Le Tympan de Conques

publicité
Histoire 2e
Étude d’œuvre
Le Tympan de Conques
Page 87
Auteur
Anonyme
Titre
Le Tympan de Conques
Dimensions
673 x 363 cm
Date de création
Début du XIIe siècle
Matière de l’œuvre
Blocs de calcaire jaune
Lieu de conservation
Façade orientale de l’abbatiale Sainte-Foy, Conques
(France)
Crédits
© The Bridgeman Art Library
Le contexte
Religieux : inspirée de l’évangile de saint Matthieu, l’œuvre témoigne de l’importance de la
réflexion religieuse, au XIIe siècle, autour du thème du Salut de l’âme et des réponses proposées
par l’Église aux préoccupations des fidèles (par quels chemins accéder à ce Salut ?).
Artistique : avant le XIe siècle, le thème du Jugement dernier est encore rare dans les œuvres
d’art en Occident (une des premières œuvres se trouve à Saint-Jean de Müstair en Suisse et
date du XIe siècle). Il connaît, par contre, un très grand succès à partir de l’époque romane
(Beaulieu-sur-Dordogne) car il correspond aux inquiétudes religieuses concernant le Salut. Il
n’apparaît que progressivement en bonne place sur les tympans occidentaux des églises. C’est
le cas à Conques où il semble qu’à l’origine, l’œuvre était placée à l’intérieur de l’abbatiale.
Économique et politique : l’œuvre participe en son temps au rayonnement de l’abbatiale de
Conques qui reçoit une foule de pèlerins venus pour sainte Foy ou en route pour Saint-Jacquesde-Compostelle. L’Église chrétienne exerce ainsi, par ses grandes abbayes implantées au cœur
des campagnes, un contrôle efficace sur les fidèles.
L’intérêt de l’œuvre pour le programme de seconde
L’étude détaillée d’une œuvre correspond aux attendus du nouveau programme qui fait référence
à la nécessité d’une « étude des sources, parmi lesquelles les œuvres d’art occupent une grande
place » [introduction pour le programme d’Histoire].
Pour le thème 3, « Sociétés et cultures de l’Europe médiévale du XIe au
XIIIe siècle »
L’œuvre peut être utilisée pour introduire la question obligatoire : « La chrétienté médiévale »
(l’abbatiale de Conques constitue un élément du patrimoine religieux replacé dans son contexte
historique, évangélisation).
© Magnard 2010
Page 1 sur 6
Histoire 2e
Étude d’œuvre
L’échelle
L’œuvre est imposante car, placée dans une profonde courbure en demi-cercle (voussure en
plein cintre) au-dessus du portail occidental qui est l’entrée principale de l’abbatiale, elle est
destinée à être vue par la foule des pèlerins et des fidèles qui se pressent sur le parvis. Elle doit
frapper les esprits en donnant une vision grandiose du Jugement dernier.
Le Christ en majesté, entouré de sa mandorle, accueille chaque visiteur. Il domine en effet la
multitude des personnages (40 personnages, plus de 100 figures) par sa taille imposante au
regard de celle des autres.
Le sculpteur a organisé son œuvre à partir d’une vingtaine de blocs de calcaire, probablement
sculptés au sol avant d’être assemblés. Les principales scènes correspondent à ces blocs.
Accompagnement pédagogique
Composition
Structure
Le lieu, une pièce en trois actes
La structure de l’œuvre est relativement simple et bien visible
malgré le grand nombre de scènes et de personnages.
L’espace est partagé en trois registres horizontaux :
 En bas : le passé, les références à l’Ancien Testament avec les
Limbes (séjour des Patriarches) et les sept péchés capitaux.
 Au centre : le présent, les personnages de l’ère chrétienne
(Nouveau Testament) avec le cortège des élus et, à l’opposé,
l’évocation des turpitudes humaines.
 En haut : l’avenir, l’espace céleste et la promesse du royaume
de Dieu (anges, croix, instruments de la Passion).
Trois espaces verticaux complètent ce découpage :
 Au centre : le Jugement divin. L’espace est structuré par
l’ovale de la mandorle et surtout la croix qui coupe
verticalement l’espace de haut en bas.
 À gauche : le Paradis, les élus.
 À droite : l’Enfer, les damnés.
L’opposition est renforcée par le contraste entre :
 L’ordre qui règne du côté des élus : personnages bien alignés
(cortège des élus au milieu), rythme régulier des voûtes et
colonnes de la maison de Dieu en bas.
 Le désordre, le chaos, qui règne en Enfer : personnages
enchevêtrés, tête en bas pour certains, lignes courbes des liens
qui entravent les suppliciés.
© Magnard 2010
Page 2 sur 6
Histoire 2e
Étude d’œuvre
Personnages
Les personnages composent une pièce en une vingtaine de
scènes.
On observe 40 personnages et plus de 100 figures de taille
variable, mais quelques acteurs majeurs dominent.
Récit
Un livre de pierre pour les fidèles
L’artiste a déployé tout son talent pour proposer une œuvre
destinée à transmettre aux pèlerins un message religieux : il
s’agit de montrer le chemin vers le Salut. C’est pourquoi l’œuvre
est volontairement très narrative et didactique.
Un livre à lire
L’œuvre devait certainement être commentée, détaillée, par un
clerc aux fidèles massés sur le parvis. Il disposait ainsi de
nombreuses inscriptions en latin destinées à servir de points
d’appui à sa démonstration :
 inscriptions sur les bandeaux horizontaux, références à
l’évangile de saint Matthieu (« les hommes pervers sont
plongés dans le Tartare ») ;
 inscriptions sur des phylactères, en particulier le rappel des
quatre vertus cardinales (foi, charité, tempérance, humilité) ;
 multiples inscriptions au sein des scènes, même de façon quasi
invisible, comme sur la manche de l’ange en haut à droite.
Un livre à voir
L’œuvre était avant tout destinée à être vue et le langage
principal est celui des images. L’artiste utilise toute une palette de
techniques visuelles au service du message religieux :
 répétitions : sainte Foy apparaît deux fois ;
 symétrie : thème de la maison, celle de Dieu et celle de Satan,
avec le même toit ;
 opposition : le bon Roi (Charlemagne, bienfaiteur de l’abbaye)
opposé au mauvais Roi (nu et privé de sa couronne d’un coup
de dents par un diable) ;
 ressemblance : le Christ et Satan sur leur trône, les mains
dans une position significative ;
 présence d’objets familiers pour les fidèles : lampes qui
éclairent les Limbes, modèle typique du Rouergue.
© Magnard 2010
Page 3 sur 6
Histoire 2e
Étude d’œuvre
Un livre de couleurs
À l’origine, l’œuvre est peinte de couleurs vives pour accentuer
l’aspect spectaculaire et l’opposition entre Paradis et Enfer.
L’œuvre porte encore les traces de cette polychromie (peintures
refaites probablement au XVe siècle) avec trois couleurs
dominantes :
 bleu turquoise : pour les vêtements du Christ et la plupart des
élus ;
 rouge vif : pour l’enfer, couleur du feu ;
 doré : éléments divins comme les étoiles de la mandorle ou les
galons des vêtements des élus et des anges.
Interprétations
Le Jugement particulier
À partir du XIIe siècle, avec des théologiens comme Abelard et
surtout au XIIIe siècle, la croyance que chaque âme est jugée au
moment de la mort, individuellement, se diffuse et contribue à
construire le concept de Purgatoire.
Cette croyance porte le nom de Jugement particulier.
L’Église catholique délivre ainsi un message d’espoir aux fidèles :
au moment de ce Jugement, chacun est jugé en fonction de ses
œuvres, bonnes ou mauvaises, et de sa foi. Ce Jugement
précède le Jugement dernier, collectif, au cours duquel
s’exerce la toute-puissance divine.
Le tympan de Conques montre l’émergence de ce concept de
Jugement particulier : en dessous du Christ en majesté et du
Jugement dernier, une petite scène montre la pesée de l’âme et
le combat entre l’archange saint Michel et un démon.
Il ne reste que les plateaux de la balance mais l’on distingue
nettement les efforts du démon pour peser avec son doigt sur la
balance pour, en vain, faire pencher l’âme du mauvais côté.
Derrière saint Michel, a lieu la résurrection des morts avec les
anges qui soulèvent les couvercles des sarcophages. Les
bonnes âmes s’élèvent vers le Paradis. Derrière le démon, une
âme condamnée tombe dans la trappe en direction du Léviathan.
Les mauvaises âmes s’enfoncent vers l’Enfer.
L’intercession des saints
Le péché est au cœur des craintes des fidèles ; l’accumulation
des péchés signifie en effet la damnation éternelle.
L’Église délivre cependant aux fidèles un message réconfortant :
les plaies causées à l’âme par les péchés sont effaçables, tout
© Magnard 2010
Page 4 sur 6
Histoire 2e
Étude d’œuvre
d’abord, pendant la vie du fidèle. Elles peuvent aussi l’être, après
le Jugement particulier, pour les âmes qui ne seraient pas
parfaitement pures avant l’arrivée du Jugement dernier.
Dans les deux cas, le chemin vers le Salut de l’âme passe par de
nombreuses actions purificatrices : par les prières, l’aumône, le
jeûne, les pénitences…
L’action protectrice des saints est un des chemins privilégiés sur
le chemin du Salut. C’est le message délivré par le tympan de
Conques. On voit ainsi :
 la Vierge Marie qui conduit le cortège des élus vers le Christ
(idée du peuple chrétien en marche, comme les pèlerins) ;
 sainte Foy qui se prosterne devant la main de Dieu pour le
Salut des fidèles et qui ferme la marche des élus ;
 à l’entrée du Paradis, les anges disputent aux démons les
âmes à sauver de l’Enfer.
Le tympan de Conques est une pièce maîtresse de l’abbatiale de
Conques qui est un centre majeur de pèlerinage, sur la route
de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Au cœur des campagnes reculées du Massif central encore
imprégnées de paganisme, aux confins du Rouergue, l’abbatiale
diffuse le culte des images chrétiennes pour conduire la foule des
pèlerins vers le chemin de Dieu. Architecture, reliquaires,
sculptures : l’art, à Conques, est au service de la foi. Sur le
tympan, l’abbatiale est représentée derrière sainte Foy : elle est
un acteur à part entière de la marche vers Dieu.
Sainte Foy est une martyre du début du IVe siècle. Ses reliques
ont été subtilisées à Angers par des moines de Conques à la fin
du IXe siècle.
Le Jugement dernier
Le christianisme partage avec d’autres religions la croyance en
un jugement où les hommes devront rendre des comptes de
leurs actes devant la puissance divine. L’opposition entre le
Paradis et l’Enfer sont deux concepts fondamentaux des religions
révélées.
Pour les chrétiens, le Jugement dernier est celui qui doit
intervenir à la fin des temps, lorsque le Christ réapparaîtra
(Parousie). Jugement collectif, il est redouté car il détermine,
sans recours possible, pour l’âme, la béatitude éternelle du
Paradis ou la damnation tout aussi éternelle de l’Enfer.
L'évangile de saint Matthieu en fixe les principes :
« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de
tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire.
© Magnard 2010
Page 5 sur 6
Histoire 2e
Étude d’œuvre
Devant lui seront rassemblées toutes les nations et il séparera
les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les
brebis des boucs. Il placera les brebis à sa droite et les boucs à
sa gauche. Alors le Roi dira à ceux de droite : « Venez, les bénis
de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été
préparé depuis la fondation du monde. […] »
Alors il dira encore à ceux de gauche : « Allez loin de moi,
maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et
ses anges. […] »
Tout le tympan de Conques est construit autour de la figure
centrale du Christ. L’accusateur, Satan, est là, les avocats ont
joué leur rôle, l’axe des mains du « Christ-Juge » ne laisse aucun
doute aux fidèles sur l’issue du Jugement...
Pour approfondir
Sitothèque
 http://www.tourisme-conques.fr/
Site officiel de l’office du tourisme de Conques. Superbe visite virtuelle de Conques : vue du
parvis et du tympan en Flash.
 http://www.art-roman.net/conques/conques.htm
Un site très illustré sur Conques. Les scènes du Tympan sont détaillées.
 http://www.tympan-conques.webou.net/index.html
Un site extrêmement riche et détaillé, le plus complet, pour approfondir (liste complète des
personnages, des citations…). L’auteur, P. J. Séguret, développe une interprétation très
personnelle de l’œuvre qui, selon lui, ne représente pas le Jugement dernier.
Bibliographie
 Jean-Claude Fau, Rouergue roman, coll. « La nuit des temps », © éditions Zodiaque, 1990,
pp.167 à 176.
Ouvrage de référence illustré, qui propose une analyse détaillée de l’œuvre ainsi que de
l’ensemble de l’abbatiale de Conques.
 Xavier Kawa-Topor, « Conques en Rouergue, un trésor dans le désert », in revue Moyen
Âge, n° 1, nov.-déc. 1997, pp. 6 à 18.
Une synthèse pratique par un ancien directeur du Centre européen d’Art et de Civilisation
médiévale de Conques.
© Magnard 2010
Page 6 sur 6
Téléchargement