Des procès apostoliques qui conduisent à la béatification, la cause de notre Vénérable
Fondateur sortait victorieuse de l'épreuve de l'héroïcité des vertus.
A l'annonce de cet heureux événement, ce fut dans toute la congrégation une explosion de
joie; et comme un courant d'enthousiasme parcourut toutes nos provinces. Nous arrivions à
la dernière étape: obtenir des miracles et en faire la preuve devant la Sacrée Congrégation
établie par la sainte Eglise pour les reconnaître.
Nous possédons, à la vérité, le récit de faveurs assez nombreuses attribuées au Vénérable
Père; mais aucune jusqu'ici ne réunit tous les caractères exigés par l'Eglise pour le vrai mi-
racle. Et nous attendons que Dieu veuille bien attester, par ces signes, la sainteté de son
serviteur. Mais, comme je vous l'écrivais à la date du 13 août 1920, si la Providence gou-
verne et conduit tous les événements, la bonté de Dieu a admis de tout temps que la prière
des hommes et les bonnes oeuvres constitueraient un des facteurs déterminants de cette
action dans les sociétés comme pour les individus. Les promesses de Notre-Seigneur en fa-
veur de la prière et l'intervention divine prouvée par les faits de l'histoire à toutes les époques
proclament la certitude de cette vérité élémentaire.
Nos communautés n'ont sans cloute pas manqué de recourir â ce puissant moyen de la
prière pour l'avancement de nos causes de béatification. D'ailleurs la pensée nous en est
suggérée chaque matin à l'offrande journalière de nos actions; dans les maisons de forma-
tion, la prière approuvée par l'autorité ecclésiastique pour obtenir la béatification du Véné-
rable Père Champagnat est régulièrement ré-citée à la visite au Saint Sacrement: et assez
fréquemment, le calendrier religieux rappelle nos causes à l'intention de la communion. Mais
il y a la routine qui tend à relâcher la ferveur même de ceux qui sont attentifs à s'en dé-
fendre. Il y a aussi les exceptions constituées par les communautés peu ou moins ferventes;
il y a les manques de générosité, les abus, les irrégularités, les fautes des particuliers et des
collectivités qui ralentissent la dispensation des grâces divines ou qui sont des obstacles aux
faveurs célestes.
Pour quels motifs souhaitons-nous et poursuivons-nous la béatification de notre Vénérable
Fondateur ? Ni la vanité ni l'honneur humain qui en pourrait résulter pour la congrégation n'y
sont pour rien. La gloire de Dieu éclate dans ses saints: c'est la plus grande gloire de Dieu
que nous nous efforçons de faire paraître par la sainteté de son Serviteur; et les miracles
que nous sollicitons et que l'Eglise juge nécessaires, nous les considérons comme le contre-
seing de la toute-puissance de Dieu sur la vertu de son Serviteur.
Pourquoi encore désirons-nous la béatification de notre Vénérable Fondateur? Parce que,
clans la proclamation d'un Bienheureux par le Souverain Pontife, chef visible et infaillible de
l'Eglise, nous voyons l'exaltation de l'Eglise catholique qui a donné au monde tant de saints
clans les siècles passés et qui continue toujours d'en produire: elle est donc elle-même
sainte. Voici, sur ce sujet, une belle page du Père Monsabré, le docte et éloquent prédica-
teur de N. D. de Paris: « Oui, elle est sainte cette Eglise qui produit les apôtres, généreux et
intrépides propagateurs de la vérité clans tous les âges et sous tous les climats, conquérants
des âmes partout et toujours fidèles à ce programme d'un des premiers hérauts de la doc-
trine catholique : « Nous voici jetés dans le monde et voués à la mort, souffrant la faim et la
soif, nus et honteusement maltraités. On nous maudit, nous bénissons; on nous persécute,
nous l'endurons patiemment ; on blasphème contre nous, nous prions » (I Ep. S. Paul, Co-
rinth., IV, 9). Race immortelle à qui l'Orient et l'Occident doivent leur conversion ,et qu'on voit
encore de nos jours quitter joyeusement les rivages du monde civilisé, pour aller annoncer
aux barbares et aux sauvages l'avènement du royaume de Dieu.
« Oui elle est sainte cette Eglise qui a enfanté des millions de martyrs, hommes, femmes
enfants, patriciens et plébéiens, savants et ignorants, riches et pauvres, signant de leur sang
chaque article du Credo catholique, Tour à tour moissonnés par les pouvoirs ennemis de la
vérité chrétienne et de l'intégrité de la foi, ils remplissent tous les siècles de l'histoire de leur
sublime confession, et nous en-voient encore, chaque année, des royaumes lointains où sé-
vit la persécution, le glorieux témoignage de leur vie immolée.
« Oui elle est sainte cette Eglise tant de fois illustrée par les vertus héroïques de ses con-
fesseurs; cette Eglise où les rois abaissent devant les petits la dignité du rang suprême, ser-
vent les pauvres et se mettent â genoux pour laver leurs pieds, panser et baiser leurs plaies;