Problèmes de la classification sémantique des verbes

Problèmes de la classification sémantique des verbes
Lect. univ. dr. Viorica MOLOŞNIUC
Universitatea de Stat Chişinău
Les problèmes posés par une classification sémantique des verbes commencent par la définition
sémantique de cette classe de mots.
La grammaire traditionnelle mentionnait l’état et l’action comme aspect sémantique d’une
définition possible de la classe des verbes. Le XXe siècle a complété ces concepts par ceux de
procès, événement, fait, devenir, etc. Une solution de ce problème semble être trouvée par les
linguistes qui ont proposé le procès comme dominante sémantique de la classe des verbes. Cette
solution a été adoptée par S. Karcevski, I. Evseev, V. G. Gak, C. Fuchs [4; 2; 3; 5] et d’autres. P.
Charaudeau considère qu’on ne peut mettre un signe d’égalité entre la catégorie formelle des verbes
et la classe conceptuelle de processus le processus étant une classe conceptuelle qui décrit ce qui
survient dans l’univers, ce qui se produit dans le temps et ce qui modifie un état des choses » [1, p.
19].
Expliquant la notion de procès, A. Lipsky affirme que cette notion « renvoie à des entités qui,
douées d’une durée interne, doivent se situer dans le temps, ce qui expliquerait aussi, au moins pour
les langues indo-européennes, l’association (nécessaire) du verbe avec des morphèmes de temps et
d'aspect » [6, p. 268]. Une autre solution pour le problème d’une définition sémantique de la classe
des verbes serait celle qui range le procès parmi les concepts d’état et d’événement. Par exemple,
A. Mourelatos, O. N. Seliverstova [7; 8] opposent la catégorie sémantique de procès à celle d’état
en base du sème [+ dynamique] et/ou à celle d’événement en base du sème [+ duratif].
Donc, deux solutions se sont cristallisées :
1) considérer le concept de procès comme un hiperonyme, comme une dominante sémantique
de n’importe quel verbe;
2) identifier le concept de procès uniquement en base du sème [+ dinamic] et/ou [+ duratif] qui
permettent de grouper les verbes dans une classe sémantique et/ou d’unir dans une classe
conceptuelle les verbes, les substantifs, les adjectifs contenant les sèmes mentionnés dans leur
formule sémique.
Pour les adeptes de la deuxième solution une série de problèmes s’imposent de nouveau. Vu le
fait que la définition sématique propose plusieurs concepts, les problèmes qui apparaissent tiennent
des critères de classification sématique des verbes et notamment:
a) la nature des critères à appliquer (aspectuels et/ou participatifs) ;
b) le nombres des critères, leur définition ;
c) le statut des sèmes (propriétés internes, qui tiennent du sémantisme interne du verbe et/ou
des construits de l’actualisation) ;
d) la pertinence des oppositions dichotomiques.
Quant à la nature des critères pris en compte à une classification sémantique, elle peut être
aspectuelle ou participative.
Les critères aspectuels tiennent du champ sémantico-fonctionnel de l’aspectualité
(l’aspectualité étant un signe sémantique catégoriel qui se rapporte au caractère du développement
et de la distribution [11, p. 40] d’un procès) :
La catégorie de l’aspect se concrétise dans les sèmes suivants: [+/- dynamique], [+/- limité], [+/-
duratif], [+/- résultat], etc.
Comme exemple de classification aspectuelle peut servir celle proposée par A. Mourelatos.
Situations: états
occurrences: procès
événements: développements
occurrences ponctuelles [7, p. 423]
Les quatre classes terminales sont obtenues en base des critères aspectuels suivants: (+/-
dynamique), (+/- duratif), (+/- limité).
Les critères participatifs (ou agentifs, selon C. Fuchs) représentent les rôles des participants au
procès qui sont reflétés par les sèmes [+/- agentif], [+/- contrôle] [+/- humain] [+/- cause], (+/-
responsabilité), etc.
Si la délimitation des ctitères en aspectuels et participatifs est plus ou moins aisée, une
classification des verbes purement aspectuelle ou purement participative n’est pas tout à fait
possible de réaliser. Dans la classification de A. Mourelatos, présentée ci-dessus, la manifestation
du sème aspectuel [+/- limité] peut dépendre de la présence d’un objet.
J. François constate qu’ « aujourd’hui l’indissociabilité du caractère aspectuel et des propriétés
participatives des prédications verbales n’est plus un sujet de controverse » [9, p. 120].
En classant les verbes, P. Charaudeau insiste sur les critères participatifs. Dans sa classification
sémantique, suite à l’application du critère participatif [+/- responsabilité] deux classes sont
obtenues: les faits [- responsabilité], les actions [+ responsabilité].
Comme exemple de classification aspectuelle-participative on pourrait citer celle proposée par
J. François. Le linguiste mentionné applique deux critères aspectuels [+/- dynamique] et [+/-
transitionnel] et deux participatifs [+/- agentif] et [+/- causatif].
Procès: - dynamique ETAT
+ dynamique EVENEMENT: - agentif: - causatif PROCES
+ causatif CAUSATION
+ agentif: - transitionnel ACTIVITE
+ transitionnel ACTION [9, p. 137].
Quant au nombre et à la définition des critères on peut constater l’existence des problèmes liés
au manque de classification basée sur des critères reconus par tout les linguistes. Si les termes qu’on
applique aux critères coïncident, alors le contenu que chaque linguiste y met est différent, même
contradictoire parfois. Nous pouvons mentionner, dans ce contexte, les interprétations de T. V.
Bulâghina qui considère qu’une situation peut être qualifiée ”dynamique”, si elle est liée à l’idée
d’un potentiel changement [8, p. 17], tandis que J. François affirme qu’une situation dans laquelle
s’attend un changement qui ne se produit pas ne peut pas être “dynamique” [9, p. 136].
L’explication des contradictions entre les interprétations citées peut être éclaircie si l’on
mentionne que J. François propose deux critères distincts [+/- dynamique] et [+/- changement],
donc on peut obtenir une combinaison de critères: [+ dynamique], [- changement] ce qui, selon J.
François, constitue la configuration sémantique de la classe « état dynamique » (par ex.: dormir).
La définition des critères sémantiques se fait souvent intuitivement, variant en fonction du
nombre de ceux-ci et de leur hiérarchie.
Un autre problème signalé par C. Fuchs consiste dans le manque de délimitation nette entre le
niveau linguistique de celui extralinguistique. Bien qu’il semble incontestable que les classifications
sémantiques ont comme objet le produit de la conceptualisation de la réalité extralinguistique (la
prédication (verbe fini <ou équivalent fonctionnel>, contexte) est le corrélatif linguistique d’une
conceptualisation du procès [5, p. 22]) les confusions teminologiques sont maintenues à cause du
fait que les linguistes opèrent avec les termes empruntés à l’ontologie: procès, événement, état,
relation, transformation, etc. à la description des représentations linguistiques.
A tous les trois niveaux ci-dessous on trouve les mêmes termes.
a) ontique (fénoménologique / référentiel / dénoté);
b) cognitif des opérations conceptuelles:
- des représentations cognitives;
- des représentations conceptuelles, organisées en prédicats et arguments représentation
sémantique (structures de base où tous les éléments du niveau syntaxique ont leur place);
c) des formes et des opérations linguistiques (de la réalisation des représentations sémantiques
sous différentes formes).
Vu le manque de délimitation nette des termes en dépendance du niveau, les ambiguités des
classifications persistent
La hiérarchie des critères ne pose pas de graves problèmes. En choisissant quelques critères, on
pourrait en modifier la hiérarchie, les formules sémiques des classes finales resteraient les mêmes.
Avec trois critères [+/- dynamique], [+/- limité], [+/- duratif] on peut obtenir trois hiérarchies dont
les classes finales seront les mêmes:
A. [-] dynamique [+] B. [-] ponctuel [+]
[-] limité [+] [-] limité [+]
[-] ponctuel [+] [-] dynamique [+]
A B C1 C2 A B C1 C2
C. [-] limité [+]
[-] dynamique [+] [-] ponctuel [+]
A B C1 C2 [5, p. 13]
classe A: [- dynamique];
classe B: [+ dynamique], [- limité] ;
classe C1 : [+ dynamique], [+ limité], [- ponctuel] ;
classe C2: [+ dynamique], [+ limité], [+ ponctuel]..
Le problème du statut des sèmes a trois solutions possibles:
- les sèmes sont internes inhérents au lexème verbal;
- le lexème verbal possède des sèmes internes qui peuvent se modifier pendant
l’actualisation ;
- les sèmes sont des conctruits de l’actualisation du lexème verbal.
Abordant la classification sémantique des verbes, les linguistes ont rejeté depuis longtemps la
première solution; c’est-à-dire le lexème verbal dans un contexte peut actualiser des sèmes
différents. Par exemples:
Je tourne la page action-point
La terre tourne action-ligne [exemples de C. Fuchs]
V. G. Gak accepte la deuxième solution qui ne nie pas le sémantisme interne du verbe, mais
prend en compte le contexte soit minimal (verbe + environnement actanciel) soit celui plus élargi
(verbe + environnement circonstanciel, aspectuel, actanciel, etc.) Par exemple :
il écrit non limité ;
il a écrit une lettre limité.
En adoptant cette position on peut donner le type de verbe uniquement employé dans une
prédication (modèle prédicatif), tant les sèmes aspectuels que ceux participatifs étant des catégories
de nature sémantico-grammaticale.
A. Lipsky semble adhérer à la IIIe solution et propose de considérer tous les sèmes comme des
construits de l’actualisation : « les catégories de « dynamisme » et de « statisme »ne peuvent
renvoyer qu’à des construits du discours, et qu’il ne faut donc les étudier que par rapport qu verbe
actualisé » [6, p. 273].
Vu le désavantage des oppositions binaires (elles présentent un trait comme totalement présent
ou absent) reconnu par la majorité des linguistes, quelques linguistes considèrent que ce type
d’analyse n’est pas pertinent pour la classification sémantique des verbes. Par exemple, Iu. S.
Stepanov affirme que le concept de procès ne peut être ni opposé ni comparé à aucun autre, quel
que soit le critère proposé [10, p. 136-137].
Nous avons essayé de présenter quelques des problèmes théoriques visant la classification
sémantique des verbes, mais nous en trouverons davantage à une approche pratique.
Références bibliographiques :
1. Charaudeau P. Grammaire du sens et de la signification. Paris: Hachette, 1992.
2. Evseev I. Semantica verbului. Timişoara: Facla, 1974.
3. Gak V. G. Теоrеticeskaia grammatika franţuzskogo iazâka. Morfologhia. Моskva: Vâsşaia
şkola, 1981.
4. Karcevski S. L’idée du progrès dans la langue russe // Cahiers F. de Saussure 14 (1956).
5. Les typologies de procès / Publié par C. Fuchs. Paris: Klincksieck, 1991.
6. Lipsky A. Définition du verbe et type de procès // Les classes de mots. Traduction et
perspective. Lyon: PUL, 1994.
7. Mourelatos A. Process, Events and States // Linguistics and Philosophy, 1978, V. 2, No. 3.
8. Semanticeskie tipî predikatov. Моskva: Nаuка, 1982.
9. Sémantique linguistique et psychologie cognitive. Aspects théoriques et expérimentaux. Paris:
Grenoble, Presses Universiitaires de Grenoble, 1997.
10. Stepanov Iu. S. V trehmernom prostranstve iazâka. Moskva: Nauka, 1985.
11. Teoria funcţionalinoi grammatiki. – Leningrad: Nаuka, 1987.
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