Le chapitre II examinera ainsi les problèmes qu’induisent ces dispositions légales et
coutumières eu égard à la vie de famille. Il s’attachera pour ce faire aux tensions possibles
entre droits des femmes et droits à l’identité culturelle telles qu’elles ont pu être mises en
avant dans le débat qui a opposé en 1999, et oppose encore à travers d’autres protagonistes,
une approche féministe (celle d’Okin) et une approche multiculturaliste (celle de Kymlicka).
Les tensions évoquées entre droits des femmes et droits à l’identité culturelle seront abordées
sous l’éclairage de la question du port du voile en France, afin de voir en quoi cette question
précise permet d’accroître l’intelligibilité des options possibles face à la considération
d’injustices de genre d’une part, d’injustices ethnoculturelles de l’autre. Construit sur une
thématique clairement intersectionnelle, ce chapitre soulignera ainsi les liens entre cette
première partie de la seconde section, consacrée aux études de genre, et la deuxième partie,
qui développera, elle, une série d’études concernant les inégalisations ethnoculturelles.
Un dernier « aspect partagé » par la plupart des femmes dans le monde enfin, tient au
fait, citons encore Okin sur ce point, que « les femmes sont plus exposées sexuellement que
les hommes ». Cet « aspect partagé » sera évoqué ici par le chapitre III, dont l’entretien qui le
constitue s’attache à explorer la signification de la violence sexuelle dans les rapports de
genre, avec comme objectif de savoir quel sens le fait que les victimes soient le plus souvent
des femmes peut avoir dans l’atteinte qui leur est portée. Ce troisième aspect partagé est plus
complexe que les deux autres, au sens où il problématise la manière dont sont « socialisés »,
valorisés ou dévalorisés les attributs sexuels des femmes, ainsi que la potentialité
d’enfantement, qui leur est propre. À partir de quoi l’attention sera centrée, entre autres, sur la
portée heuristique et normative des termes de « féminicide », ou de « gynocide », employés
de plus en plus aujourd’hui pour rassembler des formes extrêmes d’inégalisations se
matérialisant par des violences faites aux femmes, en se demandant si le recours à un tel
terme éclaire ce qu’il cherche à rassembler.
Ces études et cet entretien ont en commun une appréhension de formes d’inégalités
injustes entre hommes et femmes comme formes de violences. Or si l’on peut arguer
d’inégalités entre hommes et femmes au motif de référents normatifs indexés sur des cultures
ou des visions du monde, en revanche il n’apparaît pas tenable moralement que l’on défende
des visions du monde ou des pratiques qui soient violentes, si l’on entend par là l’atteinte
physique et morale faite à la personne. De la même façon que certaines pratiques
inégalisantes ont pu être considérées comme des pratiques « culturelles » permettant de
réguler une société donnée, et ce, souvent, avec l’accord des victimes elles-mêmes de formes
d’inégalités plus ou moins marquées au sein d’un ordre traditionnel, il n’en reste pas moins
que ces pratiques sont moralement condamnables dans le monde d’aujourd’hui si tant est que
l’on défende comme postulat de base l’égalité en droits de tous les êtres humains, contre tous
les particularismes.
Par ailleurs, ces trois chapitres convergent en ce qu’ils invitent à s’interroger sur les
devoirs et limites de l’État, et au-delà, les devoirs et limites rencontrés par les institutions
supra-étatiques, dans la correction des inégalités injustes entre hommes et femmes. De ce fait,