Cours 1 Géographie historique et culturelle du monde musulman

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Master 2 CPP, semestre 1 M. Cariou (Mondialisation)
« Géographie historique et culturelle du monde musulman »
Des questionnements connus, une approche géographique :
Aujourd’hui : liens géographiques entre expansion Islam et milieu géographique
Puis :
- le fait urbain (villes / urbanisation) dans le monde musulman témoigne-t-il d’une
spécificité ?
- les campagnes du monde musulman sont-elles spécifiques ?
- l’eau en milieux urbain et rural
See Atlas (Dumortier notamment) pour les révisions
Le 07.11.2007 Séance 1
La signification géographique de l’aire d’extension du monde musulman :
Y a-t-il une spécificité géographique (caractéristiques physiques, humaines) de l’aire musulmane ?
Sommaire :
1. La première expansion de l’Islam (belliqueuse) : le cœur du monde musulman aride
a. Le cadre géographique : le domaine aride ?
b. La première expansion de l’Islam
c. Une expansion liée au caractère guerrier de l’Islam (nomades et dromadaire)
d. Conséquence géographique : maîtrise du domaine aride de l’Ancien Monde
2. La deuxième expansion de l’Islam (pacifique) : un élargissement par le commerce
a. Un Islam marchand (routes terrestres et maritimes)
b. L’Islam africain ou Islam noir
c. L’Islam malais (Asie du Sud-Est, Indonésie)
d. L’Islam centrasiatique (Turco-Mongols)
e. L’Islam du sous-continent indien
3. La troisième expansion de l’Islam : les diasporas musulmanes à travers le monde
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De nombreux islamologues et géographes ont écrit : « l’Islam, c’est le désert ». C’est vrai,
coïncidence entre Islam et milieu aride, mais bien évidemment insuffisant pour comprendre
l’aire d’extension du monde musulman.
L’extension de l’Islam est un phénomène historique (plusieurs étapes) ; mais aussi des
facteurs géographiques qu’est-ce qui a pu favoriser ou freiner l’expansion de l’Islam ?
Sans tomber dans le déterminisme, données physiques importantes (aussi pour expliquer les
minorités …).
1. La première expansion de l’Islam : le cœur du monde musulman aride
a. Le cadre géographique : le domaine aride ?
Confrontation des cartes du monde musulman et des zones arides dans le monde (1) :
forte corrélation (surtout pour foyer historique) entre aires musulmanes et zones aride
et extrêmement aride. Exceptions : l’Asie du Sud-Est et en particulier l’Indonésie, alors
qu’elle est le 1er Etat musulman du monde, est en plein domaine intertropical humide !
Aire d’extension de l’Islam : de l’Afrique (du Nord) à la Chine. Espace souvent qualifié de
« continent intermédiaire », car c’est une espèce de carrefour qui associe l’Extrême-
Orient et l’Afrique Noire. Cette grande « diagonale aride » est composée de déserts et
de zones steppiques (chauds et froids): du Sahara occidental jusqu’aux déserts de Chine
(de Taklamakan et de Gobie), en passant par le plateau anatolien turc (étendue
steppique qui se poursuit jusqu’en Mongolie), les déserts du Lut, du Thar (Pakistan), Kara
Koum et Kyzyrm ( ??) Koum (Turkménistan).
Remarque aussi : l’Islam est dans la Péninsule Arabique désertique, entre Médine et
La Mecque (mais c’est pas une spécificité musulmane, car c’est le cas du judaïsme, du
christianisme et du bouddhisme aussi).
b. La première expansion de l’Islam : en un siècle après 622, l’Islam a conquis un espace
très vaste, de l’Atlantique aux confins chinois (remarque, le mot « conquête » est à
mettre entre guillemets). Les pointes extrêmes de l’avancée de l’Islam sont Poitiers (732)
et Talas en Orient (bataille de Talas en 751). Un espace résiste aux cavaliers de l’Islam
néanmoins : l’Empire byzantin (Anatolie, Grèce) jusqu’au XVème siècle.
Cette expansion de l’Islam représente un bouleversement considérable de la
géographie mondiale.
Les raisons d’une expansion si rapide ?
- Les historiens ont bien souligné les faiblesses de l’Occident chrétien, dans une phase
de déclin après le déclin de l’Empire romain et les invasions barbares, d’où facile
emprise de l’Islam. L’Empire byzantin était lui affaibli par ses incessants combats
avec l’Empire perse (grande diversité de religion avant qu’il ne devienne
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musulman), si bien que les cavaliers musulmans progressent très rapidement sur le
plateau iranien et en font la conquête.
- Supériorité militaire, qui fait des miracles particulièrement dans les domaines
désertiques et steppiques.
c. Une expansion liée au caractère guerrier de l’Islam
L’Islam est dans les oasis et dans le cadre urbain des cités caravanières de l’Arabie :
il est de la volonté des marchands (rigoristes) des cités du plateau du Hedjaz qui
vivent du commerce caravanier entre le Sud de la Péninsule Arabique (encens, myrrhe,
grains, parfums) et le Croissant Fertile.
Mais si l’Islam est en milieu urbain du fait des marchands du Hedjaz, son expansion
est le fait des nomades, dans le désert arabique.
Dans cette région, deux mondes (sédentaires / nomades) se superposent et souvent
sont en conflits (antagonismes économiques, oppositions culturelles).
Comment vivent les tribus nomades au VIIème siècle ? (ère de l’Hégire) Quelles sont
les raisons de leur expansion ? (facteurs liés au genre de vie + démographie)
- La réponse des hommes au caractère aride du milieu est la mobilité : se
déplacer pour trouver des ressources, celles des pâturages (élevage d’ovins
moutons, chèvres et de dromadaires). Ces déplacements sur de très longues
distances (grandes migrations, jusqu’à mille kilomètres) se font grâce au
dromadaire (animal à une bosse qui vit dans un domaine biogéographique
chaud), qui confère aux nomades une capacité d’expansion extraordinaire
(résistance à l’absence d’eau et à la longueur des déplacements, poils, etc).
- Le dromadaire a aussi un rôle dans la guerre. En effet, les sociétés nomades
n’adaptent pas le milieu ; ce sont elles qui s’adaptent aux ressources du milieu ;
dès lors, si le milieu est déséquilibré (longue période de sécheresse), les
populations le sont aussi (famine, mortalité) = précari. Une des solutions face
à cette précarité, ce sont les rezzous = des raids pour aller voler chez les tribus
voisines ou les cités caravanières (voire les caravanes elles-mêmes), pour
s’enrichir mais avant tout pour survivre (céréales, butin). Donc les tribus sont
toujours en querelle entre elles (rezzous et vendettas) : sociétés claniques
marquées par une instabilité politique et sociale permanente.
- La capacité d’expansion des tribus nomades est également liée au cheval,
ménagé (car pas monté) et utilisé au dernier moment (galops d’attaque).
- Autre facteur : leur vitalité démographique, liée à la salubrité de la vie nomade
l’abri des épidémies, etc). Le trop-plein démographique pousse les
populations nomades à conquérir d’autres espaces.
Motivations de l’expansion :
- Motifs économiques : la guerre sainte proposée par l’Islam propose aux
nomades de conquérir de nouveaux espaces (nouvelles ressources et butins
fructueux).
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- Motifs politiques : le successeur de Mahomet a engagé les nomades dans la
guerre sainte en pensant les éloigner de l’Arabie, la pacifiant (plus de conflits
tribaux et de razzias dans les cités caravanières).
- Motifs religieux bien évidemment (volonté de l’Islam de devenir une religion
universelle).
d. Conséquences géographiques : maîtrise du domaine aride de l’Ancien monde
Les tribus nomades ont donc été le vecteur de l’expansion de l’Islam. Pourquoi /
comment ont-elles été contrôlées par les sédentaires ? Ces derniers ont offert aux
nomades une nouvelle idéologie, une nouvelle place dans la société (davantage de
reconnaissance remarque : encore aujourd’hui, sont considérés comme des musulmans
« de seconde classe », accusés de syncrétisme …).
Les cavaliers d’Allah, anciens nomades, se déplacent très facilement dans un monde
aride dont ils maîtrisent tous les paramètres. Par contre, cette progression rapide
s’arrête lorsqu’ils changent de milieu bioclimatique.
- Facteur technique : leur expansion reposant sur le dromadaire, elle est freinée
voire empêchée en dehors du domaine aride, car le dromadaire ne résiste pas
aux autres milieux bioclimatiques (où il dépérit car les ressources végétales sont
différentes et le climat plus chaud et/ou humide). Exemples de « barrières »
bioclimatiques à l’expansion musulmane : bords de la Caspienne (boisés), Sahel
(maladie du sommeil).
- Facteur humain : problème dans les espaces plus humides les densités
humaines sont plus importantes lorsque les nomades se déplacent en groupes
tribaux de 5000 à 20 000 individus. Exemple : en Andalousie pas de problème ;
par contre vers le Nord ( Catalogne) difficultés et pas d’implantation durable.
- Facteur psychologique : paysage différent > perception de l’espace perturbée
(péjorative), perçu comme une menace en lui-même = sentiment d’insécurité.
Ainsi, dans les espaces boisés, la vue n’est pas dégagée = on ne peut pas voir les
ennemis arriver ni faire paître les animaux sans risquer de les perdre …. Les
montagnes (elles aussi boisées en général) ont pu constituer des obstacles dans
l’expansion de l’Islam.
2. La deuxième expansion de l’Islam (pacifique) : un élargissement par le commerce
a. Un Islam marchand (l’Islam « de seconde expansion »)
Cette seconde expansion de l’Islam, qui a lieu entre le Xème et le XVème siècle, se fait
par le contrôle des routes maritimes (lire L’Islam de Dakar à Jakarta) : période d’apogée
du monde musulman, liée à un rayonnement culturel et commercial. En effet, le monde
musulman est le seul à faire circuler l’or et les esclaves du Soudan, la soie et les épices de
l’Extrême-Orient, l’ivoire et l’ébène de l’Afrique noire Le monde musulman devient
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donc un espace carrefour qui permet un échange entre Europe/Extrême-
Orient/Méditerranée/Afrique, un espace de transit à la fois terrestre et maritime.
L’expansion de l’Islam permet donc la multiplication des routes à la fois terrestres et
maritimes. Elle donne naissance à toute une société commerçante : dans les ports, sur les
routes commerciales (route de la soie ; route des épices et porcelaines ; route des
esclaves transsaharienne ; route de l’ébène et de l’ivoire), les pistes et cités caravanières.
voir carte « Les routes de la soie » (2)
Comment progresse l’Islam dans ces espaces liés au commerce ?
- Par le biais des commerçants musulmans s’installent dans les ports et cités
commerçants et le long des routes.
- Mais aussi par la conversion de populations autochtones. En effet, l’Islam marchand
sert de ciment à une nouvelle société / sociabilité / identité commune,
marchande ; un ciment entre marchands et populations autochtones : on prie un
même Dieu, on vit selon le même calendrier, on fait du commerce selon des
références juridiques musulmanes communes, quelque soit le lieu l’on se
trouve. Si on adhère à l’Islam, on fait partie d’un réseau social, une même
communauté, avec des références économiques, religieuses, sociales, juridiques
communes. Cela peut être le moyen pour les populations autochtones de
s’émanciper de sociétés locales à l’emprise très forte. C’est le cas notamment en
Indonésie, où l’Islam propose une réalisation de l’individu par le biais du commerce
(forme d’émancipation liée à l’émergence d’une société commerçante et
bourgeoise), en rupture avec la société locale collective et coutumière.
b. L’Islam africain ou l’Islam noir (voir carte 3)
L’Islam, dans sa progression vers le Sud en Afrique, semble contenu par le domaine
sahélien = zone biogéographique de contact entre le Sahel (steppe) et le domaine
soudanien (savane arborée voire forêt claire). De plus, dans ce domaine soudanien, on a
des sociétés largement animistes et farouchement attachées à leurs valeurs
traditionnelles (comme le culte des ancêtres). Remarque : « Sahel » = mot arabe qui
signifie « rivage ».
L’Islam progresse dans l’espace saharien par le biais de cités caravanières
commerçaient des musulmans. Diffusion langue, littérature, savoir-faire techniques
(irrigation), architecture. Populations autochtones se convertissent, mais très peu les
populations agricoles.
On y observe au XIXème siècle un renouveau de l’Islam par les groupes tribaux de
pasteurs autochtones (Peuls) qui voient dans l’Islam un facteur d’unification et de
libération face aux sédentaires, vus comme des souverains et des païens. Cet Islam
connaît un certain échec car il est extrêmement fractionné en une multitude de
« sectes », en querelle permanente sur les doctrines religieuses, et car son élan est brisé
par la colonisation.
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