CHI 003 : Histoire de la Chine ancienne et impériale
Chapitre 1
Les grands traits de l’histoire chinoise
Introduction
Même à notre époque, il existe encore des idées reçues sur la Chine. Nombreux sont ceux
qui s’imaginent avoir une certaine connaissance de la Chine. L’objectif du cours est de se
débarrasser de ces idées reçues en se rendant compte. L’ignorance est un savoir que l’on ne
connaît pas.
* ‘’La civilisation et le pays sont immobiles’’ : l’idée est renforcée par la continuité des
sources historiques. Il y a une confusion avec la continuité de l’Histoire. Or, c’est différent.
La continuité des sources historiques ne signifie pas la continuité de l’Histoire. C’est un
piège.
* ‘’Sa civilisation est la plus ancienne du monde’’ : l’affirmation est ridicule. L’Etat
centralisé apparaît au 3e siècle AE. La Chine aurait alors fixé les cadres économique et
social jusqu’à nos jours.
La Chine fait partie de la mythologie et de l’imaginaire français. La vision des philosophes
du 18e siècle est que la Chine est le pays des philosophes où le souverain gouverne en s’aidant
des conseils desdits philosophes. C’est alors le pays des sages, gouverné par des lettrés
confucéens.
L’attitude européenne change au 19e siècle. De sinophile, elle devient sinophobe. Le pays
souffre d’un despotisme cruel. La justice applique une gamme de tortures raffinée avec
beaucoup de superstitions. La Chine est ainsi très réfractaire au message chrétien.
Les images des Européens sur ces 2 siècles n’ont aucun rapport avec la réalité. L’illustration
en est faite avec l’article de Francis Déron
1
, à l’occasion du séjour de Jacques Chirac en
1991
2
.
1
correspondant du ‘’Le Monde’’ à Pékin
Dans sa réflexion sur la situation actuelle, il affirme que la Chine de 1991 est celle de Qin
Shihuangdi. Il présente l’ouverture de son tombeau comme une décision politique, un
problème politique et financier. Le démembrement de l'oeuvre de Qin Shihuangdi aurait
commencé en 1991 et le pays vivrait dans le cadre des institutions de Qin Shihuangdi, tandis
que la population vivrait selon ses normes.
Même si l’article de Francis Déron
3
comporte quelques vérités, il s’y trouve aussi des
règlements de comptes.
Cette admiration d’un pays sans changement depuis 3.000 ans est l’apanage d’Alain
Peyreffite, membre de l’Académie Française et de l’Institut de France. Il ne comprend pas le
Chinois et ne le lit pas. Malgré cela, il est considéré comme un spécialiste incontesté de la
Chine.
Les tenants de la pensée libérale sont partisans de la théorie que ‘’La Chine n’a jamais
changé’’ : le pays a toujours été dirigé par un régime despotique, dont le Parti communiste
assure la continuité. Le commerce est possible avec ‘’le pays des droits de l’homme’’, sans
pour autant que le problème soit abordé dans ce pays.
Il est vrai que certains Chinois sont imbus de leur héritage culturel. Or, ce phénomène se
vérifie pour toute civilisation. Margaret Tatcher disait que la France n’était pas la 1ère à mettre
en exergue les droits de l’homme. Or, il y a là une double méprise :
* Faire peu de cas d’une histoire très mouvementée : pour certains chercheurs, la Chine
est le pays du changement, sur les plans historique, civilisateur et populaire.
* Comparer le despotisme de Qin Shihuangdi et le Parti communiste : c’est faire peu cas
de la spécificité du Parti communiste. Car il représente une innovation par rapport aux
régimes totalitaires, phénomènes du 20e siècle. Or, d’autres pays ont fait ce choix, mais Qin
Qhihuangdi ne faisait pas partie de leur histoire. Parler d’un héritage direct de Qin
Shihuangdi à Mao équivaut à penser que la Chine n’est pas dégagée de cette logique.
Une autre variante est celle du confucianisme avec des idées bien ancrées. Certaines ont
varié, d’où l’approche de l’histoire par rapport à la société. La Chine est éternelle, avec une
idéologie éternelle.
La société chinoise ayant été longtemps immobile, le principe du changement a été étouffé.
La culture confucéenne étant isolée, elle est frappée d’immobilisme.
Les Chinois présentent la Libération comme un événement positif. Le Parti communiste a
contribué au déclin de l’obscurantisme et du féodalisme. Ceci est la logique politique des
dirigeants. En Chine, l’histoire jusqu’au 19e siècle est un bloc présenté comme gudaishi
4
.
Ainsi, l’écriture serait apparue en 1840.
2
Visite officielle à Pékin et à Xi’an, au tombeau de Qin Shihuangdi.
3
Paru dans ‘’La revue des deux mondes’’ sous le titre ‘’Pour en finir avec la sinologie’’.
4
histoire ancienne
La tendance est de présenter la Chine jusqu’en 1949 comme n’ayant connu aucun
changement. Le recul dans le temps, un phénomène plus récent, servent à justifier la situation
actuelle de la Chine
5
. Il suffit d’un coup d’oeil sur les cartes pour voir l’évolution du territoire
chinois et sur ce plan, il y a une longue évolution dans le temps.
La Chine actuelle n’est pas celle du passé et elle n’a pas été unie durant toute son histoire.
Son unité ne se situe pas dans son territoire ou dans son régime politique. Elle est ailleurs et
ce serait plutôt une unité de civilisation.
Ce qui est frappant, c’est la diversité. Si l’on aborde le pays par le Sud, on est d’abord surpris
par la langue. Car on ne parle pas le Mandarin à Canton, mais le Cantonais. 10 % de la
population chinoise aurait une bonne maîtrise du Mandarin. La grande diversité des dialectes
sans compter la langue du Nord fait qu’un Pékinois arrivant à Kunming aurait une mauvaise
compréhension d’un pur Yunnanais.
Cette diversité se retrouve également sur les plans de la population, de la géographie et des
traditions. Les espaces culturels sont solidaires dans l’espace et dans le temps. Ils partagent
une portion d’histoire commune en étant réunis dans un même espace, mais chacun a sa
particularité.
Il ne faut jamais oublier l’immensité du pays. Dans ce domaine, il est possible de le
comparer avec l’Europe, en ce qui concerne l’histoire et les conditions géographiques. Ce qui
fait que les différentes populations de Chine ont diverses conditions de vie.
La population chinoise n’est pas uniforme, car elle comprend plusieurs centaines d’ethnies,
appelées minorités nationales
6
. Le reste de la population
7
est d’origine Han. Un Chinois se
définit toujours sur le plan ethnique, selon son ethnie d’appartenance
8
.
54 minorités nationales ont été reconnues à leur demande, dans les années 1950. Lors de
l’inscription, il y avait déjà 300 groupes, rien que pour la seule province du Yunnan. C’est
pourquoi il a été procédé au regroupement de plusieurs ethnies plus ou moins proches, sous
une appellation. Ces ethnies se différencient par leurs langues, leurs coutumes et leurs
traditions. Cependant, elles sont assimilées à la population chinoise.
Afin d’acquérir une bonne connaissance de ces minorités, les Chinois mettent à jour les
différents apports des ethnies. Ils exploitent alors des documents, ce qui nécessite du courage
et la constitution d’équipes.
Durant des années, les Chinois ont eu 3 principales questions à l’esprit :
* Qui sont les Chinois ?
5
Par exemple, le Xinjiang, chinois depuis 1884 ou le Tibet
6
6-7 % de la population
7
soit 93-94 % de la population
8
Hanzu, Miaozu, etc.
* A partir de quand peut-on parler de Chinois
* Pourquoi employons-nous le terme ‘’Chinois’’, alors que les Chinois eux-mêmes
utilisent les termes ‘’Hanzu’’, ‘’Huaren’’ ou ‘’Zhongguoren’’ ?
I. Les origines (la Préhistoire)
Dans l’état actuel des connaissances, il y a 2 aspects principaux :
* Il est généralement admis que l’Homme est une évolution, connue sous le nom de
Homo Sapiens Sapiens : l’Homme est donc d’une remarquable unité, sur le plan
biologique.
* Jusqu’à preuve du contraire, l’Homme a 2 berceaux :
- l’Afrique : l’Homme y est présent au Paléolithique. Au Proche-Orient, on trouve le 1er
système d’écriture et l’agriculture jusqu’à la fin du Néolithique.
- la Chine : les chercheurs chinois ont cherché à prouver que leur pays était le berceau de
l’humanité et cette tendance est générale. L’origine de l’Homme en Chine date du
Paléolithique. Sa présence est plus importante au Néolithique
9
.
Tout cela casse la vision traditionnelle d’une civilisation ancrée dans la région du Fleuve
Jaune. A la fin du Néolithique, l’Homme est présent dans les vallées du Fleuve Jaune, du
Changjiang et le long des côtes sud-est du pays
10
.
Jusqu’à présent, l’archéologie est relativement développée, mais en circuit fermé. La
coopération internationale est actuelle, mais elle est très limitée. Alors, les trouvailles
confirment ou bouleversent les images de la Chine.
Au Paléolithique, les 1ères traces de l’Homme en Chine, se situent à Lantian, province du
Shaanxi
11
. L’homme de Yuanmu est originaire du Yunnan, au Sud-Ouest de la Chine. Mais le
plus ancien est l’homme de Pékin, plus connu sous le nom de ‘’homme de Zhoukoudian’’, à
60 km de Pékin. Il date de 500.000 AE.
Pour ce qui est du Néolithique, des données plus précises ont amené au rejet de la vision
monolithique, qui avait le Fleuve Jaune pour berceau. Or, le Fleuve Jaune est devenu le
symbole du loess.
Cette vision a été critiquée par une série télévisée chinoise datant de 1988. Le thème est la
comparaison à travers des symboles. Ceux de la Chine sont le Fleuve Jaune et le loess. La
9
Nombreuses cultures à travers le territoire chinois, connues grâce aux recherches effectuées
à la fin des années 1950.
10
10.000-5.000 AE
11
1,8-1 million d’années
population est engluée dans la terre. Cela explique la face de couleur jaune, tandis que celle de
l’Occident est de couleur bleue.
Cette vision monolithique est remise en cause par la découverte de cultures néolithiques.
Celles-ci sont localisées dans le Nord
12
et dans le Sud
13
. Mais les 1ers vestiges néolithiques
connus se situent dans le Sud-Est. En voici quelques-unes :
* Yangshao (5150-2960 AE) : répartie sur des centaines de sites, elle s’étend du Gansu à la
Plaine Centrale et englobe le Shaanxi et le Hebei. Elle se caractérise par une importante
culture agricole sur brûlis combinée avec la chasse, la cueillette et la pêche. L’outillage se
compose de houes, bêches, couteaux et meules. Le porc et le chien sont domestiqués.
Quant à la céramique, chaque région a ses techniques de fabrication et les plus belles sont
ornées de dessins stylisés de poissons noirs et rouges. Les villages sont de dimension
restreinte, mais le site le plus connu est celui de Banpo
14
, pour son village préhistorique.
* Hemudu (5008-4773 AE) : située au Zhejiang, on y pratique la riziculture, l’habitat sur
pilotis, la gravure et la sculpture sur bois. Le plus ancien bol en laque connu date de cette
époque.
* Longshan (2780-1810 AE) : elle s’étend du Henan au Shandong et englobe le Shaanxi et
le Shanxi. On voit apparaître des terres cuites grises non peintes. La céramique grise, noire
rouge ou blanche voient le jour. L’outillage est principalement constitué de bêches en bois
à 2 dents et de faucilles en coquillage. L’agriculture est basée sur le blé, l’orge et le millet.
Le boeuf, le mouton, le porc et le chien sont domestiqués ; tandis que l’habitat se
perfectionne. La civilisation urbaine apparaît
15
. Enfin, les os divinatoires ne comportent pas
d’inscription.
* Qijia (2200-1600 AE) : elle se situe au Gansu. Les omoplates de mouton sont utilisées à
des fins divinatoires. La divination se développe dans le cadre de la culture et étendue. Des
objets en bronze sont fondus.
* La dynastie des Shang (1750-1700 AE) : la soumission au feu, à des fins divinatoires, des
os d’animaux sacrifiés est un usage particulier à l’Asie orientale. Celui-ci s’est
principalement développé et perfectionné à l’époque du bronze, sous l’impulsion de la
famille royale. Cela a donné naissance à une science divinatoire, apanage de spécialistes.
Les os servant à la divination comportent des cavités ovales et circulaires superposées.
Elles permettent d’obtenir, sous l’action du feu, des craquelures en forme de T. Des
carapaces ventrales, os et écailles de tortue portant des inscriptions (jiaguwen) ont été
retrouvées à Anyang.
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au niveau du Fleuve Jaune
13
vers le Changjiang
14
au Shaanxi
15
les villes sont entourées d’enceintes en terre damée
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