C48-49 du 01/12/11 de 9h à 11h Léa JACQUEL
Pr. Valérie LAMOUR
Drogues chimiothérapeutiques et architecture des complexes
nucléoprotéiques
I. Rappels sur la double hélice d'ADN et sur la structure des protéines
L'ADN est un polymère d'acides désoxyribonucléiques, composé d'un squelette sucre-phosphate
(désoxyribose) l à des bases puriques et pyrimidiques. Les deux polymères s'associent par les
bases via des liaisons hydrogène au niveau des atomes d'oxygène et d'azote. On trouve des
appariements A-T de type Hoogsteen et des appariements G-C. C'est la séquence en paires de bases
A-T et G-C qui va guider la forme de la double hélice d'ADN.
Le type d'ADN va moduler les interactions avec les protéines :
forme A : existant de façon transitoire surtout durant la transcription. Les interactions se font au
niveau du grand sillon ;
forme B : canonique, la plus usuelle, déterminée par Watson et Crick ;
forme Z : gèrement ouverte, et permettant l'interaction des protéines régulatrices au cours
des processus cellulaires dans le petit sillon.
Donc, les interactions ADN-protéine se localisent soit dans le petit sillon, soit dans le grand sillon.
Les protéines sont composées d'acides aminés liés par des liaisons peptidiques. Chaque acide
aminé contient :
une amine terminale (NH), qui permet la liaison à l'acide aminé précédent ;
un carbone alpha qui se lie à une chaîne latérale déterminant la nature de l'acide aminé ;
un carboxyle terminal (CO) lié à l'amine de l'acide aminé suivant.
Le repliement des chaînes polypeptidiques va dépendre de la composition en acides aminés (AA).
Il existe des AA polaires non chargés, polaires et chargés, non polaires (aromatiques). En fonction des
protéines, ils peuvent être impliqués dans les interactions avec l'ADN.
L'enchaînement des AA se replie en structures secondaires :
hélice alpha en forme de ruban ou de cylindre ;
brin bêta schématisé par une flèche plate.
Le repliement tridimensionnel d'une protéine donne lieu à des boucles et des feuillets (constitués par
le rassemblement de brins bêta). La structure tertiaire est stabilisée par des liaisons H.
La structure quaternaire correspond à plusieurs protéines reliées uniquement par des liaisons H
(association de plusieurs sous-unités identiques ou différentes).
II. Techniques expérimentales utilisées pour la détermination structurale des protéines
1. Cristallographie
Il est nécessaire d'obtenir de grandes quantités de la protéine considérée (on va donc plutôt les
obtenir à partir d'ADN complémentaire que par purification). On va soumettre un cristal contenant les
enzymes aux rayons X, pour obtenir un cliché de diffraction. Par reconstruction et étude
mathématique, on trouvera la donnée expérimentale recherchée, qui est la densité électronique des
atomes (électrons situés au voisinage des atomes). On va donc réussir à positionner chaque acide
aminé, et ainsi à avoir une certaine idée de la conformation spatiale de la protéine.
2. RMN
L'enzyme est purifiée en solution et soumise à un champ magnétique très fort. On obtient un spectre
de résonance, des points qui correspondent à la résonance entre les atomes situés à proximité dans
l'espace. On reconstitue des modèles de la structure protéique. On obtient un ensemble de modèles
(car la protéine bouge en solution). A partir d'approximations et de moyennes, on parvient à tirer un
consensus sur une structure particulière qui sera retenue.
3. Microscopie électronique
On a besoin de beaucoup moins d'échantillon, c'est pourquoi on va pouvoir cette fois obtenir la
protéine par purification. On dépose les prélèvements sur une grille qu'on va congeler. On pourra
observer la structure protéique sous différents angles en 2D. Un traitement mathématique permettra
de reconstituer l'image en 3D.
Conclusion sur ces différentes méthodes : en RMN on est limité par la taille de la protéine (30 kD
maximum). La microscopie permet en revanche l'observation des très gros objets, mais pas des petits
(300 kD minimum) avec une résolution comprise entre 8 et 15 Angström.
En cristallographie, la résolution est bien meilleure avec 2 ou 3 Angström et même parfois moins, c'est
donc la technique de choix pour l'étude de l'interaction entre les drogues, les enzymes et l’ADN. Cette
technique est très utilisée par le secteur pharmaceutique pour permettre la visualisation fine des
éléments.
Toutes ces découvertes sur la structure des protéines doivent être déposées dans une base de
données (protein databank), l'on trouve les coordonnées spatiales de tous les modèles. Chaque
protéine possède un code PDB à 4 lettres qui permet de retrouver la structure et de la visualiser dans
la banque de données. Il est obligatoire de déposer un résultat dans cette banque ; il existe en outre
des critères de qualité à respecter.
Autre site : protéopédia qui donne des informations sur la fonction, la structure. On peut voir un
classement des différentes protéines impliquées dans des pathologies...
III. Interactions ribonucléoprotéiques : généralités
Ces interactions sont omniprésentes, et surtout dans le noyau :
interaction protéine-ADN simple brin (RecA) ;
interaction protéine-ARN simple brin (ribosome) ;
interaction protéine-ARN double brin (amino acyl tRNA synthéthase) ;
interaction protéine-ADN double brin (facteurs de transcription).
Ces interactions peuvent être quence spécifiques, c'est le cas des enzymes de restriction et des
facteurs de transcription se liant à un endroit précis de l'ADN. Elles peuvent aussi être non quence
spécifiques, avec par exemple les grosses machineries cellulaires nécessaires à la réplication ou à la
transcription sur une plus grande partie du génome, ou encore les topoisomérases, les histones.
Lorsqu'elles sont spécifiques, les interactions entre protéines et acides nucléiques se fait par des
liaisons H entre les phosphates de l'ADN, les sucres ou les bases et les AA hydrophiles ou les atomes
des liaisons peptidiques. On trouve aussi des liaisons hydrophobes.
Les interactions peuvent également se faire par des ponts salins entre les phosphates et les AA
chargés, ou même par des empilements constitués des bases de l'ADN et de phénylalanines.
On trouve des motifs conservés dans toutes les protéines d'interaction avec l'ADN, soit avec le petit
sillon, soit avec le grand sillon :
hélice-tour-hélice formé de deux hélices alpha reliées par un petit tour de quelques AA. On a
des variantes avec des hélices de différentes tailles ;
hélice-boucle-hélice (HLH) formé de deux hélices (dont l'une plus grande que l'autre
interagissant avec l'ADN), séparées par une boucle de quelques AA de plus que le tour ;
winged helix avec 4 hélices flanquées de 2 feuillets bêta (formant les ailes). C'est une
protéine dimérique formée de deux sous-unités identiques, interagissant avec le grand sillon
de l'ADN ;
winged helix turn helix formé d'un regroupement proche de trois hélices, avec un feuillet plus
étendu composé de 3 ou 4 brins ;
motif en doigt de zinc (zinc finger) structuré autour de l'ion zinc structural (et pas catalytique,
là pour stabiliser un repliement 3D). On trouve classiquement deux cystéines et deux histidines
qui fixent le zinc. L'interaction se fait dans le grand sillon ;
leucine zipper (similaire à une fermeture éclair). Des leucines (AA hydrophobes) sont placées
face à face, à peu près tous les 7 AA, sur deux hélices contiguës. Elles ferment et bloquent cet
interface, elles prennent en pince l'ADN. On retrouve très souvent ce motif dans les activateurs
de transcription, par exemple myc (dont la mutation entraîne l'apparition de cancer). Ce sont
dont des protéines importantes.
Généralement, on n'a pas de déformation majeure de l'ADN lors de l'interaction. Certains motifs,
cependant, peuvent en induire via l'interaction :
HMG box avec un paquet de trois hélices regroupées. Ces motifs sont impliqués dans la
réplication, la transcription qui nécessitent une modification de la chromatine et de la
conformation de l'ADN ;
feuillets bêta dans le grand sillon qui provoquent une distorsion de l'ADN. Par exemple, la
TATA binding protein qui fixe la tata box en étape initiale de la transcription. Elle a un
repliement symétrique qui pince l'ADN et le tord, ouvrant le petit sillon. C'est une interaction
spécifique, la torsion permettant l'ouverture de la double hélice et donc l'initiation de la
transcription.
IV. Interactions ribonucléoprotéiques dans le cadre des drogues chimiothérapeuthiques
1. Le cisplatine et ses dérivés
Le cisplatine est un chélatant et un agent intercalant. On trouve différentes formes dérivées avec des
réactivités différentes.
Il permet des adduits intra-brin quand il se met uniquement sur un brin au niveau de séquences GpG
(deux guanines parées par 2 ou 3 bases). Il forme une distorsion et une déformation du sillon. Les
conséquences seront différentes selon la nature du produit.
La fixation du pont intra brin implique différents phénomènes. D'abord, la machinerie de réplication de
l'ADN va recruter tous les complexes d'incision des nucléotides pour réparer la zone en question. Le
problème est que sur ces lésions, on a une fixation non spécifique de protéines qui sont piégées par
les structures induites par le cisplatine. Par exemple, HMG reconnaît ces courbures, et va donc
bloquer l'accès des facteurs de transcription. C'est l'effet par lequel le cisplatine entraîne l'apoptose.
2. Les inhibiteurs de topoisomérases
Ce sont des agents intercalants.
La double hélice d'ADN est sur-enroulée, compactée fortement et linéaire chez les mammifères mais
circulaire chez les procaryotes. On trouve des sur-enroulements positifs ou négatifs, surtout négatifs
chez les mammifères, et cela crée dans des endroits précis, de l'ADN de forme Z ouvert pour l'accès
des machineries de transcription.
On peut définir une constante, le linking number, fonction du twist et du writhe. C'est une donnée
purement expérimentale.
Les super-tours négatifs entraînent le dépliement de la double hélice qui crée des tensions et
naturellement, un phénomène compensatoire va tendre à redonner à cette double hélice sa forme
vrillée.
Dans les cellules eucaryotes, l'ADN est linéaire mais contraint à ses extrémités à cause de son
attachement aux membranes, aux complexes protéiques... Il n'est donc pas libre de tourner et de
vriller comme il le veut. Les machineries créent en amont et en aval de leur passage des sur-
enroulements. Donc l'ouverture de la double hélice crée aussi des nœuds ! L'ADN ne se relaxe pas de
façon spontanée, il existe donc des enzymes spécifiques qui changent le linking number et ainsi l'état
d'enroulement de l'ADN. Ce sont les topoisomérases.
Dans les années 70, on a commenà parler des topoisomérases (James Wang). Depuis les années
90 et la cristallographie, on commence à connaître les structures de certains domaines des
topoisomérases qui aident à la compréhension du mécanisme d'action de ces protéines.
Il existe deux types de topoisomérases :
de type I, monomérique. C'est une large famille très conservée de la bactérie à l'homme ;
de type II, dimérique. Elle est absolument essentielle à la vie cellulaire à partir des toutes
premières étapes du développement embryonnaire. Elles cessitent, pour fonctionner, d'avoir
un apport d'ATP et de Mg.
Elles ont des mécanismes d'action différents mais font toutes deux de la relaxation des super-tours
négatifs.
Cas particulier : certaines topoisomérases bactériennes qui peuvent ajouter des super-tours en plus
de relaxer l'ADN.
Les topoisomérases de type I
Elles induisent des coupures simple-brin au sein de l'ADN. Elles créent une liaison phospho-tyrosine
en 3' ou en 5' de l'ADN coupé afin de le stabiliser durant la réaction.
Mécanisme d'action général : fixation de la topoisomérase, formation d'une liaison covalente entre une
tyrosine et l'ADN par attaque nucléophile, puis passage du brin au dessus de l'autre.
Topoisomérases de famille I.a : on retrouve une grande homologie de séquence dans cette famille.
La connaissance de ces enzymes vient principalement des études sur la bactérie.
Elles sont importantes lors de la transcription. Elles permettent lors du passage de la machinerie
enzymatique, de relaxer les surenroulements négatifs qui s'accumulent en amont de la transcription.
Elles interagissent avec des protéines, et notamment avec les hélicases ou la polymérase : on parle
même de toposomes !
Structure :
cœur catalytique contenant une tyrosine ;
domaine C-terminal de longueur et de nature variable chez les hommes et chez les bactéries,
contenant jusqu'à 5 motifs en zinc finger pour la liaison avec l'ADN ;
différents domaines plus ou moins conservés et définis (domaine TOPRIM à la structure
toroïdale et contenant des acides aminés chargés comme l'aspartate et le glutamate, domaine
4...).
Mécanisme d'action :
l'ADN se place à la jonction entre le domaine TOPRIM et le domaine 4 ;
la tyrosine catalytique entreprend une attaque nucléophile contre un phosphate d'un des deux
brins et forme une liaison covalente avec l'extrémité 5' de l'ADN coupé ;
ouverture de l'ADN double brin ;
passage du brin à travers l'ouverture ;
religation de ce brin.
Cela induit donc le déroulement d'un tour de l'ADN.
Les différents complexes ADN-topoisomérase ont été résolus par RMN : leur enroulement est assez
similaire à ceux des facteurs de transcription se liant aussi à l'ADN.
Visée thérapeutique : les topoisomérases I.a sont de mauvaises cibles thérapeutiques. Il n'existe pas
vraiment d'antibiotique ni de composé anticancéreux visant ces enzymes car ils ne sont pas assez
spécifiques de la liaison phospho-tyrosine I.a. Actuellement certains travaux sont menés afin
d'essayer d'inhiber cette interaction. Des molécules sont en essai actuellement, issues de screening à
haut débit.
Topoisomérases de famille I.b : elles sont ciblées beaucoup plus efficacement par certaines
thérapeutiques anticancéreuses. Elles relaxent aussi les super-enroulements liés à la transcription et
pour cela, induisent également des coupures simple-brin (comme pour les topoisomérases I.a).
Elles diffèrent en cela qu'elles induisent une liaison covalente phopho-tyorsine non pas avec
l'extrémité 5' de l'ADN mais avec l'extrémité 3'.
Structure : son domaine catalytique est différent de la topoisomérase I.a. Elles possèdent une cavité
centrale recevant l'ADN lors de la réaction qui contient des sites positifs (AA chargés positivement,
comme lysine ou l'arginine). Ces charges positives stabilisent ainsi l'ADN charnégativement. Elles
contiennent également une tyrosine catalytique (caractéristique intrinsèque de toutes les
topoisomérases) à proximité des résidus chargés.
Mécanisme d'action :
fixation à l'un des deux brins de l'ADN ;
coupure simple brin ;
induction d'une rotation plus passive que celle provoquée par la topoisomérase I.a ;
religation.
On a découvert également une topoisomérase de type I mitochondriale. Malgré l'origine des
mitochondries, celle ci est plus proche des enzymes humaines que des enzymes bactériennes. Son
origine serait donc expliquée davantage par une duplication du gène nucléaire et par son insertion au
sein de l'organite.
Visée thérapeutique : cette topoisomérase I.b est une cible majeure de certains produits de
chimiothérapie (exemple de la camptothécine). Cette molécule est extraite à partir de l'écorce d'un
arbre chinois. Très tôt dans l'histoire, on a couvert les propriétés anticancéreuses de cette
molécule. Aujourd'hui elle sert au traitement de différents types de cancers, comme le cancer des
ovaires, du colon, ou le cancer des poumons à petites cellules.
La camptothécine s'intercale dans la double hélice de l'ADN et est stabilisée par des liaisons H qu'elle
entretient avec l'ADN et avec les résidus chargés de la topoisomérase I.b. Elle empêche la réaction de
religation de s'effectuer. Des mutations ont été observées dans le cas de résistance à la
camptothécine (échappement thérapeutique) : elles empêchent alors cette triple association et
annulent l'effet inhibiteur de la camptothécine.
De nouvelles drogues, bloquant davantage le complexe de coupure, sont en essai (l'irinotécan et le
camptotecan, dérivés de la camptothécine, étant des médicaments assez anciens).
Pistes supplémentaires : pourrait-on exploiter la topoisomérase mitochondriale ? Dans quelles
conditions ? On cherche aussi de nouvelles combinaisons de drogues, qui pourraient viser des
enzymes différentes au sein du même complexe de liaison aux topoisomérases. Cela nécessite
d'étudier l'intégralité de ces protéines.
Une réparation des coupures simple-brin de l'ADN est entreprise après l'effet de la drogue, mettant en
jeu l'action des PAP (poly ADP-ribosyl polymérases) ou de la voie RAD 51. Le but est néanmoins de
provoquer l'apoptose ou l'arrêt du cycle (médiés par une multitude de kinases et de voies de
signalisation intracellulaires). On va donc aussi viser ces enzymes en thérapeutique, en proposant un
traitement double pour éviter une résistance aux traitements.
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