-isi-, s’est vu attribuer des valeurs multiples : la condition, la contre-factualité et l’incertitude
ont été considérées comme ses valeurs de base (Penttilä 1957 ; Hakulinen & Karlsson 1979).
D’après Lehtinen (1983), le sémantisme du conditionnel provient de l’origine étymologique de
l’affixe -isi-, qui dérive d’un morphème ayant exprimé des valeurs de fréquence, de durée et de
futur. L’expression du futur est la cause de la valeur de non-factualité du conditionnel en
finnois contemporain : le futur est non-factuel en soi
. L’emploi du conditionnel comme futur
du passé fait la preuve de cette évolution (op. cit.).
Kauppinen (1998) a classé les valeurs du conditionnel finnois sous les concepts d’intention
et de prédiction (v. Bybee, Perkins & Pagliuca 1994). En effet, dans une proposition
indépendante, le conditionnel peut exprimer, d’une part, la volonté ou le souhait, c’est-à-dire la
valeur intentionnelle (ex. 1).
(1) Ottaisin osaa viime aikojen keskusteluun turkistarhoista.
prendre.COND.1SG part.PART dernier temps.PL.GEN débat.ILL fourrure.ferme.PL.EL
Voin sanoa oman mielipiteeni, joka on samalla monen
pouvoir.1SG dire.INF propre.ACC opinion.ACC.POSS.1SG REL être.3SG en.même.temps beaucoup.GEN
muunkin, emme tarvitse turkistarhoja! (Ftc, Aamulehti 1999.)
autre.GEN.CLT NEG.1PL avoir.besoin.NEG fourrure.ferme.PL.PART
‘J’aimerais prendre part au débat de ces derniers temps sur les fermes d’élevage d’animaux à fourrure. Je
peux dire mon opinion à moi, qui est en même temps celle de beaucoup d’autres, nous n’avons pas
besoin de fermes d’élevage d’animaux à fourrures !’
D’autre part, le conditionnel peut indiquer la conséquence d’un événement qui n’est pas
réalisé, c’est-à-dire la valeur prédictive (Kauppinen 1998, pp. 163–167, 194). Cette
interprétation est activée par des facteurs contextuels tels un syntagme nominal ou
adpositionnel ou une proposition conditionnelle introduite par la conjonction jos (‘si’) (ex. 2)
(op. cit., pp. 199–200). Ces signaux contextuels posent les circonstances sous lesquelles
l’événement exprimé par la forme verbale conditionnelle se réalise. Etudiant le conditionnel
français, Haillet (2002) a utilisé le terme cadre hypothétique pour désigner ces circonstances.
En effet, le conditionnel finnois partage cette valeur avec le conditionnel français.
(2) Lalli äänesti nuijalla englantilaisen piispan Henrik Pyhän hengiltä. Jos Henrik
PRP voter.IPF.3SG masse.AD anglais.ACC évêque.ACC PRP saint.ACC vie.PL.ABL CONJ PRP
olisi voittanut Lallin, Suomea hallitsisi Englannin kuningatar.
AUX.COND.3SG vaincre.PCP PRP.ACC finlande.PART régner.COND.3SG angleterre.GEN reine
(Ftc, Aamulehti 1999.)
‘Lalli a voté avec une massue en tuant l’évêque anglais Saint Henri. Si Henri avait vaincu Lalli, Finlande
serait régie par la reine d’Angleterre.’
Cette explication est parallèle à celle donnée par Wilmet (1997) au conditionnel français.