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simples résultent de ce qu'un mot, s'il est non accentué, peut être phonologiquement
réduit et rattaché prosodiquement à un mot adjacent. Il s'ensuit qu'un clitique simple
occupe la même position syntaxique superficielle que les morphèmes non réduits
correspondants. Les clitiques spéciaux, par contre, sont des éléments prosodiquement
dépendants d'un hôte et qui apparaissent comme variantes de formes libres autonomes,
dont ils partagent le sens et qui peuvent avoir une phonologie similaire, mais dont la
distribution syntaxique superficielle est différente. Dans le cadre de cette dichotomie,
des éléments comme les articles ou les prépositions monosyllabiques dans les langues
romanes ont pu être classés comme des clitiques simples, tandis que les pronoms
clitiques
se rangent parmi les clitiques spéciaux.
En effet, il est bien connu que les pronoms personnels dans les langues romanes se
répartissent en deux grands types
. D'une part, les pronoms clitiques et, d'autre part, ce
que l'on appelle traditionnellement les formes fortes, toniques ou disjointes, qui ont le
même type de comportement distributionnel que les SN habituels
.
(1) F a. Pierre te le donnera.
I b. Pietro te lo darà.
(2) F a. Pierre lira un livre pour Marie / pour elle.
Nous adoptons la dénomination pronoms clitiques dans ce chapitre, parce qu'elle est aujourd'hui la plus
répandue. Comme on le verra ci-dessous, cependant, il n'est pas du tout clair que l'ensemble des éléments
ainsi désignés dans l'étude des langues romanes doivent être analysés comme clitiques dans les sens
techniques du terme que nous discutons dans cette section introductive. Lorsqu'aucune ambiguïté n'est
possible, nous omettons pronoms et désignons simplement par clitiques les éléments en question.
Voir cependant Cardinaletti et Starke (1999) qui distinguent trois classes, les clitiques, les pronoms
faibles et les pronoms forts.
Autant que possible, nous donnons dans les exemples des phrases correspondantes dans les différentes
langues romanes illustrées, en commençant par le français, ce qui rend en général les traductions inutiles.
Cependant, dès que cela n'est pas possible, nous fournissons une traduction française, et si nécessaire une
glose morphème par morphème. Chaque exemple est précédé de l'initiale de la langue qu'il illustre :
F(rançais), P(ortugais), E(spagnol), C(atalan), I(talien), R(oumain), FQ (français québecois). On
désignera les versions anciennes, standard et parlées d'une langue en faisant précéder ou suivre l'initiale
par A, S ou P respectivement : AF = ancien français, FS = français standard, FP = français parlé. Sauf
remarque particulière, nous nous limitons à l'espagnol et au portugais européens, et c'est ainsi qu'il faut
donc entendre E et P. Nous utilisons en outre les abréviations suivantes : prés = présent, subj = subjonctif,
acc = accusatif, dat = datif, pl = pluriel, sg = singulier, m = masculin, f = féminin, Ph = Phrase (au sens de
IP en grammaire générative, voir Haegeman 1991).