Attention : nombreux paragraphes extraits directement des sources suivantes : C. André et F. Lelord, L’estime de soi, s’aimer pour mieux vivre avec les autres. Odile Jacob Poches.2001. Daniel Calin, Les réactions psychologiques à l’échec scolaire. http://daniel.calin.free.fr/textes/echec.html I. Définition et rappels théoriques A) Définition thériques : L'estime de soi, selon Paradis et Vitaro (1992), est un regard global sur soi qui correspond à un jugement de sa valeur en tant que personne. Pour porter ce jugement, l'enfant doit d'abord acquérir une image de soi, c'est à dire avoir une connaissance de ses caractéristiques personnelles. Par ailleurs, Lawrence (1988) définit l'estime de soi comme étant l'évaluation individuelle de la divergence entre l'image de soi et le soi idéal. À la suite de l'analyse des concepts présents dans cette dernière définition, on constate que l'enfant doit être capable d'établir une comparaison entre ce qu'il est et ce qu'il souhaiterait être. Dans la mesure où l'individu accorde de l'importance à cette divergence, il est possible d'affirmer que le développement de l'estime de soi devient un processus affectif jouant un rôle fondamental dans le développement psychologique de l'enfant. (Cf. document 0) L’équation de James : l’estime de soi est le rapport entre nos prétentions et nos succès. On peut donc l’améliorer de deux manières : en diminuant nos prétentions, en augmentant nos succès, soit en réalisant un équilibre entre les deux. Le miroir social de Cooley (1902) et Mead (1934) : l’estime de soi est la perception de soi construite par l’intériorisation de l’opinion d’autrui sur soi. Le lieu de contrôle de Rotter (1966) : l’estime de soi se décline en fonction de la croyance de l’individu à être acteur des évènements de sa vie, ou victime. La hiérarchisation des besoins de Maslow (1970) : l’estime de soi correspond à une double nécessité pour l’individu, se sentir compétent et être reconnu par autrui. Le sentiment d’auto-efficacité de Bandura (1986) : l’estime de soi renvoie aux croyances de l’individu en ses capacités. 1 Coopersmith (1967) qu’il n’y a pas de corrélation significative entre l’estime de soi et le niveau social, éducationnel, ou professionnel des parents, mais qu’il y en a une entre l’estime de soi et la qualité de la relation qu’à l’enfant avec ses parents. Harter en 1978 : Les renforcements positifs sont importants parce qu’ils encouragent certains comportements et montrent là l’enfant l’adéquation de ses performances. Ils apportent stimulation et affection, et favorisent le processus d’indépendance et la recherche de la maîtrise. La source de cette approbation se modifie avec l’âge de l’enfant : jusqu’à 3 ans parents, après pairs. B) Composantes : Les composantes de l’estime de soi : Le sentiment de confiance ; La connaissance de soi ; Le sentiment d’appartenance à un groupe ; Le sentiment de compétence. Le sentiment de confiance est préalable à l’estime de soi. Il faut d’abord le ressentir et le vivre pour être disponible pour réaliser des apprentissages qui vont nourrir l’estime de soi. Les trois autres composantes peuvent être stimulée à chaque stade du développement mais ne peuvent exister sans la première qui est donc primordiale. C) Comment se développe l’estime de soi ? L’estime de soi se développe très tôt et évolue tout au long de la vie. Toutes les personnes significatives dans la vie de l’enfant sont des agents importants concernant l’édification de l’estime de soi : les parents exercent une influence déterminante, ainsi que les enseignants, et les pairs. C’est en majeure partie par l’intermédiaire du regard des personnes de son environnement que l’enfant développe ses perceptions et ses croyances envers lui. Pour l’enfant, les adultes sont comme un miroir où il se perçoit. A travers l’image que lui reflète son univers, l’enfant apprend qui il est. Donc, si les adultes transmettent à l’enfant une image positive de lui-même, il développera sainement son estime de soi et sa confiance en soi. D) Comprendre les mécanismes de l’estime de soi chez l’enfant : Les chercheurs font correspondre les débuts de l’estime de soi, à ceux de la conscience de soi. Il semble que ce soit vers l’âge de huit ans que les enfants accèdent à une représentation psychologique globale d’eux mêmes qui puisse être mesurée et évaluée scientifiquement. Ils sont alors capables de dire qui ils sont au travers de leurs différentes caractéristiques : physique, caractère etc... et de décrire leurs états émotionnels. Ils perçoivent leurs invariants et savent qu’ils restent identiques, mêmes s’ils traversent des états émotionnels différents. Cependant, l’observation des enfants montre que les choses se mettent en place bien avant 8 ans, même si elles sont difficiles à évaluer scientifiquement. 2 Encore mal étudiée par les chercheurs, l’estime de soi des enfants est une réalité complexe : pour pouvoir parler d’estime de soi, une certaine autonomie vis-à-vis des parents est nécessaire : certains enfants n’ont une bonne estime d’eux-mêmes que sous le regard bienveillant de leur mère. les réussites enfantines pèsent sur l’estime de soi et on peut les hiérarchiser : réussir une performance à la maison (un puzzle) sera valorisant mais moins qu’en milieu extérieur (ex toboggan très haut) qui le sera moins qu’une victoire dans un jeu compétitif. Dès l’âge de 3 ou 4 ans l’enfant commence à se préoccuper de son acceptation sociale. Le lien entre cette préoccupation et l’estime de soi est très étroit. Les tentatives des enfants pour se valoriser aux yeux d’autrui commencent elles aussi assez tôt. Entre 6 et 8 ans : comparaison des parents respectifs et plus tard rêveries sur la filiation. Les 5 domaines les plus importants dans la constitution de l’estime de soi des enfants et des adolescents sont o l’aspect physique (plaire aux autres) o les compétences athlétiques (être bon en sport, courrir vite, sauter haut, pouvoir gagner) o la popularité auprès des pairs (est-ce qu’on m’aime bien dans la classe et l’école, est-ce que j’ai beaucoup d’amis, est-ce que je suis invitée par des pairs...) o la conformité comportementale (est ce que je suis considérée comme responsable, est ce que je respecte les règles etc...= o la réussite scolaire (résultats scolaires) Il existe donc pour l’enfant 4 sources principales de jugements significatifs, donc quatre sources d’estime de soi : ses parents, ses enseignants, ses pairs (les enfants de sa classe et plus largement de l’école), ses amis proches. Quand elles fonctionnent toutes, ces quatre sources d’approvisionnement permettent plénitude et solidité de l’estime de soi. Si l’une ou l’autre est défaillante, les autre peuvent y suppléer : on supporte mieux une mésentente dans un domaine, si on est apprécié dans les autres. Cependant quatre sources de jugement, cela fait quatre sources de pression autour de quatre rôles sociaux que l’enfant doit bien tenir s’il veut son compte d’estime de soi : être bon fils ou bonne fille, bon élève, bon camarade, bon copain ou bonne copine. Autrement dit, il doit fournir quatre fois plus d’efforts pour préserver une bonne image sociale !!! L’importance relative de ces différentes sources de renforcement de l’estime de soi varie selon l’âge. o Chez les très jeunes enfants, l’avis qui a le plus de poids est celui des parents. Puis au fur et à mesure du développement, c’est l’importance des pairs qui s’affirme. o Entre 3 et 6 ans le réseau relationnel se multiplie et se complexifie, avec une tendance plus nette chez les garçons (bandes) que chez les filles (dyades). C’est une période clé pour la construction de l’estime de 3 soi, en particulier dans sa dimension sociale, l’enfant se montrant très préoccupé de sa popularité. L’avis des parents reste important dans les domaines de la conformité comportementale et de la réussite scolaire. o Par contre, c’est l’avis des pairs qui est principal en ce qui concerne l’aspect physique, les compétences athlétiques, et la popularité. E) Importance de la place dans la fratrie : La naissance d’un sœur ou d’un frère cadets représente toujours un coup porté à l’estime de soi de l’aîné qui, souvent, s’inquiète et souffre d’avoir perdu son statut d’objet d’amour unique. Selon le profil psychologique, cette souffrance prend différents visages : opposition ouverte, conduites régressives, recherche d’attention, etc.... Dans tous les cas, elle témoigne des doutes de l’enfant quant à l’amour que lui portent ses parents. Que vienne au monde un troisième et c’est au tour du cadet de changer de statut. L’aîné, lui, a déjà passé le cap, et son prestige d’aîné peut y gagner. D’après les recherches actuelles, pour répondre aux attentes des parents, l’aîné investirait son estime de soi dans la réussite et la performance, tandis que la place du bon élève étant déjà prise, le cadet privilégierait le relationnel. Les deux auraient donc des estimes de soi de types différents. Pour un aîné, l’estime de soi est d’abord très fortement « nourrie » par les parents qui lui consacrent plus de temps etc... Puis cela doit être partagé, car même si parfois l’amour parental peut être sans limites, le temps parental lui en a. D’où un sentiment de menace, une conscience plus aiguë qu’il est possible de perdre ce qu’on avait, et une estime de soi moins stable. Pour un cadet, l’affection reçue est partagée dès la naissance. La menace d’une perte possible est moins présente. D’autre part, il se tourne plus spontanément vers l’autre nourriture relationnelle de l’estime de soi, l’approbation et l’estime des pairs. L’aîné, lui s’appuie sur celles des parents. Le cadet a donc un sentiment de menace moindre, une meilleure diversification des sources de valorisation ce qui va entraîner une estime de soi plus stable. Miller et Naruyama en 1976, Falbo et Polit en 1986. F) Le choc de la scolarisation : Entre la vie à la maison et à l’école, le changement peut être très brutal pour l’enfant et avoir des répercussions sur son estime de soi. Cf. Document 1 : Impact de la scolarisation sur l’estime de soi D’après de nombreux spécialistes, plus l’estime de soi d’un enfant est élevée, meilleurs seront ses résultats scolaires. D’autres observations plus intéressantes ont été faites : le niveau d’estime de soi prédit assez bien la valeur des stratégies qui seront mises en place par l’enfant lorsqu’il rencontrera des difficultés scolaires : une estime de soi élevée est associée à des comportements plus adaptés, comme la recherche de soutien social, une relative confiance dans l’avenir, des capacités de remise en question, une confrontation active à la réalité etc... Une basse estime de soi est en revanche plus facilement corrélée à des attitudes peu productives et qui risquent d’aggraver la situation : fatalisme, évitement du problème, anticipations négatives.... 4 Influence du milieu scolaire : Globalement, les systèmes scolaires compétitifs améliorent l’estime de soi des sujets chez lesquels elle est haute, et altère celle des autres. Les systèmes non compétitifs valorisent relativement moins l’estime de soi des bons élèves, mais améliorent celle des mauvais qui se sentent moins menacés. C’est une qualité d’éducation globale, améliorant l’estime de soi qui est le meilleur prédicteur de réussite scolaire. Pour réussir ses études sur le long terme, il n’y a pas que les compétences intellectuelles et la quantité de travail qui comptent, mais aussi la stabilité émotionnelle, la résistance aux échecs, etc ... toutes choses liées à l’estime de soi. Les réactions psychologiques à l’échec scolaire : (Daniel Calin) : Tout échec, chez qui que ce soit, et de quelque type qu’il soit, constitue, presque par définition, une « atteinte de l’image de soi ». Mais l’échec scolaire tend à aggraver ces réactions habituelles, pour quatre raisons au moins : Il s’agit d’enfants : l’enfant relativement à l’adulte a un Moi mal assuré, qui ne peut « tenir » que s’il s’appuie, de façon suivie et concrète, sur « l’estime des autres » (ses parents, ses enseignants, ses camarades...). Autrement dit, l’enfant est bien plus narcissiquement dépendant que l’adulte. L’échec scolaire entame généralement gravement l’estime des autres, et tend à priver l’enfant de cet étayage narcissique psychologiquement vital pour lui. L’échec est précoce. Malgré les dénégation usuelles des enseignants des classes maternelles, les enfants ressentent plus ou moins confusément les différences, si bien que l’échec scolaire est de fait vécu dès les classes maternelles et quoi qu’il en soit, au plus tard dès le CP, donc à un âge très « tendre », à un âge où l’enfant est encore très dépendant narcissiquement des gratifications des adultes. La précocité de l’atteinte narcissique radicalise sa force, ainsi que la gravité de ses retentissements sur les possibilités de développement de l’enfant qui la subit. L’échec scolaire touche le plus souvent des enfants déjà « fragiles » sur le plan narcissique, et presque toujours des enfants psychologiquement « fragiles » d’une façon ou d’une autre. Ce sont les plus « fragiles » qui échouent, et cet échec les touche plus qu’il n’aurait touché les autres, moins fragiles, et moins avides d’étayage narcissique. L’école est au cœur de la valorisation des enfants : Dans nos sociétés développées, la scolarité est devenue, dans presque tous les milieux, la tâche essentielle des enfants : on leur demande d’abord de « bien travailler à l’école ». Le plus souvent, même, on ne lui demande que cela. Le travail scolaire est ainsi devenu sa plus importante source de reconnaissance, sinon la seule. L’échec scolaire touche ainsi la source essentielle de gratifications narcissiques des enfants. Il est par là peu « compensable » et cela de moins en moins. Priver une enfant de réussite à l’école, c’est donc bien le priver de la reconnaissance des autres. G) Les conséquences possibles d’une faible estime de soi : a) Document 2 : « Conséquences possibles d’une faible estime de soi » 5 b) Les mécanismes défensifs induits : Toute personne confrontée à l’échec « réagit » d’une façon ou d’une autre, pour tenter de « se défendre » de cet échec, et « contre » lui (sauf réaction dépressive). Face à l’échec, la seule conduite véritablement adaptative consisterait à faire ce qui est nécessaire pour « récupérer « cet échec dans la mesure où cela est possible, ou sinon pour éviter d’échouer à nouveau dans des circonstances similaires. Encore faut-il que cela soit accessible pour l’individu. L’échec scolaire, pour ces jeunes enfants fragiles, est particulièrement accablant, difficilement « évitable » par leurs seules forces. Ils sont donc condamnés à « se défendre » de l’échec par des voies non véritablement adaptées, mais non strictement pathologiques non plus, car elles vont leur permettre de sauvegarder l’essentiel de leur Moi, de préserver leur « personnalité » en évitant les effondrements dépressifs ou psychotiques. Ce sont ces voies médianes entre pathologie grave et adaptation réaliste que constituent les « mécanismes de défense du Moi », face au sentiment d’échec, comme face à d’autres types de difficultés d’ailleurs. La régression : L’individu en difficulté, tente de se réfugier dans des états antérieurs qui ont été vécus par lui comme plus satisfaisants que sa situation actuelle. L’enfant, lui, tend à « agir » ses régressions. Il ne se réfugie pas mentalement dans des souvenirs agréables, il actualise dans des conduites ces situations antérieures. Cela prend souvent la forme d’un infantilisme exagéré, en particulier d’une hyper dépendance générale à l’égard de l’adulte, d’une propension à solliciter outrancièrement l’adulte, à se coller à lui en permanence. Tout cela bien entendu, réactive les formes mêmes de l’attachement primaire à la mère. Les enseignantes, plus que les enseignants sont souvent confrontées à ce type de réactions, que leur propre sensibilité tend d’ailleurs parfois à favoriser. Si l’adulte se prête au jeu, cette « infantilisation » est relativement adaptative par rapport au problème narcissique posé à l’enfant. S’il parvient à se faire « materner », cela signifiera pour lui qu’il est un « objet d’amour » possible, et cela lui apportera de réelles gratifications narcissiques. Le problème est que ce type de gratifications narcissiques, dans cette situation, tend à jouer à l’encontre du développement, de la « croissance » de l’enfant. L’enfant qui se positionne face à un adulte sur le mode émotionnel d’une relation régressive « adhésive » se met par là même dans un état intrapsychique qui fait barrage à tout apprentissage, et plus particulièrement à tout inscription psychique d’un apprentissage. La gestion psychopédagogique des problèmes posés par ces mécanismes régressifs est assez difficile. Il faut savoir mêler et doser convenablement un fond de disponibilité « maternante » sans lequel rien n’est possible avec ce type d’enfants, et l’imposition « paternante » d’exigences éducatives fermes et adaptées aux possibilités de l’enfant. Le déplacement : Dans le déplacement, le désir narcissique, le besoin d’estime de soi, se détourne de l’activité scolaire où il ne trouve pas à se satisfaire, et tente de trouver des gratifications dans d’autres activités. Narcissiquement, c’est un comportement qui peut être très adaptatif si l’enfant trouve de fait, ailleurs d’autres gratifications. Il peut même être socialement adaptatif, si ces autres activités sont 6 socialement valorisées, comme c’est le cas pour les activités sportives, par exemple. C’est beaucoup plus gênant, bien sûr, si ces activités sont plutôt sur le versant antisocial : conduites agressives, et prédélinquantes pour les garçons, hyper séductrices précoces pour les filles. Certains de ces déplacements restent cependant liés au cadre scolaire ; Il s’agit par exemple de « positions » intra scolaires comme celle de « pitre de la classe », ou de « caïd des cours de récréation » ou des sorties d’école. Il peut même s’agir de la délinquance « périscolaire ». Toutes ces attitudes dénotent un maintien, plus ou moins perverti bien sûr du « lien à l’école ». A certains égards, même si elles sont très dérangeantes, ces conduites sont moins inquiétantes ou en tous cas moins désespérantes pour l’avenir scolaire de l’enfant, que des conduites qui témoignent d’une désinvestissement scolaire massif, beaucoup plus difficile à récupérer, surtout lorsque l’enfant s’est organisé ailleurs des systèmes de valorisations narcissiques psychiquement efficaces à défaut de l’être socialement. La seule règle pédagogique est donc de sauver à tout prix l’ancrage scolaire de l’enfant, y compris en favorisant les déplacements de la quête narcissique vers des positions ou des activités scolaires plus ou moins périphériques. La compensation fantasmatique : il s’agit du développement d’une vie fantasmatique compensatoire, qui se traduit extérieurement par l’apathie, en situation scolaire. L’usage excessif de ce mécanisme, plus que le mécanisme en lui-même banal, est toutefois une source importante de résignation à l’échec, donc d’enfoncement dans l’échec. La réaction pédagogique à cette compensation consiste à favoriser le réinvestissement scolaire de l’intense activité mentale de l’enfant, à travers des activités d’expression en général, et d’expression langagière en particulier. La dénégation : La dénégation consiste à nier une vérité, contre toute évidence, et à l’encontre d’une réalité dont on a au fond parfaitement conscience, ce qui différencie la dénégation du déni. En réaction à un échec scolaire, le mécanisme se traduit souvent par des contestations des jugements des maîtres ou des mises en cause de leur valeur pédagogique voir d’une négation générale de la valeur de la scolarité. Les enfants sont encore trop dépendants des jugements des adultes pour utiliser d’eux-mêmes ce mécanisme de défense, qui devient par contre fort banal dès l’adolescence. Il est cependant très fréquent que des enfants utilisent ce mécanisme défensif, lorsqu’ils sont appuyés dans ce sens par leur famille, qui se défend alors elle-même de l’atteinte narcissique que représente pour elle aussi l’échec de son enfant par le même mécanisme de dénégation. En ce cas, du point de vue des besoins narcissiques de l’enfant, le mécanisme est très efficace, puisque l’enfant reste valorisé dans sa famille, et délivré par elle de la charge émotionnelle négative de l’échec. Ce cas de figure place cependant l’enfant hors d’atteinte de toute entreprise pédagogique, puisque toute tentative de « re scolarisation » remettrait en cause les bénéfices psychiques consistants que l’enfant tire de ce mécanisme dans de telles conditions. Face à ce type de situations, l’intervention auprès de la famille est indispensable et bien sûr très difficile par définition. On peut seulement noter que la puissance même de la vindicte antiscolaire de la famille témoigne à sa façon d’un fort attachement à 7 l’école. On peut donc diplomatiquement tabler sur ce fond positif dans les négociations à mener avec elle. L’indentification à l’agresseur : C’est un mécanisme de type masochique : l’enfant, agressé par une école dévalorisante pour lui, se défend contre cette dévalorisation en sur adhérant à ce qu’il pense être les valeurs et les exigences de cette école sadique, ou se sur identifiant au maître qui incarne cette école, et en trouvant plaisir et fierté dans ces identifications. Il n’est plus l’enfant qui échoue : au fond, il devient, par cette suri identification celui qui fait échouer. Cela donne des enfants qui « singent » les bons élèves, qui sont « studieux », « appliqués », « besogneux », qui redemandent indéfiniment les mêmes exercices scolaires, en particulier les plus mécaniques et les plus répétitifs, parce que ce sont eux-là qu’ils perçoivent comme typiquement scolaires. Les plus masochiques d’entre eux s’arrangent même pour les ‘rater » systématiquement. Elèves, d’une « bonne volonté « désarmante, mais « désespérants » parce qu’ils ne progressent pas malgré tous leurs « efforts ». En effet, ils ne peuvent pas progresser, malgré les apparences, car leur attitude n’a que l’apparence d’une « bonne attitude scolaire », sans l’être en rien au fond. Ils ne s’appliquent pas à apprendre, mais à imiter des exigences scolaires dont ils n’ont pas du tout compris les significations. Les tâches auxquelles ils s’appliquent ne sont pas au fond pour eux, des tâches d’apprentissage, mais plutôt des rituels à fond sadomasochiste. Elles ont pour eux des significations émotionnelles, et non pas cognitives. Ces attitudes doivent être cassées avec toute la prudence nécessaire pour instaurer une véritable attitude d’apprentissage, par un travail méthodologique et métacognitif indispensable, afin d’amener l’enfant à prendre conscience des procédures cognitives appelées par les tâches scolaires, à se détacher d’une perception mécanique de ces activités pour commencer à percevoir puis investir leur contenu cognitif. La projection sur autrui : Le sentiment d’échec personnel est masqué par la mise en avant (fondée ou non) de l’échec « pire » des autres. Ce mécanisme tend à se coordonner avec celui de l’identification à l’agresseur, l’enfant singeant alors les jugements négatifs portés sur lui, en radicalisant leur dureté, et bien sûr en reportant ces jugements sur les autres. C’est une attitude à casser en remettant fermement ces enfants à leur place, donc face à leurs difficultés personnelles réelles. L’inhibition : Lorsqu’elle est réactionnelle, l’inhibition consiste à désinvestir les activités décevantes ou blessantes, ou plus exactement les grandes fonctions du Moi sollicitées par ces activités. A l’extrême, l’inhibition se généralise, et touche toutes les grandes fonctions du Moi : fonction intellectuelle, bien sûr, quand il s’agit d’échec scolaire, mais aussi fonction de relation (repli sur soi, mutisme) voire fonction motrice, fonction perceptive, fonction fantasmatique. Cette « rétraction du Moi » généralisée est gravissime, car elle n’offre plus de voies de dépense aux énergies pulsionnelles. Elle ne peut alors que déboucher sur une explosion ou une implosion de la structure de la personnalités : psychose, dépression, débilisation. 8 Plus couramment, l’inhibition, très fréquente reste sectorielle, et permet alors des déplacements ou d’autres formes de compensation. Sur le plan psychopédagogique, l’inhibition appelle compréhension et prudence de la part du maître. Il faut prendre bien conscience du caractère fortement défensif de l’inhibition. Plus que tout autre mécanisme de défense, l’inhibition est quasiment à nu, une défense contre ce qui fait mal, ou plutôt contre ce qui risque de faire mal. L’inhibition témoigne d’une peur panique de souffrir encore. Elle appelle donc une grande prudence dans l’approche même de l’enfant inhibé. Les pédagogues dynamiques qui bousculent les enfants endormis sont cauchemardesques, mal traitants psychiquement pour les enfants réellement inhibés. Il faut absolument adopter le parti inverse : solliciter doucement, progressivement, savoir attendre, savoir respecter les réticences de l’enfant et lui témoigner qu’on le comprend. En un mot, il faut reconnaître d’abord l’enfant inhibé comme enfant souffrant, avant de tenter d’insuffler en lui le courage de se tourner à nouveau vers le monde, donc, à ses yeux, le courage de risquer le retour de la souffrance. L’isolation : Appliqué à l’échec scolaire, ce mécanisme fait que l’enfant sait qu’il échoue, perçoit clairement sa situation, mais n’éprouve consciemment aucune souffrance. il s’est « blindée, et tout « glisse » sur lui, y compris tout effort pédagogique. Le déni : Le déni fait disparaître de la vie mentale, y compris inconsciente, la perception de certaines réalités. En effet, le déni peut contribuer au « confort psychique » en éliminant totalement les représentations gênantes, sans résurgences inconscientes, induit en même temps un appauvrissement radical de la vie psychique, qu’il prive totalement de la stimulation de tout ce qui est dénié. On peut se demander si l’impassibilité apparente de certains enfants face à l’échec ne relève pas du déni, comme l’indiquerait assez bien en fin de compte l’emmurement dans l’échec qui semble aller de pair avec cette attitude. Le clivage : La vie psychique est scindée en deux secteurs totalement étances l’un à l’autre sur le plan émotionnel, mais totalement transparents sur le plan des représentations de la conscience. On est très loin a priori du « conflit » d’un enfant avec l’école, mais il y a parfois un tel gouffre entre l’image d’un enfant à l’école, et son image hors école, qu’on est tenté d’utiliser cette notion de clivage à son sujet. Conclusion : l’échec scolaire, quelle que soit sa cause première, inflige à l’enfant une blessure narcissique, une atteint grave, conscient ou inconsciente de l’investissement narcissique de son Moi (ou de son « estime de soi), « blessure ou atteinte contre laquelle l’enfant doit nécessairement développer des « mécanismes de défense » sous peine d’effondrement grave de la personnalisé (dépression, débilisation, voire psychose). 9 II. Développer et/ou restaurer l’estime de soi : A) Ce qui nuit à l’estime de soi : Document 3 : Eléments susceptibles de nuire au développement de l’estime de soi B) Ce qui renforce ou favorise l’estime de soi Document 4 : Renforcer, favoriser, reconstruire l’estime de soi : pistes pédagogiques et rééducatives. C) Approches pédagogiques et thérapeutiques : Attention, toutes ces pistes ne sont pas forcement rééducatives. Il faudra ensuite en fonction de ses connaissances de l’enfant, et de son éthique de maître G, voir ce qui nous paraît possible de proposer en suivi rééducatif, lors des entretiens enseignants, parents etc.... La règle psychopédagogique essentielle est de ne pas heurter de front ces défenses. Il s’agit plus précisément de tenir compte du fait que les équilibres psychiques précaires de ces enfants ne tolèrent l’abandon de ces défenses que dans la mesure précise où les bénéfices psychiques que l’enfant en retire malgré tout sont remplacés par d’autres satisfactions, au moins aussi fonctionnelles intra psychiquement pour l’enfant et bien sûr, de préférence, plus proches des nécessités de la scolarisation. Sur ce dernier point, il faut noter que le rapprochement d’un enfant en situation d’échec des conditions psychiques d’une réelle scolarisation passe assez fréquemment par des détours qui peuvent sembler dans un premier temps l’éloigner encore plus de la position d’élève potentiel. On sait bien, par exemple que la levée d’inhibitions s’accompagne presque toujours d’une phase de débordements moins confortables pour le maître comme pour tout l’entourage de l’enfant que ne l’étaient les attitudes antérieures de repli sur soi. Pourtant ces réactions plus ou moins explosives témoignent d’une remobilisation émotionnelle très positive psychiquement en elle-même, mais qu’il restera évidemment, dans un second temps à canaliser vers les apprentissages scolaires. Il faut situer les contraintes, limites et attentes en fonction de la maturité réelle de l’enfant, incluant autant l’aspect cognitif qu’affectif, en évitant de trop dépasser un seuil raisonnable de frustration, (afin d’éviter le sentiment de persécution et le rejet) afin de valoriser davantage l’effort, même le plus minime, la relation d’empathie, l’activité gratuite. Favoriser l’émergence des compétences en tenant compte du mode particulier d’intelligence propre à l’enfant (intelligence concrète, abstraite, physique, mentale, visuelle, auditive, intuitive ou déductive, mécanique, manuelle, poétique, mathématique, informatique etc.) Permettre les identifications : mise en groupe, médiations conte, mythes, jeu symbolique, métaphores, production d’écrit... Les histoires permettent aux enfants de réfléchir, de s’identifier et son souvent l’amorce de changements dans sa façon de percevoir les choses : 10 III. Evaluer l’estime de soi : Investigations permettant d’appréhender la notion d’image de soi chez les enfants des cycles II et III. avec des moyens différents. A) Moyens mis en œuvre : questionnaire portant sur les caractéristiques personnelles : cf. document 5 : Questionnaire portant sur les caractéristiques personnelles Objectifs : Saisir l’image sociale de l’enfant : la représentation de soi telle que le sujet l’imagine chez autrui. Saisir l’image propre de l’enfant : La représentation de soi telle qu’elle est perçue par le sujet. o Au niveau explicite : le système d’opinion que l’enfant a sur lui-même, ce que l’enfant dit de lui-même en tant qu’enfant et élève ; o Au niveau sous-jacent : un système d’attitudes et de conduites face aux tâches, aux situations, aux personnes. Utilisation : Au cours d’un échange qui peut se dérouler sur plusieurs séances, aborder tous les items proposés et demander à l’enfant de donner son avis propre, l’avis supposé de sa mère, de son père, et de son enseignant. Reporter les réponses dans un tableau du type ci-dessous, afin de pouvoir ensuite plus aisément en analyser les résultats. Item 1 Item 2 -- - 0 ISP IPE ISE ISM + ++ ISM ISE IPE ; ISP Exemple de report des réponses : en rose. Remarques : L’objectif premier reste la rencontre avec l’enfant, et non pas les résultats obtenus. Il est donc important, de mener l’entretien avec des techniques d’entretien d’explicitation et/ou d’écoute rogérienne. Les objectifs du travail rééducatif doivent être mis en place, ensuite, en fonction des résultats obtenus. Ce travail d’évaluation peut être à nouveau effectué en fin de suivi pour évaluer les transformations, et éventuellement les changements qui restent à accompagner. 11 B) Moyens mis en œuvre : bilan, et échanges oraux : cf. document 6 : tableau vierge. Analyser les réponses données par l’enfant en situation individuelle à des échanges oraux, ou à un questionnaire sur les caractéristiques personnelles. Incarner une attitude rééducative pendant les évaluations : ce qui nous intéresse ici, ce n’est pas les résultats obtenus à un test échelonné, mais la relation qui s’installe autour de « qui est cet enfant spécifique », ce qu’il peut dire de lui-même et de sa vision du monde. Utilisation : 1) Demander à l’enfant comment il se situe sur une échelle de 0 à 4 dans les domaines suivants : Réussite scolaire Apparence physique Compétences sportives Popularité Conformité sociale Ces jugements sur ses qualités personnelles sont reportés sous forme de points bleus sur la grille. Ces points bleus sont ensuite reliés par un trait de même couleur. 2) Demander à l’enfant de se positionner (échelle de 0 à 4) quant à l’importance sociale de : La réussite scolaire, L’apparence physique Les compétences sportives La popularité La conformité sociale. Reporter ses réponses dans la même grille avec des points d’une autre couleur, points qui seront ensuite reliés par un trait de même couleur (rose par exemple). 3) Le rééducateur analyse les résultats en comparant les courbes et principalement la distance entre les deux. Exemples : On peut être très mauvais en sport (cotation 0 bleue) , mais si on considère que socialement ce n’est pas important (cotation 0 rose), les courbes coïncident, et l’image de soi reste bonne. On peut être moyen à l’école, et très populaire, et évaluer les résultats scolaires comme primordiaux et la popularité comme très secondaire, et donc avoir une image de soi plutôt mauvaise, alors qu’on peut être très moyen à l’école et très 12 populaire, et évaluer la popularité comme primordiale, ce qui produit une bonne image de soi. Exemples comparatifs de Jacques et de Jean. Ils ont à peu près le même profil. Ils sont populaires car ils ont bien intégré les règles de leur groupe social et ont une réussite scolaire et sportive très moyenne. Cependant, leurs scores d’estime de soi sont très différents. Jacques pense que les domaines où il n’est pas bon ne sont pas importants. De ce fait, il se sent mieux dans sa peau que Jean, aux yeux de qui la réussite scolaire et athlétique est indispensable à une bonne estime de soi. Il est donc important, ici, de bien saisir la différence entre les jugements de l’enfant sur ses qualités personnelles (ton niveau dans ses différents domaines ?) et le jugement de l’enfant sur l’importance sociale (A quel point cela compte-t-il aux yeux des autres ?) C) Moyens mis en œuvres : observations diverses Observer les attitudes et conduites de l’enfant face : à ses pairs, à l’adulte, à l’enseignant, au rééducateur, aux parents ; aux situations de jeu individuelles ou collectives ; à des tâches scolaires variées avec des types d’accueil différents et des situations différentes (grand groupe, groupe restreint, individuel) ; à des productions imaginaires. Prendre appui sur des outils du type : cf. document 7 : « Grille des comportements généraux » ; Document 2 : « Conséquences possibles d’une faible estime de soi » Grille d’observation en séance. Productions imaginaires : jeu symbolique, dessin, production d’écrit, invention d’histoires à l’oral etc..... D) Moyens mis en œuvre : étudier les images de soi dans les productions imaginaires de l’enfant (scénarios apparaissant soit aux travers de la médiation : production écrite, jeu symbolique, terre, marionnette, peinture, petit matériel symbolique, production imaginaire etc.. soit dans le réel des séances) Attitude générale de l’enfant : o Difficultés à produire, temps de latence, nécessité d'encouragements, de relance ; o Langage corporel, aspect moteur et idéo-affectif. Analyse des récits: o Niveau d'expression verbale, o Présence d'une organisation temporelle, o Déroulement des entreprises, o Valeur accordée à celui qui conduit les entreprises, 13 o Qualité des relations existantes entre les personnages évoqués, o Dynamique de l'action: o origines de l'activité, (activités imposées au héros ou spontanées), buts poursuivis, caractère des activités (agréables ou désagréables, avec plaisir ou non), difficultés rencontrées, réactions et attitudes du héros face aux obstacles, issues des entreprises. Univers thématique: thèmes "primitifs" : jeux, manger, dormir (dont la fréquence diminue avec l'âge), thèmes "mûrs" : scolarité, activités d'apprentissages, d'investigation, de réalisation, organisées et adaptatives (dont la fréquence augmente avec l'âge). thèmes récurrents : "défense-réparation", "impuissancedépendance", "agression-hostilité" etc..... o Sentiments et attitudes évoqués : abandon, tristesse, colère, capacité à envisager le devenir d'une entreprise, solitude, désir d'indépendance etc... o Images d'autrui: présence du couple parental, de la mère, du père. modalités relationnelles: "secours-protection", "demande don", "amour-rejet", "lois et sanctions", "agression". personne apparaissant comme dominante. et 14