ТЕМА 3
ПИСЬМЕННОСТЬ: ГРАФИКА И ОРФОГРАФИЯ
Arrivé M., Gadet F., Galmiche M., La grammaire, d’aujourd’hui :
guide alphabétique de linguistique française, Paris, Flammarion,
1992
Orthographe
L’orthographe est la manière de manifester par écrit une langue
conformément aux règles en vigueur à l’époque considérée. Cette
notion de règle actuellement en vigueur distingue l’orthographe de la
graphie : dans le mot orthographe, l’élément ortho- signifie
« correct », comme dans le vieux mot orthoépie*, pendant de
l’orthographe au niveau du discours oral. Pour un mot, par exemple
vêtir, il existe, sauf exception rarissime (type bleuet, bluet; clé, clef),
une seule orthographe, mais plusieurs graphies possibles : archaïques,
c’est-à-dire conformes aux règles d’une époque révolue (vestir);
fautives (*vaitir, *vétire, etc.) ; conformes aux règles, non
orthographiques, d’un système de notation phonétique ou
phonologique ([vetiR] et /vetir/ selon l’A.P.I.), etc. La forme des
langues telle que la manifestent leurs orthographes traditionnelles est
rarement en tout point conforme à leur forme orale. En français, la
distance entre les deux formes est particulièrement importante. D’où la
difficulté de l’orthographe française, et le poids qu’elle a acquis non
seulement dans l’appareil scolaire l’exercice de la dictée
conserve une place déterminante mais également comme mode de
sélection sociale.
Une langue se manifeste essentiellement sous deux aspects : l’aspect
sonore (oral) et l’aspect graphique (écrit). Soit la phrase : le colibri est
un petit oiseau des îles. Elle peut être manifestée par un enchaînement
de sons articulés par une voix humaine (voir phonétique). Mais elle
peut également apparaître sous l’aspect d’une suite de dessins, les
lettres, traces laissées sur une surface (papier, tableau, écran, etc.) par
une substance (encre, poudre de craie, rayonnement, etc.) qui y est
mise en forme à l’aide d’un instrument (plume, caractères
typographiques, bâton de craie, etc.). Il existe des traits communs entre
ces deux façons de manifester le discours : dans l’un et l’autre cas, un
effort musculaire (celui des organes phonateurs ou des muscles du bras
et de la main) ou mécanique met en mouvement une substance (l’air,
l’encre, etc.). Les éléments de la chaîne orale et ceux de la chaîne
écrite ont les uns et les autres une fonction distinctive, pour une part
indépendante des particularités de leur réalisation : tout comme le
phonème /r/ a la même fonction, qu’il soit réalisé comme « roulé »,
« spirant » ou « grasseyé », la lettre r a la même fonction, qu’elle soit
manuscrite, dactylographiée, imprimée, etc. Mais il y a d’importantes
différences entre l’oral et l’écrit. La plus évidente est que la
manifestation orale est fugitive (sauf si on l’« enregistre » sur un
disque, une cassette, etc.) alors que la manifestation écrite est, sauf cas
particulier, plus ou moins durable. On observe également que l’écriture
fait apparaître des délimitations qui ne sont pas perceptibles au niveau
du discours oral : la phrase orale citée ne comporte pas de pause, alors
que la phrase écrite présente des plages blanches entre les unités que
constituent les mots.
Les relations entre les deux aspects de la manifestation de la langue
peuvent être décrites de deux façons différentes :
1. La conception la plus courante consiste à décrire la manifestation
écrite comme une représentation (plus ou moins fidèle) de la
manifestation orale. L’écriture est alors seconde par rapport à la voix,
dont elle n’est en quelque sorte que le vêtement, voire le déguisement.
2. Mais il est également possible de soutenir que chacune des deux
manifestations constitue une forme spécifique de la langue, susceptible
d’être étudiée de façon indépendante. Ainsi on a pu dire, à propos du
français ou de l’anglais, qu’il est tout aussi légitime de remarquer le
peu d’adéquation du système oral au système écrit que de faire la
constatation inverse, plus conforme à la tradition. Dans une telle
optique, on n’institue pas la relation hiérarchique de secondarité (et de
subordination) de l’écrit par rapport à l’oral.
Inévitablement, ces deux conceptions opposées entraînent des
définitions différentes de l’unité minimale du système graphique, le
graphème, distinct de la lettre comme le phonème l’est, mutatis
mutandis, du son. Compte tenu de la visée spécifique de cet ouvrage,
on s’en tiendra, pour l’essentiel, à la première conception, bien que
l’appareil notionnel qu’elle met en place, notamment la définition du
graphème, soit sans doute moins rigoureux que celui de la seconde
conception.
Il existe plusieurs systèmes de manifestation écrite des langues.
Certains systèmes notent, sans les analyser en éléments plus petits, les
unités signifiantes que sont les mots ou les morphèmes. Les unités des
écritures de ce type reçoivent le nom traditionnel d’idéogrammes (on a
proposé la désignation plus exacte de morphémogrammes). Quoique
non homogènes ils comportent l’un et l’autre des éléments
phonographiques le système hiéroglyphique de l’égyptien ancien et
le système de caractères du chinois donnent des exemples
d’idéogrammes. D’autres systèmes notent les syllabes : les unités en
sont les syllabogrammes. Les autres enfin comportent un inventaire
d’éléments, les lettres de l’alphabet*, qui correspondent, de façon plus
ou moins précise, aux phonèmes de la manifestation orale. Ce sont les
systèmes alphabétiques. Les langues européennes contemporaines
utilisent de tels systèmes. L’alphabet latin est le plus répandu. Il est
concurrencé, en Europe, par l’alphabet cyrillique (pour le russe) et
l’alphabet grec. Le français utilise l’alphabet latin. Toutefois il existe
au sein de ce système alphabétique certains éléments qui relèvent d’un
système idéographique : le signe utilisé devant un nom propre pour
marquer que la personne qui le porte est morte; les signes tels que §
paragraphe ») et & et »), les sigles de certaines monnaies ($ pour
« dollar », £ pour « livre sterling », etc.), et surtout les chiffres et autres
signes arithmétiques, qui se lisent de façon différente selon la langue
du texte où ils apparaissent : 7 est lu sept par un français, sieben par un
allemand, sette par un italien, etc. Ce fait indique que 7 représente non
pas les signifiants sept, sieben, sette mais le signifié arithmétique,
censé unique, auquel de leur côté renvoient les signifiants. L’usage des
idéogrammes semble se développer dans certains secteurs de l’usage
contemporain : la publicité utilise communément le dessin d’un cœur
(en outre souvent de couleur rose) ( ) comme idéogramme du verbe
aimer : j’ la grammaire, j’achète la grammaire d’aujourd’hui ! Les
catégories grammaticales elles-mêmes ont, épisodiquement, une
manifestation idéographique; le redoublement des abréviations MM.
(pour Messieurs), pp. (pour pages), §§ (pour paragraphes) marque le
pluriel, sans le limiter à deux unités. Enfin, certains signes de
ponctuation* ont un fonctionnement idéographique.
Mis à part ces éléments qui restent marginaux, le système est
alphabétique. Mais on constate immédiatement que la correspondance
entre les deux manifestations écrite et orale est loin d’être parfaite.
Dans la phrase citée au début de l’article, le mot colibri présente un
exemple de coïncidence terme à terme (biunivoque) entre les 7
phonèmes et les 7 lettres qui le constituent :
k
C
l
i
b
R
i
c
o
l
i
b
r
i
Mais il n’en va pas de même pour le mot oiseau, qui comporte
quatre phonèmes /w/, /a/, /z/, /o/, et six lettres. Le digramme* oi
correspond au groupe de deux phonèmes /wa/, sans qu’il soit possible
d’affecter o à /w/ ni i à /a/. La lettre s note ici le phonème /z/, alors que
dans d’autres cas elle note le phonème /s/ : sot. Enfin le trigramme*
eau note le phonème /o/. Dans le mot petit, le t final correspond
effectivement au phonème /t/. Mais celui-ci ne se manifeste oralement
que parce qu’il apparaît devant l’initiale semi-vocalique /wa/ de oiseau
(voir liaison). Il n’apparaîtrait pas devant l’initiale /v/ de volatile. Il en
va de même pour le s de des, qui n’a de correspondant oral, sous la
forme /z/, que parce qu’il est situé devant une voyelle. Enfin, le mot
îles présente plusieurs phénomènes intéressants : le /i/ pourtant
phonologiquement identique aux deux /i/ de colibri, y est noté, de
façon différente, par î ; le e et le s ne correspondent à aucun élément
de la chaîne orale. Ils n’ont toutefois pas le même statut : le e apparaît
constamment dans la graphie du mot île, alors que le s n’est présent
que lorsque le mot est au pluriel. La lettre s constitue donc la marque
de la catégorie morphologique du pluriel qui, apparente au niveau du
code écrit, ne l’est pas au niveau du code oral.
Ces phénomènes, variés, complexes et, pour certains, apparemment
étranges, s’expliquent par la structure spécifique de l’orthographe
française. On peut en décrire les grandes lignes de la façon suivante.
Les lettres de l’alphabet sont, selon le cas, chargées de trois
fonctions différentes :
A. Elles peuvent correspondre aux phonèmes du code oral. Elles ont
alors une fonction phonographique, d’où leur nom de phonogrammes.
Mais cette correspondance obéit elle-même à des règles complexes,
comme le montre le tableau synoptique de correspondance. On y
constate en effet les deux ordres de faits suivants :
1. La correspondance quantitative entre un phonème et une lettre,
observée dans de nombreux cas (voir l’exemple de colibri) n’est pas
généralisée :
a) Il est fréquent qu’un phonème unique soit marqué par un groupe
de deux lettres (digramme) ou de trois lettres (trigramme). Exemples :
voyelles : la voyelle /o/est notée selon le cas par une lettre (o ou
ô), par un digramme (au) ou par un trigramme (eau); les voyelles
nasales ne sont jamais marquées que par des digrammes ou des
trigrammes comportant une consonne graphique n ou m marquant la
nasalité : /S/ est noté par les digrammes an, am, en et em et par les
trigrammes aon (paon, faon) et aen (Caen).
semi-voyelles : elles sont notées selon le cas par une lettre, un
digramme ou un trigramme. Ainsi /j/ est noté par i (diable), y (yeux),
par le digramme il (rail) ou le trigramme ill (feuillage).
consonnes : une seule consonne, /v/, n’est jamais marquée que
par une lettre (v, w, f dans les cas de liaison du type neuf heures). Les
consonnes /G/, /Q/ et /E/ ne sont jamais marquées que par des
digrammes ou trigrammes (respectivement ch/sch, gn et ng ). Les
autres consonnes sont marquées selon le cas par une lettre, un
digramme, parfois un trigramme : ainsi /k/ a alternativement pour
marques les lettres c, k et q, les digrammes ce, qu, ck, ch (chœur), cq
(Lacq) et les trigrammes cqu (acquitter) et cch (saccharine).
b)Inversement, il existe une lettre, x, qui correspond à un
groupement de deux phonèmes, /ks/ dans axe, /gz/ dans examen. Seuls
font exception à cet usage dix ([dis]) et six ([sis]), ainsi que quelques
noms propres : Bruxelles, Auxerre, Auxonne, etc., qui ont pour
prononcia tion traditionnelle [brysDl], [osDr], [osCn], x correspond
au phonème /s/. En liaison, ainsi que dans sixième et dixième, x
correspond à/z/.
c)La lettre h ne correspond jamais à aucun phonème (en dehors du
digramme ch où elle contribue selon le cas à la marque de /G/ ou de
/k/) :
à l’initiale d’un mot, elle est selon le cas dite « aspirée », et a alors
pour effet de bloquer tout phénomène d’élision* et de liaison* (le
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