrain favorable au combat défensif et parvient à le conserver. Le piège fonctionne : l’ennemi est de plus en plus engagé au sud. Il faut l’y retenir le temps que Soult se rende maître de Pratzen. Les premiers éléments du 3e corps d’armée de Davout, la division Friant, arrivent sur la zone et vont pouvoir renforcer la défense du Goldbach. -La bataille pour le centre La bataille pour le centre 31 Vers 10 heures, au nord, Lannes et Murat continuent à presser Bagration malgré la cavalerie austro-russe de Liechtenstein accourue à son secours. Murat charge à son tour et la bouscule. Bagration doit encore céder du terrain. Certes, il tient toujours mais il ne peut plus intervenir au profit du reste de l’armée austro-russe. Au centre, Soult n’est pas encore maître de Pratzen. Aidé de la brigade Kamenski, revenue sur ses pas, Miloradovitch fait des prodiges pour défendre le plateau. Mais la situation des forces coalisées n’est pas brillante : les Autrichiens de Kollowrath lâchent pied et Kamenski subit de lourdes pertes. Koutousov appelle en renfort le grand-duc Constantin qui engage la Garde impériale russe. En soutien du 4e corps, Bernadotte tarde(28) et Soult se trouve en réelle difficulté sur son flanc gauche. Napoléon ordonne à Bessières de faire intervenir la cavalerie de la Garde impériale française. Le choc est furieux. Les Russes résistent mais une nouvelle charge française balaye le régiment des chevaliers-gardes(29) et l’artillerie de la Garde russe. Le commandant du régiment des chevaliers-gardes et leur étendard sont pris par les Français. La Garde impériale russe bat en retraite. Vers 11 heures, Koutousov donne l’ordre de repli. Cette phase de la bataille marque un moment décisif. Vers 13 heures, Pratzen est aux Français. Même si, de part et d’autre, les Coalisés continuent de se battre, l’armée austrorusse est maintenant coupée en deux et ne peut plus se réorganiser. Napoléon arrive sur Pratzen, avec son étatmajor. Arrivée de Napoléon sur Pratzen Au sud, Davout a fait la démonstration d’une ténacité et d’un sens tactique remarquables. Il a conservé Sokolnitz et Telnitz malgré les assauts des austro-russes, pourtant bien supérieurs en nombre, et retenu ainsi l’ennemi dans le piège pendant que se réglait la conquête du plateau de Pratzen. Il se prépare maintenant à contre-attaquer. La bataille est pratiquement gagnée, il ne reste plus qu’à la terminer par l’écrasement de l’adversaire. 32 -La déroute Sur ordre de l’Empereur, le 1er corps de Bernadotte, la Garde impériale et les grenadiers d’Oudinot occupent Pratzen. Soult, avec son 4e corps, achève sa conversion vers le sud et attaque à front renversé ce qui reste des colonnes ennemies prises au piège. Elles sont complètement coincées dans un espace dominé au nord et vers l’est par le plateau de Pratzen, fermé à l’ouest par Davout et barré au sud par les étangs gelés de Satschau et de Menitz. La déroute La 4e colonne de Miloradovitch a disparu, anéantie ou en fuite. Des lambeaux de la 2 e colonne de Langeron parviennent à s’échapper vers l’est. Les rescapés de la 3e colonne de Pribischewski, bloqués aux environs de Sokolnitz, se rendent. La 1ère colonne de Doctorov tente de traverser les étangs. Elle est ainsi à l’origine de la légende de la noyade de l’armée ennemie. En effet, les avis sont très partagés sur le nombre de soldats qui trouvent la mort dans ces étangs(31), simples viviers à poissons, de faible profondeur. A 16 heures, on se bat encore ici et là mais la bataille est terminée. Au sud, le 3 e corps de Davout talonne l’ennemi en déroute. Napoléon ordonne le cesser le feu et fait écrire à son ministre des Affaires étrangères, Talleyrand, pour lui annoncer cette nouvelle et éclatante victoire. 33 L’Empereur, vainqueur, parcourt le champ de bataille avec ses aides de camp. On dépose devant lui les drapeaux pris à l’ennemi. Présentation des drapeaux à l’Empereur Il lance sa fameuse proclamation rédigée au château d’Austerlitz, ce qui vaut une notoriété universelle à ce gros bourg, resté en dehors de l’action tout au long de la bataille. Rencontre de Napoléon et François II Le surlendemain, Napoléon rencontre François II, accompagné du prince Schwartzenberg. LE BILAN Les Coalisés comptent 4.000 tués et 12.000 blessés ; ainsi que 12.400 prisonniers, 186 canons et 45 drapeaux et étendards pris par les Français(32). 34 Pour Napoléon, la Grande Armée n’a subi que des « pertes insignifiantes » : 1.290 tués, 6.943 blessés et 573 prisonniers(33). Une seule aigle lui a été enlevée, celle du 1er bataillon du 4e régiment d’infanterie de ligne, prise par les gardes à cheval de la Garde impériale russe(34). Après le sous-lieutenant de Lafforgue au passage de l’Inn, le sous-lieutenant BichierDesroches à Caldiero, le sous-lieutenant Bruneau-Beaumetz à la bataille de Hanau, quatre anciens de l’Ecole spéciale militaire, le sous-lieutenant Beck, le sous-lieutenant Bloume, le souslieutenant Saulnier et le sous-lieutenant Tailleur sont morts pour la France, à Austerlitz. Le 26 décembre, François II signe avec Napoléon le traité de Presbourg. Il perd 4 millions de sujets et doit payer une contribution de guerre de 40 millions de francs. Il cède la Dalmatie, l’Istrie, la Vénétie et le Frioul au royaume d’Italie. Le Tyrol, le Vorarlberg et la Souabe lui sont enlevés et remis à l’Electeur de Bavière et à l’Electeur de Wurtemberg, qui accèdent tous deux à la dignité royale. Le roi de Prusse fait volte-face et se rapproche de Napoléon, contre une alliance et quelques concessions territoriales. L’Empereur lui donne le Hanovre, dont on se souvient qu’il s’agit d’une possession du roi d’Angleterre en Allemagne. La Prusse gagne ainsi un quart de son territoire et de sa population et… le ressentiment du souverain britannique. Le roi de Naples et de Sicile, qui n’a pas respecté la convention de neutralité avec la France, perd le trône de Naples(35) et se réfugie en Sicile. Ayant accepté l’armistice demandé par François II, ce qui sauve le reste de son armée, le Tsar rentre tout droit chez lui. « A beau mentir qui vient de loin » : aidé par les rapports courtisans de certains de ses grands subordonnés (le feld-maréchal Koutousov(36), en particulier) il impute la défaite aux Autrichiens. En 1806, son envoyé signe à Paris un traité de paix. Aucun accord n’est conclu avec l’Angleterre, qui s’emploie dès lors à fomenter la quatrième coalition(37). ________ 35 TROISIEME PARTIE LE SOUVENIR INTRODUCTION La guerre contre la 3e coalition et la bataille d’Austerlitz n’apportent pas à Napoléon la « paix de cent ans » qu’il escomptait de l’invasion de l’Angleterre. Mais l’excellence de l’Empereur dans l’art militaire et la gloire acquise par la Grande Armée se sont en quelque sorte cristallisées sur le nom d’Austerlitz. Dans l’Armée, c’est bien normal, l’enseignement militaire en fait son profit. 36 A l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, que Napoléon nommait sa « poule aux œufs d’or », la bataille d’Austerlitz fait partie du légendaire saint-cyrien. En plus, Napoléon, qui avait besoin, pour soutenir le régime impérial que le pays soit conscient et fier de ses succès militaires, s’est fait « communiquant » avant le terme. Il y a si bien réussi que l’on retrouve un peu partout la trace d’Austerlitz. LES ENSEIGNEMENTS DE LA CAMPAGNE De la campagne de 1805, on peut tirer une foule d’exemples permettant d’illustrer les cours de l’enseignement militaire. Les deux premières parties de l’exposé ont suffisamment décrit l’action de l’Empereur pour qu’il n’y ait plus maintenant qu’à faire une rapide énumération des principes qu’il appliquait avec bonheur et qui de nos jours restent essentiels. Napoléon au milieu de son état-major Ce sont : -la définition du but à atteindre ; -la cohérence entre la diplomatie et l’action militaire ; -la conservation du secret ; -la recherche systématique du renseignement ; -l’étude des mouvements(1) et de leur rythme ; -la coordination de la manœuvre des grandes unités ; -les opérations de déception ; -le maintien du moral et l’action psychologique, dont on croit facilement qu’ils datent de notre époque ; -et même, une certaine duplicité, quand elle s’avère indispensable au succès de l’action. AUSTERLITZ DANS LES TRADITIONS DE L’ECOLE SPECIALE MILITAIRE La bataille d’Austerlitz tient une place majeure dans les usages traditionnels de l’Ecole spéciale militaire, fondée, en 1802, par Bonaparte, encore Premier consul. 37 Calendrier saint-cyrien Surtout quand ils sont encore à l’Ecole, les Saint-Cyriens affectent d’annoncer le jour en fonction du mot Austerlitz. A U S T E R L I T Z Oct Nov Déc Jan Fév Mars Avr Mai Juin Juil Calendrier saint-cyrien Dans ce calendrier, l’ère débute le jour de la bataille. L’année commence en octobre, début de l’année scolaire quand les nouveaux reçus arrivent à l’Ecole. Partant d’octobre, chaque lettre du nom A U S T E R L I T Z désigne l’un des mois : A pour octobre, U pour novembre, S pour décembre etc… Les deux mois de permissions valent une impasse totale aux mois d’août et de septembre et… facilitent la fiction ! Il s’ensuit que le 2 décembre de tout le monde devient le « 2 S » des Saint-Cyriens et qu’en ce qui nous concerne, nous vivons les dernières heures du …… [Donner ici la date du jour de l’exposé, suivant le calendrier saint-cyrien](2). Reconstitution de la bataille L’anniversaire de la bataille donne lieu, pour les Saint-Cyriens, à diverses manifestations. Il fut un temps où c’était le jour du 2S que les anciens remettaient le casoar à leurs jeunes, leur reconnaissant ainsi la qualité de Saint-Cyriens. A l’Ecole, les élèves officiers reconstituent la bataille. Cet usage apparaît dès le premier anniversaire d’Austerlitz, sous la forme d’une gigantesque bataille de polochons, organisée par les élèves dans leurs dortoirs. Le Second Empire « sanctifie » la commémoration, toujours aussi joyeuse, sous le nom de Saint-Austerlitz. 38 La manifestation traditionnelle perdure. Journal La Loire Là voici, en première page de La Loire en date du 10 décembre 1899. C’est en 1905, pour le centenaire de la bataille, que la Saint-Austerlitz devient quasi officiellement, le « 2S ». Dès les années 1920, les Saint-Cyriens présentent une figuration de la bataille sur le terrain de manœuvre parfaitement plat de l’Ecole, qui ne rappelle en rien le terrain d’Austerlitz. Avec l’installation de l’Ecole à Coëtquidan, une véritable reconstitution est réalisée chaque 2 décembre sur un site choisi pour sa ressemblance avec celui d’Austerlitz mais à plus petite échelle et baptisé pour cela Pratzen(3). Terrain de Pratzen, à Coëtquidan Peu à peu, la reconstitution, apparue au départ à la seule initiative des élèves officiers, 39 devient l’affaire du commandement, provoquant le mécontentement des premiers. Aussi agrémentent-ils la manifestation de « gags »(4), de manière à montrer symboliquement qu’à l’origine de cet usage traditionnel, ils en restent plus ou moins les maîtres. Cela permet, à l’occasion, de voir sur le champ de bataille un anachronique hélicoptère. Gag hélicoptère Lors d’une autre reconstitution, à la fin des combats, Napoléon passe ses troupes en revue à bord d’un char de combat, avant de quitter le terrain en montgolfière. Gag char d’assaut Réunions de Saint-Cyriens, à l’occasion du 2S Le même jour du 2 décembre, les anciens élèves de l’Ecole se réunissent(5), tant en France métropolitaine que dans les départements et territoires d’outre-mer, dans les pays où des forces françaises rétablissent ou sauvegardent la paix et dans pratiquement tous les pays ayant confié à la France la formation des cadres de leur armée. Il ne faut pas voir que l’aspect mondain de ces réunions : elles donnent lieu au recueil de dons qui approvisionnent la caisse d’entraide de La Saint-Cyrienne, association regroupant les anciens élèves et élèves de l’Ecole spéciale militaire. 40 NAPOLEON, COMMUNIQUANT Napoléon est aussi un communiquant. Cette bataille, qu’il a lui-même décidé de nommer bataille d’Austerlitz, est à peine achevée qu’il lance à la Grande Armée la fameuse proclamation dont voici des extraits : « Soldats Je suis content de vous. Vous avez, à la journée d’Austerlitz, justifié tout ce que j’attendais de votre intrépidité ; vous avez décoré vos aigles d’une gloire immortelle. Une armée de cent mille hommes, commandée par les empereurs de Russie et d’Autriche, a été en moins de quatre heures dispersée ou coupée ; ce qui a échappé à votre fer s’est noyé dans les lacs. Quarante drapeaux, les étendards de la garde impériale de Russie, cent vingt pièces de canons, vingt généraux, plus de trente mille prisonniers sont le résultat de cette journée à jamais célèbre. Cette infanterie tant vantée et en nombre supérieur, n’a pu résister à votre choc et désormais, vous n’avez plus de rivaux à redouter. Ainsi, en deux mois, cette troisième coalition a été vaincue et dissoute… ». Soldats de la Grand Armée Il pèse soigneusement ses mots. La désignation des souverains impériaux défaits, les emblèmes, les prisonniers, les canons pris par les Français, la reconnaissance de la gloire immortelle de la Grande Armée, font deviner en filigrane, le génie de l’Empereur des Français. Certes, il exagère quelques chiffres ; ils font la victoire plus grande(6) aux yeux de ceux qui, à Paris, ne peuvent apprécier à leur juste valeur les fatigues et les dangers de la guerre. Puis l’Empereur termine sa proclamation, pour la Grande Armée toute seule, dont il faut entretenir le moral : « Soldats, lorsque tout ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur et la prospérité de notre Patrie sera accompli, je vous ramènerai en France ; là, vous serez l’objet de mes plus tendres sollicitudes. Mon peuple vous reverra avec des transports de joie, et il vous suffira de dire : "J’étais à la bataille d’Austerlitz" pour que l’on réponde : "Voilà un brave " ». Avant même de regagner la France, Napoléon fait porter à la ville de Paris cinquante drapeaux et étendards pris à l’ennemi, pour les exposer à Notre-Dame(7). Les veuves des officiers, sous-officiers et soldats tués bénéficient de pensions ; l’Empereur adopte leurs enfants qui reçoivent le prénom de Napoléon et sont élevés aux frais de l’Etat. Enfin, pour récompenser les régiments qui se sont distingués au cours de la bataille, l’Empereur ordonnera, plus tard, en 1812(8), que le nom d’Austerlitz soit inscrit sur leurs étendards et leurs drapeaux. 41 A PARIS, LE « CIRCUIT AUSTERLITZ » Mais c’est dans les monuments, principalement parisiens, qu’apparaît la volonté impériale de rappeler la victoire d’Austerlitz. On peut entamer un « circuit Austerlitz » à l’Arc de triomphe, dont le panneau sculpté face à l’avenue de Passy, é&voque la bataille. Arc de triomphe Panneau de l’Arc de triomphe On poursuit par l’église de la Madeleine. Sur ce site, Napoléon décide, le 2 décembre 1806, premier anniversaire d’Austerlitz, d’élever un « temple de la gloire » dédié à la Grande Armée. Eglise de la Madeleine Plus loin, au milieu de la place Vendôme, se dresse la colonne, dont le nom à l’origine est colonne d’Austerlitz(9). Commencée dès 1806, cette colonne de pierre est entourée d’une spirale faite du bronze des canons pris au cours de la campagne de 1805. Colonne d’Austerlitz 42 Chaque 2 décembre, le président de la Saint-Cyrienne dépose une gerbe au pied de ce monument. L’attaché militaire tchèque à Paris est souvent présent ainsi que parfois, l’attaché russe. Cérémonie à la colonne d’Austerlitz Continuant le périple, on arrive, place du Châtelet, à la fontaine dite du Palmier(10), fontaine surmontée d’une colonne sur laquelle est inscrit Austerlitz, parmi les autres batailles napoléoniennes. Fontaine du palmier Poursuivant son chemin vers l’ancien embarcadère d’Orléans(11), maintenant la gare d’Austerlitz, il faut franchir la Seine, par le pont d’Austerlitz, proche d’une rue d’Austerlitz, du 43 quai d’Austerlitz et du port d’Austerlitz. C’est Napoléon lui-même qui décide de donner le nom d’Austerlitz au village qui se construisait alors sur l’emplacement de la gare actuelle. Pont d’Austerlitz La gare d’Austerlitz est une tête de ligne du Métropolitain. Si bien que Paris est sillonné par d’innombrables voitures chacune rappelant à leurs passagers sur les panneaux directionnels, le nom d’Austerlitz. Gare d’Austerlitz Dans les environs de la gare, les Austerlomaniaques peuvent prendre un café dans la brasserie « Le soleil d’Austerlitz », Brasserie « Le soleil d’Austerlitz » acheter des vêtements aux « Stock Austerlitz » Magasin « Stock Austerlitz » ou changer de voiture chez « Austerlitzautomobiles » Garage « Austerlitz Automobiles » Le mieux sera encore pour eux de s’installer à la « Cité Austerlitz », toute proche. 44 En se dirigeant vers les Invalides, on peut faire étape au Louvre et y retrouver la toile de Prud’hon représentant l’entrevue de Napoléon et de François II(12), le surlendemain de la bataille. Napoléon et François II Au sortir du Louvre, c’est l’arc de triomphe du Carrousel(13) élevé, lui aussi, à la gloire de la campagne de 1805 et d’Austerlitz. Arc de triomphe du Carrousel Enfin, on arrive à l’Hôtel des Invalides(14), Les Invalides 45 où la statue de Napoléon accueille les visiteurs(15), et qui abrite le sarcophage de l’Empereur(16), Cour des Invalides Tombeau de l’Empereur entouré au sol d’une couronne portant les noms des grandes batailles de l’Empire, dont, bien sûr Austerlitz. AILLEURS Le culte du souvenir de Napoléon et d’Austerlitz n’est pas réservé aux Français. Tant s’en faut. Cinéma Napoléon apparaît dans plus de 200 films et la bataille Austerlitz n’est pas oubliée. Internet Internet connaît Austerlitz et annonce 787.000 apparitions du nom, contre 8.070.000 pour Napoléon et 116.000 pour l’association des deux noms Napoléon et Austerlitz. Livres Environ 50.000 livres (dont une biographie en chinois dès 1837) sont dédiés à Napoléon(17) et, naturellement évoquent sa plus célèbre bataille. 46 Bande dessinée La bande dessinée (la BD) n’échappe pas au prestige de la bataille napoléonienne(18). Astérix en Corse Télévision Et il y a quelques années, on pouvait apprendre, sur une chaîne de télévision, dans l’animation burlesque des Shaddocks, que ceux-ci avaient un « Shaddock-léon », organisant des voyages touristiques à destination des Pyramides et… d’Austerlitz ! A Pratzen Monument de Pratzen Mais, restons sérieux. A Pratzen, sur le site même de la bataille, une centaine d’années après, les paysans découvraient encore des restes de combattants tués en 1805. Aussi vint l’idée d’un tombeau pour ces soldats inconnus et en 1898 fut créé un comité pour la construction d’un monument(19). Sous la chapelle qui constitue le principal du mémorial, une crypte accueille ces morts oubliés. A côté, un musée est dédié à la bataille. Naturellement, chaque 2 décembre, une reconstitution de la bataille a lieu à Austerlitz, dans une ambiance chaleureuse de période de l’Avent avec un marché de Noël et… des flots de vin chaud car il fait souvent froid en Moravie à cette époque. __________ 47 CONCLUSION Il faut conclure. Napoléon Ier, empereur des Français La préparation de la campagne de 1805, son exécution, son éclatante conclusion enfin son étonnante exploitation médiatique sont la plus parfaite démonstration du génie de Napoléon. Tout cela s’est fixé sur ce nom d’Austerlitz. La maîtrise dont Napoléon a fait preuve pour organiser l’invasion de l’Angleterre tout en restant conscient du risque représenté par l’Autriche et la Russie mais aussi la Prusse, sa détermination dans la décision, l’enthousiasme qu’il a su entretenir chez ses soldats, font qu’il conserve une place privilégiée dans la mémoire et, mieux, dans le cœur des Français. Homme d’état, stratège, tacticien, Napoléon était aussi un grand communiquant. Conscient, largement avant son temps, de l’importance de la communication, il a su et n’a pas hésité à faire la sienne et celle de son Armée, dans le sens qu’il considérait être celui de l’intérêt de notre Patrie. 48 Bien sûr il est des gens pour critiquer Napoléon et l’ensemble de son action au profit de la France. Force est de constater qu’Il est toujours présent dans les esprits même chez ceux qui ne sont plus nos ennemis. Voici une heure, cet exposé débutait sur ces mots : « En ce temps là, comme en d’autres, l’Angleterre déteste la France… qui le lui rend bien ». Longtemps après Napoléon, la 3e coalition et Austerlitz, nos amis Britanniques gardent en mémoire la « tripotée » qui leur fut infligée à Austerlitz, par personnes interposées car ils évitèrent alors de se risquer sur le continent. Mais nous Français, nous en souvenons bien plus encore. Aussi, quand, enfin, un tunnel sous leur Channel a changé la donne de la traversée de notre Manche(20), a-t-on pu voir dans Paris Match ce dessin humoristique, qui, reconnaissons-le entre-nous, n’a pas été pour nous déplaire. Napoléon et la Grande Armée, toujours ! Parti de Boulogne et des projets d’invasion de nos prédécesseurs de la Grande Armée, j’y reviens. La boucle est ainsi bouclée et je vous remercie de votre attention. __________ 49 NOTES NOTES DE LA 1ère PARTIE 1. Alexandre Ier Pavlovitch (1777-1825), accède au trône de Russie en 1801. Auteur de réformes libérales, son caractère autocratique le pousse cependant à créer des organismes absolutistes. Ses relations avec Napoléon s’avèrent particulièrement chaotiques. 2. François II, dernier Empereur germanique, s’est proclamé, en 1804, Empereur héréditaire d’Autriche sous le nom de François Ier. Il abdique la couronne du Saint Empire romain germanique seulement en 1806, quand Napoléon crée la Confédération des états du Rhin et s’en déclare le Protecteur. Aussi, tout au long de l’exposé il est désigné sous le nom de François II. Il est le père de l’archiduchesse Marie-Louise, future Impératrice des Français (1810). 3. Négocié et signé par Bonaparte en 1797, le traité de Campoformio coûte à l’Autriche ses possessions aux Pays-Bas ; ainsi que la Lombardie, cédée à la République Cisalpine. Elle récupère la majeure partie des territoires vénitiens mais dans un article secret du traité, l’Empereur germanique (François II) promet à la France une partie des principautés allemandes de la rive gauche du Rhin. Le traité de Lunéville, en 1801, négocié par Joseph Bonaparte, renforce les dispositions de celui de Campoformio. L’empereur François II accorde à la France toute la rive gauche du Rhin, à charge pour l’Autriche de dédommager les princes allemands dépossédés. 4. « Le 18 mai 1803, en baie d’Audierne, la goélette Doris attaqua au canon le lougre français l’Affronteur », explique Lachouque dans Napoléon à Austerlitz, p. 17. 5. En 1714, George, Electeur de Hanovre, descendant de Jacques Ier Stuart, Roi d’Angleterre et d’Ecosse, accède à la couronne britannique, sous le nom de George Ier. Si bien qu’en 1805, George III, son arrière-petit-fils règne en même temps sur la Grande-Bretagne et le Hanovre. 6. Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 18. 7. Bien avant les Français, en 54 av JC, César, avec 600 bateaux de transport, débarque 5 légions romaines et (déjà !) 4.000 cavaliers gaulois, à la conquête des îles britanniques. Plus tard, au Ve siècle, les Angles colonisent l’île de Bretagne, suivis, du VIIIe au XIe siècle, par les envahisseurs scandinaves. Enfin, en 1066, une querelle de succession conduit le Duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, à rassembler une flotte et à s’emparer de la couronne d’Angleterre. 50 8. C’est Albert Mathieu-Favier, ingénieur du corps des Mines, qui, le premier, en 1801, lance l’idée d’un tunnel sous la Manche. Une voie souterraine devait comporter deux galeries, l’une afin d’évacuer les eaux d’infiltration et l’autre permettant le passage des voitures et mallesposte. Au milieu du trajet, une île artificielle ancrée au banc de Varne était prévue pour que les voyageurs puissent se reposer et respirer un peu d’air pur, l’éclairage du tunnel étant assuré par des becs à huile. L’idée aurait « forcé l’admiration du ministre britannique Jacques Fox » et intéressé le Premier consul. Mais outre les difficultés techniques soulevées par le projet, à cette époque, l’Histoire toute simple s’est chargée de tordre le cou à cette Prospective en avance de deux cents ans ! (Voir aussi la note 20/3e partie et conclusion). 9. Ce sont les escadres de Brest, de Rochefort et de Toulon (celle-ci commandée par le tristement célèbre amiral de Villeneuve), plus l’escadre espagnole de Cadix (les Espagnols étant alors les alliés de la France) et l’escadre franco-espagnole du Ferrol. 10. Napoléon écrit au maréchal Brune, ambassadeur à Constantinople « J’ai autour de moi près de 120.000 hommes et 3.000 péniches et chaloupes canonnières qui n’attendent qu’un vent favorable pour porter l’aigle impériale sur la Tour de Londres… ». Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 26. 11. Boulogne est le centre de gravité et de commandement de la base d’embarquement allant d’Etaples (Pas-de-Calais) à Ostende (Hollande). 12. Dans Napoléon à Austerliz, p. 52, Lachouque, rapporte que le maréchal Murat, « sous un nom d’emprunt, exécutera une "reconnaissance d’armée" en Allemagne du sud ». Mais il y a aussi le célèbre espion Schulmeister, dont on ne sait trop s’il était pour la France, pour l’Autriche ou tout simplement agent double. 13. Le traité de Saint-Pétersbourg préconise le retour de la France aux frontières de 1789 et le rétablissement des Bourbons. 14. Langeron (Voir sa biographie ci-dessous), dans le Journal inédit de la campagne de 1805. Austerlitz, p. 46, explique que les soldats russes, qui maniaient parfaitement les armes à la parade, tiraient seulement trois cartouches réelles par an à l’entraînement au tir. Certains colonels « y suppléaient par des balles de terre de glaise mais elles avariaient le canon des fusils ». Sensiblement à la même époque, Napoléon prescrivait le tir de dix cartouches chaque jour par les élèves de l’Ecole spéciale militaire de Fontainebleau, plus tard de Saint-Cyr. Pour revenir aux soldats russes, toujours dans son Journal inédit, p. 55, Langeron explique que, pendant la bataille d’Austerlitz, habitués par le conditionnement, devenu automatisme, qu’ils avaient reçu à l’entraînement, « les chevaux d’un escadron des chevaliers-gardes s’arrêtèrent d’eux-mêmes lorsqu’ils approchèrent de la ligne française », comme on le leur faisait faire au cours des exercices, afin de ne pas percuter la troupe figurant l’ennemi. Biographie. Le lieutenant-général comte Alexandre Louis Andrault de Langeron (17631831) est un émigré français au service du Tsar. Blessé et fait prisonnier à la bataille d’Austerlitz, libéré par Napoléon, il est disgracié par le Tsar mais revient en faveur deux ans après. Plus tard, toujours avec les Russes, il se bat contre les Turcs puis avec les Prussiens et les Suédois de Bernadotte, à nouveau contre les Français. Gouverneur d’Odessa, il sollicite de Charles X sa 51 nomination comme pair de France mais ne l’obtient pas. Il achève sa carrière militaire commandant des troupes russes de Valachie face, une fois encore, à l’armée turque (1828). Il est l’auteur d’un très intéressant et très critique, Journal inédit de la campagne de 1805. Austerlitz, auquel sont annexés une Relation de la bataille d’Austerlitz par le général-major autrichien von Stutterheim, une Relation de la bataille d’Austerlitz par le général Koutousov et divers extraits du Moniteur et des Bulletins de la Grande Armée. 15. Napoléon à Talleyrand, le 13 août 1805, suivant Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 44. 16. Mikhaïl Koutousov (1745-1813), prince de Smolensk, feld-maréchal russe, participe à toutes les guerres de la fin du règne de la tsarine Catherine puis contre les Français. Vaincu à Austerlitz, il défend sans succès Moscou contre Napoléon (1812) mais conduit le harcèlement des Français pendant la retraite de Russie. Il est considéré alors comme le sauveur de la Russie. Son tombeau, dans la cathédrale Notre-Dame de Kazan, à Saint-Pétersbourg, est entouré de deux aigles et de quatre étendards et drapeaux français. 17. Langeron, dans son Journal inédit, p. 7, indique que les forces russes comprenaient quatre armées : la première, de 50.000 hommes, aux ordres de Koutousov, une seconde de 40.000 hommes, aux ordres du général Buxhœwden, une troisième de 35.000 hommes, aux ordres du général Essen et une quatrième, de 25.000 hommes, aux ordres du général Bennigsen. 18. L’archiduc Ferdinand d’Autriche-Este est parfois qualifié de beau-frère de l’empereur François II. Celui-ci a contracté quatre unions. En 1805, marié en secondes noces avec la sœur de la femme de son frère, l’archiduc Ferdinand d’Autriche-Toscane, il est donc beau-frère de son frère. C’est selement en 1808, quand il épouse, en troisièmes noces sa cousine germaine, MarieLouise d’Autriche-Este, sœur de l’archiduc Ferdinand d’Autriche-Este (dont il est question dans ce travail) qu’il en devient le beau-frère. 19. Le feld-maréchal Carl Mack (1752-1828) est bien connu des Français de l’époque. Il capitule à Naples, en 1799, devant le général Championnet et prisonnier sur parole, manque à son serment. En 1805, il veut refaire sa fortune militaire. Incompétent et prétentieux, il pousse François II à la guerre et s’emploie à évincer l’archiduc Ferdinand du commandement de l’Armée autrichienne d’Allemagne. Après la catastrophique campagne de Bavière et la capitulation d’Ulm, un tribunal militaire le condamne à vingt ans de forteresse mais il retrouve la liberté dès 1808. 20. Langeron, dans le Journal inédit, p. 15, exprime ce jugement sévère, que la suite des opérations confirme. 21. Les chiffres des différentes composantes de l’armée autrichienne donnés ici sont ceux de Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 62. 22. Les chiffres de la Grande Armée donnés ici sont ceux de Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, pp. 56 à 59. 23. Ce concept était alors nouveau. 52 24. Auguste Viesse de Marmont, duc de Raguse, n’accède à la dignité de maréchal d’Empire qu’en 1809. 25. Il ne faut pas confondre le général de division Louis Baraguey d’Illiers (1764-1812), commandant la division des dragons à pied de la Grande Armée, plus tard comte d’Empire et son fils, Achille Baraguey d’Illiers, maréchal de France et grand soldat, qui a laissé un souvenir marqué comme commandant de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, de 1834 à 1841. 26. A titre d’exemples : Napoléon (36 ans), Murat (38 ans), Bessières (37 ans), Oudinot (39 ans), Bernadotte (42 ans), Marmont (41 ans), Davout (35 ans), Soult (36 ans), Lannes (36 ans), Ney (36 ans). Mais il y avait aussi Masséna et Augereau, des « vieux » de 47 et 48 ans ! 27. Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p.88, dit des officiers de la Grande Armée : « Entrés au service avant 1794, la moitié d’entre eux provient des armées du Roy, de sorte que l’instruction, la valeur, la chance ayant décidé de la forme de leurs épaulettes, les officiers, quel que soit leur grade, comptent de 35 à 40 ans d’âge. La moitié des 141 généraux était officiers au temps de Louis XVI ; le reste a porté le sac sous la monarchie et la république. Sauf exception (29 et 58 ans), ils ont en moyenne de 31 à 45 ans ». 28. Suivant Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p.86, parmi les soldats de la Grande Armée « 5.000 d’entre eux ont servi le Roy ; 100.000 comptent deux ou trois ans de services. Ce sont les jeunes, les "bleus", comme on disait au temps de l’amalgame, lorsque ceux de la réquisition endossaient l’habit "bleu" pour s’aligner avec les Anciens "vêtus de blanc"… (…)… 80.000 ont huit, dix, douze ans de métier et ont fait les guerres de la République ». 29. André Masséna (1758-1817), maréchal d’Empire, se distingue à Rivoli en 1797, (il sera fait plus tard duc de Rivoli), où Bonaparte le surnomme l’enfant chéri de la Victoire, puis à Essling (il sera fait prince d’Essling) et à Wagram. En 1805, commandant en chef de l’Armée d’Italie dans la campagne contre la 3e coalition et chargé de s’opposer à l’archiduc Charles, il remplit parfaitement sa mission. 30. Le roi de Naples a signé, en septembre 1805, un traité par lequel il s’engage à rester neutre et à ne recevoir ni Anglais ni Russes. Mais Napoléon préfère prendre ses précautions avec un solide « corps d’observation » de 17.000 hommes. 31. Pour faire croire à Mack que la Grande Armée va s’engager en Bavière à partir de la Forêt-Noire, on fait mine de préparer un franchissement du Rhin à la hauteur de Neuf-Brisach, où l’on va jusqu’à entamer la construction d’un faux pont. 32. D’autres raisons sont parfois invoquées pour expliquer cette entrée en campagne prématurée de l’Autriche. Pour certains, ce serait essentiellement la faute de Mack désireux de s’assurer une victoire. Pour d’autres, la monarchie autrichienne préférait que la guerre se passe en Bavière plutôt que sur son territoire, ce qui n’est pas totalement à exclure. 33. Le bilan de la reddition d’Ulm est celui de Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 143. 53 34. Afin d’obtenir la reddition et d’éviter ainsi un assaut sanglant, l’Empereur accorde les « honneurs de la guerre » aux Autrichiens. Mais : « Faire poser les armes à ses soldats aux pieds du vainqueur, c’est ce qu’on appelle, on ne sait pourquoi, sortir avec les honneurs de la guerre », écrit un officier français présent à la scène ; « l’action de passer sous le joug n’était pas plus avilissante… ». Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 143. 35. Napoléon à Talleyrand. Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 139. 36. « Masséna, ayant le 29 octobre, attaqué de front et sans idée de manœuvre, l’archiduc Charles retranché dans Caldiero, voit son adversaire, appelé par l’empereur d’Autriche au secours de Vienne, battre en retraite devant lui… », explique Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 166. 37. Il y a ici une incertitude, qui reste à lever. Le colonel Hervé Le Boulicaut dans le Livre d’or des Saint-Cyriens morts au champ d’honneur, p. 13, écrit « BICHIER-DESROCHES. Caldiero, Italie, 3-10-1805 » et renvoie à une note de bas de page : « BICHIER-DESROCHES est le premier Saint-Cyrien, mort au Champ d’honneur ». A la même page on trouve : « de LAFFORGUE, au passage de l’Inn, 27-10-1805 », ce qui en fait le 2e mort au champ d’honneur. En dehors du fait qu’en 1805 il n’y a pas encore de Saint-Cyriens, l’Ecole s’étant installée à Saint-Cyr en 1808, comme la bataille de Caldiero s’est déroulée le 30 octobre et non le 3, il semble bien qu’il y ait erreur et que le premier ancien élève de l’Ecole spéciale militaire, mort pour la France, soit le sous-lieutenant de Lafforgue. 38. En juillet 1805, de retour des Antilles, Villeneuve s’est réfugié à Cadix au lieu d’aller prêter main-forte à l’amiral Ganteaume, à Brest. Il reçoit l’ordre de Napoléon de gagner Naples et appareille le 18 octobre. Le 21 octobre, il est écrasé au large du cap Trafalgar par Nelson. 4.400 Français et Espagnols périssent dans ce désastre. 39. Dans Napoléon, p. 119, Octave Aubry explique : « Quand la nouvelle atteint Napoléon, il affecte le plus grand calme et ordonne qu’on parle à peine de Trafalgar dans les journaux français. Il veut qu’on y voie un combat imprudent où les pertes sont imputables surtout à la tempête ». Ceci donne une image de plus de Napoléon, communiquant et de son sens de la guerre psychologique ! __________ 54 NOTES DE LA 2e PARTIE 1. La guerre n’est toujours pas déclarée à la France et « les troupes prussiennes, engourdies par plus de dix ans d’inertie, étalées sur un front immense, ne sont pas prêtes », souligne Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 153. 2. Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 172. 3. Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 168. 4. Le maréchal Edouard Mortier (1768-1835), commande alors l’infanterie de la Garde impériale et pour la circonstance prend la tête d’un corps provisoire, le 8 e. Créé duc de Trévise en 1808, il commande la Jeune garde en Russie, puis la Vieille garde en Champagne. Il rejoint Napoléon pendant les Cent-Jours mais, malade, n’est pas à Waterloo. Plus tard, il est encore député du Nord (1816), pair de France (1819), ambassadeur en Russie (1830, après le changement de dynastie), grand chancelier de la Légion d’honneur (1831), de nouveau ambassadeur en Russie (1832), ministre de la Guerre puis président du Conseil (1834) et de nouveau grand chancelier de la Légion d’honneur (1835). Il est tué aux côtés du roi LouisPhilippe lors de l’attentat de Fieschi, en 1835. 5. Le 13 novembre, le général Bertrand, aide de camp de l’Empereur, devançant les troupes françaises, rencontre le colonel autrichien chargé de la défense des ponts sur le Danube. Il lui laisse entendre que les hostilités ont cessé, que les souverains travaillent à la paix et qu’il ne faut rien détruire. Peu après, Murat et Lannes le rejoignent et confirment ses dires. Pendant les discussions, les grenadiers d’Oudinot s’approchent, se démasquent brusquement et s’emparent des ponts. 6. Langeron, dans son Journal inédit, p. 30, dit que « Dolgorouki, naturellement audacieux, traita Napoléon assez cavalièrement ; celui-ci affecta une extrême modération et même une pusillanimité qui trompa Dolgorouki et par lui l’empereur Alexandre, qui se persuadèrent tous les deux que Napoléon mourait de peur d’une attaque de notre part et se retirerait dès que nous avancerions ». D’autres historiens donnent une version différente de l’entrevue mais celle de Langeron (en l’occurrence un peu courtisan) fait retomber la faute sur Dolgorouki - qu’il n’aimait pas - et excuse le Tsar de s’être fait berner. 7. « Le Tsar, écoutant ceux qui le flattent, considère la prudence de Koutousov comme indigne de lui et assimile "son inaction à une lâcheté". A une remarque du général, Alexandre répond : "Cela ne vous regarde pas…" », rapporte Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, pp. 233 et 234. 8. Le général-major autrichien Weyrother, quartier-maître (Ndr : chef d’état-major) des forces coalisées, est réputé connaître le terrain pour y avoir fait des manœuvres avec l’armée autrichienne, en juin 1804. Cette connaissance, à laquelle s’ajoute une grande assurance dans l’exercice de ses fonctions, lui permet de faire accepter son plan de bataille. 55 9. Langeron, dans son Journal inédit, p. 86, dit au sujet de Weyrother qu’« il avait inspiré de la confiance à l’Empereur (Ndr : le Tsar), mais excepté lui seul, pas un Russe ne l’aimait ni ne l’estimait. Il n’avait aucun talent, et (…) il ne jouissait d’aucune réputation dans l’armée autrichienne ». Plus loin, en pp. 28-29, il le qualifie d’« obscur subalterne » et met en doute soit sa compétence soit sa loyauté, sans toutefois en décider. 10. Il n’est pas sans intérêt de savoir qu’il y avait aussi un quartier-maître (Ndr : chef d’état-major) russe ce qui ne simplifiait certainement pas la tâche de Koutousov. 11. Langeron, dans son Journal inédit, p. 32, souligne que la composition des colonnes changeait tous les jours, sans donner d’explication à cette conception de l’organisation du commandement. 12. Frère cadet du tsar Alexandre Ier, impétueux et difficile à commander ! 13. Il y a deux Liechtenstein sur le terrain. Le lieutenant-général prince Jean de Liechtenstein, commande la colonne de cavalerie austro-russe (dite parfois 5e colonne). Par ailleurs, dans l’avant-garde autrichienne aux ordres du lieutenant-général Kienmayer, le majorgénéral prince Maurice de Liechtenstein commande une brigade. 14. Certaines des ces colonnes sont composée d’unités relevant de deux lieutenantsgénéraux différents (dont un seul semble avoir le commandement de l’ensemble de la colonne). Pour tout simplifier, les deux lieutenants-généraux de la 4e colonne sont de nationalités différentes. On peut difficilement imaginer une chaîne de commandement plus complexe et autant génératrice de rivalités. 15. Les chiffres des forces austro-russes sont différentes selon les sources : -82.000 hommes pour Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 238 ; -86.100 hommes (69.500 fantassins et 16.600 cavaliers) et 252 canons, pour le professeur Alain Pigeard, dans son Dictionnaire des batailles de Napoléon, p. 73 ; -87.000 hommes (73.000 fantassins et 14.000 cavaliers) et 320 canons, pour François-Guy Hourtoulle, dans Austerlitz, le soleil de l’Aigle, p. 10. Par contre, dans son Journal inédit, p. 42, Langeron attribue aux Coalisés seulement 77.000 hommes mais 330 canons. Dans le même ouvrage, le général-major von Stutterheim estime l’armée coalisée à 72.000 hommes sans les corps de la Garde impériale russe (8.500 hommes), ce qui donne un volume de 80 500 hommes. En fonction des diverses estimations et de l’ordre de bataille (non chiffré) de Langeron (dans son Journal inédit, pp. 37 à 42), on a retenu ici les chiffres de 83 à 84.000 hommes et 320 canons (car il semble que parfois les seuls canons des formations d’artillerie aient été pris en compte). 16.Langeron, dans son Journal inédit, p. 10, dit de Bagration : « Né avec une grande bravoure, un bon coup d’œil militaire, une activité prodigieuse et avec l’instinct de son métier, il avait acquis l’habitude de la guerre » et plus loin : « La Russie n’avait pas alors de meilleur commandant d’avant-garde, de meilleur chef d’un grand corps, mais le défaut total d’instruction préparatoire faisait craindre, dès lors, qu’il ne fut pas aussi bon à la tête d’une armée ». En la 56 circonstance cependant, Bagration commandait l’avant-garde russe dont le volume en faisait un corps comparable aux autres colonnes austro-russes. 17. Les Autrichiens qui pourtant ont conduit des manœuvres, en juin 1804, sur ce terrain ne semblent pas en avoir saisi l’importance. 18. Langeron, dans son Journal inédit, p. 33, ne manque pas de signaler son intervention. 19. L’Empereur n’a fait aucune impasse. Si l’ennemi fait effort au centre à partir de Pratzen, il trouve en face de lui Soult et son puissant 4e corps, soutenu par Bernadotte. Avec, encore derrière, les grenadiers d’Oudinot et la Garde impériale. Lannes et son 5e corps, appuyés par la forte position d’artillerie du Santon, menaceront le flanc nord de l’ennemi ; tandis que Murat, regroupant la plus grande partie de la cavalerie, représentera un risque extrême d’intervention sur les arrières ennemies. Si l’ennemi s’engage en force au nord, Lannes pourra le freiner. Soult, encore soutenu par Bernadotte, la Garde et les réserves, conduira la même manœuvre en direction de Pratzen puis de flanc vers le nord. Le terrain est moins favorable ; la bataille sera plus difficile et son résultat moins parfait car l’ennemi, qui ne sera pas pris dans une nasse, pourra s’enfuir vers la Bohême. Mais là encore, la cavalerie entièrement regroupée dans la main de Murat est en mesure de conduire une action de poursuite. L’Empereur a donc bien dans l’esprit une manœuvre ennemie préférentielle et il s’emploie à faire venir l’ennemi au sud, dans le piège qu’il lui tend mais il peut aussi faire face à toute autre manoeuvre des forces coalisées. 20. Les chiffres de la Grande Armée sont ceux de Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 258, chiffres que reprennent le professeur Alain Pigeard et, sensiblement, le professeur François Guy Hourtoulle. 21. Il s’agit de la colline de Tvarozna, située au sud-ouest de Bosenitz. Elle fut baptisée Santon « en souvenir d’un marabout ainsi dénommé, que les anciens d’Egypte avaient rendu célèbre du côté d’El Arysch », explique Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 217. 22. Dix-huit pièces autrichiennes de gros calibre prises à la citadelle de Brünn sont installées au Santon sous la protection du 17e léger, l’ensemble aux ordres du général Claparède. Chaque pièce est dotée de 50 coups, ce qui a paru suffisant à l’artilleur qu’est Napoléon, qui dit de ces 18 pièces : « Si elles tirent leur approvisionnement à bonne portée sur les Autrichiens, ils peuvent les reprendre, elle seront payées. D’ailleurs, elles leur appartiennent ». Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 217. 23. Dans Napoléon à Austerlitz, p. 279, Lachouque rapporte qu’au cours d’une reconnaissance de nuit, Napoléon et son escorte rencontrent un parti de Cosaques. L’Empereur parvient à se dégager et à regagner les lignes à toute bride, avec les siens. 24. Les acclamations « Vive l’Empereur » fusent à son passage. Va pour les manifestations bruyantes de confiance mais devant les torches, certains officiers français craignent pour les gibernes pleines de cartouches et pour les caissons de munitions. Par contre, en face, l’ennemi croit que les Français brûlent leurs campements avant de battre en retraite, 57 confirmation involontaire du coup de bluff de l’Empereur. 25. « Le maréchal Davout, commandant le 3e corps, est l’un des plus habiles manœuvriers de la Grande Armée. (…) Intelligent, chef de guerre confirmé, mais dont l’abord épineux ne trompe pas. Dur, en effet, sévère et parfois implacable, il agit pour le bien du service et par esprit de devoir, force l’estime, soigne ses soldats, dont il n’est pas aimé, mais qu’il sait entraîner. Il respecte et admire l’Empereur auquel il est fidèle par éducation et conviction, déteste Murat, Bernadotte, qu’il juge infidèles, Berthier, qu’il considère comme un imbécile », affirme Lachouque dans Napoléon à Austerlitz, pp. 259-260. 26. Les avis sont partagés. Pour certains, Napoléon a modifié la mission initiale de Davout (il devait, à partir de Turas, contre-attaquer l’ennemi sur son flanc gauche, s’il débouchait sur la plaine à l’est de Turas) et lui confie la responsabilité de l’aile droite française. Ce changement est bien dans le style d’action de l’Empereur. Pour d’autres, c’est Davout qui, de sa propre initiative, aurait décidé de dérouter les têtes de son corps d’armée vers Telnitz, où la situation devenait de plus en plus critique. Davout est certainement, après l’Empereur, un des meilleurs tacticiens de la Grande Armée mais arrivant dans la nuit sur le terrain avec seulement son état-major de commandant de corps, il difficile de croire qu’il ait pu avoir une vision globale de la situation lui permettant de prendre une telle initiative. Il n’en reste pas moins que son action à la tête de l’aile droite française en fait un des artisans principaux de la victoire d’Austerlitz. 27. Dès le départ, la colonne de cavalerie de Liechtenstein - toute entière ou en partie, on ne sait trop - s’est mal positionnée. Si bien que lorsqu’elle a voulu se mettre en place afin de pouvoir remplir sa mission de soutien de Bagration, sur l’aile droite des Coalisés, elle s’est heurtée aux colonnes entamant leur déplacement vers le sud et Telnitz. La 4e colonne, tout particulièrement, a été retardée par le désordre entraîné. 28. L’attitude de Bernadotte à Austerlitz a donné lieu à diverses interprétations. Pour certains, rival de longue date de Bonaparte, Bernadotte aurait vu sans déplaisir la défaite de l’Empereur. Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 255, décrit l’ambiance en France ainsi : « On reparle de séditions militaires avec Moreau et même Bernadotte, Masséna !... Flairant une révolution, Dumouriez gagne le continent. En Vendée, on signale des insurrections. Fouché, avec sa police fait le dictateur… » et, p. 258, qualifie sévèrement ce dernier d’« ambitieux, attiré par la politique, donc infidèle et instable ». Pour d’autres, ce serait une incompatibilité d’humeur entre les deux maréchaux, Soult et Bernadotte, qui serait à l’origine de la médiocrité du soutien. Mollesse dont l’Empereur se rend compte aussitôt et en fait reproche à Bernadotte, en milieu de matinée du 2 décembre, suivant Lachouque dans Napoléon à Austerlitz, p. 302. Quant à Bernadotte, il ne cesse de se plaindre parce que sa cavalerie lui a été enlevée et donnée à Murat. Il n’en reste pas moins que des grandes unités engagées au cours de la bataille, le 1 er corps est celui dont les pertes ont été les plus faibles. Ce que d’aucuns attribuent à un manque de pugnacité, inhabituel chez Bernadotte. 29. La Garde impériale russe, outre cinq unités d’infanterie du niveau régiment ou 58 bataillon et un bataillon d’artillerie, compte quatre régiments ou groupe d’escadrons de cavalerie. Ce sont : -un groupe de deux escadrons de cosaques de la Garde, -le régiment des hussards de la Garde, -le régiment des chevaliers-gardes, au nom trompeur car si l’encadrement appartient bien à la noblesse russe, les simples cavaliers sont des paysans, comme l’explique Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, pp. 158-159), -le régiment des gardes à cheval. Ces deux derniers régiments sont souvent confondus. 30. Le lieutenant-général de Langeron et le lieutenant-général Wimpfen, tous deux émigrés français au service du Tsar, sont blessés, faits prisonniers et amenés à Napoléon. « L’Empereur accueille aimablement ces compatriotes égarés dont la position pourrait être singulièrement dangereuse, les fait soigner par Yann, son chirurgien, leur offre un verre de Bourgogne… », raconte Lachouque dans Napoléon à Austerlitz, p. 333. 31. Un extrait du 30e bulletin de la Grande Armée, repris dans le Journal inédit de Langeron, p. 162, affirme que « le corps de l’ennemi qui avait été cerné et chassé de toutes les hauteurs, se trouvait dans un bas-fond et acculé à un lac. L’Empereur s’y porta avec vingt pièces de canon. Ce corps fut chassé de position en position, et l’on vit un spectacle horrible, tel qu’on l’avait vu à Aboukir : vingt mille hommes se jetant dans l’eau et se noyant dans les lacs ». Affirmation que Langeron lui-même tempère par une note de bas de page : « Il périt, dans les lacs, deux mille cinq cents Russes, pas un homme de plus, et c’était déjà beaucoup ». Mais est-ce encore vrai ? Par ailleurs, Octave Aubry, dans Napoléon, p. 126, cite aussi le 30e bulletin de la Grande Armée (qu’il dit avoir été rédigé sous la dictée de l’Empereur) : « Jamais champ de bataille ne fut plus horrible. Du milieu de lacs immenses, on entend encore les cris des milliers d’hommes qu’on ne peut secourir… le cœur saigne. Puisse tant de sang versé, puissent tant de malheurs retomber enfin sur les perfides insulaires qui en sont la cause ! ». Mais d’après les archives seigneuriales de Chirlitz « on a retiré de l’étang de Satschau les corps de deux soldats russes, 133 puis 27, donc 160 cadavres de chevaux, 28, peut-être 30 canons enfoncés dans la boue avec leurs attelages, et un certain nombre de boulets… Les chevaux furent tués par les boulets ». Enfin, Lachouque, dans Napoléon à Austerlitz, p. 337, s’appuyant sur le rapport du général Suchet (nommé gouverneur de Brünn et chargé de nettoyer les étangs, juste après la bataille), estime que « les Russes se sont lancés sur l’étang gelé ; que la glace a cédé sous leur poids ; et que la profondeur étant faible, les hommes se sont embourbés mais ont pu se sauver, et … 3 ou 4.000 d’entre eux ont été cueillis à leur sortie de l’eau par les soldats de Vandamme. Quelques chevaux ont été tués ; ceux que leurs conducteurs ont eu le temps de dételer se sont échappés et les canons sont restés enlisés dans la vase ». Finalement, les Russes de la 1ère colonne de Doctorov, la seule qui restait, se sont tout au plus gelé les… fesses avant d’être faits prisonniers à la sortie de leur bain. Comme ce n’était glorieux pour personne, l’affaire a été « dramatisée » dans les Bulletins de la Grande Armée. Bel exemple de propagande à destination du peuple français. 32. Ces chiffres, 4.000 tués et 12.000 blessés ; ainsi que 12.400 prisonniers, 186 canons et 45 drapeaux et étendards pris par les Français, sont ceux du professeur Pigeard dans son 59 Dictionnaire des batailles de Napoléon, p. 82. Langeron, dans son Journal inédit, p. 58, donne 16.000 tués ou pris chez les Russes, entre 3 et 4.000 chez les Autrichiens, 156 canons (130 russes et 26 autrichiens) et 36 drapeaux russes. 33. Ces chiffres sont ceux du Service historique de la Défense (SHD), ancien Service historique de l’Armée de terre (SHAT). 34. Langeron dans son Journal inédit, p. 148, évoque ce fait : « Le régiment des gardes à cheval prit à l’ennemi un drapeau, qui fut défendu avec beaucoup d’opiniâtreté ». Dans Drapeaux et étendards de la Révolution et de l’Empire, p. 204, Pierre Charrié, confirme : « 4e régiment d’infanterie de ligne. A Aust. 1805, l’aigle et le drapeau du 1er bat. Pris par la Garde à cheval russe. Aigle remplacée le 21 novembre 1806 ». L’aigle du 1er bataillon du 4e régiment d’infanterie de ligne est au musée de l’Hermitage, à Saint-Pétersbourg. Enfin, toujours d’après Pierre Charrié dans l’ouvrage cité supra, deux autres aigles ont été perdues au cours de la campagne de 1805. Il s’agit de l’aigle ainsi que du guidon du 2e escadron du 15e régiment de dragons, pris à Albeck, le 13 octobre 1805, par les dragons autrichiens de Latour (p. 220) ; et de l’aigle ainsi que du guidon du 2e escadron du 10e régiment de dragons, pris à Latein, le 20 novembre 1805, par les dragons russes de Saint-Pétersbourg (p. 219). 35. Que Napoléon donne bientôt à son frère Joseph. 36. Dans sa Relation de la bataille d’Austerlitz au Tsar (rapport joint au Journal inédit, de Langeron), p. 144, Koutousov, évoquant les combats du corps de Soult contre la 4e colonne de Miloradovitch et Kollowrath, dit : « Je donnai ordre au corps de réserve, composé de troupes autrichiennes qui se trouvaient derrière la quatrième colonne, de se mettre en front devant le flanc gauche et d’arrêter l’impétuosité de l’ennemi. Ce corps de réserve prit en effet la position qui lui était assignée, mais se retira aux premières décharges de l’ennemi et laissa le flanc de la colonne complètement à découvert ». C’est là une façon d’expliquer l’échec de la « bataille pour le centre » par une défection autrichienne. Mais dans l’organigramme des forces coalisées présenté par Langeron (pp. 37 à 42 du Journal inédit) on ne trouve aucune mention de ce corps de réserve et de son volume, pas plus que dans l’organigramme présenté par Stutterheim dans sa Relation de la bataille d’Austerlitz, elle aussi annexée au Journal inédit (pp. 92 et 93) de Langeron. Peut-être Koutousov désigne-t-il sous le vocable de « corps de réserve » la partie autrichienne de la 4e colonne, aux ordres du lieutenant-général (autrichien justement) Kollowrath ; mais ce n’est qu’une hypothèse. 37. Dans Napoléon à Austerlitz, Lachouque affirme : « Apprenant la nouvelle, Pitt demande du cognac, la solitude et une carte de l’Europe. "Roulez-la, dit-il peu après, elle ne servira plus de dix ans". Et il meurt ». Si Pitt est bien mort en 1806 (et non en 1805 mais le courrier avait peut-être pris du retard !), l’Angleterre a participé aux quatrième, cinquième, sixième et septième coalitions : la carte a certainement été déroulée avant 1816 ! __________ 60 NOTES DE LA 3e PARTIE ET DE LA CONCLUSION 1. Napoléon pense en temps utile à faire remettre en état les routes qu’utiliseront les convois et les troupes. Les grognards de la Garde impériale disent, d’ailleurs : « Notre Empereur ne gagne pas ses batailles avec nos baïonnettes mais avec nos jambes ». Afin d’assurer ces 2.000 kilomètres à pied, l’Intendance (le Commissariat d’alors) avait doté chaque soldat de trois paires de chaussures. Il n’est pas sans intérêt de savoir qu’à cette époque, l’Intendance ne faisait pas de différence entre une chaussure droite et une chaussure gauche. Pour rester dans le domaine de la logistique, on sait que les transports opérationnels étaient assurés dans des conditions précaires : on cite le cas de milliers de cartouches qui ont été gâchées car non bâchées, elles n’étaient pas à l’abri de la pluie. En outre, les paysans, réquisitionnés avec leurs charrettes et leurs chevaux, « désertaient » facilement. Le service de Santé, malgré le baron Larrey, était embryonnaire sur le champ de bataille. Et pour ce qui est de la nourriture et du logement des hommes et des chevaux, très souvent, on vivait sur le pays. 2. Bien sûr, compte tenu de l’absence des mois d’été dans le calendrier saint-cyrien, il convient de s’abstenir de cette « remarque » si la conférence est prononcée en août ou en septembre ! 3. Dans le vocabulaire saint-cyrien cela s’appelle faire Pratzen. 4. Beaucoup des personnes conviées à la présentation sont des Saint-Cyriens ou leurs proches. Ils connaissent le déroulement de la bataille pour avoir participé aux reconstitutions quand ils étaient eux-mêmes à la Spéciale (Ndr : Terme du vocabulaire saint-cyrien désignant l’Ecole spéciale militaire) ou y avoir déjà assisté ; si bien que ce qui les amuse le plus est de découvrir quels « gags » les jeunes élèves officiers vont imaginer pour affirmer leur esprit d’indépendance, sans manquer à la discipline que l’on attend normalement d’officiers. Tout cela se déroule dans le meilleur esprit et il s’agit maintenant d’un nouvel usage traditionnel de l’Ecole spéciale militaire. 5. A titre d’exemple, en 1999, ces réunions ont rassemblé de par le monde 7.200 personnes, anciens élèves de l’Ecole, leurs proches et leurs invités. 6 On a reproché à Napoléon d’avoir généreusement augmenté les différents chiffres mais au soir de la bataille, il ne disposait que d’estimations. En outre Nietzsche n’a-t-il pas dit : « L’histoire s’écrit toujours du point de vue du vainqueur » ? 7. Suivant Lachouque dans Napoléon à Austerlitz, p. 363, ils y restent jusqu’en 1814 et l’invasion du pays par les Coalisés. Ils sont alors si bien cachés qu’on ne les a jamais retrouvés. 8. En 1812, afin d’honorer les régiments, l’Empereur décide d’inscrire sur la soie de leurs emblèmes les noms des batailles où ils se sont particulièrement distingués. 9. S’inspirant de la colonne Trajane, la colonne d’Austerlitz est inaugurée en 1810. Elevée sur le piédestal de la statue de Louis XIV renversée en 1792, elle se compose d’assises de pierre cerclées d’une spirale faite du bronze des canons pris au cours de la campagne de 1805. Sa 61 hauteur totale est de 44 mètres et son diamètre de 3,60 mètres Sur les 280 mètres de la spirale de bronze, 76 bas-reliefs rappellent les principaux faits d’armes de la campagne. L’ornement du sommet a varié : c’est d’abord une statue de Napoléon en César, par Chaudet. La Restauration la remplace par Henri IV qui bien sûr est enlevé durant les Cent-Jours. A son retour, Louis XVIII fait mettre une énorme fleur de lys que Louis-Philippe échange contre Napoléon en Petit Caporal (par Seurre). En 1871, la Commune abat la colonne. Elle est restaurée par la IIIe République, en 1873, avec à son sommet une réplique de la statue initiale de Napoléon, en empereur romain, œuvre de Dumont. La statue de Napoléon mise en place sous la Monarchie de Juillet, est celle qui se trouve maintenant dans la cour d’honneur des Invalides (Voir la note 15/3e partie). 10. La fontaine de la place du Châtelet, dite fontaine du Palmier du fait de son ornement principal, a été érigée en 1808, pour commémorer les victoires napoléoniennes. 11. Créé en 1840, ce qui s’appelait à l’origine l’embarcadère d’Orléans a pris peu à peu le nom prestigieux de son environnement. Au sortir de la gare, on trouve la place Valhubert, en souvenir du général tué à Austerlitz. 12. Le jeune homme qui tient le cheval de l’Empereur, à droite sur le tableau, pourrait bien être Augustin Louis Le Mercier. Fils d’un haut magistrat de l’Empire, il entre à l’Ecole spéciale militaire de Fontainebleau en novembre 1803 et la quitte en juillet 1804, nommé page de l’Empereur. On sait qu’il portait la longue-vue de l’Empereur à la bataille d’Austerlitz. Il termine une courte carrière, comme capitaine de cavalerie, retraité à la suite de quatre blessures au combat, officier de la Légion d’honneur et chevalier de Saint-Louis. 13. Construit de 1806 à 1808, l’arc de triomphe du Carrousel célèbre les victoires de la campagne de 1805. Il était initialement surmonté de quatre chevaux dorés rapportés de Venise. Il fallut les rendre en 1815 et on les remplaça par une déesse conduisant un quadrige, œuvre du sculpteur François Joseph Bosio. 14. Chacun sait que Louis XIV fonde, en 1670, l’Hôtel des Invalides, à l’entrée de la plaine de Grenelle, pour y accueillir les vieux soldats invalides. 15. La statue de Napoléon qui domine la cour d’honneur des Invalides, œuvre de Seurre, est celle qui se trouvait en haut de la colonne d’Austerlitz (dite Vendôme) jusqu’en 1871, quand la Commune fait abattre le monument (Voir la note 9/3e partie). Contrairement à de nombreuses autres représentations de Napoléon (Berthon, David, Delaroche, Isabey, Meissonier, Mulard), c’est la main gauche que l’Empereur introduit dans son gilet. Mais Ingres aussi représente le Premier consul avec la main gauche dans l’habit (celui-ci curieusement boutonné à gauche), ainsi que Ponce Camus. 16. Les funérailles de Napoléon, à Paris, ont lieu le 15 décembre 1840 et la translation du cercueil dans le sarcophage en porphyre, seulement le 2 avril 1861. 17. Le professeur Jean Tulard, membre de l’Institut, affirme que l’Empereur « a inspiré plus de livres qu’il ne s’est écoulé de jours depuis sa mort ». 18. Astérix en Corse par Goscinny et Uderzo (Ed. Dargaud, 1973), page 38, image 34 B. 62 19. Les fonds nécessaires à la construction du monument vinrent d’une quête publique et de subventions des pays qui avaient participé au combat. Commencé en 1910, achevé deux ans plus tard, le mémorial de la Paix d’Austerlitz n’était pas encore inauguré quand éclata la Grande Guerre. 20. Ephéméride de la réalisation du tunnel sous la Manche : -1801. Premier projet d’Albert Mathieu-Favier, ingénieur des Mines. -1833. Projet de tunnel ferroviaire de l’ingénieur français Aimé Thomé de Gamond. -1856. La reine Victoria, sujette au mal de mer, est favorable à un tunnel mais le secrétaire d’Etat, très britannique, Palmerston, y est opposé : « Vous prétendez nous faire contribuer à une opération dont le but serait de raccourcir une distance que déjà nous trouvons trop courte ! ». -1875. La France et la Grande-Bretagne signent un accord de projet de tunnel sous la Manche. Deux compagnies, l’une française et l’autre anglaise sont créées et les travaux de forage sont entamés à… Sangate. -1881. Sévère campagne d’opinion, en Grande-Bretagne contre le projet : « En autorisant un tunnel entre la France et l’Angleterre, on détruit la principale défense de ce pays », affirme sir Garnet Wolesley, officier britannique. Il est entendu. -1883. Le gouvernement britannique arrête les travaux. Il existerait deux kilomètres de galeries inachevées de part et d’autre. -1955. Le ministre de la Défense britannique admet le principe d’une liaison sous la forme d’un tunnel. -1964. Les deux gouvernements français et britannique s’accordent sur l’idée d’un tunnel entre les deux pays. -1973. Les premiers travaux commencent. -1975. Compte tenu de difficultés financières, le gouvernement britannique arrête tout. -1981. Le président François Mitterrand et Madame Thatcher, Premier ministre, s’entendent sur un financement privé. -1986. Le choix du projet d’Eurotunnel est arrêté. __________ 63