Séance 1

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Séance 1.
Le « Concert européen » avant 1914 : solidarités et rivalités
d’une Europe impériale.
Solidarités et rivalités d’une Europe impériale.
A. Sorel, La Révolution française et l’Europe
P. Renouvin, Les forces profondes
Jean-Baptiste Duroselle : étude du processus de décision et des décideurs dans les relations internationales ;
étude des forces transnationales
Les nationalismes en Europe de l’Est après la chute de l’URSS ont redonné actualité à l’étude du système
international d’avant la guerre froide. Les structures politiques, géopolitiques et juridiques : les traités. Les
structures culturelles : certaines représentations dominent dans certaines zones dans la planète.
La notion de structure facilite les échanges entre les disciplines.
En 1914, le système international était encore centré sur l’Europe qui dominait largement la
planète par son influence économique, politique, militaire (notamment grâce aux Empires
coloniaux). En fait, un système international essentiellement appelé « Concert européen »
(concertation).
Ce système était largement informel, mais il comportait néanmoins ses règles, il n’était pas
une « jungle ». Il a quand même permis d’éviter depuis le cycle des guerres de la Révolution
et de l’Empire en 1815 au Congrès de Vienne une nouvelle guerre européenne générale.
Néanmoins ce système s’est dégradé depuis la fin du XIX siècle ce qui contribue à expliquer
la Première guerre mondiale. Les facteurs de dégradation du concert européen et leur analyse
changeront la donne internationale après 1919.
I)Les grandes lignes du Concert européen et les facteurs de solidarité entre les
grandes puissances.
Il y a une hiérarchie des grandes puissances. Elles gèrent collectivement les intérêts de
l’Europe. Les petites puissances sont rarement consultées.
La Chine même si elle a une forte population à cause sa mauvaise situation économique cela
n’en fait pas une grande puissance.
Les Etats-Unis sont déjà en tête de la production industrielle mais ce ne sont pas la première
puissance économique mondiale car 25% de leurs capitaux sont détenus par des étrangers,
leur commerce extérieur est faible et est financé par Londres. Ils ne sont pas au cœur du
système international.
Au niveau de l’industrie, la Grande-Bretagne est dépassée par les Etats-Unis et l’Allemagne,
mais elle est la première puissance navale et commerciale. Le cours des matières premières
est défini à Londres, la livre sterling est la monnaie au centre du système international. Elle
est la première puissance financière. La monnaie est liée à l’or. La Grande-Bretagne est le
pays qui a le plus de capitaux à l’étranger. Sa flotte de commerce et de guerre ainsi que son
Empire en font une grande puissance.
La guerre de 1914 accéléra le processus de transfert de puissance de l’Europe vers les EtatsUnis.
L’Allemagne est la première puissance industrielle d’Europe continentale, mais n’a pas
d’Empire colonial. La France a un Empire étendu, mais connaît une stagnation
démographique et un vrai retard industriel.
La Russie recèle un potentiel énorme, elle connaît un progrès économique notoire mais la
crise politique que connaît le pays depuis 1905 n’en fait pas encore une grande puissance.
L’Italie est concertée en fonction de négociations particulières.
Dans le système international, il n’y a pas d’autorité supérieure. Les Etats sont souverains et
les liens sont interétatiques. Le système repose sur une notion d’équilibre des puissances
(« l’équilibre européen »). Il y a deux façons traditionnelles de tenir la paix par l’Empire ou
par l’équilibre. Si un pays prend trop d’importance en s’affranchissant des règles du système
tous les autres s’allient contre lui. Il s’agit de rétablir l’équilibre quand il est rompu mais il
repose sur l’intérêt égoïste des grandes puissances. Cependant, il y a un ensemble de valeurs
et des facteurs de solidarités.
Les traités de Vienne de 1815 constituent encore en 1914 un cadre pour l’Europe. Les
frontières tracées en 1815 sont toujours d’actualité. Les traités conclus tout au long du XIXe
siècle ont aménagé de nouveaux états.
Les structures diplomatiques sont fondées sur des relations bilatérales. Il y a aussi une
diplomatie multilatérale, on réunit des congrès ou des conférences d’ambassadeur. Tout le
monde parle avec tout le monde. Un pays qui s’isole ou exclut un partenaire est mal vu. Le
but est d’éviter qu’une crise locale dérape en une crise générale. Le prix à payer est qu’une
petite puissance doit s’aligner sur les grandes puissances.
Le christianisme et le libéralisme modéré héritier des Lumières marquent le système
international. Même la Russie se plie à ses règles malgré son décalage politique.
Les élites démocratiques sont encore des aristocrates. Il partage largement leur même
langage : le droit des gens. Dans les textes de traité (Traité de Paris de 1856), on voit
apparaître la notion de protection des minorités. Un état ne peut pas brimer une minorité
ethnique ou religieuse impunément. Ce système a su gérer les réunifications et le cas des
Balkans jusqu’en 1914.
II)Les opposants au système.
Avant le mouvement des nationalités, le système est déjà contesté. L’Autriche-Hongrie, la
Russie, l’Allemagne et l’Empire Ottoman sont multinationaux. Le concert européen repose
sur ces états multinationaux qui ont besoin de la paix parce qu’ils sont fragiles.
Avec le romantisme du XIXe siècle qui exalte le particularisme national ou ethnique, le
mouvement des nationalités se développe. Un certain nombre d’Etats vont d’ailleurs se créer
(Roumanie, Serbie). Il y a des nationalités qui ne sont en revanche pas libérées (Pologne). Il y
a donc bien un potentiel de contestation. Certains comme les Tchèques ou les AustroHongrois se contenteraient de l’autonomie tandis que la Pologne demande l’indépendance. Il
y a une tendance révolutionnaire avec le mouvement des nationalités. Les partis de gauche
non marxistes dans certaines grandes puissances soutiennent les nationalités.
Les petites puissances demandent à être écouté au même titre que les grandes puissances. On
conteste l’égoïsme des grandes puissances qui évitent certes le conflit général mais pas les
conflits locaux. Se développe alors un mouvement pacifiste demandant un arbitrage
international pour cibler les responsabilités des uns et des autres.
Dans ce contexte, en 1899 et en 1907 se tiennent à La Haie des conférences de la paix.
Certaines revues internationales développent un système international différent, notamment
aux Etats-Unis. Ceux-ci avaient limité leur action en Amérique, Monroe avait proclamé que
les Etats-Unis n’avaient rien à faire en Europe mais les Européens n’avaient rien à faire en
Amérique. C’est l’isolationnisme. À partir de la fin du XIXe siècle, cela commence à changer.
Les Etats-Unis s’immiscent dans les affaires mondiales. En 1898, les Etats-Unis mènent la
guerre à l’Espagne. L’explosion d’un sous-marin américain à la Cuba fournit un prétexte pour
l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Espagne.
En 1899, Washington proclame la doctrine de la porte-ouverte avec la Chine. Les Etats-Unis
affirment qu’ils défendront l’intégrité de la Chine face au découpage européen (break-up of
China). Le Japon et les pays européens se réservent des régions. Les Etats-Unis veulent que la
Chine reste ouverte au commerce pour tous. C’est un début de rôle mondial pour les EtatsUnis accentués par la suite par le président T. Roosevelt (présidence 1901-1909). La doctrine
du gros bâton permet de mettre fin au conflit russo-japonais. Aux Etats-Unis se développe une
idéologie très perceptive : l’ American Way of Live (liberté politique et liberté d’entreprise). Il
y a une volonté d’exporter ce modèle et de défendre les minorités (juifs d’Europe centrale,
Arméniens).
Les Etats-Unis ne reculent pas devant l’action humanitaire. Il se dote d’une marine qui est la
deuxième au monde. Elle sert d’instrument de projection de puissance en fonction des
théories échafaudées sur la puissance navale (Mahan)
Le Japon après sa révolution réformiste du Meiji tente de devenir une grande puissance en
conservant leur civilisation mais en adoptant la modernisation économique et administrative.
C’est principalement pour ne pas subir le sort de la Chine. Les Japonais font leur propre
révolution industrielle. En 1894, le Japon prend la Corée et l’île de Formose à la Chine. En
1902, la Grande-Bretagne conclut une alliance avec le Japon pour contrer la progression russe
vers l’Asie qui gêne les intérêts britanniques. En 1904, le Japon déclenche une guerre qu’il
gagne contre la Russie. Le Japon devient un acteur régional incontournable en Asie.
III)Les facteurs de dégradation du système : les rivalités.
On assiste à la formation de deux alliances antagonistes ; l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie
dans la Triplice ; la France, la Russie et la Grande-Bretagne dans la Triple Entente. Ces
alliances violent l’esprit du concert européen et les alliances permanentes en temps de paix.
Bismarck après la guerre de 1870 est obsédé par la possibilité d’une revanche française, il se
crée un groupe d’allié avec l’Italie et l’Autriche ce qui poussent la France et la Russie à
s’allier (1891-1893). En 1904, la France et la Grande-Bretagne concluent l’Entente Cordiale
franco-britannique, elles mettent un terme à leur contentieux colonial. La rivalité avec
l’ennemi héréditaire qui est la Grande-Bretagne est terminée. En 1907, une entente entre
Grande-Bretagne et Russie règle le contentieux en Asie. L’agitation de Guillaume II inquiète
les pays voisins.
Pendant un certain temps, les alliances ont eu un effet stabilisateur. L’allié le moins concerné
dans la crise calmait ses partenaires et les ramenait au Concert européen (exemple Maroc
entre France et Allemagne en 1905 et 1911). Jusqu’aux guerres balkaniques de 1912-1913, on
a toujours calmé le jeu.
Les pays balkaniques se soulèvent contre l’Empire Ottoman puis se font la guerre entre eux.
On empêche néanmoins la dégénérescence de la crise locale en crise mondiale. Désormais, la
situation est trop grave et les pays soutiendront coût que coût leur alliance.
La crise franco-allemande est toujours existante (exception en 1900, contingent francoallemand à Pékin lors de la révolte des Boxers). L’Allemagne voudrait s’en tenir au concert
d’après 1870 mais la France ne veut pas se contenter d’une place secondaire. Les tentatives de
rapprochement avec l’Allemagne sur des sujets coloniaux et économiques sont des échecs.
IV) L’échec du système européen en 1914.
Les rivalités économiques entre les puissances sont des causes responsables de la guerre. En
France et en Grande-Bretagne, on redoutait la croissance économique allemande, mais
globalement tous les pays sont prospères. L’Allemagne exportait d’ailleurs énormément vers
ses futurs adversaires. Les rivalités coloniales ont contribué à dégrader le climat international,
notamment dans l’Empire Ottoman. Ces deux rivalités ne sont pas les causes principales.
La cause immédiate est le problème des Balkans. L’Autriche-Hongrie et la Russie sont en
concurrence pour le contrôle des Balkans. La Serbie est la bête noire de l’Autriche-Hongrie
qui ne veut pas un pôle d’attraction pour les slaves à ces frontières. La Russie soutient les
peuples slaves qui pourront lui fournir des accès aux mers chaudes. L’assassinat à Sarajevo de
l’archiduc héritier François Ferdinand par un serbe de Bosnie (probablement téléguidé par des
officiers russes) sert de prétexte pour l’ultimatum autrichien. L’Autriche utilise ce prétexte
pour agresser la Serbie qui est accusée de mettre en danger son pays par sa propagande envers
les slaves du Sud. L’Allemagne soutient l’Autriche pour ne pas mettre en danger l’intégrité de
son territoire. L’Autriche est d’ailleurs en décrépitude interne ce qui renforce son souci
d’intégrité. La Russie connaît le panslavisme qu’elle soutient comme la Serbie et ne peut pas
se permettre un nouveau désastre. La France qui est contre l’Allemagne soutient la Russie.
La proposition de conférence internationale de la Grande-Bretagne pour calmer le jeu est un
échec. Après la déclaration de guerre allemande contre la France, l’Allemagne viole la
neutralité belge. C’est une violation flagrante d’un traité stratégique. La Grande-Bretagne
entre en guerre.
Conclusion :
Avec la montée des nationalismes dans tous les pays, l’Etat-Nation devient un absolu
(renforcé par le service militaire obligatoire, suffrage universel, le développement de la
presse qui amplifie l’impact des crises en Europe). Il y a entretien d’un sentiment guerrier. Le
sentiment libéral recule également face au darwinisme social (la liberté pour le plus fort). Les
théories préraciales (pangermanisme, panslavisme) appellent au rassemblement et contribuent
à enterrer le Concert Européen. La sensation d’appartenir à une civilisation européenne
commune se détériore. Sous le poids des idéologies nationales et internationales, l’équilibre se
fissure. Les structures de l’équilibre ne fonctionnent plus en 1914. Après la guerre, on fera
autre chose mais les méthodes d’avant 1914 ne disparaîtront pas par la suite. Les pays
importants restent les plus influents. Les Etats gardent leur souveraineté nationale.
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