Etude documentaire ; les mémoires de la 2GM Proposition 1ère étape ; étude documentaire en préparation du cours -doc 1 ; extraits du discours de de Gaulle à Bayeux (juin 1946) (…)Le salut (…) vint, d'abord, d'une élite, spontanément jaillie des profondeurs de la nation et qui, bien au-dessus de toute préoccupation de parti ou de classe, se dévoua au combat pour la libération, la grandeur et la rénovation de la France. Sentiment de sa supériorité morale, conscience d'exercer une sorte de sacerdoce du sacrifice et de l'exemple, passion du risque et de l'entreprise, mépris des agitations, prétentions, surenchères, confiance souveraine en la force et en la ruse de sa puissante conjuration aussi bien qu'en la victoire et en l'avenir de la patrie, telle fut la psychologie de cette élite partie de rien et qui, malgré de lourdes pertes, devait entraîner derrière elle tout l'Empire et toute la France. Elle n'y eût point, cependant, réussi sans l'assentiment de l'immense masse française. Celleci, en effet, dans sa volonté instinctive de survivre et de triompher, n'avait jamais vu dans le désastre de 1940 qu'une péripétie de la guerre mondiale où la France servait d'avant-garde. Si beaucoup se plièrent, par force, aux circonstances, le nombre de ceux qui les acceptèrent dans leur esprit et dans leur coeur fut littéralement infime. Jamais la France ne crut que l'ennemi ne fût point l'ennemi et que le salut fût ailleurs que du côté des armes de la liberté. A mesure que se déchiraient les voiles, le sentiment profond du pays se faisait jour dans sa réalité. Partout où paraissait la croix de Lorraine s'écroulait l'échafaudage d'une autorité qui n'était que fictive, bien qu'elle fût, en apparence, constitutionnellement fondée. Tant il est vrai que les pouvoirs publics ne valent, en fait et en droit, que s'ils s'accordent avec l'intérêt supérieur du pays, s'ils reposent sur l'adhésion confiante des citoyens. En matière d'institutions, bâtir sur autre chose, ce serait bâtir sur du sable. Ce serait risquer de voir l'édifice crouler une fois de plus à l'occasion d'une de ces crises auxquelles, par la nature des choses, notre pays se trouve si souvent exposé. Commentaire ; ce discours marque la fondation d’une mémoire nationale Cette mémoire est sélective et unanimiste ; elle vise pour rétablir la légalité républicaine, gommer l’illégitimité de l’Etat français en procédant à une occultation de Vichy. Il est dans le prolongement du discours de l’Hôtel de Ville du 25 août 1944. -doc 2 : extraits de Robert Aron fondant les deux Vichy Histoire de Vichy, 1954. Commentaire : c’est une mémoire qui réhabilite .Vichy peut encore être réhabilité car on refuse de voir les implications de la collaboration, non que les témoins ne parlent pas (Cf S.Veil) mais parce que la société n’est pas réceptive à cette mémoire. « L’honneur qu’allègue le maréchal Pétain, c’est l’honneur d’un gouvernement qui a su maintenir les données de son indépendance et protège les populations ; en un mot, c’est l’honneur civique. Celui qu’invoque le générale de Gaulle, c’est l’honneur militaire pour qui s’avouer vaincu est toujours infamant. De ces honneurs, il se peut que l’un soit plus impérieux, plus instinctif, plus spontané. L’autre existe, sur un mode sans doute moins éclatant, mais il est pourtant réel. Le premier correspondait à l’aventure exaltante, mais d’apparence désespérée, dont Charles de Gaulle est l’annonciateur. Le second à l’épreuve lente et douloureuse dont Philippe Pétain ne prévoyait ni la durée ni la fin. Tous deus étaient également nécessaires à la France. Selon le mot que l’on prêtera à Pétain et à de Gaulle : « le Maréchal était le bouclier, le Général l’épée ». R.Aron ajoute plus loin « Ainsi Montoire ne peut être apprécié seulement comme un acte politique ; son aspect psychologique et humain est peut-être l’essentiel. Ni « Verdun diplomatique », puisqu’il n’a pas suffi à arrêter la pression des occupants, ni acte de trahison, puisqu’en fait le Maréchal s’y est rendu pour protéger les Français, cette entrevue a causé une des équivoques les plus graves qu’ait connues notre pays, une des atteintes les plus profondes qu’ait subies son unité » Olivier Golliard Lycée Jules Ferry Conflans ste Honorine -doc 3 ; extraits du discours d’André Malraux (19 décembre 1964) lors de la panthéonisation de J.Moulin. Commentaire : réconciliation des mémoires résistantes après prévalence de la mémoire gaulliste – utilisation politique de la mémoire. « Monsieur le président de la République, Voilà donc plus de vingt ans que Jean Moulin partit, par un temps de décembre sans doute semblable à celui-ci, pour être parachuté sur la terre de Provence, et devenir le chef d'un peuple de la nuit. Sans la cérémonie d'aujourd'hui, combien d'enfants de France sauraient son nom ? Il ne le retrouva lui-même que pour être tué ; et depuis, sont nés seize millions d'enfants.(…)Puissent les commémorations des deux guerres s'achever par la résurrection du peuple d'ombres que cet homme anima, qu'il symbolise, et qu'il fait entrer ici comme une humble garde solennelle autour de son corps de mort. Après vingt ans, la Résistance est devenue un monde de limbes où la légende se mêle à l'organisation. Le sentiment profond, organique, millénaire, qui a pris depuis son accent de légende, voici comment je l'ai rencontré. (…) Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit... Commémorant l'anniversaire de la Libération de Paris, je disais : « Écoute ce soir, jeunesse de mon pays, ces cloches d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi. » Points communs de ces 3 mémoires ; ignorance de la complicité de Vichy dans le génocide -doc 4 ; affiche du film d’Ophuls Le chagrin et la pitié (1971) Commentaire : mémoire de la collaboration ; mémoire traumatisée par les révélations du comportement d’une partie de la société durant l’occupation- le film lance le « retour du refoulé » rappel de la diffusion TV tardive du film (1981)- Le film a du mal à être accepté ; la grâce de Touvier en 1972 rend encore plus opaque cette mémoire-le film est contesté par ailleurs par S.Veil (Bréal , terminale, p.269) . Olivier Golliard Lycée Jules Ferry Conflans ste Honorine -doc 5 caricature de Plantu à propos de l’extradition de Barbie (fév 1983) Commentaire : la mémoire juive côtoie, prévaut sur la mémoire résistante- on associe désormais collaboration et crime contre l’humanité (cf Izieu)- le « devoir de mémoire » fait son entrée dans la société civile - les figures de Jean Moulin/Barbie relance par ailleurs la guerre des mémoires résistantes qui culmine en 1997 Olivier Golliard Lycée Jules Ferry Conflans ste Honorine Démarche pédagogique ; Les documents couvrent toute la période et soulignent les moments clés de la construction des mémoires. Le choix de documents historiques n’empêchent pas l’enseignant de les compléter par des textes d’historiens contemporains. Ces documents permettent à l’élève de prendre conscience de la complexité des enjeux de mémoires et de voir nettement le décentrement de celles-ci Les documents 3 et 4 peuvent être accompagnés de courts extraits vidéo pour restituer l’ambiance mémorielle l’époque. Questionnement comme support à préparation de la séquence. Ce questionnement est améliorable notamment par une mise en relation plus explicite entre eux. 1° D’après le doc 1, quelle mémoire de l’occupation prévaut ? Quelle dimension de Gaulle donne-t-il à la résistance ? 2° Comment Robert Aron réhabilite la mémoire de Pétain ? En quoi cette vision est-elle contestable ? 3° Que signifie l’entrée au Panthéon ? Quelle mémoire de Jean Moulin A.Malraux souhaite-t-il que la collectivité (ou société) garde ? En quoi ce discours peut avoir un usage politique ? 4° En quoi le choix des photos de l’affiche peut troubler la mémoire des Français ? 5° Quel évènement est caricaturé ? Pourquoi le spectre de J.Moulin est-il associé à Klaus Barbie ? Comment la caricature rend-elle compte de la fusion des mémoires ? Réponse rédigée éventuellement Montrez comment évoluent les mémoires de la Seconde Guerre Mondiale en France Ou moins descriptive : En quoi les mémoires de la 2GM en France ont-elles fait évoluer l’histoire des « années noires » ? Denière étape ; explication et mise en relation critique de deux documents -doc 1 ; discours de J.Chirac en 1995 commémorant la rafle du Vel d’Hiv. Olivier Golliard Lycée Jules Ferry Conflans ste Honorine Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays. Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l'on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l'horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la tragédie. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans leur âme et dans leur chair par le souvenir de ces journées de larmes et de honte.Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français. (…) La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. Conduites au Vélodrome d'hiver, les victimes devaient attendre plusieurs jours, dans les conditions terribles que l'on sait, d'être dirigées sur l'un des camps de transit - Pithiviers ou Beaune-la-Rolande - ouverts par les autorités de Vichy. L'horreur, pourtant, ne faisait que commencer. (…) Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible. (…) Cinquante ans après, fidèle à sa loi, mais sans esprit de haine ou de vengeance, la Communauté juive se souvient, et toute la France avec elle. Pour que vivent les six millions de martyrs de la Shoah. Pour que de telles atrocités ne se reproduisent jamais plus. Quand souffle l'esprit de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l'exclusion. Quand à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d'une idéologie raciste et antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais. Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et encore. (…) Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l'Etat. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c'est tout simplement défendre une idée de l'Homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l'oeuvre. Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France, droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a jamais été à Vichy. (…) Ces valeurs, celles qui fondent nos démocraties, sont aujourd'hui bafouées en Europe même, sous nos yeux, par les adeptes de la "purification ethnique". Sachons tirer les leçons de l'Histoire. N'acceptons pas d'être les témoins passifs, ou les complices, de l'inacceptable. Commentaire : relever la portée exceptionnelle mais aussi les ambiguïtés du discours. Les « Français » sont mis en face de leur responsabilité (polémique avec les gaullistes à propos de l’utilisation du terme « France » avant « Etat français »). Le texte inaugure une rupture avec la mémoire gaulliste. La mémoire du génocide prévaut désormais quand on évoque la période. L’enseignant peut opposer ce texte à un texte réhabilitant Pétain; cela permet de montrer aux élèves qu’il y a encore des nostalgiques de la période ; nostalgiques qui véhiculent une mémoire révisionniste, sinon négationniste et qui appelle à la vigilance. -doc 2 ; Publicité de l’ Association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain (ADMP)tirée du Monde, 13 Juillet 1984 (publicité) « FRANÇAIS, VOUS AVEZ LA MEMOIRE COURTE (…) FRANÇAIS VOUS AVEZ LA MEMOIRE COURTE SI VOUS AVEZ OUBLIE…. Qu’en 1940 les pouvoirs civil et militaire avaient conduit le France au désastre. Les responsables le (Pétain) supplièrent de venir à son secours. Par l’appel du 17 juin, il obtint l’armistice, empêcha l’ennemi de camper sur les bords de la Méditerranée. Ce qui sauva les Alliés. Le pouvoir lui fut donné légalement par les Assemblées parlementaires, où, le Front Populaire était majoritaire (…) Qu’au milieu de difficultés qu’aucun chef de la France n’avait connues, des atrocités, des persécutions nazies, il les protégea contre la toute puissance allemande et sa barbarie, veillant aussi au salut de deux millions de prisonniers de guerre.(…) Que Hitler et Ribbentrop lui reprochèrent sa résistance, le menacèrent, et que le 20 août 1944 les troupes allemandes le déportèrent en Allemagne (…) (puis le texte évoque son retour de Sigmaringen) Olivier Golliard Lycée Jules Ferry Conflans ste Honorine Que l’accusation utilisa, avec les plus hautes complicités, un faux, comme dans l’affaire Dreyfus, pour obtenir sa condamnation ; qu’à 84 ans, il fut condamné à la hâte, à mort (…) Comme l’a dit le président de la République le 23 juin « les réconciliations d’aujourd’hui dominent les vieilles ruptures » » Commentaire : le texte au-delà de ses erreurs historiques qui méritent analyse, joue sur le terme « mémoire courte » utilisé par Pétain mais repris par le résistant Jean Cassou et l’utilisation de cette mémoire (« déporté » et « Dreyfus » …) Olivier Golliard Lycée Jules Ferry Conflans ste Honorine