Début d’état des lieux de l’expertise sur la controverse de la séparation des activités bancaires Selon Jean-Paul Pollin (2013), il est évident que la crise, et son ampleur, vient du manque de régulation bancaire qui serait complètement inadapté depuis sa mise en place. Il paraît dés lors important de rappeler les principales déficiences qui ont mené à cette crise afin de soulever les enjeux les plus importants, bien que cela outrepasse la seule question de la séparation des activités bancaires. Premièrement, le niveau des fonds propres était insuffisant pour absorber d’éventuelles pertes, en effet alors que le ratio minimum de fonds propres appelé « Tier 1 » devait être de 4%, le ratio requis de « vrais » fonds propres appelé « Core Tier 1 », composé des bénéfices en réserves et d’actions ordinaires, n’était en fait de 2% (Pollin, 2013). Ce ratio a été appliqué aux « actifs pondérés des risques » et non pas au montant des actifs. En Europe, ces actifs pondérés des risques représentaient 35 à 40% de la valeur totale des actifs (Pollin, 2013). Deuxièmement, la régulation a ignoré le risque de liquidité, ainsi les banques ont été en quelque sorte incitée à gérer ce risque de moins en moins rigoureusement, réduisant leur détention d’actifs liquides et augmentant leur dépendance par rapport aux financements à court terme (Pollin, 2013). L’interdépendance entre établissements à ainsi été négligée. Troisièmement, les accords de Bâle, qui définissent une réglementation internationale en matière de fonds propres, en place depuis la fin des années 80, ont laissés des différences dans l’application et le contrôle bancaire qui est fait au niveau national (Pollin, 2013). Pollin appelle cela des « paradis réglementaires » (Pollin, 2013, p.30), c’est-à-dire des pays pour lesquels les règles et leurs supervisions sont moins contraignantes, ce qui nuit à la qualité du contrôle d’un système très globalisé1. Les insuffisances citées ci-dessus (et bien d’autres) expliquent, selon l’auteur, « l’excessive croissance du secteur financier durant les dix ou quinze années qui ont précédé la crise, ainsi que les innovations sans utilité sociale claire, les bulles de crédit et des prix d’actifs, les allocations sous-optimales du capital et finalement l’explosion des risques » (Pollin, 2013, p. 31). Ainsi, après la crise de 2007, nombres de réunions du G20 ont été centrés sur le renforcement de la régulation financière, ce qui n’a pas échappé aux lobbies des professions financières qui ont immédiatement tenté de contrer les aboutissements des premiers projets esquissés pour protéger « le cadre réglementaire qui leur avait été si 1 Les USA par exemple n’ont jamais appliqué les accords de Bâles II et retardent l’application de Bâle III. profitable » (Pollin, 2013, p. 31). Depuis ce moment, plus de cinq ans maintenant, des controverses ce sont développées au sujet des mérites et inconvénients des différentes formes possibles de régulation (Pollin, 2013). Ces controverses ont tournés autour de nombreux sujets avant de se centrer aujourd’hui sur trois questions principales à savoir ; l’application des nouveaux accords de Bâle, la place de la supervision et les réformes des structures du système bancaire. Bien que ces trois sujets de controverses soient très intimement liés nous ne nous occuperons (dans un premier temps du moins) que de la dernière, c’est-à-dire à la question de la réforme des structures du système bancaire. Réformes des structures du système bancaire La taille relative des établissements bancaires (la concentration du secteur) qui conditionne le phénomène « too big to fail » ; le niveau de concurrence qui affecte la stabilité des établissements, c’est-à-dire leurs marges et leurs prises de risque ; l’imbrication des activités qui déterminera le contrôle prudentiel et la discipline de marché ; sont autant d’éléments qui définissent l’interdépendance entre la structuration des systèmes bancaires et les formes de régulations (Pollin, 2013). Et de ce point de vue la crise n’a pas aidé à la régulation car les problèmes qu’ont connus de nombreux établissements pendant la crise se sont traduits par un accroissement de la concentration (Pollin 2013) ; fusions et rachats de banques ont eu lieux un peu partout en Europe et aux Etats-Unis. Ainsi la crise a accru le nombre et l’ampleur des établissements systémiques. L’on peut alors remarquer l’effet « cercle vicieux » concernant les opérations de «résolution » (fermeture d’établissement, ou vente d’une part de leurs actifs). De ce fait, plusieurs propositions ont été établies pour limiter la taille des banques et ainsi éviter des établissements insolvables « que l’on ne peut liquider sans faire supporter à la collectivité un coût inacceptable » (Pollin, 2013, p. 40). Il a donc été proposé que les institutions systémiques se voient imposer une surcharge en fonds propres, que le ratio de leur capital soit plus élevé, de 1 à 2,5 % selon leurs caractéristiques mais selon Pollin (et d’autres comme nous le verrons), le seul moyen se trouve dans la séparation des activités bancaires. Scinder les banques pour permettre une stabilité financière Différents arguments sont avancés pour une séparation des activités de ce qui est appelé la « banque universelle », modèle que soutient activement la profession bancaire en Europe (Pollin, 2013). L’idée est de séparer les activités traditionnelles des banques commerciales – à savoir la gestion des moyens de paiements et les crédits - des activités de marchés – qui concernent ce que l’on appelle la banque de financement et d’investissement (BFI). Selon Pollin (2013), certains arguments demandent une attention particulière. A l’examen de travaux empiriques l’on a pu remarquer que lors de la crise de 2007 les banques qui comprenaient les activités de trading les plus développées ont été celles les plus fragilisées (Pollin, 2013). L’ampleur et la gravité de la crise s’est expliquée par le fait que les fonctions traditionnelles des banques ont été touchées par les pertes réalisées par les opérations de marché. Aussi l’histoire financière nous apprend que les crises des marchés financiers affectent peu l’activité économique du moment qu’elles ne touchent pas les systèmes de payements et de crédit, c’est seulement quand la production de crédit est concerné que l’impact sur l’économie réelle est significatif (Pollin, 2013). Il paraît alors important que les activités des banques commerciales ne puissent pas être déstabilisées par les activités de marché qui sont particulièrement volatiles (Pollin 2013). L’auteur ajoute également que le risque systémique se trouve principalement dans les activités de marché, les interconnexions entre intermédiaires financiers naissent principalement des opérations sur produits dérivés. Une séparation des activités commerciales et de marchés ne supprimera pas ces interconnexions mais cela permettra que les activités traditionnelles ne soient touchées par effet de contagion et que l’économie réelle ne soit touchée (Pollin, 2013). Le dernier argument, et non des moindres, concerne la question de « l’assurance (l’étendue du filet de sécurité) que l’Etat doit consentir à certaines des activités bancaires » (Pollin, 2013, p.). S’il paraît important de garantir les systèmes de paiements et de crédits, au vu de leur importance dans notre système économique (il paraît alors essentiel que la régulation bancaire soit la contrepartie de cette garantie) par contre il paraît difficile d’expliquer pourquoi l’Etat devrait assurer le rôle de stabilisateur des fluctuations des marchés ou des opérations des BFI (Pollin, 2013). Cela apparaît même comme contre-indiqué pour l’auteur puisque cela incite à la prise de risque. « Il n’y a en revanche théoriquement aucune raison pour que l’Etat stabilise les fluctuations des marchés, ni les opérations et les revenus des banques de financement et d’investissement. Non seulement rien ne justifie d’offrir une assurance publique à ce type d’activité, mais ce peut être même contre-productif puisque cela incite indûment à la prise de risque. Or, le fait de réunir sous un même toit une banque commerciale et une BFI conduit fatalement l’Etat à sécuriser (à subventionner indirectement) les activités de marché. En exagérant à peine, on peut dire que l’Etat en vient à éponger les pertes enregistrées sur des opérations spéculatives, afin de préserver la stabilité des systèmes de paiement et de crédit. Même si cette garantie n’est que virtuelle ou implicite, elle n’en est pas moins injustifiable et nocive. Et il n’y a guère d’autre solution à ce problème qu’une séparation des deux types d’activités. » Jean-Paul Pollin, « Controverses sur la régulation bancaire », L'Économie politique, 2013/1 n° 57, p. 41 L’avis de Pollin n’est pas partagé de tous, en effet selon Luc Mathieu (2013), secrétaire général de la fédération CFDT des banques et des assurances française, il est important de comprendre l’importance des banques dans le financement de l’économie en Europe. Deux modèles de financement de l’économie (et donc deux structures) coexistent dans le monde ; Dans le monde anglo-saxon (USA et Grande-Bretagne) les marchés assurent de 70 à 80% du financement de l’économie, alors qu’en Europe ce sont principalement les banques qui jouent ce rôle (Mathieu, 2013). Selon Mathieu (2013) une séparation des activités bancaires n’aurait pas évité les faillites que les établissements ont connues. La crise purement bancaire à eu un coût important, 700 milliards d’euros aux USA, plus de 100 milliards d’euros en Angleterre et moins de 10 milliards en France (Mathieu, 2013). « Le modèle de banque est-il en cause ? Non, car une séparation de leurs activités n’aurait en rien évité les faillites de : – Lehman Brothers : une pure banque d’investissement américaine ; – Northern Rock : une banque de détail britannique dont la faillite vient d’une prise de risque inconsidérée sur des prêts immobiliers titrisés dans une filiale domiciliée dans un paradis fiscal ; – Bankia : une banque de détail espagnole confrontée à l’explosion d’une bulle immobilière ; Dexia et Crédit immobilier de France : des banques spécialisées qui chutent du fait de leur modelé de banque sans dépôts. » Luc Mathieu, « Quelles réformes pour le système financier ? », L’économie politique, 2013/1 - n° 57, p. 49 Ainsi, une séparation des banques n’aurait rien changé à la crise de 2007. Et pour la profession bancaire française le modèle de banque universelle doit être conservé. Mathieu (2013) affirme que le raisonnement des promoteurs d’une séparation est faussé car ils se basent sur une distinction, trop facile, de deux types de banques ; « d’un côté, une « bonne » banque qui financerait l’économie et qui serait relativement peu risquée (la banque de détail) et à laquelle la garantie de l’Etat peut être accordée, et de l’autre, une « mauvaise » banque (la banque de financement et d’investissement, ou BFI) qui, en organisant la spéculation, ferait peser sur le système financier des risques importants et que l’Etat ne doit en aucun cas soutenir » (Mathieu, 2013, p. 49). Cette conception omet le fait que les activités de détails des banques peuvent également être risqués (l’auteur donne l’exemple des caisses d’épargne en Espagne) mais aussi que la BFI est essentielle à l’économie car elle finance de grands projets comme des chantiers d’infrastructures, avions, bateaux, ainsi que des produits dérivés utiles à l’économie (Mathieu, 2013). Sur la question du soutien des Etats aux banques en difficultés, Mathieu a une analyse quelque peut différente de Pollin ; si les deux auteurs ont l’air de s’accorder sur la conséquence (privatisation des bénéfices et socialisation des pertes des banques), les avis diffèrent, une fois de plus, sur la place du système financier par rapport à l’économie. « […] le soutien apporté aux banques par les Etats […] tient autant à la nécessité de protéger l’avoir des déposants qu’à celle de contenir le risque systémique que la déconfiture d’une banque ferait peser sur le système financier et donc sur l’économie. C’est la raison pour laquelle la plupart des banques (à l’exception notable de Lehman Brothers), quel que soit leur type d’activité, ont été soutenues et sauvées par les Etats. Cette situation permet trop souvent aux banques de privatiser les bénéfices lorsque tout va bien et de sociabiliser les pertes par appel au contribuable en cas de difficultés. » Luc Mathieu, « Quelles réformes pour le système financier ? », L’économie politique, 2013/1 - n° 57, p. 50 Jézabel Couppey-Souberyan (responsable du master « Contrôle des risques bancaires, sécurité financière, conformité » à l’université Paris I et conseillère scientifique au Conseil d’analyse économique français), rejoint l’avis de Luc Mathieu. Selon elle, le projet de loi français de réforme bancaire présenté en décembre 2012 introduit une notion intéressante : les activités utiles au financement de l’économie (Scialom et al., 2013). Peut importe que les activités soient de marché ou de détail : si elles sont utiles à l’économie, il faut les conserver. Un achat de titre (action, obligation, etc.) contribue à l’économie tout comme l’octroi de crédit, qui peut être très risqué aussi, indique Couppey-Souberyan. L’idée que les banques de détail sont utiles et sans risque et que les banques de marchés sont inutiles et très risquées ne correspond pas à la réalité, l’instabilité financière ne dépend pas uniquement de la nature mixte des banques (Scialom et al., 2013). Pour Couppey-Souberyan (Scialom et al., 2013), la stabilité financière doit être un objectif politique (tout comme la stabilité monétaire) mais pour se faire il faut renforcer les politiques prudentielles, autant microprudentielles2, que marcroprudentielles3. La crise de 2007 résulte du fait qu’on a laissé croitre le secteur bancaire et financier en pensant que cela n’aurait pas d’effet négatif sur la croissance, or « à partir d’un certain niveau, l’expansion de la finance ne profite plus qu’à elle-même et ses dérapages ont des effets extrêmement dommageables sur la croissance. La crise actuelle est la conséquence d’une crise d’obésité des bilans bancaires » (Couppey-Souberyan dans Scialom et al., 2013, p.8). Il apparaît désormais comme clair que le secteur bancaire européen est trop concentré, mais selon Couppey-Souberyan, la séparation n’est pas la réponse adéquate au problème ; il faudrait plutôt taxer les bilans bancaires. Une solution pourrait être de taxer les banques systémiques mais cela doit être accompagné d’une politique de la concurrence qui permettrait de mettre fin à la concentration du secteur bancaire européen. « En fait, les défenseurs de la séparation font une hypothèse implicite : celle qu’en contraignant la gamme – les différentes activités d’une banque : marchés, crédits, etc. –, on maîtrisera l’échelle – la taille. Or, les deux ne sont pas forcément corrélées ! On peut avoir des groupes multiactivités, type banques universelles, qui restent à taille humaine si on les oblige à correctement couvrir leurs risques. Réciproquement, on peut avoir un établissement monoactivité, type Lehman Brothers, qui croît à l’excès et peut être source de risque systémique. La stabilité financière ne passe pas par le cantonnement des activités risquées mais par la réduction de leur taille. Si l’on pense que les activités de marché ne sont pas assez contrôlées, la solution ne 2 Soit le contrôle des risques pris par les banques à titre individuel. 3 C’est-à-dire la surveillance des risques pris par l’ensemble du système financier et le contrôle des évolutions du crédit dans l’ensemble de l’économie. consiste pas à les séparer du reste mais à mieux les réguler, par exemple à partir d’un ratio de levier contraignant, ou bien en taxant les profits de ces opérations. » Jézabel Couppey-Souberyan dans Scialom Laurence et al., « Faut-il séparer les banques ? », L'Économie politique, 2013/1 n° 57, p. 8 Ainsi, les propositions de séparation n’empêchent pas les connexions entre les acteurs financiers et les entités d’un même groupe, ce qui signifie que les différentes entités pourront toujours emprunter sur le marché interbancaire ; les connexions subsistent ainsi que le risque de contagion et donc le risque systémique également (Scialom et al., 2013). « Faudrait-il alors une séparation complète, type Glass-Steagall Act ? Dans ce cas, on rompt toute connexion financière mais au prix d’une limitation drastique du rôle des banques dans le financement de l’économie » Jézabel Couppey-Souberyan dans Scialom Laurence et al., « Faut-il séparer les banques ? », L'Économie politique, 2013/1 n° 57, p. 9 Selon Jézabel Couppey-Souberyan si les règles de contrôles peuvent être contournables il en va de même pour les réformes de structures. Pour l’auteur les banques vont tenter de contourner les contraintes imposés, peu importe leurs natures, ainsi pour elle la meilleur solution reste la simplicité des règles. Toujours selon Jézabel Couppey-Souberyan ce qui est le plus a craindre c’est que « le « plus » qu’amènerait la séparation ne se traduise par un relâchement des efforts en matière de contrôle des risques » (Couppey-Souberyan dans Scialom et al., 2013, p.10). Elle ajoute qu’il ne faut pas mésestimer le coût d’opportunité politique que peut représenter la séparation des activités bancaires ; il apparaît comme plus facile pour le pouvoir politique de parler de séparation, cela apparait comme une mesure concrète alors que le discours du renforcement macroprudentiel apparaît comme plus abstrait (Scialom et al., 2013). Laurence Scialom (2013) rejoint Couppey-Souberyan sur l’idée qu’une séparation des activités bancaires n’est pas suffisante pour résoudre tous les problèmes d’instabilités financière, une régulation accrue est également nécessaire, mais selon elle une réforme des structures est nécessaire, car plus durable, elle impose une stabilité dans les gènes de la banque et mène donc à une baisse des risques. Une simple régulation n’empêchera pas les banques de contourner les nouvelles règles, de plus les règles de taxation peuvent varier selon les pouvoirs en place (Scialom et al., 2013). Si Scialom est d’accord sur le diagnostic d’une crise d’obésité, elle n’identifie pas les mêmes causes que Couppey-Souberyan, selon elle c’est dû aux activités mixtes des banques ; les banques de marchés se développent sur le dos des banques de détails qui se voient garanties d’une aide publique implicite. Quant à la distinction activités utiles/inutiles, si Scialom s’accorde à dire que certaines activités de marchés sont utiles au financement de l’économie, l’auteure ajoute qu’elles n’en restent pas moins risquées et certaines d’entres-elles peuvent cacher des prises de position spéculative massive. « On ne me fera pas croire que les 750 milliards de produits financiers complexes qu’affiche BNP Paribas dans son bilan ne correspondent qu’à des opérations utiles au financement de l’économie ! » Laurence Scialom dans Scialom Laurence et al., « Faut-il séparer les banques ? », L'Économie politique, 2013/1 n° 57, p. 10 La question des emplois Selon Pollin (2013) la profession bancaire, se montre très hostile à la séparation des banques car cela signifierait une réduction de la taille et de l’envergure des établissements bancaires. Un des arguments avancés est qu’une séparation nuerait aux économies d’échelles (réduction des coûts de production et de diffusion des services) que l’augmentation de la taille et la diversité des activités permettent (Pollin, 2013). Or cette affirmation ne s’est pas vue confirmée par de nombreux travaux empiriques (Pollin, 2013). Et s’il existe sûrement certaines fonctions comme le traitement des paiements, l’élaboration de logiciels,… pour lesquels l’on peut noter des effets de taille positifs, une solution serait d’externaliser ces fonctions et de partager les coûts avec d’autres établissements, comme le font déjà certaines banques pour certains processus de production ou d’offres de services (Pollin, 2013). Les économies d’envergures sont encore plus difficiles à mettre en évidence car les natures, les moyens humains et techniques sont complétement différent pour les banques commerciales et les banques de financement et d’investissement, « on ne voit donc pas d’où pourraient venir les économies de coûts induites par leur juxtaposition dans une même structure » (Pollin, 2013, p. 42). Pour Pollin, au contraire, regrouper dans un même établissement des activités fort dissemblables peut compliquer l’organisation et mener à des « déséconomies » d’envergure, mais surtout cela nuit au contrôle et à la transparence des comptes d’une institution. Selon Pierre Moscovici (Ministre français de l’Economie et des Finances) une scission annoncerait plus de chômage en France. Pour Giraud (2013), l’argument est faux, ce serait même l’inverse ; « scinder les banques mixtes actuelles devrait être créateur net d’emplois » (Giraud, 2013, p.80). Une scission provoquerait une réorganisation des activités et donc du recrutement ; les banques de marchés auront besoin de recruter pour la nouvelle gestion des relations commerciales avec les industriels alors que les banques commerciales en auront besoin pour gérer les opérations de marché et analyser les conditions de solvabilités de leurs emprunteurs (ce qu’elles pensaient ne plus devoir faire avec la titrisation). La vraie menace pour l’emploi selon Giraud est la faillite ; mais une scission permettrait une protection du département commerciale contre une faillite du département marché. Certes les employés de la « section marché » ne bénéficieraient plus de la protection de l’Etat, mais à nouveau cela nous reporte à la question de savoir si ce sont les contribuables qui doivent porter le risque des pertes bancaires. Le financement des banques Gaël Giraud (Chercheur en économie au CNRS, membre de l’Ecole d’Economie de Paris) se propose d’analyser certaines objections du secteur bancaire français contre une scission stricte des activités bancaires. Un des arguments du secteur bancaire est que les banques ne sauraient plus se financer. Ainsi, les banques commerciales manqueraient de liquidités sans leur département « marché », selon Giraud (2013) cet argument repose sur un scénario imaginaire : Depuis 2007 les banques françaises mixtes ne se financent que grâce aux liquidités de dépôts. Il est vrai qu’il le faisait d’avantage avant 2007, et ce à l’aide de la titrisation ce qui leur permettait d’accorder des crédits aux PME et aux particuliers et ainsi de revendre leurs créances, avec beaucoup d’autres, dans un CDO (Collateralized Debt Obligation structure de titrisation qui porte sur des actifs financiers de nature diverse) (Giraud, 2013). Après les années 80, l’on espérait financer toute l’économie par les marchés mais en réalité les grands groupes sont les seuls à parvenir à s’y financer. De fait, les PME et les particuliers ne peuvent émettre de la dette car aucuns investisseurs, ne connaissant pas l’émetteur, ne consentirait à leur prêter de l’argent (le cout de l’information étant trop grand). Ainsi, les produits de titrisation, composé d’un nombre incroyable de créances, ont laissé penser que les investisseurs n’auraient plus besoin de s’informer sur les PME à qui il pourrait prêter (Giraud, 2013). L’expérience de 2007, à montré que loin de contrer l’effet de contagion, la titrisation y contribuait de manière remarquable (Giraud, 2013). Force est de constater que si les PME et les particuliers ne peuvent se financer grâce aux marchés c’est une tâche qui revient aux banques commerciales, elles ne feraient que mieux leur travail puisque les dépôts et capitaux reviendront à l’économie réelle (Giraud, 2013). Le deuxième argument avancé par le secteur bancaire est qu’une scission nuise aux banques de marché puisqu’on les priverait de liquidité (cet argument rejoint donc le premier) (Giraud, 2013). En effet, les dépôts sont des liquidités bons marchés qui permettent les activités de marchés des banques d’investissement, qui plus est la présence de dépôts dans une banque de taille suffisante permet à une banque mixte de bénéficier de la garantie de l’Etat et donc d’emprunter sur les marchés à taux très bas (Giraud, 2013). « Mis à part les autres ratios prudentiels auxquels les banques sont astreintes, 1 unité de dépôt les autorise à prêter 100 unités sous forme de crédit. Lorsque l’unité en question s’exprime en milliard d’euros, elle représente un levier considérable quand les activités de marché sont florissantes. Inversement, lorsque ces activités tournent mal, les dépôts permettent de limiter l’impact des pertes » Giraud Gaël, « Pourquoi les banques refusent d'être scindées », Projet, 2013/1 N° 332, p. 75 Ainsi, si les banques étaient scindées elles devraient se refinancer davantage en prenant des crédit constants (ce qui représente un coût) et puisqu’elles n’auront plus la garantie de l’Etat elles devront le faire à un taux plus élevé, celui du marché interbancaire (Giraud, 2013). Pour Giraud (2013) cette objection n’est pas suffisante car la plupart des opérations de marchés sont réalisée grâce à des transactions entre institutions financières (et non pas grâce aux contreparties venant de l’économie réelle). « Et même si les liquidités de la partie commerciale permettent plus facilement à une banque mixte d’assurer une partie de ses pertes sur les marchés, on peine à trouver une preuve empirique de la résilience de telles banques au regard du sort de Fortis, UBS (Union des banques suisses), Unicredit, Société Générale ou encire RBS (Royal Bank of Scotland » Giraud Gaël, « Pourquoi les banques refusent d'être scindées », Projet, 2013/1 N° 332, p. 76 Michael Troege (2012) a une démarche inverse aux précédents avis. De son coté, il souhaite « une séparation entre la banque commerciale et celle d’investissement pour faciliter la confiance des investisseurs et donner un nouvel élan aux marchés financiers» (Troege, 2012, p.18). En effet, dans la situation actuelle, la séparation des 2 types de banques est presque exclusivement analysée sous l’aspect de la « régulation prudentielle», c'est-à-dire « empêcher les banques de spéculer avec l’argent des petits épargnants » (Troege, 2012, p.18) . Mais cette démarche semble quelque peu erronée car il estime que les faillites et les crises bancaires sont typiquement causées par des pertes massives dans l’activité de crédit traditionnelle, qu’il est rare de voir une banque universelle faire faillite à cause d’investissement dans des titres financiers. Et la crise actuelle, qui est une crise déclenchée par des pertes sur des titres financiers, s’expliquerait simplement par le fait qu’ils (les titres financiers) appartiennent largement à des banques d’investissements pures. Troege (2012) se demande dès lors comment une séparation de l’industrie bancaire pourrait remédier aux problèmes de stabilité du secteur financier? Mais alors pourquoi Troege prône-t-il une séparation des activités des banques si pour lui le problème ne réside pas dans ce concept de banque mixte ? D’abord il faut appréhender le Glass Steagall Act comme une loi de « trust busting » et non comme une règle prudentielle, en d’autres mots, comme un réducteur de conflits d’intérêts, non pas comme stabilisateur de secteur. Ensuite, il faut se rendre compte de l’importance de la confiance que doivent avoir les investisseurs envers ces organismes de placements. De là, il devient logique de comprendre que transparence, simplicité, accès facile au marché financier sont des incitants essentiels au développement de l’industrie de la banque d’investissement, au contraire de conglomérats financiers opaques. Ce qui explique la conclusion de M. Troege, « aidons alors les banques d’investissement à retrouver la confiance des investisseurs en les séparant des banques commerciales ». (Troege, 2012, p.18) La question de la concentration de marché Une des objections de la profession bancaire contre une scission, et la plus sérieuse selon Giraud (2013), est que en cas de scission les banques seraient de taille plus petite, ce qui augmenterait leurs chances d’être l’objet d’offres publiques d’achat (OPA, offre d’une société qui manifeste sont intention de prendre le contrôle d’une autre société en achetant un certain nombre de titres). Nous avons déjà abordé ce problème (sous l’angle la concentration de marché et des établissements systémiques) précédemment. Selon Giraud plusieurs réponses peuvent être apportées. Tout d’abord l’idée de conserver un secteur bancaire national orienté vers l’économie national apparaît comme bénéfique pour un Etat, cela permet un accès facile au marché pour les groupes industriels et pour le Trésor (Giraud, 2013). La France applique la directive européenne d’OPA de manière stricte ; cette directive vise à harmoniser les procédures d’OPA au niveau européen, protéger les actionnaires minoritaires et à informer les salariés des sociétés, mais cette directive, souple, laisse la liberté aux différents pays de L’UE d’adopter des règles plus contraignantes s’ils le souhaitent (Giraud, 2013). L’Italie par exemple à adopter en 2011 un décret-loi pour protéger les entreprises de son pays contre les OPA (Giraud, 2013). La Belgique, applique elle aussi la directive d’OPA de manière relativement stricte ; tout actionnaire ou groupe d'actionnaires qui franchit désormais à la hausse le seuil de 30 % du capital d'une société cotée en Belgique sera dans l'obligation de lancer une offre publique d'achat. Ce seuil est identique à celui des Royaume-Unis alors qu’en France il est fixé à 33, 33%. Giraud (2013) affirme que placer des barrières aux OPA agressives n’est pas en contradiction avec la doctrine du libre-échange, et serait même favorable ; il argumente cette idée grâce à l’analyse économique traditionnelle (de Ricardo, Heckshern Ohlin ou encore Samuelson) qui note que les avantages du libre-échange deviennent inexistants en cas de parfaite mobilité du capital4. Ainsi l’on pourrait imaginer des dispositions conditionnelles ayant un droit de regard public sur les activités de marché ; seules les banques de marchés qui ne font pas de crédit aux hedge funds, qui vendent la dette publique aux résidents du pays5 ou qui ne possèdent pas d’établissement dans un paradis fiscal se verraient éligibles pour la protection juridique (Giraud, 2013). Le problème de la compétitivité Le capital est alors investit chez le moins disant fiscal et le plus rentable à court terme et pas dans les activités les plus productive de chaque pays. 5 En France, 66% de la dette publique est détenue par des non-résidents, selon Giraud (2013) cela fragilise la politique de financement national. En Belgique, 47 % de la dette publique est détenu par des Belges. 4 Avec une scission les banques, devenues moins compétitives verraient leur notation baisser ; elles devraient dés lors abandonner leur rôle de spécialistes en valeurs du Trésor, ce qui signifierait que la tenue des marchés des emprunts seraient régi par de grandes banques, américaines par exemple (Giraud, 2013). Pour Giraud (2013) se scénario tient de l’imaginaire car le financement des emprunts d’Etats est principalement assuré par le système du « repo »6 qui est indépendant de la notation des banques qui l’assurent. Pour Giraud (2013) la grande question est de savoir si les banques arrêteront de faire crédit aux grands groupes. En effet, il est possible que les groupes industriels hésitent à se lancer dans de grandes opérations financières avec de pures banques de marchés car pour le moment, si difficultés il y a, une banque mixte peut se sauver avec les dépôts et la garantie d’Etat. Pour l’auteur cela permettrait d’inciter les banques de marchés à faire moins d’opérations risquées sur les marchés et si les groupes industriels refusent toujours de se financer auprès des banques de marchés jugées trop risquées, ils pourraient se financer auprès des banques commerciales (comme cela a été fait pendant les 30 glorieuses). Il est évident que banques scindées ne pourront pas rivaliser avec les mégabanques ; il leur saura impossible de rivaliser avec Goldman Sachs. Mais pour Giraud l’économie n’a pas besoin de ses géants qui font courir d’énormes risques à l’économie réelle sans pour autant la financer. Reste que selon Giraud (2013) le plus vraisemblable est les grands groupes gardent leurs relations commerciales avec les deux types de banques. Le type de séparation Selon Giraud (2013) une séparation stricte des activités commerciales et des activités de marchés serait souhaitable pour cinq raisons principales. Limiter la création financière à destination des marchés financiers et donc limiter la spéculation ; protéger l’emprunt ; l’imiter le risque systémique de banque « too big to fail » et donc protéger le contribuable, limiter le risque d’absorption des dépôts en cas de faillite et donc protéger le citoyen : limiter le risque de conflits d’intérêt entre les banques commerciales et les 6 Mise en pension ; deux parties s’entendent sur deux transactions ; une vente de titres suivit d’un rachat à terme à prix et date convenus d’avance. Ainsi il y a une prise en pension des titres par le prêteur de cash et une mise en pensions des titres par le prêteur de titre. Ainsi, si le vendeur fait défaut et ne rembourse pas la liquidité, l'acheteur (investisseur) peut garder les titres. Pour l'emprunteur de liquidité, l'avantage est d'utiliser un investissement dans son portefeuille afin d'obtenir des fonds à taux moindre, ou tout simplement d'être en mesure d'emprunter. activités des banques de marché et donc protéger les banques commerciales et ses clients. En effet, de nombreux observateurs se sont déclarés favorable au principe de séparation, cela a pu se remarquer dans différentes propositions de régulation ; comme le rapport Vickers en Angleterre, le rapport Liikanen pour la Commission européenne, le plaidoyer de l’OCDE pour une holding regroupant des entités séparées, ou encore la règle Volcker aux USA. Selon Mathieu (2013) les projets de séparation relèvent d’une mesure d’inspiration très libérale (on annonce à la banque spéculative qu’elle peut continuer à faire ce qu’elle veut mais qu’elle ne peut compter que sur elle même s’il arrive quelque chose), ce qui explique pourquoi les premières propositions de ce genre aient émergées dans le monde anglo-saxon. Ils existent cependant des points de divergences entre ces différents plans, ceux-ci tournent autour de deux questions principales : le type de séparation et la délimitation précises entre les activités qui doivent être séparées (Pollin, 2013). Le type de séparation revient à savoir s’il faut supprimer tout lien capitalistique entre les banques commerciales et les BFI ou s’il suffit d’isoler dans un même groupe bancaire les différentes activités. La première solution, qui empêche toutes transactions non souhaitées de capitaux propres ou de liquidités entre les activités, a le bénéfice d’être simple et claire (Pollin, 2013). Mais elle supprime les synergies entre activités traditionnelles et de marchés, pour autant qu’elles existent, ajoute l’auteur. La seconde, à l’avantage de préserver une offre globale de services pour un même établissement, mais elle est beaucoup plus floue et demande de définir précautionneusement les relations autorisées entres les différentes entités d’un même groupe (Pollin, 2013). Cette seconde solution demande d’établir beaucoup d’exigence et de complication ; précision des flux de capitaux et de trésorerie autorisés entre les deux ; éviter les subventions croisées, exiger une comptabilité distincte,… (Pollin, 2013). Quant à la délimitation des activités à séparer, la réponse la plus restrictive veut que seules les opérations spéculatives de « trading pour compte propre » - les positions ouvertes prises dans l’idée de bénéficier d’un écart entre le cours actuel (devise, titre, matière première) et le cours anticipé - soient prit en compte mais cette définition ne prend en compte qu’une très faible part des activités de la BFI ; elle exclut les activités de « teneur de marché » et les activités pour le compte de la clientèle, alors que ces activités son de grandes ampleur et implique des « positions ouvertes »7 même s’il n’y a pas la volonté de profiter d’un décalage de cours anticipé (Pollin, 2013). Tracé la séparation devient, dans ce cas, très compliqué mais surtout pour Pollin (2013) ce tracé ne doit pas se faire en fonction de l’objectif des opérations mais bien du risques qu’elles comprennent et du fait de savoir si elles peuvent être bénéficiaires d’aides publiques en cas de difficultés. Une des difficultés est que les activités de la BFI recouvrent également Sur ce point l’auteur note que c’est là la seule définition d’une spéculation; “Choisir de déboucler une position en un temps plus ou moins long constitue en soi une spéculation” (Pollin, 2013, p. 43). 7 des opérations de financement – qui sont comprise à cause de leur taille et complexité – on pourrait donc faire valoir que de par leur nature elles font partie intégrante du champ d’activité d’une banque commerciale (Pollin, 2013). Pourtant ces opérations sont souvent accompagnées de swaps, de couvertures,… ces financements structurés font appel aux services de la banque de marché, cela rend une fois de plus le tracé de la séparation délicat (Pollin, 2013). Le Rapport Vickers hésite d’ailleurs sur ce point et à décider de laisser une certaine liberté aux banques quant à la définition de la frontière (Pollin, 2013). Ainsi, selon Pollin, la véritable question est de savoir s’il y existe, ou non, des synergies entres les activités de banque commerciale et banque de marché. Si une telle synergie existe, la solution d’un holding qui comprend deux entités est préférable8, dans le cas contraire – comme le pense Pollin – la meilleure solution est une séparation stricte. Controverses autour du rapport Liikanen A côté du rapport Volckers (USA), du rapport Vickers (UK), vient s’ajouter le rapport Liikanen pour l’Union Européenne. Ce dernier recommande très clairement une séparation des activités bancaires. La conclusion du groupe est qu'il est nécessaire d'imposer, au sein des groupes bancair es, une séparation légale entre certaines activités financières particulièrement risquées, d'une part, et les banques de dépôt, d'autre part. Cette séparation a pour objectifs centraux de faire en sorte que les groupes bancaires, en particulier celles de leurs activités qui sont vitales pour la (essentiellement la collecte de dépôts et la fourniture de services financiers aux secteurs non finan ciers de l'économie), soient plus sûrs et moins liés à des activités de négociation à haut risque, et de limiter l'exposition, implicite ou explicite, du contribuable aux risques encourus par les comp osantes de ces groupes qui exercent des activités de négociation. Les recommandations du groupe en matière de séparation visent les activités qui sont considérées comme constituant les volets les plus risqués de l'activité de négociation, et dans le cadre desquelles les positions en risque pe uvent changer le plus rapidement. La séparation de ces activités entre plusieurs entités juridiques distinctes au sein d’un groupe est la réponse la plus directe à la complexité et à l'interdépendance des banques. Cette séparation n'aurait pas seulement pour effet de simplifier et de rendre plus transparente la structure des groupes bancaires; elle favoriserait aussi la discipline au sein du marché, la surveillance de celui‐ci et, en définitive, le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances. Lors des discussions au sein du groupe, certains membres ont déclaré préférer à une sé paration obligatoire des activités bancaires une combinaison de mesures consistant à imposer la cons titution, pour les activités de négociation, d'un coussin de fonds propres sans pondération pour risques, et à subordonner une éventuelle séparation des activités à l'évaluation, par l'autorité de surveillance, d'un plan de redressement et de résolution. Par souci de transparence, ces deux options de base, et leurs justifications, sont décrites l'une et l'autre dans le rapport. Il a toutefois été décidé de recommander la séparation obligatoire de certaines activités de négociation. Le rapport formule aussi d’autres recommandations concernant, par exemple, l'affectation expresse d'instruments au renflouement interne, les exigences de fonds propres pour les prêts immobiliers, la cohérence des modèles internes et la bonne gouvernance d’entreprise. Extrait du rapport Liikanen, « Groupe d’experts de haut niveau sur la réforme structurelle de secteur bancaire de l’UE », présidé par Erkki Liikanen, rapport final, Bruxelles, 2 octobre 2012. Ce dit rapport Liikanen n’a pas d’interprétation univoque et est commenté bien différemment par l’un ou par l’autre. Le rapport Liikanen. Par exemple, Claire Paris (2012) met en garde des problèmes (ex : longue période d’adaptation) et des interrogations (ex : trop d’inconnues) découlant de la séparation, les institutions gouvernementales et bancaires européennes, amenées à reconsidérer le modèle de banque universelle. Alors qu’avec la volonté des gouvernements, des populations et des professionnels de maîtriser les excès de la banque d’investissement, le principe de la séparation des activités semble une garde fou simple et efficace. Pour Claire Paris, il en est autrement, cette simplicité masquerait « bon nombre de difficultés économiques, réglementaires et opérationnelles » (Paris, 2012, p.2) . En plus des inconnues et de la simplicité régnant et entourant ces réformes, des impacts lourds et directs seraient observés pour les établissements bancaires et leur rentabilité. Et plus particulièrement, les plus petits établissements seraient directement touchés. De fait, il est fort probable la raréfaction des ressources capitalistiques, du fait des scissions d’activités, et l’obligation de repenser les modèles économiques et opérationnels, soient fatales aux établissements bancaires de petite taille ou à ceux dont l’activité est extrêmement ciblée. Pour d’autres il y a tout simplement un problème de path dependance, si on peut se le permettre, une certaine accroche à la situation donnée qui empêche de réformer dans la pratique. En effet, même si certains estiment que « c’est au prix d’une séparation des métiers bancaires que la banque de détail et la banque commerciale pourront retrouver le plein sens de leurs missions et regagner la confiance des clients, le prix à payer semble être démesuré pour les banques, tant leur modèle est à tous égards tributaire du modèle intégré » (LIOLIAKIS, 2012, p. 70). Hubert de Vauplane (2012) le considère le rapport Liikanen comme « une occasion manquée ». D’abord sur la forme du rapport, où De Vauplane souligne le manque de transparence (ex : listes des auditions et entretiens non publiées), mais également sur le fond de la solution, « présentée dans le rapport sans en expliquer ni le fonctionnement, ni le mode d’emploi. Il s’arrête là ou tout aurait dû commencer, comme tétanisé par son audace » (de Vauplane, 2012, p.82-83). Sur le contenu ensuite, de Vauplane (2012) regrette que 6 pages sur 135 (seulement) sont consacrées à la proposition. Il n’est pas le seul à souligner un cruel manque d’explication pratiques et théoriques (ex : listes des activités à risques non définies / activités non risquées). De plus, on peut regretter qu’aucun lien ne soit fait avec la règle Vockers et la proposition Vickers, tant au théorico-scientifique qu’à un niveau pratico-pratique de mise en œuvre et de concordance des législations touchant des organismes multinationaux. De Vauplane se plaint également de « l’absence d’un calendrier de réforme, l’absence de précisions sur les conséquences que la séparation aura en termes de gouvernance, de fonds propres (impossibilité du rapport à les calibrer), de définition d’activités impactées, de liens entre ces activités et les autres » (de Vauplane, 2012, p.82). Il s’arrête là ou tout aurait dû commencer, comme tétanisé par son audace » (de Vauplane, 2012, p.83). Entre le choix de l’interdiction pure et simple de certaines activités et celui de la compartimentation des dépôts et des activités les plus cruciales d’une banque, les membres du groupe Liikanen ont choisi le minus vickers, minus volckers ; C'est-à-dire que le rapport prend ce qu’il y a de plus contestable dans les deux autres propositions sur la table à savoir : - le principe de la séparation juridique par la création d’un entité ad hoc et – une définition large des activités risquées. En Belgique, le gouvernement a également commandé une étude, à la Banque nationale de Belgique, sur la faisabilité d’une telle scission. Le rapport de la BNB arrive à la conclusion que « cette séparation ne sera pas simple à appliquer et que cela engendrerait des conséquences négatives.» Mathias Dewatripont met en évidence que « sur les 4 grandes banques belges, 2 appartiennent à des groupes transnationaux et que les maisons mères pourraient très bien décider de transformer leurs filiales en succursales. Cela aurait comme conséquence qu’elles ne seraient pas concernés par la séparation ». Et donc en cas de faillite, le pays hôte n’aurait plus rien à dire en ce qui concerne les décisions de sauvetage. Donc, la BNB préconise des mesures plus « light » et plus réalistes comme des financements limités des différentes filiales bancaires pour protéger les dépôts belges ou encore l’augmentation des exigences de fonds propres pour les activités de trading. Bibliographie POLLIN Jean-Paul, « Controverses sur la régulation bancaire », L'Économie politique, 2013/1 n° 57, p. 29-46. DOI : 10.3917/leco.057.0029 GIRAUD Gaël, « Pourquoi les banques refusent d'être scindées », Projet, 2013/1 N° 332, p. 72-80. DOI : 10.3917/pro.332.0072 VINCENT Anne, « La recomposition du paysage bancaire belge depuis 2008 », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2012/33-34 n° 2158-2159, p. 7-91. DOI : 10.3917/cris.2158.0007 MATHIEU Luc, « Quelles réformes pour le système financier ? », L'Économie politique, 2013/1 n° 57, p. 47-54. DOI : 10.3917/leco.057.0047 GREAU Jean-Luc, « Pour un nouveau système bancaire », Le Débat, 2009/5 n° 157, p. 31-41. DOI : 10.3917/deba.157.0031 PAUGET Georges, « Quelle banque après la crise ? », Le journal de l'école de Paris du management, 2010/5 N° 85, p. 37-44. DOI : 10.3917/jepam.085.0037 SCIALOM Laurenceet al., « Faut-il sé parer les banques ? », L'É conomie politique, 2013/1 n° 57, p. 6-13. 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