1
2 LE HASARD ............................................................................................................................................................... 2
2.1 Le hasard et la chance chez Aristote ................................................................................................................. 2
2.2 LE HASARD ET LES SCIENCES ................................................................................................................................ 2
2.2.1 Le calcul des probabilités .............................................................................................................................. 2
2.2.2 Les séries causales indépendantes ................................................................................................................. 3
2.2.3 La théorie du chaos, le hasard et le déterminisme ......................................................................................... 4
2.2.4 Le hasard en biologie ..................................................................................................................................... 4
2.2.4.1 Le rôle du hasard en biologie .................................................................................................................................... 4
2.2.4.2 L'improbabilité de l'apparition de la vie .................................................................................................................... 6
2.3 Le hasard en physique quantique ...................................................................................................................... 7
2.4 Conclusions générales sur le hasard ................................................................................................................. 7
ANNEXE A ...................................................................................................................................................................... 9
UNE EXPERIENCE ETONNANTE ET DIFFICILE A INTERPRETER ............................................................................... 9
Les ondes et les particules ........................................................................................................................................ 9
Les ondes matérielles ............................................................................................................................................................. 9
Les ondes électromagnétiques ................................................................................................................................................ 9
Les ondes quantiques ............................................................................................................................................................ 10
La dualité onde-particule ...................................................................................................................................................... 10
R. Feynman et le principe d'incertitude .................................................................................................................. 11
Retour aux ondes pour comprendre les interférences ............................................................................................. 13
La diffraction .......................................................................................................................................................... 13
UN DEUXIEME PARADOXE : LES QUANTAS ................................................................................................................ 13
Les transferts d'énergie ne sont pas des phénomènes continus ............................................................................................. 13
La signification de .............................................................................................................................................. 15
2
2 LE HASARD
A plusieurs reprises, dans les paragraphes précédents, le problème du hasard a été rencontré et
le moment est venu d'y réfléchir attentivement car il doit être clarifié avant de voir si le Dessein
Intelligent peut être déduit d'une finalité incluse dans le fonctionnement de l'univers.
2.1 Le hasard et la chance chez Aristote
Au début de sa Métaphysique, Aristote rappelle que l'étonnement causé par la contemplation
de l'univers est à l'origine de la philosophie. Il se demande ensuite s'il est possible de comprendre le
fonctionnement de l'univers et écrit : "Rapporter au hasard (et à la chance ) une si
grande œuvre n'était pas raisonnable. Aussi quand un homme vint dire qu'il y a dans la nature, comme
chez les animaux, une Intelligence ) qui est cause de l'ordre et de l'arrangement universel, il
apparut comme seul en son bon sens par rapport aux divagations de ses prédécesseurs. Sans aucun
doute, nous savons qu'Anaxagore [dans son fragment 12] adopta cette solution, mais il fut devancé,
dit-on par Hermotime de Clazomène. Ceux donc qui professaient cette doctrine, en même temps
qu'ils posaient la cause du Bien dans le monde comme principe des êtres, en firent aussi ce principe
qui donne le mouvement aux êtres." (Métaphysique, A3, 984b).
Le deuxième livre de la Physique utilise régulièrement le doublet hasard-chance dans le
chapitre 4 (195b-196b). Dans le chapitre 5, la chance (est plus souvent utilisée que le doublet, et
il semble qu'elle concerne plutôt les activités humaines alors que le hasard interviendrait
pour les objets inanimés et les animaux (197b, 13). D'ailleurs, le mot est utilisé par Sophocle
pour caractériser le destin, la malchance. Aristote essaie surtout de distinguer ce qui arrive au cours
d'un enchaînement d'activités humaines orientées vers un but (par exemple, aller chercher de l'argent)
et ce qui arrive indépendamment de toute finalité. Le point le plus important de la longue discussion
entreprise par Aristote est que le hasard concerne des "choses susceptibles de ne se produire ni
fréquemment ni absolument." (Physique, 197b, 34 ; 199a, 34), ce qui rejoint bien ce que disait Henri
Poincaré (§ ).
Les remarques d'Aristote gardent donc au moins l'intérêt de commencer à fonder la
problématique du hasard sur une base rationnelle.
2.2 LE HASARD ET LES SCIENCES
2.2.1 Le calcul des probabilités
Le mot hasard vient de l’arabe ; il désigne des plantes du Moyen Orient (Artemisia monosperma et
Quercus pseudocerris) et il est apparenté au verbe rire ... Pour F. Alquié (1962), il désignait aussi un lieu
fut inventé un jeu de dés. Il est progressivement devenu un concept scientifique à partir du XVIIe
siècle, avec le calcul des probabilités.
Les fondateurs du calcul des probabilités, Pascal, Gauss et le chevalier de Méré, définissaient la
probabilité comme le rapport du nombre de cas favorables au nombre de cas possibles, en supposant
implicitement que tous les cas possibles étaient équiprobables : par exemple, la probabilité d’apparition
du 3 lorsque l’on jette un est un sixième à condition que cette face du ait la même probabilité
d’apparaître que les cinq autres faces. Cette définition a permis d’établir des théorèmes importants
par exemple le théorème des probabilités composées qui est fondamental dans la théorie de
l’information mais elle n'est pas suffisante, puisqu’il faudrait avoir défini l’équiprobabilité avant de
définir la probabilité.
3
C’est pourquoi, au XIXème siècle, le probabilité d’un événement a été définie empiriquement
comme la limite de sa fréquence observée. La “loi des grands nombres” (ou, plus exactement le
théorème central limite
1
) permettait alors de relier les fréquences observées à des théorèmes
parfaitement rigoureux, mais les mathématiciens ne pouvaient pas construire le calcul des probabilités
à partir d’un concept empirique aussi fragile. Heureusement, Kolmogorov a proposé, au début du
XXème siècle, une définition axiomatique de la probabilité, qui dote d'attributs précis chacun des
événements possibles par exemple, la somme de leurs probabilités est égale à 1 et qui les
considère comme les éléments d’une partition.
Leibniz, qui était un mathématicien fort averti, avait déjà fait remarquer que la probabilité d’un
fait historique qui ne s’est produit qu’une seule fois est égale à 1. Les probabilistes modernes qui
s’intéressent aux jeux de hasard et qui constatent, par exemple, que la boule du jeu de la roulette vient
de tomber dans la case 36, disent aussi que la probabilité a posteriori d’atteindre cette case est égale à
100% ; autrement dit, si l’on avait connu exactement toutes les conditions initiales (direction et vitesse
de la main du croupier, caractéristiques mécaniques de la boule et de la roulette, vitesse du vent, etc.)
l’arrivée dans la case 36 était parfaitement prévisible ; mais la probabilité a priori de cet événement reste
égale à 1/36, en supposant toujours que le jeu n’est pas biaisé, c’est à dire que toutes les éventualités
sont équiprobables.
Aujourd'hui, le hasard du calcul des probabilités est parfaitement domestiqué, et il est devenu
un concept clair, dénué de toute connotation mystérieuse.
2.2.2 Les séries causales indépendantes
Dans la ligne de pensée ouverte par Aristote au sujet du hasard, on cite souvent l'exemple de la
personne qui passe dans la rue et qui reçoit une tuile tombée d'un toit (cf. A Cournot, 1801-1877
2
). Le
hasard est alors considéré comme la rencontre de deux séries causales « indépendantes » : la tuile se
détache du toit et le trajet de la personne qui marche sont deux séries de causes qui seraient
« indépendantes ». Cette définition n’est pas satisfaisante, parce que nous ne pouvons pas prouver que
ces deux séries causales ne sont jamais rigoureusement indépendantes dans le système du monde. Nul
ne peut nier que la connaissance de toutes les forces en action dans le monde à partir d'un état initial
connu permettrait de prévoir tous les phénomènes. La seule difficulté d'application de ce principe
1
1
Bienaymé et Tchebitcheff ont démontré que, dans une série d'épreuves, la probabilité pour que la
différence (f - p) entre la fréquence relative f d'un événement et sa probabilité p dépasse un nombre

choisi aussi petit que l'on voudra, tend vers 0 quand le nombre d'épreuves augmente indéfiniment :
probabilité (f p) > tend vers 0
ou, plus explicitement :
probabilité (fréquence observée probabilité de cette fréquence) > tend vers 0 quand
le nombre d'épreuves augmente indéfiniment
On notera que le concept de probabilité est utilisé à deux reprises dans la formule ci-dessus : cette
formule ne dit donc pas que la probabilité p est la limite mathématique de f . De fait, la fréquence observée
dans un cas réel peut toujours être très différente de la probabilité p.
A ce sujet, quand on parle de l'intervalle de confiance de l'estimation d'une grandeur par
exemple la longueur d'une table il est incorrect de dire que cette longueur a 95 chances pour cent de se
trouver entre 310 cm et 315 cm. En effet, la longueur de la table est ou n'est pas comprise entre ces deux
limites. La formulation correcte est "si je mesure une nouvelle fois cette table, la distribution de probabilité
du résultat comprend 95 % de valeurs comprises entre 310 cm et 315 cm".
2
Dans son Essai sur le fondement de la connaissance, il écrit : "Nous pouvons nous élever d'un ordre de réalités
phénoménales et relatives à un ordre de réalités supérieures et pénétrer ainsi graduellement dans
l'intelligence du fond de réalité des phénomènes."
4
central du déterminisme est que nul ne peut connaître toutes les forces ni tous les détails de l'état
initial.
2.2.3 La théorie du chaos, le hasard et le déterminisme
La théorie des « systèmes dynamiques », qui a été développée par les mathématiciens depuis
1980, montre que de nombreux systèmes ont un comportement imprévisible « chaotique », même en
utilisant les plus gros ordinateurs imaginables : une infime modification des paramètres de ces
systèmes entraîne des variations très fortes de leur évolution ultérieure. Ces aléas n’empêchent
d’ailleurs pas le système de « revisiter » certains parcours qu’il avait effectués dans le passé.
L’exemple le plus classique est celui du battement d’ailes d’un papillon qui pourrait être
l’amorce d’une tempête, qui éclatera peut-être aux antipodes, un mois plus tard. L’exemple le plus
inattendu est celui des planètes dont l’orbite pourrait sortir du système solaire à la suite de
perturbations infinitésimales de leur trajectoire actuelle.
Ilya Prigogine (1996, p. 222) : "Le hasard pur est tout autant une négation de la réalité et de
notre exigence de comprendre le monde que le déterminisme. Ce que nous avons cherché à construire
est une voie étroite entre ces deux conceptions qui mènent aussi bien à l'aliénation, celle d'un monde
régi par des lois qui ne laissent aucune place à la nouveauté, et celle d'un monde absurde, acausal,
rien ne peut être prévu ni décrit en termes généraux ... Les lois physiques correspondent à une
nouvelle forme d'intelligibilité qu'expriment les représentations probabilistes irréductibles. Elles sont
associées à l'instabilité et, que ce soit au niveau microscopique ou macroscopique, elles décrivent les
événements en tant que possibles, sans les réduire à des conséquences déductibles et prévisibles des
lois déterministes."
2.2.4 Le hasard en biologie
2.2.4.1 Le rôle du hasard en biologie
L’apparition des protéines qui constituent les éléments des êtres vivants est un fait historique
qui a eu lieu vers 3,5 milliards d'années. La probabilité a posteriori de cet événement est donc égale
à 1. Dans "Le hasard et la nécessité" (1970), J. Monod écrit : "La vie est apparue sur la terre : quel
était, avant l'événement, la probabilité pour qu'il en fût ainsi ? L'hypothèse n'est pas exclue, au
contraire, que l'événement décisif ne se soit produit qu'une seule fois. Ce qui signifierait que sa
probabilité a priori était quasi nulle." (p. 160). Il écrit aussi que "L'univers n'était pas gros de la vie, ni la
biosphère de l'homme". Ceci ne signifie nullement que, pour lui, le hasard serait un "moteur" de
l'Évolution. Au contraire, son prix Nobel lui a été accordé parce qu'il a montré comment certains
mécanismes précis interviennent dans la transmission du patrimoine génétique au cours de l'évolution.
On pourrait même interpréter les phrases précédentes en leur faisant dire qu'un anti-hasard a
intervenir pour que la vie apparaisse !
Plus récemment, Pierre Perrier pense que la probabilité de voir apparaître les macromolécules
de protéines nécessaires pour la vie des premiers êtres vivants est si faible (de l'ordre de 10-30 ?) et que
la lenteur des réactions chimiques de synthèse de ces protéines est si grande que les 3 milliards
d'années écoulées entre la naissance de l'univers et l'apparition de la vie ne suffisent absolument pas
pour que la vie ait pu apparaître spontanément. Ce point sera examiné en détail dans le paragraphe
suivant.
Ceci dit, les processus physico-chimiques qui ont conduit à l'apparition des premiers
êtres vivants sont loin d'être totalement découverts (placer ici la discussion de A. Oparin et des expériences de
Miller ?). Même si ces processus sont un jour totalement élucidés, il est acceptable de dire qu'il reste
une part de hasard dans cette apparition. Considérons par exemple l'apparition de la première
5
molécule de porphyrine (l'hémoglobine et la chlorophylle sont des porphyrines qui ont l'étonnante
propriété d'être auto-catalytiques) : cette molécule est apparue à un instant précis et en un certain lieu,
mais cela aurait pu se produire par "hasard" à d’autres instants et en d'autres lieux également
favorables. Les réactions chimiques qui produisent les porphyrines sont parfaitement déterminées,
sans aléa ni liberté, mais l’incertitude sur le lieu et l’instant où elles sont apparues est laissée –
consciemment et volontairement dans le domaine du hasard aussi longtemps que nous n’avons pas
essayé de lever cette incertitude. Les biologistes n'ont pas attaché d'importance au lieu et à l'instant
exacts cette première molécule pré-biologique est apparue. Dans ce cas, le mot "hasard" ne traduit
pas une ignorance mais il exprime un choix délibéré de ce que nous voulons étudier.
De même, les progrès considérables de la génétique à partir de 1950 ont conduit les
évolutionnistes à dire que la sélection naturelle était la cause générale capable d'expliquer toute
l'évolution dans une perspective totalement déterministe qui excluait le hasard. La découverte des
gènes "neutres" par Kimura et une réflexion plus attentive à des phénomènes interviennent des
aléas, tels que la dérive génique et l'effet fondateur
3
ont montré que le calcul des probabilités peut
intervenir pour comprendre certains aspects de l'Evolution. Si nous n'essayons pas de connaître le lieu
et l'instant exacts sont apparues les espèces nouvelles au cours de l’Évolution, il est acceptable de
dire que ce lieu et cet instant appartiennent au domaine du hasard.
l
C’est l’occasion de préciser le rôle que le hasard, ce trublion, joue dans les explications
biologiques : le hasard est ce que nous décidons de ne pas inclure dans une explication déterministe.
En particulier, dans la construction des modèles mathématiques probabilistes qui tiennent une place
de plus en plus grande en biologie une partie des résultats est déduite par un enchaînement de
calculs déterministes, et le hasard est introduit consciemment en certains points du modèle pour
donner place à des éventualités plus ou moins probables. Cette manière de procéder est réellement
probabiliste, mais elle n'est nullement synonyme de l'expression "le hasard est ce que nous ignorons".
E. PIELOU (1969) prend nettement position et affirme que les modèles probabilitstes sont
nécessaires en biologie : « Whether or not one regards all natural occurences as fundamentally
determinate, it is clearly impracticable to treat them as such, and a model in which chance mechanisms
are incorporated is sure to be nearer the truth than a deterministic one »
4
. Et même, un peu plus loin,
elle considère que les modèles déterministes sont tout juste dignes d’être examinés « as a preliminary to
studying their modern stochastic versions ».
5
Par exemple, pour étudier les évolutions possibles d’un système qui peut se trouver dans
plusieurs états distincts, le modèle des chaînes de Markov repose sur les probabilités de chacune des
transitions entre ces états et il rend de grands service en écologie des paysages. Dans d’autres cas, les
méthodes “de Monte Carlo” font intervenir des tirages au sort pour lesquels on essaie de construire
des tables de nombres aléatoires et l’on s’aperçoit qu’il est bien difficile de savoir si ces tables donnent
bien des suites de nombres qui résultent seulement du hasard et ne souffrent pas de régularités
irréductibles.
En agronomie, pour étudier la croissance d’une plante en fonction de plusieurs niveaux de
fertilisation, on répartit les épandages d’engrais dans un dispositif intervient un hasard volontaire
3
Ecologie de la végétation terrestre, M. Godron 1984, Masson, Paris
4
"Même si vous considériez que tous les évènements naturels sont fondamentalement déterminés, il est
clairement impraticable de les traiter comme tels et un modèle dans lequel des aléas probabilistes sont
incorporés est certainement plus proche de la vérité qu'un modèle déterministe."
5
"comme un stade préliminaire avant d'étudier leur version stochastique moderne."
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