1. Introduction
Le laser fait partie intégrante de nos vies sans que nous en soyons particulièrement
conscients. Pourtant, on parle sans cesse de lecteur au laser, de pointeur laser, de
correction de la vue au laser, d'épilation au laser… Mais que savons-nous au juste à propos
de cette source de lumière? Généralement, bien peu de choses.
Figure 1.1 Spectacle son et lumière utilisant des lasers.
Le mot laser, quand on s'y attarde un peu, nous livre un peu d'information au sujet de
l'objet. En effet, laser est l'acronyme de l'expression anglaise Light Amplification by
Stimulated Emission of Radiation, qui signifie « amplification de la lumière par émission
stimulée de rayonnement ». On en déduit donc que le laser est un amplificateur de lumière
fonctionnant grâce au principe de l'émission stimulée de rayonnement. Mais encore…
Afin de mieux comprendre ce qui se cache derrière ce petit mot de cinq lettres, nous vous
présentons ici une série d'articles sur le laser.
2. Historique
2.1 Einstein
L'histoire du laser a débuté avec Albert Einstein, probablement le plus célèbre des
physiciens, il y a presque un siècle. En 1905, il publia un article dans lequel il posait
l'hypothèse que la lumière est constituée de quanta d'énergie, de photons, que l'on appelle
parfois des « grains de lumière ». Il postula, par la même occasion, que l'énergie associée
aux photons était directement proportionnelle à la fréquence de la lumière, selon la
relation :
h est la constante de Planck et , la fréquence de la lumière. Douze années plus tard,
soit en 1917, Einstein présenta finalement sa théorie de l'émission stimulée, selon laquelle
un matériau pouvait émettre de la lumière s'il était correctement excité. Par la même
occasion, il présenta sa théorie de l'effet photo-électrique, pour laquelle il se mérita le prix
Nobel de physique de 1921. En effet, ce n'est pas pour sa fameuse théorie de la relativité
générale qu'il a été honoré de son vivant.
Figure 2.1 Albert Einstein
Les bases théoriques du fonctionnement du laser étaient alors jetées, mais de nombreux
chercheurs pensèrent qu'il était techniquement impossible de construire un dispositif
produisant de la lumière par émission stimulée. L'histoire du laser nous démontre à quel
point les préjugés des scientifiques peuvent entraver les progrès technologiques. Il a fallu
attendre près de 35 ans après la publication de la théorie d'Einstein pour que des
scientifiques s'intéressent de nouveau au phénomène de l'émission stimulée.
. Historique
2.2 Le maser
Au cours de la Seconde guerre mondiale, les États-Unis ont voulu développer de nouveaux
systèmes de radar (acronyme de RAdio Detecting And Ranging) plus précis. Dans ce but,
Charles Townes, travaillant alors aux Bell Laboratories, tentait de construire des émetteurs
de micro-ondes à plus haute fréquence, soit 24 GHz, que ceux utilisés à l'époque. Quelques
années plus tard, en 1947, alors qu'il travaillait à l'Université Columbia, Townes eut besoin
d'une nouvelle source de micro-ondes afin de pouvoir faire des études spectroscopiques de
molécules plus poussées. Il s'activa donc à développer cette source.
C'est ainsi qu'il fabriqua, en 1953, le premier maser (acronyme de Microwave Amplification
by Stimulated Emission of Radiation), en collaboration avec certains de ses étudiants. Ce
maser utilisait de l'ammoniac (NH3 gazeux) et produisait un rayonnement monochromatique
à une longueur d'onde de 1,25 cm. Au cours des années qui suivirent, de nombreux autres
masers furent fabriqués. Tous fonctionnaient dans le domaine des micro-ondes, le pas vers
le domaine de la lumière visible et de ses courtes longueurs d'onde semblant
infranchissable. Les expérimentateurs de l'époque entrevoyaient déjà les possibilités d'un
maser optique, mais concevaient difficilement comment le construire.
Figure 2.2 Charles Townes s'est mérité le prix Nobel de physique de 1964 pour ses travaux ayant
mené à l'invention du maser et du laser.
2. Historique
2.3 Le laser
En 1957, Townes commença à considérer les problèmes reliés à la fabrication d'un dispositif
semblable au maser, mais émettant du rayonnement infrarouge ou de la lumière visible. En
collaboration avec Arthur Schawlow, il publia les premières propositions détaillées de
masers optiques. Ils considérèrent alors l'utilisation d'une cavité résonante pour amplifier la
lumière. Ils déposèrent une demande de brevet en 1958. En 1960, ils obtinrent enfin le
premier brevet de laser, mais celui-ci ne fut construit que plus tard.
Le premier laser fonctionnel fut fabriqué par Theodore Maiman en 1960. Il découvrit que les
ions de chrome d'un rubis artificiel émettaient de la lumière rouge lorsqu'ils étaient irradiés
par la lumière verte d'une lampe au xénon. En déposant une couche d'aluminium à chaque
extrémité de la tige de rubis, Maiman réussit à produire le premier laser optique. L'année
suivante, le laser à hélium-néon, l'un des plus couramment utilisés aujourd'hui, fut inventé.
Notons que le terme laser ne fut pas utilisé avant 1965.
Figure 2.3 Theodore Maiman avec le premier laser à rubis. (Bertolotti, Masers and Lasers : An
Historical Approach)
Depuis l'invention du laser, les modes de production de rayonnement laser se sont
multipliés. On compte maintenant pratiquement autant de lasers différents qu'il y a
d'applications pour ceux-ci.
3. L'émission stimulée
3.1 Absorption et émission de la lumière
Avant d'aller plus à fond dans l'explication du fonctionnement de l'émission stimulée, il faut
tout d'abord se rappeler qu'il n'est pas possible de produire de lumière sans matière. En
effet, peu importe son mode de production, la lumière provient des électrons, des atomes
ou des molécules qui forment toute matière.
Considérons d'abord le cas des atomes tels que décrits par le modèle de Bohr. Selon ce
modèle, les électrons en orbite autour du noyau atomique ne peuvent se trouver que sur
certaines orbites ou niveaux d'énergie. Il leur est cependant possible de passer d'un niveau
à l'autre en absorbant ou en libérant de l'énergie. Cette énergie est le plus souvent sous
forme de lumière. Ainsi, un atome qui absorbe un photon (une « particule » de lumière)
sera excité et l'un de ses électrons passera à un niveau d'énergie supérieure. Inversement,
un atome sera désexcité lorsque l'un de ses électrons retournera vers un niveau d'énergie
moins élevée en émettant de la lumière (figure 3.1). La fréquence de cette lumière est
reliée à la différence d'énergie entre les deux niveaux par la relation suivante :
est la fréquence et h, une constante de proportionnalité appelée constante de Planck.
Le déplacement d'un électron d'un niveau énergétique à un autre est appelé transition
électronique.
Figure 3.1 a) Schéma des niveaux énergétiques d'un atome à deux niveaux énergétiques avec un
électron à l'état fondamental E1; b) l'atome absorbe un photon (en bleu) d'énergie E, l'électron
passe au niveau supérieur E2; c) l'atome émet un photon d'énergie E lorsque l'électron retourne au
niveau fondamental.
Tel que mentionné plus haut, les molécules peuvent aussi émettre de la lumière. Comme
pour les atomes, l'énergie des molécules est quantifiée, elle ne peut prendre que certaines
valeurs bien précises. Chaque type de particule, que ce soit un atome ou une molécule, a
un spectre énergétique qui lui est propre. Ainsi, chaque particule émet ou absorbe de la
lumière à des longueurs d'onde qui sont propres à son espèce. Il est donc possible de
produire une très grande variété de lasers à partir de différentes substances.
Figure 3.2 Spectres d'émission de l'hydrogène, de l'hélium et du sodium. On y voit, entre autres, les
quatre raies d'émission de l'hydrogène dans le domaine du visible. (Séguin et Villeneuve, Astronomie
et astrophysique)
3. L'émission stimulée
3.2 Émission spontanée
Une bonne part des phénomènes lumineux que nous pouvons observer dans notre vie de
tous les jours sont produits par un processus appelé émission spontanée. Afin de bien
comprendre ce processus, nous allons considérer ce qui se produit dans un tube néon tel
que ceux que l'on retrouve parfois dans les vitrines des magasins.
Un tube néon est constitué d'un tube de verre dans lequel un gaz, le néon, a été introduit à
basse pression. À chaque extrémité de ce tube, on retrouve une électrode qui peut être
branchée à une source d'électricité. Lorsqu'une tension suffisamment élevée (de 6 à 15 kV)
est appliquée entre les deux électrodes, il se produit une décharge électrique dans le gaz.
Ses atomes sont alors excités par les électrons qui le traversent. Les atomes de néon se
désexcitent ensuite en émettant une lumière rouge-orangé de façon complètement
aléatoire et indépendante (figure 3.3). On dit que ce type d'émission est spontapuisqu'il
ne fait intervenir aucun processus externe lors de la désexcitation des atomes.
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