la france de 2012 a-t-elle encore une identité géographique

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Mercredi 25 janvier 2012, Université de Toulouse II-Le Mirail,
LA FRANCE DE 2012 A-T-ELLE ENCORE UNE IDENTITÉ GÉOGRAPHIQUE ?
par Armand Frémont
Cette manifestation a été co-organisée par le Conseil scientifique de l’Université Toulouse
II Le Mirail et l’association des cafés géographique de Toulouse. Avec la participation de
Bernard Charléry de la Masselière et de Robert Marconis
Introduction par Bernard Charléry de la Masselière :
La géographie a contribué à créer une « identité » à la France et les politiques utilisent
souvent ce terme avec des références anachroniques. « L’identité » de la France est un objet
obscur. Aujourd’hui la solidarité ne s’applique plus sur le territoire national qui se définit
autrement : des frontières nouvelles se dessinent, les enjeux sont planétaires et variables. Il
faut donc réinterroger le territoire, le réinventer.
Qu’est-ce que la France d’un point de vue géographique ? Au-delà des crispations
nationalistes peut-on renouveler notre image de ce qu’est la France ?
Armand Frémont :
Armand Frémont répond que cette question s’inscrit dans la problématique sur l’identité de
la France. L’identité géographique de la France c’est, peut-on dire, l’identité territoriale de
la France. Le géographe est amené à réfléchir globalement à l’identité de la France : un
territoire s’exerce une autorité inhérente à une identité plus vaste, celle de ceux qui y
vivent.
Il annonce un plan en deux parties : Oui, il y a identité de la France et Non, il n’y en a pas.
Pourquoi ? Il poursuit sa réflexion par trois références :
- 1er : Il fait référence aux nouveaux programmes du secondaire et à la réplique de Knafou
dans le Monde qui a montré combien il était critiquable de diminuer en 1ere la part accordée
à la France pour la connaissance du territoire.
- 2eme : Sa lecture récente de l’ouvrage de Jean-Christophe Bailly Le dépaysement, voyage en
France, qui vient après une longue série de voyages littéraires en France comme ceux de
Stendhal, lui a donné une vision plus sensible, plus pointilliste, plus impressionniste du
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territoire. Jean-Christophe Bailly prend des points, des bâtiments. A Toulouse, il s’arrête sur
un pont sur la Garonne. Il a voulu dire quelque chose sur la France par une série de touches.
- 3eme: Il fait référence ensuite à son livre Portrait de la France dans lequel il y a une partie de la
réponse à notre problématique. C’est un portrait de la France car elle a une certaine identité.
1- Oui, il existe une forte identité géoqraphique de la France
Cette forte identité est faite de différentes composantes =
Sa forme, un « Hexagone », lui est propre, elle est réputée pour une certaine harmonie ; elle est
directement reconnaissable. Fruit d’une histoire, elle a été construite. Depuis 2 siècles, à quelques
départements près, elle a une certaine constance, une certaine stabilité.
L’Hexagone a des traits liés à l’histoire, à sa population, il a une matérialité ; il a des qualités (au
sens d’originalité, de spécificité). L’une d’elles est d’être un territoire très centralisé ; il y a peu de
pays en Europe occidentale qui soient aussi centralisés avec une capitale autour de laquelle tout a
gravité. (Centralisation forte depuis au moins la Révolution française).
Le paradoxe c’est que cette France a le record européen, voire mondial, de l’extrême division
administrative communale (les 36 000 communes). Les autres pays européens ont fait des réformes,
des regroupements. La France du général de Gaulle et celle de Pompidou n’ont pas pu. Dans les
années 90, on a créé des communautés urbaines et des communautés de communes pour les
regrouper mais on tient toujours aux communes.
Cette France a une image qui s’est formée peu à peu. Elle a atteint son apogée avec l’école de la IIIe
République. Peu de pays au monde ont une telle continuité dans l’enseignement de la géographie
jusqu’à une époque récente. A l’école primaire, il y a géographie de la France. Au collège, on la
retrouve en 3eme puis, au lycée, en 1ere. La géographie de la France est également présente au
programme des concours (CAPES AGREG). Ni les Etats-Unis, ni l’Allemagne, ni le Royaume-Uni
n’alignent un tel palmarès qui forme une image. 60 millions de personnes s’identifient à l’image des
quatre fleuves, des départements, des frontières « naturelles ». L’imagerie scolaire a fixé cette image
issue de la IIIe République, poursuivie presque jusqu’à maintenant. Cette unité est complexe, elle
relève du rôle de l’Etat et du rôle des individus. Grâce à Vidal de La Blache la géographie de la
France a été apprise par des millions de jeunes.
Il existe, donc, bien une identité territoriale française.
II Non, l’identité géographique a été ébranlée
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On peut considérer que l’identité géographique a été ébranlée par divers éléments :
Le Monde est présent partout maintenant. La mondialisation, la mobilité, la révolution informatique,
transforment le rapport espace temps, figé auparavant, et bouleversent l’identité de la France. La
révolution de l’Internet fait que nous sommes ici et ailleurs ; la mobilité mondiale de la population
se joue des frontières y compris des frontières de la France. Cette mobilité est reconnue par le
phénomène de l’immigration (phénomène connu, discuté). Les flux touristiques de grande ampleur,
sans précédent en France et hors de France, bouleversent notre identité géographique : la moitié des
Français partent en vacances, beaucoup vont à l’étranger ils se sentent chez eux, reviennent dans
des mêmes lieux (ce n’est plus alors l’étranger). Inversement, les touristes viennent en France qui est
le premier pays touristique du monde ; à Paris, l’anglais est la langue mondiale chez certains
commerçants. La France a un million de ressortissants qui habitent à l’étranger, c’est un enjeu
politique puisqu’ils sont nombreux en Amérique du Nord, en Afrique et en Europe (pour la moitié
d’entre eux). Les mariages mixtes sont nombreux .
Dans la discussion Armand Frémont ajoute le rôle des firmes multinationales qui peuvent devenir
plus puissantes que l’Etat.
L’Europe : La frontière n’est plus une frontière du contrôle, elle n’est plus la frontière
économique. Il y a des régions transfrontalières très vivantes (Ain, Haute-Savoie, Lorraine).
La Lorraine a été sauvée du désastre social par les transfrontaliers qui travaillent au
Luxembourg ou dans la Sarre. Les frontières sont donc perméables, très ébranlées.
L’Europe a mis côte à côte des nationalismes antagonistes la France s’est affirmée
pendant des siècles face à deux grands adversaires : Angleterre jusqu’à la Révolution
française, Allemagne des trois dernières guerres. On n’a plus d’adversaire, on ne se dispute
plus sur la Manche, le Rhin ou les Pyrénées. Mais on se sent moins soi-même…
La Région : L’identité territoriale est remise en cause par la Région, par le régionalisme.
L’Europe a une politique des régions qui passe par-dessus les Etats. La Région, avec ses
différents statuts peut être un facteur de division. Pendant longtemps, toute entité territoriale
avait le même statut or il existe des exceptions comme la Corse qui a un statut particulier.
L’Alsace et la Moselle en avaient déjà un avec le Concordat. Les TOM et DOM ont un
statut particulier par rapport à la métropole. Ainsi la rupture se crée avec la notion d’unité
nationale.
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La question post-coloniale dans la France contemporaine. Il y a un non-dit dans le
discours précédent car aucune allusion n’a été faite sur la France puissance coloniale avec
un territoire qui débordait de l’Hexagone Cette image était véhiculée dans les atlas
scolaires. Il y avait la France de la métropole et les colonies aux différents statuts. Après
l’indépendance, la France a souhaité maintenir des liens avec la France-Afrique. Aujourd’hui ces
liens se retrouvent dans le traitement de l’immigration dont la partie majoritaire est originaire des
anciennes colonies.
Conclusion
Ainsi il existe bien une identité géographique de la France mais tous les éléments d’ébranlement
sont de plus en plus marqués. La géographie est complexe car on ne peut plus dire « le territoire
bien connu de la France » ; il est plus divers avec l’emboîtement des strates historiques et sa
lisibilité est difficile, on peut parler d’une « identité post-moderne de la France» beaucoup plus que
d’une « identité cartésienne » née de la République française.
Question/réflexion de Robert Marconis
Robert Marconis rappelle qu’Armand Frémont privilégie l’entrée par la société, par le vécu
pour étudier les territoires (cf Kayser), et il cite son ouvrage La Région, espace vécu, paru en
1976.
La France a une « identité historique » qui s’est faite sous la contrainte car il s’agissait de
réunir des populations qui n’étaient pas disposée à vivre ensemble. Une des premières
contraintes a été d’imposer une seule langue par l’édit de Villers-Cotteret en 1539. Il y eut
également contrainte et répression lors des luttes révolutionnaires.
Peu à peu, le territoire s’organisa et le désir de vivre ensemble avec des gles de vie
communes apparut. On créa de la solidarité, un service public pour tous. Par exemple :
- au XIXe siècle, les chemins de fer, partant de Paris, desservent toutes les préfectures et les
sous-préfectures dans un souci d’égalité républicaine.
- sous la IIIe République, la volonté de faire adhérer le citoyen à la construction de
l’Hexagone se marque par la création de nombreuses écoles.
- Pour apporter le courrier dans tous les coins de l’Hexagone les lettres timbrées au même
prix sont acheminées quelle que soit la distance parcourue par la lettre.
- A la Libération, l’électricité est devenue un service public au même prix quel que soit le
lieu où l’on se trouve.
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Ainsi il y a une volonté politique de traiter tous les Français de la même façon qui traverse les
régimes avec création de solidarités sociales et territoriales. La présence de ces services publics
est un élément qui frappe les étrangers qui s’installent en France.
Au nom de la mondialisation ce modèle social est abandonné ; n’est-on pas en train de
« détricoter » cette identité ? On assiste à la suppression des services publics, à la fracture
ferroviaire (on ne paye plus le même prix par kilomètre) à celle du courrier. L’identité
territoriale se dilue, crée des fractures qui font reculer l’idée de solidarité entre les individus.
L’affaiblissement de l’Etat centralisé compromet l’identité territoriale. Dans les années
1880 le choix a été fait de verrouiller les frontières et d’imposer des droits de douane. Ce choix
a eu des conséquences. Aujourd’hui, on observe des fractures sociales et territoriales : il n’y a
plus de références à ces points. Aujourd’hui, les français n’ont-ils pas renoncé à « faire la
France » ?
Réponse A. Frémont :
Il apporte quelques nuances :
La politique territoriale de service public marque une certaine identité du territoire national
depuis 3 siècles mais on n’a pas réussi à développer harmonieusement le phénomène
d’industrialisation et des disparités dans la distribution des emplois sont apparues.
Pour 2ème partie du développement, A. Frémont rappelle qu’il a oublié de souligner les
entreprises « nouveau style » donc les FMN. Qu’elles aient un siège social en France ou non,
elles peuvent devenir aussi puissantes que des Etats. Cela peut dépasser un raisonnement à
l’échelle nationale. Une partie de la population devient internationale chez les cadres. Quand
ces sociétés multinationales deviennent purement financières, elles sont libérées de tout
espace. Il faut y réfléchir et voir comment répondre aux problèmes que cela pose. La
« déterritorialisation des actions » est l’amorce d’une nouvelle géographie mondiale, d’un
univers nouveau.
Questions amphi
Réflexions de Guy Jalabert :
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