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C’est pourquoi, au XIXème siècle, le probabilité d’un événement a été définie empiriquement
comme la limite de sa fréquence observée. La “loi des grands nombres” (ou, plus exactement le
théorème central limite
) permettait alors de relier les fréquences observées à des théorèmes
parfaitement rigoureux, mais les mathématiciens ne pouvaient pas construire le calcul des probabilités
à partir d’un concept empirique aussi fragile. Heureusement, Kolmogorov a proposé, au début du
XXème siècle, une définition axiomatique de la probabilité, qui dote d'attributs précis chacun des
événements possibles – par exemple, la somme de leurs probabilités est égale à 1 – et qui les
considère comme les éléments d’une partition.
Leibniz, qui était un mathématicien fort averti, avait déjà fait remarquer que la probabilité d’un
fait historique qui ne s’est produit qu’une seule fois est égale à 1. Les probabilistes modernes qui
s’intéressent aux jeux de hasard et qui constatent, par exemple, que la boule du jeu de la roulette vient
de tomber dans la case 36, disent aussi que la probabilité a posteriori d’atteindre cette case est égale à
100% ; autrement dit, si l’on avait connu exactement toutes les conditions initiales (direction et vitesse
de la main du croupier, caractéristiques mécaniques de la boule et de la roulette, vitesse du vent, etc.)
l’arrivée dans la case 36 était parfaitement prévisible ; mais la probabilité a priori de cet événement reste
égale à 1/36, en supposant toujours que le jeu n’est pas biaisé, c’est à dire que toutes les éventualités
sont équiprobables.
Aujourd'hui, le hasard du calcul des probabilités est parfaitement domestiqué, et il est devenu
un concept clair, dénué de toute connotation mystérieuse.
2.2.2 Les séries causales indépendantes
Dans la ligne de pensée ouverte par Aristote au sujet du hasard, on cite souvent l'exemple de la
personne qui passe dans la rue et qui reçoit une tuile tombée d'un toit (cf. A Cournot, 1801-1877
). Le
hasard est alors considéré comme la rencontre de deux séries causales « indépendantes » : la tuile se
détache du toit et le trajet de la personne qui marche sont deux séries de causes qui seraient
« indépendantes ». Cette définition n’est pas satisfaisante, parce que nous ne pouvons pas prouver que
ces deux séries causales ne sont jamais rigoureusement indépendantes dans le système du monde. Nul
ne peut nier que la connaissance de toutes les forces en action dans le monde à partir d'un état initial
connu permettrait de prévoir tous les phénomènes. La seule difficulté d'application de ce principe
Bienaymé et Tchebitcheff ont démontré que, dans une série d'épreuves, la probabilité pour que la
différence (f - p) entre la fréquence relative f d'un événement et sa probabilité p dépasse un nombre
choisi aussi petit que l'on voudra, tend vers 0 quand le nombre d'épreuves augmente indéfiniment :
probabilité (f – p) > tend vers 0
ou, plus explicitement :
probabilité (fréquence observée – probabilité de cette fréquence) > tend vers 0 quand
le nombre d'épreuves augmente indéfiniment
On notera que le concept de probabilité est utilisé à deux reprises dans la formule ci-dessus : cette
formule ne dit donc pas que la probabilité p est la limite mathématique de f . De fait, la fréquence observée
dans un cas réel peut toujours être très différente de la probabilité p.
A ce sujet, quand on parle de l'intervalle de confiance de l'estimation d'une grandeur – par
exemple la longueur d'une table – il est incorrect de dire que cette longueur a 95 chances pour cent de se
trouver entre 310 cm et 315 cm. En effet, la longueur de la table est ou n'est pas comprise entre ces deux
limites. La formulation correcte est "si je mesure une nouvelle fois cette table, la distribution de probabilité
du résultat comprend 95 % de valeurs comprises entre 310 cm et 315 cm".
Dans son Essai sur le fondement de la connaissance, il écrit : "Nous pouvons nous élever d'un ordre de réalités
phénoménales et relatives à un ordre de réalités supérieures et pénétrer ainsi graduellement dans
l'intelligence du fond de réalité des phénomènes."