CHI 003 : Histoire de la Chine ancienne et impériale Chapitre 1 Les grands traits de l’histoire chinoise Introduction Même à notre époque, il existe encore des idées reçues sur la Chine. Nombreux sont ceux qui s’imaginent avoir une certaine connaissance de la Chine. L’objectif du cours est de se débarrasser de ces idées reçues en se rendant compte. L’ignorance est un savoir que l’on ne connaît pas. * ‘’La civilisation et le pays sont immobiles’’ : l’idée est renforcée par la continuité des sources historiques. Il y a une confusion avec la continuité de l’Histoire. Or, c’est différent. La continuité des sources historiques ne signifie pas la continuité de l’Histoire. C’est un piège. * ‘’Sa civilisation est la plus ancienne du monde’’ : l’affirmation est ridicule. L’Etat centralisé apparaît au 3e siècle AE. La Chine aurait alors fixé les cadres économique et social jusqu’à nos jours. La Chine fait partie de la mythologie et de l’imaginaire français. La vision des philosophes du 18e siècle est que la Chine est le pays des philosophes où le souverain gouverne en s’aidant des conseils desdits philosophes. C’est alors le pays des sages, gouverné par des lettrés confucéens. L’attitude européenne change au 19e siècle. De sinophile, elle devient sinophobe. Le pays souffre d’un despotisme cruel. La justice applique une gamme de tortures raffinée avec beaucoup de superstitions. La Chine est ainsi très réfractaire au message chrétien. Les images des Européens sur ces 2 siècles n’ont aucun rapport avec la réalité. L’illustration en est faite avec l’article de Francis Déron1, à l’occasion du séjour de Jacques Chirac en 19912. 1 correspondant du ‘’Le Monde’’ à Pékin Dans sa réflexion sur la situation actuelle, il affirme que la Chine de 1991 est celle de Qin Shihuangdi. Il présente l’ouverture de son tombeau comme une décision politique, un problème politique et financier. Le démembrement de l'oeuvre de Qin Shihuangdi aurait commencé en 1991 et le pays vivrait dans le cadre des institutions de Qin Shihuangdi, tandis que la population vivrait selon ses normes. Même si l’article de Francis Déron3 comporte quelques vérités, il s’y trouve aussi des règlements de comptes. Cette admiration d’un pays sans changement depuis 3.000 ans est l’apanage d’Alain Peyreffite, membre de l’Académie Française et de l’Institut de France. Il ne comprend pas le Chinois et ne le lit pas. Malgré cela, il est considéré comme un spécialiste incontesté de la Chine. Les tenants de la pensée libérale sont partisans de la théorie que ‘’La Chine n’a jamais changé’’ : le pays a toujours été dirigé par un régime despotique, dont le Parti communiste assure la continuité. Le commerce est possible avec ‘’le pays des droits de l’homme’’, sans pour autant que le problème soit abordé dans ce pays. Il est vrai que certains Chinois sont imbus de leur héritage culturel. Or, ce phénomène se vérifie pour toute civilisation. Margaret Tatcher disait que la France n’était pas la 1ère à mettre en exergue les droits de l’homme. Or, il y a là une double méprise : * Faire peu de cas d’une histoire très mouvementée : pour certains chercheurs, la Chine est le pays du changement, sur les plans historique, civilisateur et populaire. * Comparer le despotisme de Qin Shihuangdi et le Parti communiste : c’est faire peu cas de la spécificité du Parti communiste. Car il représente une innovation par rapport aux régimes totalitaires, phénomènes du 20e siècle. Or, d’autres pays ont fait ce choix, mais Qin Qhihuangdi ne faisait pas partie de leur histoire. Parler d’un héritage direct de Qin Shihuangdi à Mao équivaut à penser que la Chine n’est pas dégagée de cette logique. Une autre variante est celle du confucianisme avec des idées bien ancrées. Certaines ont varié, d’où l’approche de l’histoire par rapport à la société. La Chine est éternelle, avec une idéologie éternelle. La société chinoise ayant été longtemps immobile, le principe du changement a été étouffé. La culture confucéenne étant isolée, elle est frappée d’immobilisme. Les Chinois présentent la Libération comme un événement positif. Le Parti communiste a contribué au déclin de l’obscurantisme et du féodalisme. Ceci est la logique politique des dirigeants. En Chine, l’histoire jusqu’au 19e siècle est un bloc présenté comme gudaishi4. Ainsi, l’écriture serait apparue en 1840. 2 3 4 Visite officielle à Pékin et à Xi’an, au tombeau de Qin Shihuangdi. Paru dans ‘’La revue des deux mondes’’ sous le titre ‘’Pour en finir avec la sinologie’’. histoire ancienne La tendance est de présenter la Chine jusqu’en 1949 comme n’ayant connu aucun changement. Le recul dans le temps, un phénomène plus récent, servent à justifier la situation actuelle de la Chine5. Il suffit d’un coup d’oeil sur les cartes pour voir l’évolution du territoire chinois et sur ce plan, il y a une longue évolution dans le temps. La Chine actuelle n’est pas celle du passé et elle n’a pas été unie durant toute son histoire. Son unité ne se situe pas dans son territoire ou dans son régime politique. Elle est ailleurs et ce serait plutôt une unité de civilisation. Ce qui est frappant, c’est la diversité. Si l’on aborde le pays par le Sud, on est d’abord surpris par la langue. Car on ne parle pas le Mandarin à Canton, mais le Cantonais. 10 % de la population chinoise aurait une bonne maîtrise du Mandarin. La grande diversité des dialectes sans compter la langue du Nord fait qu’un Pékinois arrivant à Kunming aurait une mauvaise compréhension d’un pur Yunnanais. Cette diversité se retrouve également sur les plans de la population, de la géographie et des traditions. Les espaces culturels sont solidaires dans l’espace et dans le temps. Ils partagent une portion d’histoire commune en étant réunis dans un même espace, mais chacun a sa particularité. Il ne faut jamais oublier l’immensité du pays. Dans ce domaine, il est possible de le comparer avec l’Europe, en ce qui concerne l’histoire et les conditions géographiques. Ce qui fait que les différentes populations de Chine ont diverses conditions de vie. La population chinoise n’est pas uniforme, car elle comprend plusieurs centaines d’ethnies, appelées minorités nationales6. Le reste de la population7 est d’origine Han. Un Chinois se définit toujours sur le plan ethnique, selon son ethnie d’appartenance8. 54 minorités nationales ont été reconnues à leur demande, dans les années 1950. Lors de l’inscription, il y avait déjà 300 groupes, rien que pour la seule province du Yunnan. C’est pourquoi il a été procédé au regroupement de plusieurs ethnies plus ou moins proches, sous une appellation. Ces ethnies se différencient par leurs langues, leurs coutumes et leurs traditions. Cependant, elles sont assimilées à la population chinoise. Afin d’acquérir une bonne connaissance de ces minorités, les Chinois mettent à jour les différents apports des ethnies. Ils exploitent alors des documents, ce qui nécessite du courage et la constitution d’équipes. Durant des années, les Chinois ont eu 3 principales questions à l’esprit : * Qui sont les Chinois ? 5 6 Par exemple, le Xinjiang, chinois depuis 1884 ou le Tibet 6-7 % de la population 7 soit 93-94 % de la population 8 Hanzu, Miaozu, etc. * A partir de quand peut-on parler de Chinois * Pourquoi employons-nous le terme ‘’Chinois’’, alors que les Chinois eux-mêmes utilisent les termes ‘’Hanzu’’, ‘’Huaren’’ ou ‘’Zhongguoren’’ ? I. Les origines (la Préhistoire) Dans l’état actuel des connaissances, il y a 2 aspects principaux : * Il est généralement admis que l’Homme est une évolution, connue sous le nom de ‘’Homo Sapiens Sapiens : l’Homme est donc d’une remarquable unité, sur le plan biologique. * Jusqu’à preuve du contraire, l’Homme a 2 berceaux : - l’Afrique : l’Homme y est présent au Paléolithique. Au Proche-Orient, on trouve le 1er système d’écriture et l’agriculture jusqu’à la fin du Néolithique. - la Chine : les chercheurs chinois ont cherché à prouver que leur pays était le berceau de l’humanité et cette tendance est générale. L’origine de l’Homme en Chine date du Paléolithique. Sa présence est plus importante au Néolithique9. Tout cela casse la vision traditionnelle d’une civilisation ancrée dans la région du Fleuve Jaune. A la fin du Néolithique, l’Homme est présent dans les vallées du Fleuve Jaune, du Changjiang et le long des côtes sud-est du pays10. Jusqu’à présent, l’archéologie est relativement développée, mais en circuit fermé. La coopération internationale est actuelle, mais elle est très limitée. Alors, les trouvailles confirment ou bouleversent les images de la Chine. Au Paléolithique, les 1ères traces de l’Homme en Chine, se situent à Lantian, province du Shaanxi11. L’homme de Yuanmu est originaire du Yunnan, au Sud-Ouest de la Chine. Mais le plus ancien est l’homme de Pékin, plus connu sous le nom de ‘’homme de Zhoukoudian’’, à 60 km de Pékin. Il date de 500.000 AE. Pour ce qui est du Néolithique, des données plus précises ont amené au rejet de la vision monolithique, qui avait le Fleuve Jaune pour berceau. Or, le Fleuve Jaune est devenu le symbole du loess. Cette vision a été critiquée par une série télévisée chinoise datant de 1988. Le thème est la comparaison à travers des symboles. Ceux de la Chine sont le Fleuve Jaune et le loess. La 9 Nombreuses cultures à travers le territoire chinois, connues grâce aux recherches effectuées à la fin des années 1950. 10 10.000-5.000 AE 11 1,8-1 million d’années population est engluée dans la terre. Cela explique la face de couleur jaune, tandis que celle de l’Occident est de couleur bleue. Cette vision monolithique est remise en cause par la découverte de cultures néolithiques. Celles-ci sont localisées dans le Nord12 et dans le Sud13. Mais les 1ers vestiges néolithiques connus se situent dans le Sud-Est. En voici quelques-unes : * Yangshao (5150-2960 AE) : répartie sur des centaines de sites, elle s’étend du Gansu à la Plaine Centrale et englobe le Shaanxi et le Hebei. Elle se caractérise par une importante culture agricole sur brûlis combinée avec la chasse, la cueillette et la pêche. L’outillage se compose de houes, bêches, couteaux et meules. Le porc et le chien sont domestiqués. Quant à la céramique, chaque région a ses techniques de fabrication et les plus belles sont ornées de dessins stylisés de poissons noirs et rouges. Les villages sont de dimension restreinte, mais le site le plus connu est celui de Banpo14, pour son village préhistorique. * Hemudu (5008-4773 AE) : située au Zhejiang, on y pratique la riziculture, l’habitat sur pilotis, la gravure et la sculpture sur bois. Le plus ancien bol en laque connu date de cette époque. * Longshan (2780-1810 AE) : elle s’étend du Henan au Shandong et englobe le Shaanxi et le Shanxi. On voit apparaître des terres cuites grises non peintes. La céramique grise, noire rouge ou blanche voient le jour. L’outillage est principalement constitué de bêches en bois à 2 dents et de faucilles en coquillage. L’agriculture est basée sur le blé, l’orge et le millet. Le boeuf, le mouton, le porc et le chien sont domestiqués ; tandis que l’habitat se perfectionne. La civilisation urbaine apparaît15. Enfin, les os divinatoires ne comportent pas d’inscription. * Qijia (2200-1600 AE) : elle se situe au Gansu. Les omoplates de mouton sont utilisées à des fins divinatoires. La divination se développe dans le cadre de la culture et étendue. Des objets en bronze sont fondus. * La dynastie des Shang (1750-1700 AE) : la soumission au feu, à des fins divinatoires, des os d’animaux sacrifiés est un usage particulier à l’Asie orientale. Celui-ci s’est principalement développé et perfectionné à l’époque du bronze, sous l’impulsion de la famille royale. Cela a donné naissance à une science divinatoire, apanage de spécialistes. Les os servant à la divination comportent des cavités ovales et circulaires superposées. Elles permettent d’obtenir, sous l’action du feu, des craquelures en forme de T. Des carapaces ventrales, os et écailles de tortue portant des inscriptions (jiaguwen) ont été retrouvées à Anyang. 12 au niveau du Fleuve Jaune 13 vers le Changjiang 14 au Shaanxi 15 les villes sont entourées d’enceintes en terre damée Les inscriptions servaient de commentaires aux signes obtenus et ont permis la constitution d’archives qui ont favorisé le développement de la science divinatoire. C’est la plus ancienne forme d’historiographie, étroitement liée à l’activité politique et science des précédents. Il faut dire que la divination portait sur toute activité en rapport avec la fonction royale16. L’étude des inscriptions révèle la continuité de la tradition graphique des caractères chinois. L’écriture contemporaine serait dérivée des inscriptions sur os et écailles17. On rencontre alors des dessins stylisés d’objets, des signes employés en association ou des signes uniquement employés pour leur valeur phonétique. Il existe un grand nombre de sacrifices dont les plus importants sont liés au culte des rois défunts, auquel les reines sont parfois associées. La succession se faisait de frère aîné à frère cadet et d’oncle maternel à neveu en l’absence de frère. Boeufs, moutons, porcs et chiens sont les animaux les plus souvent sacrifiés. Des offrandes de 100 porcs ou boeufs pour un seul ancêtre sont courants. Le nombre élevé de victimes laisse supposer la relative importance de l’élevage dans la société. Le culte, au moyen de grands banquets, redistribuait les richesses ou entraînait des destructions massives (funérailles royales). De grandes tombes royales Shang ont été découvertes à Anyang, entre 1927 et 1936. Cruciformes, elles comportent une grande fosse rectangulaire orientée nord-sud, qui contient une fosse centrale plus petite et plus profonde. Deux à quatre rampes d’accès gardées par des compagnons et serviteurs armés, le char royal et les chevaux, des poteries et bijoux, conduisent à l’excavation principale. Le cercueil royal, en bois, repose au-dessus de la fosse centrale dans laquelle un chien a été sacrifié. Les inscriptions divinatoires font état d’autres cultes où interviennent des chamanes et des sorciers. Quant aux sacrifices humains, caractéristiques des Shang, ils sont notamment liés aux cultes funéraires ou pratiqués en l’honneur de rois défunts. Progressivement, seuls les plus proches compagnons et les concubines du prince le suivront dans la mort. 16 culte des ancêtres et des divinités, nominations aux charges, construction des villes, maladies, rêves, caractère faste ou néfaste de futur. 17 14e-11e siècles AE. II. Les étapes de l’histoire chinoise A. Les problèmes de périodisation C’est la représentation du temps qui passe et le découpage de l’Histoire en grandes périodes historiques. Il y a 4 divisions habituelles : * l’Antiquité : 3000 AE-fin de l’Empire romain * le Moyen-Age : fin de l’Empire romain-15e siècle * les Temps Modernes : 16e siècle-fin du 18e siècle * la période contemporaine : fin du 18e siècle- 20e siècle A ces 4 divisions habituelles, il est possible d’ajouter une 5e division ou période. C’est celle de l’immédiat contemporain, qui se situerait entre 1945 et 1997. Cela dit, ce découpage n’est pas adéquat pour toute l’Europe, car tout ce qui est féodal est devenu négatif. Pour les spécialistes de la période médiévale, toute période est médiévale, dans le sens où le terme ‘’médiéval’’ est synonyme du terme ‘’intermédiaire’’. Les spécialistes qualifient le Moyen-Age ‘’d’invention’’. A ce titre, il fausse les perspectives des pays européens et des autres. La récusation de la division en siècle18, fait qu’il est difficile pour la Chine, de repérer les grandes étapes de son Histoire et de les périodiser. 18 En Chine, le siècle est remplacé par la dynastie. Mardi 18 novembre 1997 En se penchant sur l’Histoire, divers historiens ont des conventions concernant les grands événements. Dés 1930, il y a un renouvellement du problème historique. Lucien Febvre et Marc Bloch sont issus de l’école des Annales. Ils ont écrit ‘’L’histoire des mentalités’’. Le problème est la façon dont est traitée l’Histoire. Le renouvellement concerne les documents et les domaines19. Ainsi, Fernand Braudel20 a fait un manuel pour les Terminales, qui n’a pas servi21. C’est un grand historien, mais ses propos sur la Chine sont erronés. Malgré le mouvement des années 1930, les idées se diffusent lentement. Pour ce qui est de la Chine, on méconnaît généralement l’histoire chinoise et l’évolution du pays. Cela, malgré des études très pointues, qui ont commencé très tard22. L’Occident est alors prisonnier de certaines sources chinoises et manque de bases solides. Certains historiens ont ainsi appliqué les termes de l’historiographie occidentale à l’histoire chinoise23. ‘’L’histoire des grandes civilisations entre dans un cadre général’’24. Cela représente le plus grand tournant de l’histoire mondiale. L’humanité représente un même schéma. Le modèle en est les histoires chinoise et occidentale. Robert Bonnaud a présenté l’ouvrage de Ferrari, qui témoigne qui grande ouverture d’esprit. Mais le problème est de savoir comment pallier l’histoire d’un pays par rapport à un autre pays. Il y a une augmentation du cadre conventionnel ou de l’histoire générale de l’humanité, mais cela n’a jamais satisfait les Occidentaux. 19 vie quotidienne et histoire dyachronique 20 enseignant à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. C’est un spécialiste de l’histoire moderne et capitaliste. 21 ‘’Grammaire des civilisations’’ 22 fin du 19e siècle-début du 20e 23 ainsi, Jacques Gernet a abandonné le découpage dynastique qui occulte le reste 24 théorie de Joseph Ferrari En Chine, le schéma et les termes sont marxistes. Ils sont adaptés à l’histoire chinoise et privilégient les faits économiques et sociaux. Il y aurait 4 principales divisions historiques : Préhistoire Shang et Zhou Qin-1840 1840 communisme primitif société esclavagiste société ou empire féodal GO et arrivée des Occidentaux. Société semi-coloniale et semi-féodale Mais les bourgeois capitalistes, surtout les Ming et les Qing, ou les Song. Ceux-ci arrivent avant le communisme. La question de savoir où les placer est à l’origine d’une autre division : Avant 1840 1840-1919 1919-1949 Depuis 1949 Gudaishi Jindaishi Xiandaishi Dangdaishi ¹Å ´ú Ê· ½ü ´ú Ê· ÏÖ ´ú Ê· µ± ´ú Ê· * Jindaishi : c’est la période moderne. Elle se situe entre les ‘’guerres de l’opium’’ et la manifestation des étudiants de l’Université de Pékin, contre la signature du traité de Versailles25. * Xiandaishi : c’est la période contemporaine. * Dangdaishi : c’est la période immédiatement contemporaine. L’intérêt du découpage est d’instaurer des ruptures. Inexistantes dans le schéma entre Qin Shihuangdi et les ‘’guerres de l’opium’’, elles rendent ledit schéma simpliste. Il faut dire que l’Histoire poursuit différentes visées idéologiques. En Chine, l’Histoire est officielle, fixe sur le plan politique. L’intérêt est de remonter plus loin dans le temps, les faits justifiant la situation présente. Ce sont les événements qui justifient le présent dans l’Histoire26. La vision officielle des Occidentaux de l’histoire chinoise est l’immobilisme. Il y a alors des implications idéologiques qui rejoignent les discours des dirigeants chinois. Il y a une histoire immuable et un régime despotique qui sert de fond au Parti communiste chinois. Un pouvoir fort évite l’anarchie populaire. La France fait ainsi des affaires avec un pays qui ne connaît pas les droits de l’Homme, car il n’y a jamais eu de démocratie. Le paradoxe est alors le suivant : les libéraux représentent un formidable soutien pour Pékin. Leur position est alors contraire à la logique. Cela démontre que rien n’est innocent. Il n’y a pas d’histoire ou d’historien innocent, à cause d’à-prioris. 25 26 rétrocession du Shandong au Japon c’est le mariage d’une princesse Tang avec un prince tibétain, qui est à l’origine de la situation actuelle du Tibet. Le découpage pose des problèmes : * il n’est pas toujours pertinent : une période dynastique comporte différents aspects tout au long, selon l’époque27. En revanche, il y a une continuité entre les Sui et les Tang, car ces derniers reprennent l’héritage des Sui28. Le découpage dynastique est donc un leurre. les grandes dynasties effacent les périodes intermédiaires : il existe alors une tendance à l’oubli. Il y a 2 façons de considérer l’Histoire : * occidentale : le temps est découpé selon le schéma dit ‘’sagittal’’. C’est une chronologie en forme de flèche. Elle part de l’origine pour aller au but. Le concept vient de la Bible. C’est l’apport du judaisme au concept historique. Il démontre que le progrès continu est le but poursuivi par l’Homme. * orientale : le temps est découpé selon le schéma dit ‘’cyclique’’. Il n’y a rien de nouveau. Tous les événements se répètent. Le passé étant le futur, il n’y a pas de but. B. Survol de la chronologie Les hommes des empires Xia, Shang et Zhou sont répartis dans quelques centaines d’Etats29. La ville principale étant la capitale, il y a des relations de voisinage et des coutumes identiques. Les pays sont en état de compétition permanente, les faibles étant absorbés par les plus forts. Les textes historiques chinois anciens définissent des séquences historiques30, regroupées en 3 cycles : * Sanhuang * Wudi * Sandai Pour Sanhuang et Wudi, les dates correspondent au passage de la Préhistoire à l’Histoire. Ils résument les étapes de l’histoire chinoise31. Chacun a son propre apport et tous servent de 27 28 par exemple, la dynastie des Han a été entrecoupée par l’usurpation de Wang Mang (9-23). Il y a donc eu une cassure dans la dynastie. Ou encore, celle des Tang, avec la rébellion d’An Lushan (755-763). sur le plan institutionnel et économique 29 ‘’guo’’ ou principautés 30 souverains sages et héros culturels référence jusqu’à la fin de l’Empire. Certains sont réputés pour leur sagesse. Ce sont les symboles de l’histoire chinoise et ils sont à l’origine de la culture chinoise. Huangdi est le souverain jaune. A ne pas confondre avec Qin Shihuangdi. Le terme ‘’Huangdi ne désigne l’empereur qu’à partir de 221 AE. Auparavant, c’est un roi. Il est à la source de la connaissance chinoise32 et serait l’inventeur de la civilisation chinoise. En réalité, l’écriture chinoise a été inventée par étapes. Il serait aussi à l’origine de la médecine33 et tient une place dans les croyances taoïstes et confucéennes. Yao et Shun symbolisent le bon gouvernement et servent de référence jusqu’à la fin du 19e siècle. A l’époque, les lettrés se posent des questions sur la civilisation chinoise et ses faiblesses par rapport à la civilisation occidentale. Et l’une des réponses est l’oubli de la voie tracée par Yao et Shun34. La dynastie des Xia est fondée par Yu le Grand. L’existence de cette dynastie constitue un problème et elle se voit attribuer des vestiges archéologiques au Henan35. Celle des Shang entre en décadence. Divisée en 2, la dynastie des Zhou a une véritable existence36. ‘’Printemps et Automnes’’ et ‘’Royaumes combattants’’ sont les titres d’ouvrages commentés. Parmi les Royaumes combattants, 7 pays se détachent et dominent les pays chinois. On parle de l’hégémonie Qin, qui marque la fin des Zhou. Le triomphe des Qin est dû à l’organisation politique et sociale du royaume37. La fin des Zhou marque la fin de la société féodale et le début d’une nouvelle dynastie. En fait, la féodalisation comporte 2 tendances : * centralisatrice * éclatement, régionalisme et coexistence d’Etats indépendants Si la fin des Zhou est synonyme de chaos politique, elle rime aussi avec ébullition intellectuelle. C’est principalement à cette époque que sont élaborées les écoles philosophiques chinoises. Le dicton ‘’Que cent fleurs s’épanouissent, que cent fleurs rivalisent’’ est le slogan de la campagne des ‘’Cent Fleurs38’’. 31 apport de l’agriculture, de l’écriture, etc. 32 caractères, mariage, mathématiques, etc 33 ‘’Huangdineijing’’ 34 réponse tirée des mémoires de l’époque 35 site de Erlitou 36 ils ont laissé des objets en bronze 37 application des principes légistes (administration, famille et Etat) Le problème est que les Zhou posent la base philosophique. Leur méconnaissance est à l’origine d’une vision indistincte de la Chine, car fléchée. Il y a trop souvent une condensation du confucianisme sous une forme fondamentale, en le reportant à l’origine. Le problème est le manque de sources. Les lettrés prétendent être les gardiens du confucianisme, mais rien ne les a empêchés de le fausser, car les textes disponibles sont récents. La 1ère unification dure théoriquement de 221 AE à 220. Mais il y a la rupture de Wang Mang. Celui-ci a été balayé des Annales, à cause de l’échec de sa tentative de fonder une nouvelle dynastie. En 221 AE, c’est la fondation de l’empire chinois des Qin, qui doit durer 10.000 ans. En réalité, il durera 15 ans, au terme desquels, il sera balayé par des révoltes. Celles-ci verront l’émergence du fondateur de la dynastie des Han, qui est à l’origine de la dénomination actuelle des Han. L’origine du passage de pouvoir est dans les révoltes de la population et des soldats, qui provoquent l’instabilité du régime. Il n’y a pas de grande rupture, l’empire Han ayant largement hérité de Qin Shihuangdi39. Ce dernier se lance alors dans l’expansion territoriale. Une longue période de guerre et de prestige40 commence alors pour les Han. Les Han de l’Est41 vivent une histoire mouvementée. Dés 180, ils n’exercent plus qu’un pouvoir nominal. La révolte des Turbans Jaunes42 marque le début de la fin des Han, qui se traduit concrètement par la prise de pouvoir d’un général. Les années 220 à 589 marquent une période de désunion. Elle est entrecoupée par une brève restauration de l’unité : * 265-316 : Jin impériaux ou occidentaux * 316-589 : la Chine est divisée et connaît 2 grandes invasions. C’est une période compliquée et capitale. La période des années 589 à 907 couvre les dynasties Sui et Tang, entre lesquelles il est possible de faire un parallèle, comme pour les dynasties Qin et Han. Les mesures prises par les Qin seront à l’origine de révoltes qui profiteront aux Han. Quant aux Sui, c’est leur politique de grands travaux qui va les rendre impopulaires et provoquer leur chute. 38 39 En 1956-1957, le Parti communiste pousse les intellectuels à le critiquer institutions et oeuvre 40 rayonnement de la civilisation, expansion des phénomènes culturels et religieux 41 25-220 42 184 Les institutions Sui sont marquées par l’institution du ‘’Keju’’43, qui sera systématisé sous les Song. Les Sui et les Tang sont à la fois des bâtisseurs et des conquérants. Les Tang se caractérisent cependant par leur très grande ouverture et le côté cosmopolite de la Cour44 . Les difficultés commencent au milieu du 8e siècle. On assiste alors à une lente décadence jusqu’au 10e siècle, dont l’origine est la rébéllion d’An Lushan. Mardi 25 novembre 1997 Sima Qian est l’auteur du Shiji45, qui décrit l’époque du ‘’souverain jaune’’, en la découpant en 3 cycles : * dynastie Xia * dynastie Shang * dynastie Zhou Ce découpage servira de modèle jusqu’aux découvertes archéologiques. Celles-ci démontrent l’existence de différents clans, avec des chefs plus ou moins contemporains. Ainsi, les origines du clan des Shang sont antérieures à la fondation de la dynastie, et il en est de même pour les Zhou. La prise de pouvoir n’est pas synonyme de liquidation du clan, mais de don de terres. L’objectif est d’apaiser les esprits Shang et l’ensemble des différentes dynasties. A cette époque, la Chine n’a pas l’aspect qu’elle a sous l’Empire. Certains historiens pensent que l’existence de la dynastie des Xia est réelle, mais que celle des Shang est douteuse. Cette opinion subsistera jusqu’à la découverte des ‘’Jiaguwen’’, qui confirment les écrits de Sima Qian. Il y a 2 problèmes que sont les Trois Augustes et les Cinq Souverains. Ce sont des mythes, des légendes traditionnelles et pas forcément une conception naïve de l’Histoire. En fait, c’est une façon de représenter le passé. C’est une description des Sages, chacun ayant apporté sa contribution. Ils sont à ce titre, à la source des connaissances en Chine. Cette conception de l’Histoire comporte une part de réalité46. Elle marque le passage entre la fin du Néolithique et l’Histoire. 43 les examens mandarinaux nombreuses populations d’Asie Centrale, d’Asie du Sud-Est ou des pays d’alentours. Les marchands et les artisans sont attirées par sa magnificence. 45 les Mémoires historiques (2e-1er siècle AE) 44 46 les Sages ont transformé la vie chinoise Toute civilisation comporte des légendes dans les 1ers temps47. Toute population a évolué par rapport à son état durant la Préhistoire. Le passage à l’Histoire se caractérise par l’existence de documents écrits. En fait, on devrait se fonder sur l’existence de l’Etat48. Le passage avec l’écriture est une convention. La nation est entrée dans l’Histoire à une autre époque. Il y a plusieurs étapes : * les Qin : unité chinoise * les Han : héritage des conquêtes et extension administrative * la désunion : la période est complexe, car il y a de nombreux royaumes. Mal connue, elle est capitale pour la construction, la civilisation et la connaissance de la Chine. * l’unification : c’est l’époque des dynasties Sui et Tang * les Cinq Dynasties et Dix Royaumes : les uns sont au Nord, les autres sont au Sud. * les Song : ils se divisent en Song du Nord et Song du Sud. Sur le plan du territoire, ces derniers auront la portion congrue. Dans le même temps, ils connaissent des difficultés intérieures et extérieures. Les Song du Sud résistent aux agressions, mais ils cèdent progressivement le terrain aux anciens empires nomades. Ceux-ci vont conserver les institutions et retenir la population chinoises. Deux des 3 dynasties sont étrangères : * Les Yuan : elle est fondée par un empereur mongol * les Ming : elle est fondée par l’ethnie Han * les Qing : elle est fondée par les Jürchen ou Mandchous49 En faisant un bilan, on a : * 2.000 ans d’histoire * 6 périodes de réunification * 4 périodes de désunion50 Il faut donc nuancer l’immobilité de la Chine et sa continuité historique. Dans le dispositif de succession des dynasties, l’Histoire se déroule sous une forme cyclique, car la fin d’une dynastie coïncide avec la décadence51. Ce schéma s’explique par la perte du 47 à l’époque, il n’y avait pas d’écriture et de documents pour vivre la progression 48 vestiges et style de vie assez différent par rapport à la Préhistoire ils sont issus de l’actuelle Mandchourie, au nord-est de la Chine. C’est à cette époque que le territoire chinois est le plus étendu. 49 50 réparties sur 6 siècles mandat céleste. L’empereur n’ayant plus de vertu, le Ciel manifeste sa désapprobation par des signes. Les fondateurs d’une dynastie sont de futurs sages souverains se dressant contre le mauvais souverain et le remplaçant. Le système a vraiment existé 52. Mais en Chine, les catastrophes naturelles sont annuelles. La preuve de la décadence est alors aisée. Mais si la décadence est démontrée au début des Han, elle n’a pas bouleversé la dynastie. C’est pourquoi elle n’a pas été mise en exergue. Le problème est que les chercheurs contemporains sont très dépendants des histoires dynastiques pour approfondir leur connaissance de l’Histoire chinoise. III. L’empire chinois : le territoire et sa construction Le problème est de connaître le point commun entre le territoire de l’empire Qin et celui des dynasties suivantes. A. Le coeur : plaine du Nord et vallée du Changjiang La plupart du temps, l’unité se limite au coeur, avec des nuances. On parle de la ‘’Chine des 18 provinces’’53. En réalité, la Chine est beaucoup plus petite que cela sous les Qin, les Han, les Tang et les Song : * sous les Qin : le Sud échappe à leur contrôle * sous les Song : le Nord échappe à leur contrôle * sous les Qing : les provinces les plus tardivement conquises54 posent problème A partir du coeur, l’empire a connu une expansion plus ou moins importante et plus ou moins variable. Il y a une expansion hors des pays chinois et un repli face aux autres populations. B. Périphéries et expansion territoriale L’expansion est d’abord dirigée vers l’Ouest55, le Sud56 et l’Est57. C’est sous les Qing que le territoire chinois est le plus étendu58. Il faut dire que les Qing ont apporté leur propre 51 52 53 misère populaire, famine, révolte, corruption bureaucratique et menaces étrangères aux frontières il y a de nombreuses preuves 1644-1824 54 Guangxi et Yunnan 55 Asie Centrale territoire59. Sous les Yuan, la Chine est intégrée dans des frontières plus grandes que le pays, c’est-à-dire à l’empire mongol. La Chine a des relations d’échange ou plus tendues, avec les populations occupant la périphérie du monde chinois. C’est le cas avec les invasions des nomades mongols ou l’expansion chinoise dans les steppes. D’où une évolution en fonction des forces et des faiblesses. Cela dit, la Chine n’a pas toujours été unifiée. Elle a aussi connu des périodes de désunion. C. Les périodes de désunion Elles se caractérisent par la chute du pouvoir central et l’éclatement de l’empire en diverses unités. La féodalisation comporte 2 tendances : * unités indépendantes : ce sont des fiefs ou des royaumes, qui peuvent se substituer à l’empire. Chaque roi devient empereur et ‘’Fils du Ciel’’. Il y a alors une émergence des régionalismes et contestation du pouvoir central. * centralisation du pouvoir dans l’empire L’Histoire chinoise balance entre ces 2 tendances. Des particularités régionales ont souvent travaillé l’empire. Le plus abouti était celui des Qing, mais le territoire n’était pas étroitement contrôlé, malgré un pouvoir fort. Le développement ne signifie pas forcément répression. Les périodes peuvent être très brillantes sur le plan culturel60. Il ne rime pas non plus forcément avec chaos, car les souverains des royaumes indépendants ont parfois voulu développer61 la région qu’ils contrôlaient Les situations conflictuelles n’étaient pas obligatoires. C’est ainsi que 45 des royaumes du Nord ont favorisé la pénétration du bouddhisme en Chine. De l’extérieur, l’entente chinoise est le résultat de l’infanterie héllénique, grâce aux oasis de l’Asie Centrale. Elle existe dans la statuaire religieuse chinoise. 56 l’Indochine 57 la Corée 58 plus de 11 millions de km² 59 il comprend le Nord-Est, la Mongolie et le Xinjiang, qui deviendra une province en 1884 c’est à l’époque des Royaumes combattants que sont fixés les grands thèmes de la pensée chinoise 60 61 sur les plans culturel, économique et social L’unité chinoise est réelle, mais elle est moins ancienne qu’on ne le prétend. De plus, elle n’a jamais cessé d’être remise en cause. S’il y a unité, elle est à rechercher dans la culture. Les Chinois partagent un ensemble de valeurs communes. Il ne faut pas oublier que la Chine est un pays aussi grand que l’Europe, où il y a une très grande diversité. D. Qui sont les Chinois ? Il y a un énorme problème de vocabulaire. Il est clair que la 1ère chose à faire est de peser ses mots. Il n’y a dans le vocabulaire chinois, aucun équivalent des mots ‘’Chine’’ et ‘’Chinois’’. Ces termes renvoient au 3e siècle AE62 . Le mot ‘’Qin’’ a donnée le mot ‘’Sina’’ qui s’est décliné en ‘’Chine’’63. Pour les Occidentaux, les Chinois sont les ‘’Hommes de Qin’’. Mais ce terme n’est utilisé qu’entre 221 et 207 AE. Car c’est une façon de rappeler qu’on se retrouve sous d’autres dynasties. Les Chinois ne se seraient pas appelés ‘’Qinren’’, car l’empereur était un ennemi des lettrés. Or, on a voulu oublier cette dynastie et il n’était donc pas question d’utiliser son nom. Les Japonais se dénommaient ‘’Tangren’’ou ‘’Tojin’’, ce qui reflète le prestige des Tang en Asie orientale, surtout au Japon. L’expression ‘’Tangrenjie’’ désigne les ‘’Chinatown’’ américains. En Russie, le terme ‘’Kitai’’ désignait la dynastie des Liao64. Enfin, la capitale de la Chine du Nord s’appelait ‘’Cathay’’. Or, le terme est dérivé de ‘’Khitan’’ et de ‘’Khitai’’. Le terme de ‘’Cathay’’ sera alors appliqué à la Chine. Le terme ‘’Zhongguo’’ désigne le ‘’pays du milieu’’. Une variante existe sous la forme de ‘’Zhonghua’’ ou le ‘’milieu de la fleur. Forgés sous la dynastie des Zhou, ces termes désignaient, à l’origine, le domaine directement contrôlé par les Zhou. Le terme s’est généralisé à l’ensemble des pays chinois, avec l’hégémonie des Zhou. 62 63 64 1ère unification par Qin Shihuangdi à l’époque de l’empire romain empire nomade d’Asie Centrale, entre les 9e et 12e siècles Dans les textes anciens, la Chine est également désignée avec les termes de ‘’Tianxia’’ ou ‘’Huaxia’’. Le terme ‘’Hua’’ désignant le territoire, et le terme ‘’xia’’, le nom de la 1ère dynastie. Cette appellation désigne aussi bien le pays que les habitants. Ceux-ci sont associés au nom et au lieu d’origine des dirigeants. Les noms chinois sont différents de ceux utilisés ailleurs65. Le terme ‘’pays du milieu’’ a un très grand mérite. Il évoque une histoire très ancienne, remontant aux Zhou. Et elle n’a aucune connotation ethnique, à la fin du 19e siècle. Aux 18e et 19e siècles, les lettrés japonais revendiquent le nom de ‘’Zhongguo’’ pour leur propre pays. Ils affirment que le Japon avait su préserver les traditions culturelles communes. Alors, le terme n’a plus de valeur culturelle. Faisant référence à l’héritage de Confucius66, les Japonais expliquent la faiblesse chinoise contre les agressions extérieures, par le fait qu’ils n’ont plus la culture du milieu N’ayant pas de connotation ethnique, tout le monde peut revendiquer son armée et ses populations diverses, en revendiquant son territoire. Les populations étant fondamentalement chinoises, il est possible d’affirmer que les Tibétains sont des Chinois. Mais il est également possible d’infirmer cette affirmation, car les Han se présentent comme différents des autres populations. Le terme ‘’Hanzu’’ fait référence à la dynastie des Han, du fait du prestige. De plus, la nation Han se serait formé à ce momentlà. 65 le terme ‘’Cina’’ est utilisé à l’époque Qin par les Indiens 66 5e siècle AE Mardi 2 décembre 1997 Le terme ‘’Zhongguo’’ désigne le ‘’pays du milieu’’ ou ‘’l’empire du milieu’’. La Chine est alors perçue dans sa forme impériale. Le terme ‘’guo’’ désigne un fief, ou la terre donnée par un seigneur à un vassal. Mais, il signifie aussi pays, Etat ou nation. Le terme ‘’guo’’ a le mérite de ne pas avoir de connotation ethnique. Il ne renvoie pas à une population particulière, mais à la dynastie Zhou. Cela facilite l’établissement de liens entre les habitants. Les Tibétains sont alors des Chinois, si l’on emploie le terme de ‘’Zhongguoren’’. Entre les 17e et 19e siècles, les Japonais revendiquent la qualité de ‘’Zhongguo’’ pour leur pays, car ils affirment avoir mieux préservé la culture commune. La culture classique chinoise a alors une valeur universelle. On a donc une intégration, dans la Chine actuelle, de populations n’ayant pas la qualité ethnique, tout en étant citoyens à part entière du pays. Le terme ‘’Zhongguo’’ est comme un cercle englobant tout ce qui entre dans ce cercle. Les populations périphériques du monde chinois y sont donc intégrées. Le terme ‘’Zhongguoren’’ désigne un habitant du ‘’pays du milieu’’. A cause du vocabulaire, on peut dire qu’il est difficile d’être chinois, car 3 expressions chinoises peuvent être traduites par le terme ‘’Chinois67’’. De ces 3 termes, le 3e a un sens particulier. Il signale l’appartenance à l’ethnie Han et fait une nette différence entre les minorités et les Chinois Han. 67 Zhongguoren, Zhonghua minzu ou Hanzu En 3.000 AE, le territoire de la République populaire est occupé par différents groupes ethniques. Il y a différentes appellations selon le territoire, mais ils sont appelés Barbares. Dans les ouvrages anciens, la fusion des populations débouche sur la formation de la population Huaxia68. Dés la dynastie des Han, la population issue du mélange a reçu le nom de cette dynastie. Ainsi, le terme ‘’Hanzu’’ désigne une personne issue des Han. Un tableau simplifie la réalité : * Nous avons peu de connaissances sur les populations entourant le monde chinois69: Leur identification pose un problème, car nous ne connaissons pas l’origine et la référence des termes anciens, aussi bien dans l’Antiquité que dans une époque plus récente. * Les mouvements de population ont continué avec la dynastie Han : des échanges culturels et démographiques ont eu lieu avec les populations des steppes et les populations insulaires. * Tendance récente : elle consiste à parler de ‘’population majoritaire de Chine’’, de ‘’Han’’. Mais il n’est pas facile de savoir si l’auteur décrit l’ensemble de la population ou une seule ethnie. Une réponse plus précise à la question nécessite la reconstitution des étapes du peuplement du territoire actuel de la République. De toute façon, il est impossible de donner une définition générale des Chinois de façon sûre. Le fait de pouvoir dire que l’on est Chinois ou Européen n’existe pas. Sinon, la définition serait partielle et partiale. L’apport des minorités est une question que l’on se pose en Chine. Pour quelques chercheurs chinois, la compréhension du taoïsme passe par l’étude de la religion des Yi70. Car cette minorité aurait mieux préservé les aspects originels de cette religion. Ils seraient alors plus proches des ancêtres des Chinois et des descendants directs des Chinois. La diversité actuelle des populations reflète la diversité des histoires. La République populaire comportant 55 minorités, les autorités ont voulu, dés 1949, officiellement les intégrer dans la nation. Mais il fallait préserver leur identité. On a alors demandé aux minorités de formuler une demande de reconnaissance. Du fait de leur nombre, on a procédé à des regroupements selon des critères de langues, coutumes, habillement ou localisation. Ainsi, les 300 minorités du Yunnan ont été regroupées en 24 minorités71. 68 69 70 71 le terme désigne les Chinois à l’époque des Zhou, le terme ‘’Xia’’ faisant référence à la 1ère dynastie. les Man, les Yi, etc province du Yunnan les Yi sont principalement composés des Lolos, connus des missionnaires aux 19e et 20e siècles Il y a donc une divers habitants ayant conscience d’appartenir à la même culture et qui passe, entre autres, par l’écriture, la philosophie et une conception particulière de l’Histoire. Chapitre 2 Ecriture et histoire Introduction Il n’y a pas 10 % des Han qui maîtrise la langue. L’apparition de l’écriture a permis celle des documents et marque l’entrée dans l’Histoire. Il existe ainsi des populations vivant dans la Préhistoire, car elles n’ont pas d’écriture. En Chine, elle a commencé avec les inscriptions sur os, carapaces de tortues, bronze et pierre. Les inscriptions en caractères servaient à commenter les événements. Puis, une chronologie est apparue avec les Annales, qui se composent de séries de dates et d’événements. Puis, c’est le tour de l’historiographie. La 1ère grande Histoire de Chine date de Sima Qian, avec les ‘’Mémoires historiques’’. Cet ouvrage a servi de modèle pour les Histoires officielles ou dynastiques. I. L’écriture A. Généralités L’apparition de l’écriture est un grand événement de l’aventure humaine. Il existe un ouvrage qui traite du sujet72. Dans l’état actuel de la documentation, il semble qu’au sud de l’Irak73, il y ait eu une 1ère pratique de l’écriture. Les plus anciens documents sont Uruks et datent de 3300 AE. L’écriture cunéiforme servaient à la comptabilité des temples. Les 1ers textes mésempotamiens vraiment compréhensibles datent de 2600-2500 AE. Leurs homologues chinois datent de 1400-1300 AE. Il existe donc un retard sur l’Egypte. Les Sumériens sont les 1ers inventeurs de l’écriture et les Assyriens disent que l’écriture est partie de Mésempotamie. Le 1er système d’écriture est idéographie, avant de devenir alphabétique. Le système chinois a ses propres avantages. Selon certains, l’écriture remonte jusqu’aux ficelles nouées des anciens Chinois. Pour d’autres, elle remonterait aux encoches gravées sur des bâtons. Ces méthodes seraient des moyens mnémotechniques. L’écriture marque une volonté de message et repose sur un système complet de transmission de l’ensemble des messages. C’est un corps organisé et réglementé de signes et de symboles. L’usager peut alors fixer ce qu’il pense ou ce qu’il ressent. B. L’écriture chinoise On distingue le ‘’wenyan’’ de l’écriture traditionnelle. Le ‘’wenyan’’ serait une langue graphique, mais écrite, distincte de la langue parlée. La langue actuellement écrite en Chine ne correspond pas vraiment à la langue parlée, mais elle se veut la transcription la plus fidèle possible. Si on se limite à l’écriture, elle est la plus originale. Elle est même unique au monde. Il y a 3 raisons à cela : * ce n’est pas la plus ancienne, mais elle est remarquable : née vers le 2e millénaire AE, elle est codifiée vers 1500 AE. Constituée en un ensemble cohérent, entre 200 AE et 200. Elle est sensiblement la même que celle utilisée par les Chinois aujourd’hui. Mais la prononciation des différents caractères et la structure grammaticale est différente. De plus, il y a eu de nombreuses réformes, la dernière datant des années 1950. L’abandon des caractères pour un alphabet a été envisagé dans les années 1920, sous l’influence de l’Occident. Le projet a cependant été abandonné, car les caractères de l’écriture chinoise contribuent à l’unité linguistique du monde Han. De plus, elle est fidèle à ses origines. 72 ‘’Histoire de l’écriture’’ par Jean-Louis Calvet (1996, Plon) 73 dans l’antique Sumer * caractère universel de l’écriture : elle n’est pas limitée à la transcription d’une seule langue. C’est un support unique à la langue parlée par les Chinois. D’autres langues, ayant d’autres structures grammaticales, sont fondées sur les caractères chinois74. Dés le 8e siècle, des syllabaires sont crées à partir des caractères chinois. * jusque dans les années 1920, les langues écrite et parlée sont séparées par un âbime : cela découle de l’universalité de cette écriture, qui est l’unique instrument de communication inter-ethnique, en dehors des multiples langues parlées. La vitalité de ces mêmes langues parlées est dûe à la souplesse de l’écriture chinoise. C. Apparition de l’écriture en Chine La 1ère apparition date des inscriptions oraculaires sur os ou sur écailles de tortues75. La pratique divinatoire vient de la culture néolithique de Fuhe76. On y a découvert des os d’animaux préparés pour la divination. Mais, c’est à partir de la culture Qijia77, que la pratique s’est répandue à travers la Chine. Puis, la technique utilisée sera perfectionnée sous la dynastie Shang. Les os, les écailles et les plastrons de tortue78 serviront de support pour les inscriptions. La technique consiste à chauffer le matériel, de façon à ce que des craquelures apparaissent. Elles serviront alors de base pour les interprétations. Lors de la préparation dudit matériel, une aiguille chauffée sera appliquée sur un point évidé. Ce sont les craquelures situées sur ces points, qui seront interprétées. C’était particulièrement le cas du caractère ‘’bu’’ qui signifie divination. Il désignait le travail du devin, dans sa forme la plus personnelle. Vers 143 AE, il était d’usage de consigner un bref mémorandum de l’opération, avec l’objet et le résultat79. Les questions qui revenaient le plus souvent concernaient les ancêtres, les 74 Coréen, Japonais ou Vietnamien, juqu’au 16e siècle 75 dés la dynastie Shang 76 Liaoning, 3550-3250 AE 77 au Gansu 78 Jiaguwen 79 occasion, but et résultat sacrifices, les guerres, la pluie, la chasse et les récoltes. La principale source d’informations sur la vie au temps des Shang se trouve dans les archives de la maison royale des Shang. Mardi 9 décembre 1997 Les 1ers spécimens d’inscriptions ont été découverts dans une pharmacie de Pékin, qui vendait des os fossiles80. Tirés du sol, le pharmacien les réduit en poudre pour en faire des médicaments. Un lettré chinois a découvert des inscriptions sur os et sur carapaces de tortue. Les Chinois de l’époque Song collectionnent aussi les bronzes, notamment ceux comportant des inscriptions. Des ‘’jiaguwen’’ ont été découverts lors d’un repérage au Henan, à proximité d’Anyang81. Cette ville a été la capitale de la dynastie des Shang Yin82. Les os et les carapaces de tortue sont les archives de la dynastie des Shang Yin. Les os oraculaires servent à une pratique divinatoire destinée à la prise de décision. Consulter les oracles revient à consulter les esprits, et donc à limiter les sacrifices aux ancêtres. Les devins ou chamanes sont des spécialistes et il est alors possible de parler de société chamanique. Ces pratiques sont de la divination et de la sorcellerie. Tout l’art consiste à poser la question, de façon à avoir la réponse souhaitée. Les inscriptions permettent de garder les pratiques en mémoire, afin d’en faire un recueil de divination. Ce sont là, des traces d’écriture. L’école Van Der Mercht pense que l’écriture a une origine religieuse, mais il y a 2 écoles : 80 ce sont des empreintes d’animaux pris pris dans les roches 81 sur le site de Xiaotun 82 14e-11e siècles AE * l’écriture serait brusquement apparue : comme si elle était due à un génie * l’écriture serait apparue en plusieurs étapes : les inscriptions sur os et écailles sont un dérivé simplifié de représentations plus ou moins réalistes. Elle a évolué avec les transcriptions, qui ont été la 1èere découverte du ‘’Jiaguwen’’. En 80 ans, ce sont près de 100.000 pièces, presque toutes fragmentaires, qui ont été découvertes. Les découvertes sont à l’origine de la publication de 13 volumes, reproduisant les inscriptions et leur transcription. Ces 13 volumes renferment 41.956 pièces répertoriés et 4.672 graphies, dont 1.726 ont été déchiffrées. Les textes sont très laconiques et les formules sont stéréotypées83. Le style de l’écriture est celui des devins et la langue semble inchangée, que ce soit la syntaxe ou le lexique. Selon Van Der Merchrt, l’écriture est une invention divine. La langue graphique est différente de la langue parlée. Le génie divin a consisté à ne pas chercher à accorder les langues écrite et parlée. Les formules divinatoires sont des théories. Dans la Chine archaïque, les scribes étaient les spécialistes de l’écriture, la langue graphique étant l’ultime développement de la langue divinatoire84. Tout comme les devins, ils étaient désignés par le caractère ‘’shi’’. La vie du souverain est rythmée par des cérémonies destinées à l’assister dans le gouvernement et dans l’orientation politique85. Le but est de prévenir les catastrophes et les conditions. En tout cas, l’apparition de l’écriture reste un mystère et il existe 2 théories : * les trigrammes86 seraient à l’origine de son invention : c’est une combinaison de traits pleins et de traits brisés et noués87. L’invention des trigrammes serait due à Cang Jie88 ou à Huangdi ou à Fuxi. En tout cas, il faut retenir qu’il y a corrélation entre langue graphique et divination. * l’observation des traces de pattes des mamifères dans le sol serait à l’origine de son invention : la graphie est alors la trace écrite des choses. L’invention d’un système de cordelettes a permis la création d’un procédé nmémotechnique. par exemple, le but du sacrifice, avec le nom de l’ancêtre, le type de sacrifice et une graphie positive ou négative 84 les questions portent sur les récoltes, les rituels, etc 83 85 les questions portent sur le climat, les jours fastes ou néfastes, etc 86 ‘’bagua’’ 87 par exemple, 2 pleins et 1 brisé. 88 soeur de Huangdi Trois inventions ont été imaginées pour permettre de servir et gouverner l’univers. Selon Xu Shen89, les responsabilités devraient être accordées selon l’aptitude à se servir de la langue graphique. Les 1ers signes sont des pictogrammes ou des combinaisons de pictogrammes, stylisés dans des caractères simples. L’écriture chinoise est fondée sur la pictographie ou sur l’idéographie. Il y a même des caractères phonétiques, dont voici un exemple ci-dessous : * Yang : cette clé a différents sens, avec la même prononciation. Ainsi, prononcent tous deux au 2e ton, mais leur sens est différent90. Ñò et Ñó se Il existe un autre problème, lorsque le dictionnaire chinois n’a pas de transcription. La recherche des caractères s’effectue alors par combinaison de 2 autres. Voici 2 exemples : * ¹¤ + ¹Å = ºì Êé + ¾Å = ÊÖ * Il a alors été envisagé de créer des caractères, selon une référence à la phonétique. La langue aurait pu devenir phonétique, mais elle supposerait une connaissance préalable de l’ensemble des caractères. Des caractères datant de la dynastie Han ont été trouvés, en tant qu’inscriptions sur os et sur carapace. Ceux-ci sont déjà plus détaillés. Plusieurs systèmes auraient pu être issus du ‘’Jiaguwen’’, et utilisés dans le monde chinois. Mais, Qin Shihuangdi a, entre autres, unifié l’écriture. En tout cas, il existe d’autres étapes, où l’écriture est plus courante : * autres supports * lamelles de bois et de bambou91 D. La réforme de l’écriture sous Qin Shihuangdi et ses conséquences Li Si est le conseiller de Qin Shihuangdi. Il propose une réforme de l’écriture. Le nombre de caractères va considérablement diminuer et ceux qui restent vont être restructurés. Cette réforme date du 3e siècle AE. Le problème est que les caractères éliminés doivent être remplacés. La reécriture des textes anciens les a sûrement altérés, sans oublier les erreurs de 89 ‘’inventeur’’ du 1er dictionnaire en l’an 100 90 le premier signifie ‘’mouton’’ ou ‘’chèvre’’, tandis que le second signifie ‘’océan’’ les dates ne sont pas précises. On suppose qu’elles datent de 1000 AE 91 copie. D’où des textes au sens totalement différent, sans compter la perte de la valeur figurative du caractère. Par conséquent, à part les inscriptions sur bronze et sur pierre, les versions des plus anciens textes ne sont pas rédigés dans leur écriture d’origine. D’où, des débats entre 2 écoles philosophiques : * partisans du ‘’guwen’’ * partisans du ‘’jinwen’’ Qin Shihuangdi, outre la réforme de l’écriture, fait incendier les livres92 autres que ceux concernant la pharmacopée, l’agriculture et la médecine. L’objectif est de couper les liens avec le passé culturel, afin que le peuple ne se souvienne que de la dynastie Qin. L’une des 1ères mesures des Han sera alors de reconstituer les textes détruits et surtout les Classiques, notamment vers la fin du règne de Wudi93. En voulant abattre la demeure de Confucius, le prince de Lü a découvert des anciens écrits sur les murs. Cela pose alors le problème de la survie et de la transmission des textes, avant le 3e siècle AE. C’est principalement le cas du ‘’Shujing’’, ouvrage de base de la culture des lettrés. Ecrit en ‘’guwen’’, le texte a été reconstitué en ‘’jinwen’’, après récitation par un vieux lettré aveugle. Les partisans du ‘’guwen’’ et du ‘’jinwen’’ affirment tous que la version concurrente est fausse et que la leur est la plus fiable. Le problème réside dans la compréhension de Confucius dans sa version en ‘’guwen’’. La pureté du texte est contestable, car les plus anciens textes datent des Han. Ils posent donc un problème d’authenticité et de fiabilité à l’original. Les textes en ‘’jinwen’’ sont-ils conformes aux manuscrits ? Les Annales ‘’Chunqiu’’ sont une chronologie. Le nom séparé du commentaire a un sens et c’est un choix évident. Contrairement à la langue parlée, la langue écrite n’a pas changé. D’où, un certain éloignement. L’écriture simplifiée date de 1958. Bien que toujours pas acceptée par les calligraphes, son sort est bien meilleur que celui de la réforme des années 1970. Cette réforme a rencontré un refus général, car l’éloignement par rapport à l’écriture originale était trop grand. Le caractère n’avait alors, plus aucun sens. 92 213 AE 93 141-87 AE Mardi 16 décembre 1997 E. Langue écrite et langues parlées L’écriture chinoise n’est pas unificatrice du point de vue parlé, car depuis longtemps, il existe en Chine de très nombreux dialectes94. La difficulté réside aussi dans les subdivisions à l’intérieur d’un dialecte. Officiellement, les experts estiment que seuls 10 % de la population de la population Han maîtrise bien le ‘’Putonghua’’. L’écriture chinoise est unificatrice dans l’administration, la politique et l’éducation. Car quelle que soit le dialecte d’origine des Han, l’écriture ne change guère. Les 3 principaux critères choisis par les autorités pour définir le ‘’Guoyu’’ sont les suivants : * prononciation des caractères des Pékinois * vocabulaire correspondant à celui des langues parlées du Nord * grammaire correspondant à celle des ouvrages de ‘’baihua’’ 94 par exemple, le Hu au sud du Changjiang ou le Minnanhua, au Fujian II. Les sources de l’histoire chinoise A. Les premiers documents écrits 1. Oracles et jiaguwen Les 1ers documents écrits dont on dispose datent de la fin de la dynastie des Shang95 et correspondent aux ‘’jiaguwen’’. Ce sont des textes qui permettent d’étudier la vie sous les Shang. Le ‘’jiaguwen’’ est généralement composé de caractères laconiques, au nombre de 3 ou 4, rarement plus de 50. C’est à cette époque que les scribes vont devenir archivistes et annalistes96. D’autre part, les supports utilisés modifient l’écriture, qui n’est plus seulement inscrite sur les os auraculaires ; avec le début des inscriptions sur bronze et sur pierre. 2. Insciptions sur bronze et autres supports Depuis cette époque, le bronze sert à la fabrication d’ustensiles rituels, sur lesquels apparaissent différentes formules, qui relatent les événements importants du royaume. On peut citer la capture de prisonniers ou les traités. B. Les premiers livres historiques 1. Les anciennes annales Les 1ers livres de l’histoire chinoise sont sous la forme d’annales, qui existent depuis les Shang. Au début des Zhou, les notations divinatoires ne sont plus gravées, mais inscrites sur des lamelles encordées. Ces archives constituent la forme la plus ancienne de l’historiographie chinoise. Elles ont imprimé à celle-ci, dés les origines, ses caractéristiques essentielles : * lien avec l’acte politique * aspect de science des précédents 95 14e-11e siècles AE 96 rédacteurs d’annales La divination porte en effet sur toutes les actions qui sont en rapport avec la fonction royale97. Déjà très complexe et comptant près de 5.000 caractères différents98, cette écriture archaïque couvre la plupart des principes de formation qui devaient permettre les développements ultérieurs. A côté des signes simples99 figurent déjà des signes employés en association100, pour leur valeur phonétique, indépendamment de leur sens originel Mais la plupart des textes des Shang et des Zhou ont disparu. Les plus connus restent le ‘’Chunqiu’’ ou ‘’Annales des Printemps et Automnes, qui racontent les heurts et les malheurs de Lü101. Sa rédaction fut longtemps attribuée à Confucius qui l’a retranscrit et y a apporté une valeur morale. D’autres annales datant environ du 5e siècle AE ont été découvertes plus tard, dans des tombes situées au Hubei102. Celles-ci ont livré des tablettes de bambou, des recueils ou des annales. Mais l’autodafé de 213 AE a posé des problèmes de reconstitution. 2. Les Classiques, Shujing et Shijing Le Shijing est un recueil de poésie datant de la dynastie Zhou, qui traite d’événements de divination. Les lettrés devaient connaître ses textes par coeur, car ils constituaient la base de leur formation. 3. Le livre et l’invention du papier Le papier a été inventé à partir du papier de soie, qui date du 1er siècle AE. Ce dernier est lisse et léger, mais il s’avère très coûteux à fabriquer. Cai Lun a amélioré ce procédé en utilisant l’écorce d’arbre et des chiffons. C’est à lui que l’on attribue l’invention du papier. Les 1ers livres apparaissent au cours des 3e et 5e siècles. Ainsi, au fur et à mesure, les écrits sur soie et sur bambou sont remplacés par des rouleaux de papier. Par la généralisation de son utilisation, le papier a été transporté jusqu’en Europe, par l’intermédiaire des Arabes. La 1ere papeterie d’Europe se trouve en Espagne, autour de 1150. La conséquence directe est alors la faiblesse des coûts de fabrication, ce qui a permis une plus grande diffusion dans la population. 97 par exemple, le culte des ancêtres, les expéditions militaires, l’agriculture, la météorologie, les maladies, les voyages, les rêves. 98 dont 1.500 ont été interprétés de façon sûre 99 ou wen 100 ou zi 101 722-481 AE 102 tombes Qin et Han III. Les historiens sous les Han et l’histoire officielle A. Sima Qian103 et les Mémoires historiques Il est considéré comme l’un des plus grands historiens chinois, et certainement le plus ancien, à travers ses ‘’Mémoires historiques’’. Sima Qian a passé sa jeunesse à la campagne. A 10 ans, il connaissait déjà tous les textes classiques et à 20 ans, il découvrait le monde à travers ses voyages104. Mardi 6 janvier 1997 Sima Qian vit à l’époque de Han Wudi. Selon la biographie située dans les Mémoires, l’idée d’un tel ouvrage revient à Sima Tan, père de l’auteur. Sima Tan est astrologue et pratique la divination. Son titre officiel est celui de ‘’Duc grand astrologue ou grand historiographe à la Cour des Han’’. Il occupe sa fonction auprès de Wudi, entre 140 et 110. Sima Qian occupe le poste dés 104 AE105. Le projet de Sima Qian est d’écrire l’histoire de la Chine, depuis les origines jusqu’à son époque. Il recueille alors les documents nécessaires106 à la rédaction de son ouvrage. L’objectif est de redonner du prestige à la fonction de grand astrologue. Il fait alors la séparation entre les fonctions d’astrologue et d’historien. Un événement démontre son ardeur : il prend la défense d’un général Xiongnü qui menaçait les frontières. Les forces Xiongnü étaient plus ou moins importantes et la bataille a débouché sur la capitulation du général, sous peine de mort de ses hommes. 103 145-90 ou 87 AE 104 il est ainsi comparé à Hérodote et à Thycydide son père meurt en 110 AE 105 106 chronologies, ouvrages philosophiques et documents issus de la Cour Prenant la défense du général, Sima Qian est jugé et condamné à la castration. 2 portes de sortie s’offrent alors à lui : * le suicide * le rachat de sa peine Le choix de la seconde solution est impossible car il n’est pas riche. Il écrit alors une lettre de justification. La volonté de laisser quelque chose à la postérité le pousse à poursuivre son oeuvre. En contrepartie, Sima Qian critique l’oeuvre et l’attitude de l’empereur. La forme des Mémoires est une rupture radicale par rapport au passé. L’ouvrage a partiellement été traduit par Edouard Chavannes. Sima Qian est présenté comme opposé aux ouvrages historiques, à cause des préjugés de son époque. Il est actuellement comparé à Hérodote. L’entreprise est ambitieuse car la période couverte se situe entre 3.000 et 100 AE. Deux caractéristiques soulignent cette ambition : * diversité des sujets traités107 * étendue des territoires considérés108 Les 130 chapitres sont répartis sur 6 sections : * Annales principales ou chronologie dynastique * Tableaux chronologiques * Traités ou mémoires touchant les rituels, les institutions ou l’économie * Maisons héréditaires109 * Biographies des hautes personnalités110 * Monographies111 L’ensemble de l’ouvrage est une source inépuisable de renseignements sur la période couverte. C’est la base des connaissances actuelles. Des attaques sont dirigées contre l’empereur Wu. L’absence de biographie est-elle due à la censure ? Selon Jean Lévy, la biographie n’aurait jamais existé. D’où, l’importance du non-dit dans une oeuvre. Sima Qian rejette cet empereur. La critique de Wudi est perceptible dans certaines parties de l’ouvrage. Wudi se serait remis entre les mains des voyants. Selon Jean Lévy, Sima Qian aurait fait le portrait de Wudi à travers celui 107 chronologie sous forme d’annales, histoires culturelle, économique, sociale et religieuse description de la Chine et des voisins, notamment des tribus du Sud-Ouest, du Nord-Est et du Nord 109 c’est notamment le cas des aristocrates 108 110 empereurs, fonctionnaires, bandits, etc. 111 partie la plus vivante et la plus riche de l’ouvrage de Qin Shihuangdi, car il n’avait pas de documents de Han Wudi sous la main. Il disposait cependant de ceux concernant Qin Shihuangdi. Or sous les Han, Qin Shihuangdi est perçu comme un monstre absolu. Sima Qian décrit sa tâche comme noble, dont l’objet n’est pas de conter, mais de faire une oeuvre d’historien. Cette oeuvre est donc le résultat d’un très long travail de recherche. Les documents, regroupés et triés ont également été critiqués. Les documents sont introduits tels quels dans les Mémoires. La reproduction de passages du Shujing permet un parallèle entre 2 sources. Il a travaillé sur des documents qui ont maintenant disparu. Les Mémoires sont une anthologie des écrits des époques antérieures. L’intervention de l’auteur réside dans la sélection des documents. Certains ouvrages ne sont actuellement connus que grâce à leur mention dans son ouvrage. Il y inclue également des réflexions personnelles, dont l’objectif est d’éviter l’oubli de ceux qui se sont distingués. Les Mémoires ont ainsi entretenu l’imagination des conteurs. L’originalité des Mémoires réside dans la 6e section, qui traite des populations étrangères, de leurs us et coutumes, du cérémonial de la Cour ou du réglement vestimentaire. Celle-ci traite encore de l’agriculture, du calendrier ou de l’astronomie. Les aspects de la condition humaine sont donc directement décrits ou à travers des personnes remarquables. Les successeurs de Sima Qian reprendront le plan de son ouvrage et le reproduiront. Mais les ouvrages étant commandités par les empereurs, leurs auteurs n’avaient pas la même liberté de ton. B. Ban Gu112 et le Livre des Han Les reproches formulés à sont encontre sont les suivants : * supériorité du taoïsme par rapport au confucianisme * exaltation des brigands et des chevaliers errants * mépris supposé des pauvres113 Ban Gu est une personnalité qui a été choisie pour ses talents littéraires. Il se voit ainsi confier la rédaction de l’histoire des Han antérieurs114. Cette 1ère histoire dynastique a été écrite à la fin de la dynastie. C. Les 25 Histoires dynastiques 112 32-92 113 la pauvreté ne favorise pas la liberté. S’il avait été riche, il aurait pu racheter sa peine 114 Hanshu, 206-104 AE Le Hanshu représente 4 livres115 qui représentent des centaines de chapitres. La dynastie, fondée par Gaozu116, se termine à la mort de Wang Mang117. Le plan comporte 4 sections : * Annales de la dynastie * Tableaux présentant nobles et hauts dignitaires * Traités118 Ban Gu s’est appuyé sur Sima Qian et des ouvrages qui ont disparu. Ce sont donc des textes anthologiques. Ban Gu travaillera jusque 177 AE. Les Mémoires des Han du Pavillon de l’Ouest est un ouvrage collectif, qui est à la base du Hou Hanshu. Dés les Tang, la dynastie régnante écrit l’histoire de la dynastie antérieure. Leur travail est donc souvent utilisé par la dynastie suivante. L’inconvénient est que la dynastie régnante renverse la précédente et écrit son histoire. Les Qing n’appartenant à l’ethnie Han, les lettrés Ming et Han ont dû écrire l’histoire des Ming. Les limites résident alors dans l’absence de critiques sur les populations des steppes. Il y a donc une orientation des faits. L’histoire dynastique des Song est la plus considérable. Ses 496 livres comportent de nouvelles sections119. Ces histoires sont utiles aux fonctionnaires, car elles ont plusieurs qualités : * modèle de conduite * modèle de gouvernement * renseignements pratiques120 Les histoires dynastiques sont l’encyclopédie du savoir d’une époque. Elles sont donc une source d’information sur l’histoire chinoise. Dés le 7e siècle, apparaît une synthèse de l’histoire. Celle-ci est donc couverte sur une longue période. Sima Guang121 succède à Sima Qian. Il revoit l’histoire de l’art guerrier. On trouve aussi des ouvrages historiques, des collections de textes politiques et philosophiques. 115 Shiji, Hanshu, Hou Hanshu et Sanguoce 116 206-195 AE 117 9-23 118 rites, musique, astrologie, bibliographie, biographie, monographie par exemple, sur les animaux, les plantes, la cartographie, la linguistique ou l’archéologie 119 120 par exemple, la bureaucratie, comment monter en carrière, une partie cartographie, une partie agriculture 121 1019-1087 Conclusion : la conception chinoise de l’histoire On dispose de beaucoup de matériel et de découvertes archéologiques, comme des os auriculaires Shang. Une vraie continuité de l’historiographie chinoise démontre l’attachement des Chinois à leur histoire. Cela représente de réels inconvénients car la continuité implique une conception d’une histoire continue ou de la continuité de l’histoire. La dynastie est personnifiée par l’empereur. Une période de décadence est donc souvent suivie du renversement. Mais si l’idée est que l’une des conceptions de l’histoire chinoise est liée à l’idée que les écrivains ont du mandat céleste, c’est un piège. Car c’est une conception particulière de l’histoire, qui survit par ce qui est contraire à ce sens. Chaque dynastie a la particularité de vouloir faire remonter au plus loin, les événements de l’époque pour faire référence au passé. Cette attitude est dénoncée par Wang Fuzhi, qui met en garde contre l’anachronisme122. Il ne faut pas se représenter le passé à l’image du présent. Les lettrés des différents siècles connaissent le barrage philosophique par rapport aux ancêtres. D’où la question : ‘’Est-il possible de retourner à une doctrine pure ?’’. La réponse est : ‘’Non, car l’histoire est écrite par les autres’’. Chapitre 3 L’empire et la construction de l’Etat chinois Introduction Il s’agit d’analyser le développement du pouvoir en Chine, selon la succession des souverains, comme dans les Histoires dynastiques. Il y a 2 choses essentielles : 122 événement qui n’est pas remis à sa date, qui est placé à une époque différente de celle où il a eu lieu * un Etat aux rouages administratifs progressivement mis en place * un souverain idéal, tel que les lettrés ont voulu le définir Le souverain idéal est celui dont le règne se caractérise par la paix sous le ciel. Cet Etat idéal est basé sur 3 fondements idéologiques : * le légisme * le confucianisme * le taoïsme Mardi 13 janvier 1997 La succession des dynasties représente le cadre de l’histoire chinoise, avec la présence de 2 éléments : * des rouages administratifs * un souverain idéal, selon les lettrés On se pose maintenant la question de savoir si ce souverain était vraiment idéal ou alors s’il l’était par rapport à la tradition. Le doute est permis à travers les portraits des histoires dynastiques. Le souverain était cruel. Le prototype en est Qin Shihuangdi. Il faut alors en cerner la personnalité pour mieux le connaître. Mao est très souvent comparé à Qin Shihuangdi. Mais celui-ci participe à la construction d’une figure de souverain idéal, car il fait régner la paix sous le ciel. L’examen des faits montre que le pouvoir est toujours remis en cause par : * les hommes présents comme usurpateurs123 * les mécontents et les ambitieux * les révoltes populaires124 Les longues périodes de paix favorisent la prospérité de culturelle et l’extension de l’empire chinois. Mais il existe aussi des périodes d’anarchie et de chaos. L’absence de pouvoir fort entraînant le chaos est une vision caricaturale. Il ne faut pas oublier que la vision du pouvoir chinois a été construite. Elle n’a pas correspondu à la réalité, pendant des siècles. Il faut marquer les étapes de la construction du pouvoir et de celle de l’idéal du pouvoir. I. L’organisation du pouvoir avant la fondation de l’empire125 A. Les Shang entre vision traditionnelle et révision archéologique Les Shang ont longtemps représenté une vision traditionnelle, révisée par l’archéologie. Cette vision traditionnelle avait prévalu jusque maintenant, à travers les sources historiques. Les auteurs s’opposaient sur la nature des groupes composant la société Shang. Selon l’auteur sino-américain Chang Kwang Chih, la société Shang est composée de clans. Pour Van der Mercht, le clan est une maison héréditaire, datant de l’époque des Zhou. En comparaison avec la période du Néolithique, la société Shang se caractérise par une différenciation accentuée des catégories sociales. La parenté a un rôle essentiel. Elle fixe la hiérarchie sociale, qui dépend de la position du clan auquel l’on appartient. Le clan se définit comme un groupe de personnes liées par un ancêtre commun. La hiérarchie du clan est proportionnelle à l’installation. Le temps fixe l’élevation dans la hiérarchie. Chaque clan a son emblème, qui se retrouve dans les poteries et les bronzes Shang. Ces emblèmes représentent des êtres humains occupés aux activités du clan, des outils ou des enclos d’animaux. La spécificité du clan réside dans un ancêtre commun et l’exercice des mêmes activités. Ce sont donc des corporations126. 123 ce sont des concurrents du vrai souverain 124 cela pose la question de savoir dans quelle mesure elles sont dirigées contre les souverains 125 périodes Shang et Zhou Ces clans sont groupés dans des localités particulières. Les chefs sont occupés par la guerre, la chasse et l’organisation des sacrifices, tant humains qu’animaux. Ces chefs appartiennent à une catégorie privilégiée, propriétaire d’armes en bronze, qui leur donnent une force accrue. Cette force leur permet de dominer les manants et la population non-Han. Le pouvoir audessus du clan est la maison royale, qui est le centre de la structure. Les caractéristiques de la royauté sont les suivantes : * la maison royale n’a pas de lieu fixe : le site de la maison royale détermine la capitale. Des fouilles ont attesté du déplacement des capitales. Peut-être pour se rapprocher des mines de cuivres, qui permet la fabrication du bronze. * les rois vivent de la même façon que les chefs de clans : le pillage leur permet de se procurer des biens utiles. * le 1er cercle : les villes situées autour de la capitale sont aux mains des parents du roi * le 2e cercle : les régions contrôlées par les autres populations subordonnées ou alliées * le 3e cercle : les populations étrangères ou démoniaques Les capitales et les villes sont des centres politiques qui ne sont pas très peuplés. Il existe des quartiers de palais où résident les nobles et d’autres, avec des ateliers d’artisanat. Deux questions se posent : * D’où venaient-ils ? : cette société hiérarchisée est le résultat de conquêtes ou d’une lente évolution. En cas de conquête, les souverains Shang et les clans alliés sont des conquérants. En cas de longue évolution, il y a eu une fusion progressive des populations. Il y a donc eu une fusion ethnique ou un processus historique. * Qu’est-ce qui peut expliquer le développement de la société Shang ? : il existe une certaine continuité entre les cultures Longshan et Shang, qui est due à une longue évolution127. Le style de vie est cependant identique. Les innovations viennent de la classe supérieure. Ce sont : * la céramique : les poteries blanches sont destinées à la classe supérieure, car elles sont ‘’moins grossières’’. * l’utilisation du bronze pour la fabrication des armes et des vases rituels * des coutumes élaborées * des tombes aristocratiques * l’utilisation de chars 126 127 l’ensemble représente 200-300 groupes par exemple, les pratiques agricoles, les poteries, le traitement des coquillages Selon Chang Kwang Chih, pour comprendre les dirigeants, il faut chercher l’origine de la dynastie. D’autres cultures sont indépendantes de celle des Shang. La thèse affirmant qu’elle est la dynastie dominante de Chine est donc remise en cause. C’est pourquoi, les archéologues veulent remplacer le terme ‘’archéologie de Shang’’ par celui de ‘’archéologie du début de l’ère du bronze’’, car le monopole des Shang n’existe pas. La dynastie des Zhou est une nouvelle étape. Selon la tradition, les 1ers souverains Zhou n’incarnent pas le souverain idéal. La définition de celui-ci date de la fin des Zhou et a été reprise et développée par les Han. B. Le royaume Zhou et la féodalité chinoise Il faut faire attention en employant le terme ‘’féodalité. Selon le sens étroit occidental, le terme définit la période de la dynastie Zhou. C’est-à-dire un système fondé sur des liens personnels définissant une hiérarchie. La place de chacun dépend de ses liens avec le souverain. Le roi est le suzerain, le seigneur des seigneurs. Ceux-ci sont liés à leur suzerain par un pacte. Le vassal rend service à son suzerain en le protégeant. En échange de quoi, il se voit accorder un fief ou une terre. Il assiste son suzerain en cas de guerre et le conseille. La population présente travaille alors comme paysan. L’évolution à la fin des Zhou consiste en une extrême division, avec des querelles entre les seigneurs. Le mot ‘’féodal’’ a donc le sens de ‘’division extrême’’. Le royaume est familial et décentralisé. A l’origine, les Zhou contrôlent un territoire dont une partie est distribuée en fiefs, aux parents et aux lieutenants. Autre possibilité, les terres conquises au nom du souverain appartiennent théoriquement au souverain. Mais en réalité, les fiefs sont héréditaires. Dés lors, en cas de troubles, le souverain perd le contrôle sur la terre et le pays devient indépendant. Le pouvoir de l’administration centrale a un caractère proto-bureaucratique. Au sein de l’administration centrale, les charges ne sont pas héréditaires. Dés lors se développe l’idée que le souverain choisit un fonctionnaire selon ses compétences. L’organisation sociale et politique est liée à la possession de terres. Le roi a son propre domaine qu’il administre directement. Le seigneur reproduit ce même schéma à son échelle. Au début des Zhou, les terres royales se situent au Shaanxi et au Henan. Les seigneurs distribuent des terres à leurs propres vasseaux. Ce sont des feudataires loyaux à leur souverain. Leurs terres représentent des frontières et servent de bouclier à la maison des Zhou. Le fief consiste souvent en une ville et ses environs. Si la taille est différente, c’est un ‘’guo’’ ou une ‘’principauté’’. Les seigneuries sont donc à l’origine des pays et des Etats, au sein desquels existe une hiérarchie. Les autres domaines sont des domaines royaux. Ils sont attribués aux fonctionnaires, à titre de salaire, pour service dans l’administration royale. Ces terres situées sur le domaine royal reviennent au roi après la mort dudit fonctionnaire. Du fait du développement de la population des environs, les Zhou font la distinction, selon l’organisation. D’où, les points suivants : * les règles sont applicables aux territoires chinois, même à ceux des feudataires128 * les magistrats perçoivent des terres pour juger les cas de voleurs L’influence des Zhou s’étend au Shaanxi, au Henan, au Shanxi, au Hebei et au Shandong. Des échanges existent aussi avec le Jiangsu, et avec le Nord de la région chinoise des Zhou. L’autorité des souverains conduit le pouvoir royal à arbitrer. Sous les Shang, la domination s’exerce en terme de culte rendu aux ancêtres de la lignée royale. Sous les Zhou, le phénomène est de moindre importance, car chaque grand vassal a son culte ancestral. La longue décadence du pouvoir explique qu’à l’époque des Printemps Automnes, les Zhou ne détiennent plus qu’un pouvoir nominal. Le souverain symbolise le pouvoir, mais il n’est pas réel. On constate un relâchement des liens de vassalité. Auparavant, l’héritier devait se présenter pour la confirmation de ses droits. Or, à l’époque, le roi doit envoyer des représentants pour la confirmation. Le souverain est donc un serigneur parmi d’autres. Tout cela prend fin en 256 AE. Les 1ers rois Zhou129 étaient de parfaits souverains car le peuple vivait heureux, mangeait bien et était en paix. On pratiquait les vertus confucéennes, définies par rapport aux vertus des rois Wen et Wu. La vertu d’humanité était alors une vertu civilisatrice. Une vision plus tardive est celle des penseurs pré-Han. La différence entre les Zhou et les Qin réside dans l’organisation du pouvoir. II. La fin de la féodalité et l’empire Qin Shihuangdi a un idéal d’unité. C’est le vrai fondateur de l’empire chinois ou même, du pays. Le territoire est plus vaste que celui des Zhou et il va s’étendre. Qin Shihuangdi exerce un pouvoir fort, teinté de légisme. Son règne coïncide avec le triomphe du légisme. L’empire est souvent associé avec le triomphe de l’idéologie confucéenne. A la fin des Qin, l’idéologie légiste existe et elle est reprise. Le confucianisme connaît un renouveau sous les Han. 128 par exemple, pour la justice pénale. 129 les rois Wen et Wu A. De la royauté à l’empire, histoire du royaume Qin 1. Les origines du Qin 11. Un des Royaumes combattants L’Etat Qin s’est développé au nord-ouest du territoire chinois, au coeur de la vallée de la Wei, à la lisière des terres civilisées. Les Qin sont des barbares dont l’histoire remonte à un chef militaire qui reçoit en 897, du roi Zhou, un petit apanage. En contrepartie, Feizi doit fournir des chevaux à la maison royale. Fréquentant les nobles, il est fait duc. Originaire du Gansu, l’Etat se déplace dans l’Est au Shenxi130 et à Xianyang131. Dans un 1er temps, l’Etat Qin assure ainsi un service de bouclier avec les populations non-Han de la frontière septentrionale, les Rong. Il faut dire que ce sont des pilleurs. La gloire de l’Etat Qin est d’avoir chassé les Rong qui attaquaient la capitale Zhou. La lutte contre les Rong permet de sécuriser les frontières, sans compter les luttes et les intrigues qui divisent le pays. Sur le plan culturel, les Qin sont influencés par les Rong. Le royaume adopte les institutions et les pratiques des autres royaumes chinois132. Il est alors intégré dans le monde chinois. L’année 361 AE est celle d’un grand tournant. Le duc de Xiao veut agrandir les terres non reconnues et demande conseil. C’est là qu’intervient le projet politique et économique de Shang Yang. 12. Les réformes de Shang Yang133 et les débuts du légisme Le but est d’accroître la puissance de l’Etat. Les réformes doivent renforcer la puissance des Qin pour se faire respecter et dominer l’ensemble des territoires chinois. Shang Yang, ministre de Qin, applique ses idées de réformes. Selon Jean Lévy, Shang Yang a élaboré la 1ere théorie scientifique de manipulation des masses et l’a appliquée. Ces réformes sous synthétisées sous le terme de ‘’légisme’’ car elles s’appuient sur la loi. C’est la dynastie Qin qui en a fait l’usage le plus poussé. Il assied le pouvoir sur l’application du légisme, même s’il n’est pas le seul à l’appliquer. 130 677 AE 131 390 AE. La ville se nomme actuellement Xi’an par exemple, la rédaction d’annales 132 133 359 AE Coupé des seigneurs des seigneurs qui cherchent à s’imposer les uns aux autres, le désordre règne. Dés lors se pose la question du retour du règne de l’ordre. L’idéal est alors de reconnaître un souverain. Pour Shang Yang, le devoir du souverain est de mettre fin aux troubles. Pour cela, il faut instituer un règlement draconien. Les troubles sont traités avec une clémence excessive. Les idées du passé ne répondent pas aux dures nécessités du présent. Le règlement draconien donne une image de la loi naturelle, universelle, nécessaire, juste et irrémiscibles. Un gouvernement ne cherche pas à se faire aimer du peuple, mais à faire faire en sorte que toute action contre lui soit impossible. Shang Yang insiste sur la nature humaine. La 1ere cause de l’évolution historique est l’appétit humain. Le souverain doit jouer sur des caractéristiques telles que la méchanceté. Le gouvernement va mettre en place des châtiments et des peines, obligeant l’individu à être assujetti au pouvoir. D’où, l’utilisation de supplices, comme fondement naturel de l’ordre. Mardi 20 janvier 1998 L’objectif est d’imprimer une conduite à l’homme pour l’intérêt du pays : il faut le rendre fort et puissant. Selon la théorie légiste, il faut faire faire à l’homme un travail qu’il déteste et lui faire faire la guerre joyeusement. Dans la pensée légiste, la recette de la force gouvernementale réside dans la méthode de la loi naturelle ou loi pénale. Son excessivité fait son efficacité. La loi est abolie par sa cruauté. L’emprunt de châtiments redoutés au taoïsme explique l’absence de délit et donc de l’application des châtiments. Pour que cela fonctionne, il faut que cela devienne une coutume. La loi doit alors être appliquée au plus bas niveau134. La délation est encouragée, tandis que la responsabilité est collective. Si l’un des membres commet un délit, c’est l’ensemble de la famille qui est châtiée. Selon Shang Yang, l’idéal serait qu’un juge soit dans la tête de chaque citoyen. Les tâches de police étant assurées par les citoyens, la société fonctionnerait dans l’harmonie. L’ordre régnant, l’homme travaillerait. Tout est codifié. Il y a une idéalisation des idéaux du ‘’dao’’. Le prince est le centre d’un système fonctionnant seul. Le prince pratique la politique du ‘’non-agir’’135. Il est à la juste place et fait fonctionner le système par sa présence, sans aucune action de sa part. L’objectif est double : * développer l’agriculture pour enrichir le pays * développer les activités économiques nécessaires pour accroître l’effort de guerre Le but est de s’imposer aux autres royaumes. Le système de Sheng Yang consiste à attacher l’homme à la terre et à l’enrôler dans les armées Qin. L’ensemble de la nation est constituée de paysans-soldats soumis à la même discipline. Selon ce principe, l’application des séries de réformes aboutissent à la puissance accrue des Qin et aux succès de l’empire. La différence entre le légisme et le confucianisme est que dans le légisme, c’est l’efficacité qui prime. On abandonne la vertu et l’honneur. L’Etat Qin est un royaume où le légisme rencontre le plus de succès et est le plus efficace. Les réformes et les mesures radicales de Shang Yang consiste à supprimer l’ancienne aristocratie, remplacée par la noblesse militaire. La hiérarchie y est fixée selon les résultats guerriers, tels que le nombre de têtes coupées au combat. Le pays est découpé en circonscriptions administratives136 dirigées par des fonctionnaires nommées, rétribués et destitués par le pouvoir central. Il n’ya donc pas de fief. Les terres sont cultivées en commun et découpées en propriétés privées individuelles. La destinée de l’empire est liée à l’existence de petits propriétaires et de petits paysans libres. Le but de Shang Yang étant de développer l’agriculture, il donne des terres pour démembrer les grandes propriétés et lier le sort de la dynastie à celui des paysans. Ceux-ci sont libérés d’une tutelle et de sa pesanteur. Les familles sont alors organisées en groupes collectivement responsables. Les déplacements sont soumis à la détention d’un permis. Les inactifs comme les vagabonds ou les délinquants deviennent esclaves de l’Etat. Les châtiments sont appliqués selon un 134 la famille et le village 135 ‘’wu wei’’ 30 districts 136 barême, dont l’objectif est la connaissance de la loi. Il existe une liste des délits et des châtiments qui y sont rattachés. Leur application est alors automatique. Leur application débute en 359 AE, mais la position de Shang Yang est différente en 338 AE. Le duc de Xiao, son protecteur, meurt. Face à l’inimitié de ses rivaux, il tente de s’échapper. Il est alors victime de ses propres lois : n’ayant pas de permis lorsqu’il tente de franchir la frontière pour échapper à ses rivaux, il est renvoyé dans l’Etat Qin et mis à mort par écartèlement. Le système de Shang Yang est maintenu après sa mort et il inspire des sentiments d’admiration et de crainte à ses voisins. L’admiration est dûe au fait que 10 ans après l’arrivée des Qin au pouvoir, le pays est en paix et sans brigands. Les hommes sont agriculteurs ou guerriers. L’idée est que le légisme est fondé sur la loi. Il a été développé par le penseur Han Feizi et Li Si. Parallèlement à la mise en ordre de l’Etat Qin, les conquêtes se poursuivent dans le but de réunir les terres chinoises. Voici la chronologie des faits : * moitié du 4e siècle : application du programme à l’intérieur du pays * 311 AE : conquête de l’actuelle province du Sichuan * 277 AE : conquête de l’Etat Chu * 256 AE : fin officielle des Zhou * 249 AE : l’Etat Qin contrôle tout le domaine des Zhou137 L’unification est l’oeuvre du roi Zheng de Qin, futur Qin Shihuangdi. 13. Le roi Zheng138 Il naît en 259 AE, à Handan, capitale du pays de Zhao139. A l’origine, il n’était pas destiné à devenir roi de Qin. Son père140 rencontre le fils de l’une des concubines d’un héritier présomptif. A l’époque, le fils oublié a 2 possibilités : * il coule des jours heureux * il vit dans la misère Zichu est un otage qui rencontre un riche marchand du nom de Lü Buwei. Ce dernier voit un intérêt à investir sur lui, en distribuant des cadeaux. La situation de Zichu se transforme alors et il devient héritier présomptif141. Zichu devient roi de Qing et Lü Buwei, son 1er ministre. 137 au Henan 138 règne : 246-221 AE. Puis empereur 139 au Hebei 140 Zichu Entre-temps, Zichu épouse une ancienne concubine de Lü Buwei. Dés lors Zheng devient le roi des Qin en 246 AE. Sa vie est remplie d’actes cruels. En 237 AE, le roi Zheng doit déjouer un complot de sa mère et de son amant. Celui-ci et sa parenté sont mis à mort, tout comme les 2 fils de la reine. Accusé de complicité, Lü Buwei est condamné à mort. Mais sa peine est commuée en démission pour services rendus. La mère est reniée et abandonnée. Il ne lui pardonnera qu’après l’intervention de 28 personnes, sachant que les 27 précédentes sont mortes dans une marmite d’eau bouillante. Quant à Lü Buwei, il s’empoisonne. Suite à la disparition de Lü Buwei, Li Si142 issu de sa suite, fait une ascenscion fulgurante. Il reprend l’idée de Han Feizi et le pousse au suicide. Dés 234 AE, Li Si accroît la puissance et la richesse de l’Etat Qin, qu’il considère comme l’oeuvre de sa vie. Les princes réagissent alors par une tentative d’assassinat. En 230-221 AE, l’Etat Qin conquiert les 6 autres royaumes et le roi Zheng devient empereur, sous le nom de Huangdi ou ‘’Premier empereur de Qin’’. 2. Qin Shihuangdi, le premier empereur143 Il faut avant tout, définir le terme ‘’Huangdi’’. Avant Qin Shihuangdi, le titre était celui de roi. Le roi Zheng veut inaugurer une époque radicalement différente, d’où l’importance des noms. Il choisit alors une appelation très prestigieuse de ‘’Huangdi’’. Il veut donc être considéré comme le fondateur de la civilisation chinoise et se veut le 1er d’une série de 10.000 empereurs. Les historiens présentent Qin Shihuangdi comme un souverain différent de ses prédécesseurs par sa personnalité. Il marque la civilisation chinoise par la fondation de la nation chinoise. Auparavant, la Chine n’existait pas. Le territoire chinois était habité par de nombreuses tribus, les Chinois étant l’une d’entre elles. La dynastie est éphémère, mais elle a donné son unité et un idéal d’unité à la Chine. Ses prédécesseurs était des chefs de clan et il est empereur. Le portrait dressé par les Han n’est pas flatteur. En fait, il y a 2 catégories de portrait : * des mesures couvertes pour accroître l’unité de l’empire * marques d’un caractère excessivement cruel et tyrannique Le problème réside dans les sources Han et les propos des principautés. D’autres lettrés confucéens n’approuvent pas l’incendie des livres de 213 AE et la mise à mort de 460 lettrés. 141 250-247 AE 142 ?-208 AE 143 221-210 AE On ne sait si ce dernier acte est réel. L’objectif aurait pu être de charger le portrait de Qin Shihuangdi. Les conquêtes étant achevées, Qin Shihuangdi consolide l’unité de l’empire par l’extension et la rationalisation des réformes de Shang Yang, appliquées dans tout l’empire. B. Le légisme ou école des lois sous le premier empire Les légistes sont des théoriciens du pouvoir aux tendances très diverses. Certains sont proches du taoïsme, d’autres sont confucéens au moistes144. Leur point commun est la conviction que seul l’autoritarisme peut mettre fin au désordre et faire régner l’harmonie. Shang Yang et Han Feizi prônent une politique réaliste. Il faut oublier la vertu pour être plus efficace. Leurs mesures sont immorales, machiavéliques et touchent au collectivisme. 1. Han Feizi145 Il systématise les idées de Shang Yang pour faire comprendre que les supplices sont irrémiscibles. Il affiche alors les peines. Tout opposant au nom ou à l’entité doit être éliminé. Une divergence apparaît sur le rôle de l’intelligence dans le gouvernement des hommes. Pour Shang Yang, l’intelligence est bannie. Les sages sont inutiles car ils représentent un danger pour l’harmonie sociale. Ils déstabilisent les bases de la société. Pour Han Feizi, l’Etat a besoin d’une courroie de transmission avec le peuple. Celui-ci étant pris en charge par un corps de fonctionnaires ayant des capacités intellectuelles et des connaissances. Leur tâche consistera à exécuter les ordres et à appliquer les lois. Han Feizi sait que les fonctionnaires sont puissants et représentent un danger pour le prince. C’est pourquoi, en plus de la loi, Han Feizi imagine un système de contrôle et de surveillance pour protéger le souverain contre les fonctionnaires réprimant le peuple. La théorie de Han Feizi est cynique. On unifie les témoignages afin de multiplier les sources d’information. C’est un régime de suspicion. L’une des caractéristiques de l’empire est l’extrême méfiance de l’empereur envers la bureaucratie. Dans le système de Han Feizi, le prince occupe une position centrale. Il doit donc tout savoir et tout voir, en étant invisible aux sujets. D’où, la construction de palais et de galeries souterraines. 2. Les réformes de Li Si146 144 école de Mozi 145 280 ?-234 280 ?-208 146 L’objectif premier est de mettre fin à la féodalité et à la puissance des régions. On supprime alors les anciennes principautés et on responsabilise la famille Zhou. 20 % des titres sont maintenus, tandis que la hiérarchie aristocratique est supprimée. L’empire est divisé en 36 commanderies ou préfectures. Ce sont des circonscriptions administratives civiles dirigées par un gouverneur militaire et un surintendant147. Les mesures d’unification concernent les domaines suivants : * lois et des règlements * poids et mesures * écartement des essieux des chars * caractères écrits Les armes sont confisquées et fondues en cloches et en 12 hommes en métal. Ceux-ci sont placés dans le palais de la capitale148 et symbolisent l’unité de l’empire. Les murailles construites par les rois précédents et celles des villes sont détruites. Des palais sont érigés sur le modèle de ceux des princes vaincus. Enfin, les survivants de l’ancienne aristocratie sont assignés à résidence dans la capitale149. Il y a donc une centralisation à outrance. Selon Jean Lévy, c’est le 1er système totalitariste de l’histoire de l’humanité. 3. La destruction des livres150 et la mise à mort des letrés151 La nouvelle dynastie veut une rupture totale avec le passé. Mardi 27 janvier 1998 147 c’est un inspecteur impérial 148 à Xianyang 149 120.000 familles transférées 150 213 AE 151 212 AE Le légisme est une doctrine philosophique, plutôt politique. C’est la base de l’exercice du pouvoir en Chine. En 213 AE, Li Si présente un autodafé à 70 lettrés. Les ouvrages visés sont les ouvrages présentant l’histoire antérieure aux Qin. Il faut effacer de la mémoire populaire, l’existence de royaumes antérieurs aux Qin. Le but est d’éviter la résurgence du nationalisme. Il y a donc un besoin d’unification sur les plans historique et psychologique. Seuls les ouvrages techniques et scientifiques sont épargnés152. Le savoir transcende l’appartenance à un groupe particulier, sans connotation nationaliste. Les grands classiques confucéens153 sont brûlés, car ils rappellent un passé différent de celui des Qing. On admet que certains ont besoin d’informations, mais seules les lois et les connaissances de l’époque Qin sont autorisées. Ce sont aussi les connaissances des fonctionnaires. Il ne faut pas s’appuyer sur le passé pour critiquer le présent. Une reécriture a également été pratiquée après la condamnation de la ‘’Bande des Quatre’’. Après leur chute, les photos antérieures ont été retravaillées. Ils ont été effacés de toute photo où ils apparaissaient. Pour en revenir à l’époque des Qin, la recommandation était imposée. Toute personne ne respectant pas celle-ci et dissumulant des ouvrages était condamnée à mort ou à l’exil. Ce décret a été appliqué avec vigueur et les oeuvres de Kongzi ou celles concernant les rituels ont progressivement disparu. Mais les conséquences de la destruction n’ont pas été si catastrophiques, car l’édit de prosécution n’a été appliqué que sur une courte période de temps. Les Han remettent en cause le décret154 et recherchent les textes des livres détruits. C’est ainsi qu’ils ont pu être reconstitués. La connaissance de la période antériure aux Qin est gênée par la destruction à chaque changement de dynastie155, sans compter les pertes durant la dynastie Han. C’est pourquoi, même sans la destruction de 213 AE, les sources sur les Zhou n’auraient pas été plus abondantes. Parmi les excès reprochés à Qin Shuhuangdi, on note la mise à mort de 461 lettrés156, mais l’on doute de la réalité de l’exécution. La décision de cette exécution a été prise suite à une conversation secrète entre 2 devins. En représailles, Qin Shihuangdi ordonne une enquête qui aboutit à la sélection de 461 lettrés et à leur mise à mort. 152 ce sont principalement les ouvrages qui concernent l’agriculture et le ‘’Yijing’’ ou ‘’Classiques des Mutations’’ 153 ‘’Shijing’’ et ‘’Shujing’’ 154 191 AE 155 destruction de la capitale en 206 AE par les rebelles 156 212 AE Le doute sur la façon dont ils ont été exécutés a fait l’objet d’une discussion sur les termes du Shiji. Ceux-ci ont été interprétés comme une mise à mort et non pas de façon littérale. Tout cela a accru l’horreur inspirée par Qin Shihuangdi. Pour sa critique, on a souvent fait un parallèle avec Han Wudi. Mais, les Qin sont souvent opposés aux Han, comme le légisme est opposé au confucianisme. Qin Shihuangdi et Li Si agissent selon l’idéologie légiste, mais ils conservent les principes confucéens et les Han feront de même. Qin Shihuangdi, accorde une place importante au taoïsme. Il faut dire qu’il est entouré de conseillers taoïstes. Il va même jusqu’à mettre en place des rituels évocateurs du taoïsme157. De même qu’il recherche l’immortalité. Qin Shihuangdi est un lecteur des ouvrages de Zhuangzi et il adopte la notion de ‘’non-agir’’158. Il n’existe pas de catégories de temples159, car des contacts sont établis. Qin Shijhuangdi est souvent présenté comme un despote, mais aussi comme un bâtisseur. A ce titre, c’est l’un des souverains les plus connus de l’Antiquité. En fait, 2 monuments symbolisent les Qin : * la Grande Muraille : elle symbolise la fermeture de la Chine * le tombeau de Qin Shihuangdi : il symbolise le despotisme chinois C. La valeur des symboles : la Grande Muraille et le tombeau de Qin Shihuangdi L’ouverture des années 1980 permet la visite de la Grande Muraille. Ce monument du 3e siècle AE est considéré comme le seul monument visible de la Lune. Si l’on en est arrivé là, c’est parce que cela a été affirmé en 1969. La partie la plus ancienne date des Ming, mais certaines datent des Qing ou sont encore plus modernes. Le tracé ne date pas des Qing, mais les Murailles de la frontière septentrionale ont été reliées entre elles. C’est donc une oeuvre s’appuyant sur quelque chose d’existant, mais la construction avec des blocs de terre est moins sophistiquée. Les Ming souhaitent la fermeture générale du pays, face aux pays non-chinois. Mais la Grande Muraille n’a pas empêché la conquête de la Chine par les Qing, même si la construction englobe les pays contrôlés. Cette idée de fermeture reflète bien les rapports entre la Chine et l’Occident au 19e siècle. Les Occidentaux arrivent en Chine pour faire du commerce, mais ils se trouvent face à une fin de non-recevoir. Si les Chinois ne sont pas accueillants envers les Occidentaux au 19e siècle, ils ne refusent pas le contact avec l’Occident. Il faut dire qu’il y a un contact continu entre Han et non-Han. 157 par exemple, à la montagne sacrée de Taishan 158 ‘’wu wei’’ 159 confucéen, légiste, taoïste Sous les Tang, la société est cosmopolite. A l’époque des Song, la Chine s’allie avec les pays voisins. La fermeture n’intervient que sous les Ming. C’est donc un phénomène récent. Cela dit, des contacts subsistent à l’intérieur du monde chinois. En ce qui concerne le tombeau de Qin Shihuangdi, les travaux du monument nécessitent une main-d’oeuvre très importante, tandis que la construction dureront du début du règne jusqu’à sa mort. Une description en a été fournie par Sima Qian, mais sa découverte est récente160 : des ouvriers étaient en train de sonder le sol pour la pose de canalisations, lorsqu’ils ont découvert une armée de terre cuite, à 1 km du tombeau. Les fouilles sont en cours depuis 1979, mais les statues étant prises dans le loess, elles n’ont encore été toutes dégagées. Les fosses contiennent une partie de l’armée de protection, ainsi répartie : * fosse n° 1 : fantassins armés d’arcs et d’arbalètes, alignés sur plusieurs colonnes, ainsi que des chars et leur personnel. * fosse n° 2 : aile gauche de l’armée, qui comporte 1.000 soldats * fosse n° 3 : quelques centaines de soldats * fosse n° 4 : vide Le plus remarquable est le tombeau où repose le corps de Qin Shihuangdi, mais il n’est pas encore ouvert. Il faut dire que Xi’an est un pays plat et qu’un tumulus recouvre le tombeau, dont l’ouverture pose des problèmes techniques et financiers. Sur le plan technique, l’ouverture du tombeau reviendrait à sa destruction, car les moyens techniques ne sont pas disponibles en Chine. Il faudrait des équipes et un financement internationaux. Qin Shihuangdi a voulu reconstituer son environnement et l’univers161, avec les objets précieux à l’usage du souverain. L’ensemble du tombeau est recouvert d’herbe. Qin Shihuangdi meurt en juillet. Li Si ne souhaite pas annoncer la nouvelle de sa mort avant le rapatriement du corps dans la capitale, car il craint un soulèvement populaire. Mais, l’odeur risquant de trahir son secret, Li Si fait précéder le char royal d’un char de poisson. Qin Shihuangdi aura régné 25 ans comme roi, sous le nom de Zheng, et 12 comme empereur de Qin. Ses femmes, les artisans et les ouvriers qui ont creusé son tombeau sont mis à mort, pour éviter qu’ils ne dévoilent les secrets et les pièges entourant le tombeau. La mort de Qin Shihuangdi n’a pas été regrettée. Son fils, Ershihuangdi est le second et dernier empereur de la dynastie. Cela prouve que le système n’était pas solidement établi. Au fond, Qin Shihuangdi n’a pas tenu compte du facteur humain. 160 mars 1974, à Xi’an 161 le Huanghe, le Changjiang et les mers Des mouvements de révolte au sein de l’empire162 sont à l’origine de la chute de la dynastie. Profitant du désordre, un homme dénommé Liu Bang fonde une nouvelle dynastie, celle des Han. Celle-ci assurera, au 4e siècle, le triomphe de la doctrine confucéenne. La dynastie Han ne renie pas l’héritage des Qin, mais elle associe un idéal légiste corrigé et l’héritage confucéen, adapté aux vues dynastiques. Le tout, sur fond d’influence taoïste. Le confucianisme est l’idéologie de l’Etat et il triomphera sous les Song, avec la mise en place d’une bureaucratie, dont tout membre est formé par les Classiques. III. Les Han et l’idéal confucéen du bon souverain163 Le confucianisme est une idéologie qui a dominé la société chinoise, dans son fonctionnement, depuis la fin des Zhou. C’est une façon de voir simpliste, car il est difficile de connaître l’idéologie de Confucius, à son époque. Cette idéologie se fonde sur les Classiques. Or, ceux-ci sont incompréhensibles. Si l’on prend le ‘’Yijing’’ sans les commentaires, il est impossible de comprendre l’ouvrage, car l’on a perdu le sens de l’ouvrage original. C’est pourquoi, il reste à faire une histoire du confucianisme, époque par époque. Présenté comme tel, le confucianisme est sujet à interprétation. Le développement des recherches permet de connaître le confucianisme à différentes époques. Chacune est reliée à la pureté de la doctrine originelle. Dés lors, tout le monde a son mot à dire, et les Chinois ne sont pas mieux lotis. Mais l’intérêt porté aux textes, leur étude et la compétence linguitique ont abouti à une interprétation valable de la part des sinologues français. Les textes des Classiques étaient appris par coeur. Tout passait par le maître, qui récitait devant les élèves. Ceux-ci les apprenaient à leur tour et les répétaient jusqu’à la perfection. Il y avait là, un aspect visuel et une illumination. Les connaissances actuelles datent des Han. A. Le confucianisme 162 207 AE 163 lire ‘’Histoire de la pensée chinoise’’ de Anne Cheng 1. Kongfuzi164 Il a servi a justifié des théories différentes. Il a écrit les Classiques, mais il n’en est pas l’auteur au sens moderne. Certains ouvrages sont obscurs. Mais des textes n’ont pas encore été déchiffrés et il en sera ainsi pour longtemps. Cela a donné lieu à exégèse. La préoccupation est due aux courants d’interprétation et au sens du non-sens. 11. Qui était Kongfuzi ? Le Lunyu165 a été traduit par Pierre Rickmans, Simon Lais, Anne Cheng ou André Lévy. Sima Qian lui a consacré une biographie, mais elle n’a été écrite que tardivement. Il y a donc eu une légende de Kongfuzi, et il est alors difficile de voir la réalité de Kongfuzi. Sage et saint, c’est un homme d’exception. Selon Mengzi, sa vie est faite de gloire et de pouvoir. Mesurant 2 m 20, il dépasse tous ses disciples. A 70 ans, son père veut se remarier pour avoir un fils. De ce mariage naîtra Kongzi166, dans la principauté de Lü. D’origine plus ou moins noble, il vit cependant une enfance difficile. Connaissant très tôt les futurs Classiques confucéens, Kongzi se marie à 19 ans. Il aura un fils et mourra lui-même à 72 ans. Il vit dans une époque trouble. Du fait de la situation politique, il se tourne vers les souverains pour trouver une solution aux problèmes de l’époque. Il s’interroge sur le désordre et met sur pied une doctrine. Il veut proposer ses services à un prince, mais aucun ne veut appliquer ses conseils. Déçu, il rentre dans son pays natal pour fonder son école. Jamais seul, il était toujours entouré de disciples, qui tranmettaient ses paroles. Des penseurs, tels que Mengzi, ont donc pu développer sa pensée. C’est ainsi que Kongzi connut une gloire posthume, sous les Han. Le confucianisme est le ciment assurant la solidité de la construction de l’Etat. 12. Le Lunyu et la doctrine du maître Kongzi est censé avoir écrit les ‘’Classiques’’167, mais il n’a rien inventé. Il a transmis le savoir des anciens, avec des ouvrages plus accessibles168. Le texte du ‘’Lunyu’’ est une compilation effectuée après la mort du maître. Auparavant, les paroles étaient transmises à l’oral. Le texte qui nous est parvenu est une synthèse du 3e siècle. 164 Confucius (551-479 AE) 165 ou les ‘’Entretiens’’ 166 551-479 AE 167 par exemple, le ‘’Shijing’’ ou le ‘’Chunqiu’’ 168 par exemple, les ‘’Entretiens’’ Mardi 10 février 1998 La situation politique des Royaumes Combattants explique l’intérêt des penseurs pour les problèmes politiques. Ils cherchent alors à retrouver la voie. En fait, il y a différentes définitions de la voie. La pensée confucéenne est très difficile à saisir dans la pureté de sa vie. Les ‘’Entretiens’’ datent du 3e siècle. Or, à l’époque des Han, différentes versions sont transmises aux disciples et elles sont tardivement fixées. Le ‘’Lunyu’’ exprime donc la pensée de Kongzi, sous les Han. Les grands thèmes sont les suivants : * l’âge d’or : Kongzi n’a pas une vue utopique des choses. Il se tourne vers 2 époques : - les 1ers souverains chinois : ce sont des légendes. Les plus souvent cités sont Fuxi, Huangdi, Yao et Shun. A leur époque, le peuple vivait heureux. Ils ont apporté la civilisation à la Chine. Auparavant, le pays ne connaissait pas la civilisation, ni les biens matériels. Le pays connaît une très grave crise à la fin du 19e siècle. Les lettrés et les fonctionnaires se posent des questions sur le devenir du pays et sur les événements. De nombreux fonctionnaires adressent des mémoires, des propositions de réformes et des tentatives d’explication des événements. Selon eux, les problèmes trouvent leur origine dans le fait que l’on a oublié la voie de Yao et de Shun, qui étaient des sages. - les 1ers souverains Zhou : les rois Wen et Wu, comme le duc Dan de Zhou sont des modèles. En tant que régent, le duc Dan de Zhou a été un ministre intègre et fidèle. Il a fait cela pour son neveu, le fils du roi Wu. La structure de l’Etat est alors familiale. Le souverain est proche de ses sujets. Il y a donc un parallèle entre la structure familiale et celle du royaume. Jusqu’à l’époque Chunqiu, les souverains ont perdu l’essentiel du confucianisme, la vertu civilisatrice du ÈÊ. D’où, l’absence d’équilibre et le retrait du mandat du Ciel169. Le mandat du Ciel est une théorie politique mise sur pied sous les Zhou. C’est une propagande justifiant le renversement et la succession des dynasties. 169 ‘’Tian ming’’ * la définition du ¾ý ×Ó et du ÈÊ : le souverain est un ‘’junzi’’. Le Ciel lui accorde le mandat. Mais s’il perd sa vertu, il se voit retirer son mandat. Dans ce cas, le peuple a le droit de se révolter contre le souverain en perdition. Le prince est obligatoirement un ‘’junzi’’. Une grande partie du ‘’Lunyu’’ est consacrée à la définition du ‘’junzi’’, qui est un pivot entre le Ciel et l’Homme. Anne Cheng traduit le terme ‘’ren’’ par les mots ‘’honnêteté’’, ‘’fidélité à la parole donnée’’, ‘’digne de confiance’’, ‘’posséder le discernement’’ et ‘’être courageux’’. Par sa vertu, la seule présence du prince suffit à faire cesser les désordres. Il est garant de l’harmonie sous le ciel. Le comportement du prince est réglé. Le gouvernement doit respecter les 4 règles suivantes : - sollicitude envers les familles - fidélité envers les vieilles connaissances - le prince s’appuie sur la tradition - le prince respecte les rites * le respect des rites et des traditions : les rites sont les cérémonies devant être accomplies pour que tout aille pour le mieux sous le Ciel. Ce sont les règles à respecter et dont la valeur est théorique. Ils différencient les gens civilisés des barbares. Les rites marquent les activités humaines et sont célébrés dans le temple des ancêtres170. Les disciples ont repris les rites de la noblesse féodale et les ont perfectionnés. Ce sont des principes d’éthique et de gouvernement. La désignation est la façon dont on nomme les choses et les personnes. Due aux sages, elle permet aux choses d’exister. Vertueux, le ‘’junzi’’ connaît les rites et la voie. Kongzi guidait donc ses disciples vers la voie. La voie confucéenne mène vers l’éthique. L’éducation joue un rôle capital, car l’étude est à la base de toute construction. Les Classiques sont des ouvrages qui ont été rédigés par Confucius, du moins, ceux de son époque171 * la piété filiale172 : c’est une composante du ÈÊ , car elle est très importante dans l’idéologie confucéenne. Elle connaît des rapports sociaux et hiérarchiques. Elle est fondée sur l’autorité du père respecté par son fils, qui doit voir en lui quelqu’un que l’on vénère comme un ancêtre. Il prescrit donc les choses positives et négatives par le fils durant la vie, après sa mort, durant le deuil et lors du culte de l’ancêtre. 170 les cas de célébration des rites sont, entre autres, les suivants : mariage, négociations diplomatiques ou décision de lancement d’une expédition militaire 171 ‘’Shijing’’, 172 composante du ‘’ren’’, elle joue un rôle important dans la mentalité chinoise. ‘’Yijing’’ et ‘’Chunqiu’’ Le fils pieux prend soin de ses parents. Il est dépositaire de son propre corps et doit avoir des enfants, surtout un fils, pour rendre le culte aux ancêtres. La piété filiale est le fondement de la morale privée et publique. Des recueils de piété filiale permettent d’édifier les enfants, de les marquer. 13. Rapport du confucianisme avec la religion Les Catholiques débarquent en Chine et cherchent à diffuser leur religion en Chine. Ils traduisent alors les notions occidentales en Chinois. Certains ont voulu y voir quelque chose plus ou moins proche de la religion. Kongzi n’était pas chrétien, mais les missionnaires ont voulu trouver un équivalent à la notion de christianisme. La ‘’vertu d’humanité’’ se rapprochant de la charité chrétienne, cela pose la question du rapport du confucianisme avec la religion. L’idée de départ est qu’il faut donner au peuple, ce à quoi il a droit. Il faut respecter Dieu en le laissant à distance. Il faut donc s’attacher à faire ce que l’on comprend. Il n’est pas besoin de s’occuper de l’au-delà. Kongzi est plus ou moins agnostique. Il ne se prononce pas. Mardi 24 février 1998 Les missionnaires ont voulu trouver dans le confucianisme, des concepts parallèles avec le christianisme. Le problème est le degré de tolérance de la religion chinoise. Les lettrés recherchent, à l’époque, le secret de la puissance des Occidentaux. Selon Kang Youwei, cette puissance est due au christianisme. Pour sa part, Confucius ne se prononce pas. Il est agnostique et occupé par des problèmes plus concrets. 2. L’école confucéenne après Confucius Pendant toute sa vie, Confucius n’a pas rencontré le succès, car aucun prince n’a accepté d’appliquer ses idées. Son oeuvre a été composée par les disciples de ses disciples. Deux d’entre eux se détachent. 21. Mengzi173 Il est né dans l’actuelle province du Shandong et sa vie ressemble à celle de Confucius. Il est élevé par sa mère, qui déménage 3 fois. * ils habitent près d’un cimetière : le garçon imite les cérémonies funéraires. Cela est un mauvais exemple, car il pourrait vouloir être prêtre. * ils habitent près d’un marché : il imite les marchands avec leurs mauvaises habitudes. * ils habitent près d’une école : cela lui permet d’apprendre les bonnes manières. Il va voyager pendant 40 ans, en espérant trouver un prince qui accepterait d’appliquer ses réformes. Il se dirigera finalement vers l’enseignement. Sa doctrine est exposée dans le ‘’Mengzi’’. L’ouvrage reproduit ses entretiens avec ses disciples ou avec les seigneurs de l’époque. C’est à lui que l’on doit l’idée que le ‘’Chunqiu’’ a été rédigé par Kongzi. Il y a donc là, une sacralisation de Confucius. Sur le plan de la doctrine, Mengzi s’appuie sur les idées de Kongzi. Il aborde 4 thèmes : * le retour à l’âge d’or * le rôle de la piété filiale dans les relations humaines * l’homme de bien doit honorer les parents et avoir beaucoup d’enfants * la vénération des Cinq souverains et la morale sauveront le monde 173 372-289 AE Il diffuse les idées et s’attaque aux autres courants de pensée de l’époque. Il affirme qu’il est le seul lien avec les idées confucéennes et les institutions des Zhou. Or, leur description est une utopie, car une partie est déjà perdue à son époque. Il est le principal adversaire des légistes, auxquels il reproche l’usage de la force et de la loi, ayant pour objectif final, d’accroître la puissance de l’Etat. Il fait appel aux traditions, à Yao et à Shun. Ces souverains avaient pour seule ambition, le bonheur du peuple. C’était une période de bonne administration et de paix. C’est à partir des idées confucéennes que Mengzi développe une théorie visant à ce que le souverain assure le bonheur du peuple. Pour cela, il faut que le peuple puisse subsister. D’où, la mise en place de mesures permettant l’enrichissement du peuple. * laisser les laboureurs aux champs : il faut alors éviter de réquisitionner et de convoquer les paysans aux travaux et à la guerre. * le souverain prend en charge la conservation des eaux et des forêts : c’est l’origine de l’une des tâches fondamentales de l’administration chinoise174. A l’époque de la décadence des Zhou, il faut définir une économie de raison. C’est pourquoi, il expose un système idéal de répartition des terres. Celui-ci a peut-être été réalisé dans l’Antiquité ou alors, il est resté utopique. Quoi qu’il en ait été, il consistait à répartir les tenures individuelles et collectives. Les champs sont répartis en forme de puits. Cela permet d’assurer l’existence de tous et de garantir la part de l’Etat. Les terrains sont répartis entre 8 familles, à titre individuel. Le 9e lot est cultivé par l’ensemble des paysans, les produits qui en sont issus étant destinés à l’Etat. Cela permet donc de garantir des revenus aux paysans et à l’Etat. S’il n’est pas sûr que l’application de cette mesure ait été réelle, l’on sait que des difficultés ont éxisté. Les lots étaient censés être équivalents. Or, les régions ayant une géographie de type variée175, l’application de la politique était problématique. Wang Mang176 cherchera également à appliquer cette politique. L’un des points sur lesquels il s’oppose aux légistes est la conception de la nature de l’Homme. Au fond, l’homme est bon. Mais la bonté est en germe et il faut la faire fructifier. Il est donc nécessaire de la cultiver par l’éducation. Si c’est le cas, toute personne peut devenir comme Yao et Shun. Dés lors, le gouvernement par le ‘’ren’’ est possible. Le souverain totalement opposé aux légistes assure le bonheur du peuple. Dans le cas contraire, le mandat céleste est retiré. Le peuple a alors le droit de se révolter contre le souverain. Toute la construction du ‘’Mengzi’’ repose sur les ‘’conseillers éclairés’’ que sont 174 entretien des digues, des canaux et des forêts 175 terrain plat, colline ou versant de montagne 176 9-23 les lettrés confucéens. Ces lettrés prennent en charge l’éducation du Prince. A ce titre, ils se trouvent au coeur du pouvoir politique et social. Les lettrés177 sont à la base de l’Empire. L’administration mise en place a recruté ses membres parmi les lettrés confucéens. Pour Mengzi, l’aristrocratie du savoir est plus importante que l’aristocratie du sang, car elle possède le savoir. Leur métier consiste à gouverner. Ces hommes de qualité font des travaux intellectuels178. Ils sont entretenus par des serviteurs179 voués au travail, pour que les lettrés puissent se consacrer au travail intellectuel. Pour Kongzi, la politique et le service de l’Etat sont les offices les plus nobles. Mengzi représente là, la tendance idéaliste du confucianisme. 22. Xunzi180 Il est né dans le Li Zhao181 et a commencé sa vie intellectuelle sur le tard. Voyageant beaucoup, il aura de nombreux disciples. Il se rendra dans le pays de Qi182 où le roi Xuan a crée l’académie Tixian183 au rayonnement très important. Il compte parmi ses élèves, les légistes Han Feizi et Li Si. Il a repris à son compte, des traits légistes et taoïstes. Mais, il se réclame de Kongzi. Seul cela peut résoudre les problèmes de la Chine contemporaine. Il a exposé ses idées sous forme théorique, dans un ouvrage aux chapitres thématiques. Pour lui, le fond de la nature humaine est mauvais. Il admet que le bien de la nature humaine est un artifice. Si cette nature survit, les personnes seront déshéritées. C’est pourquoi, l’éducation doit permettre de rendre l’Homme plus civilisé. Les anciens souverains ont imposé les principes moraux. L’ensemble des Classiques confucéens sont les seules oeuvres devant être étudiées. La vertu essentielle concerne les rites. La vie sociale et individuelle est conditionnée par les rites, qui reflètent l’ordre cosmique. Les rites amènent à équilibrer les désirs et les biens. La musique fait partie des rites. Elle est complétée par la danse. Les musiques convenables sont celles qui consolident les moeurs. Celles-ci s’opposent aux musiques lascives. 177 ou ‘’rujia’’ 178 ce sont des ‘’daren’’ 179 ce sont des ‘’xiaoren’’ 180 298-238 AE 181 dans l’ouest du Shandong actuel 182 dans le nord-ouest du Shandong 183 réunion de penseurs d’horizons très différents participant à des débats Quant à la correction du langage, elle est très importante et inséparable des rites. . Le nom assigne la place de chaque être dans le monde. La déformation des noms est aussi grave que de délaisser les mesures. Enfin, les règles du monde ont une origine totalement humaine. Elles couvrent du plus rationaliste au plus autoritaire. Elles ont un rôle important dans la transmission des Classiques. B. Le confucianisme sous les Han 1. Le rôle des empereurs Han C’est l’époque de la constitution des traditions confucéennes, qui seront remises en cause par la suite. Leur triomphe sous les Han est plus ou moins vrai, car ceux-ci ont gardé des éléments du légisme. Mais les souverains empruntent à divers courants. L’empereur Gaozu184 est un guerrier. Il n’a pas le temps d’abolir l’édit de 213 AE. Cette tâche reviendra à Huidi185. Un changement interviendra sous Wendi186. Wendi aime s’entretenir avec les lettrés. Les érudits se voient confier l’étude d’un Classique, dans le but de former des spécialistes de chaque Classique. Wudi connaît le ‘’Shujing’’. Il s’exerce à la poésie et reçoit 2 grands commentateurs des Classiques à sa Cour. Ils se nomment Dong Zhongshu et Gongsun Hong. Les souverains ont donc voulu connaître le confucianisme, étant donné qu’ils connaissaient les Classiques187. Le 1er inventaire des livres a lieu sous les Han. Les confucéens sont très implantés dans le gouvernement. A tel point que tout ce qui n’est pas confucéen est écarté. C’est là, l’origine du recrutement des fonctionnaires parmi les lettrés confucéens. L’appellation de ‘’lettré’’ désigne celui qui a été formé à travers les Classiques. Les précepteurs des empereurs étaient alors, tous des confucéens. En réalité, il y avait 2 courants : * les partisans du ‘’guwen’’ * les partisans du ‘’jinwen’’ . C’est finalement le chef de file du courant ‘’jinwen’’ qui va l’emporter. Il s’agit de Dong Zhongshu. Le ‘’Shijing’’ est un ouvrage écrit en ‘’guwen’’. Les partisans du ‘’jinwen’’ affirment que la version en ‘’guwen’’ est un faux. Cela, même si des doutes ont été exprimés sur la compréhension réelle à l’époque des Han. 184 206-195 AE 185 195-188 AE 186 180-157 AE 187 par exemple, Xuandi connaît le ‘’Lunyu’’ et le chancelier de Yuandi est un spécialiste du ‘’Shujing’’ 2. Dong Zhongshu188 Dong Zhongshu est lettré et conseiller politique sous Jingdi et Wudi. Il est le 1er ‘’boshi’’ spécialiste du ‘’Chunqiu’’, dont il en fera un commentaire. Il délivrera son enseignement. Ses théories politique et morale sont fondées sur les notions cosmologiques de l’époque. Le ‘’qi’’ est à l’origine des êtres. Il introduit ainsi la théorie du ‘’yin’’ et du ‘’yang’’ et des ‘’Cinq éléments’’ pour interpréter les Classiques. Les ‘’wuxing’’ sont les suivants : * le bois * le métal * le feu * l’eau * la terre En fait, il y a 2 théories : * la succession des ‘’Cinq Eléments’’ a lieu par la destruction : le métal est détruit par le bois, qui est détruit par le feu. Le feu est victime de l’eau, recouverte par la terre. Ellemême est dominée par le bois. Si l’on admet que le monde est dominé par les ‘’Cinq éléments’’, l’on peut dire que tout événement s’explique par ce cycle. * il y a une vie entre les ‘’Cinq Eléments’’ : le feu succède au bois, et il laisse la place à la terre. Lui-même est suivi par le métal, suivi de l’eau et du bois. La succession des événements sert à expliquer le passé. Cela conduit à se demander sous quel élément il faut placer les Han. Dans un 1er temps, Wudi, est à classer avec la couleur jaune et avec l’élément terre. Puis, au milieu du 1er siècle, on englobe l’engendrement. Les Zhou sont à classer avec l’élément bois, tandis que les Han sont à classer avec le feu. Dans les années 20 de notre ère, une révolte populaire va provoquer la chute de Wang Mang. Cette révolte est placée sous la couleur rouge. Il sera dit ultérieurement, que les manifestants souhaitaient le retour des Han. Ces spéculations ont été concrètes, mais postérieurement. La réalité entre dans un cadre théorique servant à justifier la réalité. Les partisans de ZG sanctionnent le choix de la couleur rouge pour les Han. Dong Zhongshu a établi la corrélation entre la Terre, le Ciel et les Hommes. 188 179-104 AE Dans le caractère Íõ , les 3 traits horizontaux signifient que le roi est l'élément reliant le Ciel, la Terre et les Hommes. C'est le symbole vivant reliant les 3 éléments. Cela explique la cohérence entre le macrocosme et le microcosme. Il y a des corps humains, politiques et célestes. Le bon gouvernement garantit la correspondance adéquate entre le ‘’yin’’ et le ‘’yang’’. Dans le cas contraire, des avertissements célestes peuvent frapper l’Etat. Les signes sont interprétés par des lettrés qui observent et traduisent ces avertissements célestes189. Dong Zhongshu représente la tendance politicienne du confucianisme. Il se sert de l’interprétation des signes pour critiquer le gouvernement. Mardi 3 mars 1998 3. La mise en ordre des Classiques Les Classiques sont des textes anciens, dont certains remontent à l’époque des Zhou. Les confucéens ne sont pas les 1ers intéressés par les textes. Depuis les Zhou, les penseurs chinois ont commenté ces textes. Les Classiques confucéens sont ceux qui qui ont retenu l’attention de Kongzi. Les disciples méditent les textes, tandis que les lettrés s’appuient sur Kongzi, qui s’est luimême appuyé sur la tradition des 1ers souverains Zhou. Beaucoup d’Européens voient les Chinois comme un peuple traditionnel. Or, la tradition est dynamique. Celui qui suit la tradition est attaché au changement. Il fait référence aux auteurs anciens, tout en apportant sa pierre à l’édifice. C’est là, l’objet des commentaires. Sans les commentaires, les Classiques seraient incompréhensibles. Ils préservent l’authenticité du message, mais surtout, ils présentent l’orthodoxie d’une époque donnée. Dés les Han, l’existence de plusieurs commentaires fait ressortir le besoin d’avoir un seul texte reconnu et un bon commentaire. C’est aussi sous les Han que les lettrés doivent trouver l’authenticité des Classiques et le meilleur commentaire. Le travail sur le ‘’Chunqiu’’190 occupe 23 lettrés pour 2 commentaires différents191. C’est finalement le ‘’Guliang Zhuan’’ qui sera choisi. A ce titre, il est la 1ere interprétation officielle 189 190 fléaux ou catastrophes naturelles 53-51 AE définissant l’orthodoxie de l’interprétation. Le même travail est accompli sur le ‘’Shijing’’, par un lettré dénommé Mao Chang, qui classe les poésies sous 4 rubriques. Les Classiques sont ainsi regroupés : * les Quatre Livres * les Cinq Classiques * les Treize Classiques Cette classification est celle des Song. Concrètement, un futur lettré apprend les caractères de base. Puis, il passe à l’étude du ‘’Lunyu’’, avant d’attaquer les autres Classiques. A titre de précision, la classification en 4 livres est l’oeuvre de Zhu Xi. C. En guise de conclusion : qu’est-ce que le confucianisme ? Le confucianisme est un humanisme conservateur, laïc et plutôt agnostique. Il met l’accent sur les liens sociaux et sur l’efficacité des vertus individuelles. Sa place se trouve dans la tradition, dans le respect des rites et dans la piété filiale. Le seul type d’individu digne du gouvernement est un homme de bien vertueux. L’éducation joue un rôle capital. Elle est orientée vers les responsabilités politiques, dont le couronnement est le recrutement par concours. Les examens sont basés sur la parfaite connaissance des Classiques confucéens. Ceux-ci ont dominé l’éducation chinoise jusqu’à l’abolition des examens mandarinaux en 1905. Ces derniers ont alors laissé place aux écoles modernes, aux connaissances techniques et scientifiques. Au 19e siècle, l’idéologie confucéenne a paralysé la dynastie, car les lettrés étaient enfermés dans le respect de la hiérarchie et des traditions. Ce sont d’ailleurs ces traditions qui sont à l’origine de la contestation des étudiants de l’université de Pékin. Ils protestent contre les clauses du traité de Versailles, car il accorde les droits allemands sur le Shandong au Japon. Or, la Chine s’est associée aux futurs vainqueurs, dans l’espoir de récupérer la province. C’est là que se trouve l’explication du mouvement du 4 mai 1919. Deux slogans sont scandés en faveur de la démocratie et de la modernité. L’un d’entre eux est : ‘’A bas la boutique confucéenne’’. C’est là, le développement d’une vision caricaturale du confucianisme. L’image de Kongzi est aussi bousculée pendant la Révolution culturelle. L’autre image est celle du sage Kongzi cherchant à remédier aux maux de son temps. En 1ère ligne, il ne craint pas d’adresser des remontrances au prince lorsqu’il perd sa vertu. Il ne doit pas hésiter à mettre sa vie en péril. Le discours du 4 mai 1919 a consisté à dire que l’idéologie confucéenne a été la doctrine dominante en Chine, jusqu’en 1919. En fait, on a 191 ‘’Guliang Zhuan et Gongyang Zhuan’’ oublié que l’idéologie confucéenne est un terme inexistant. En fait, Kongzi et ses disciples sont désignés sous le terme de ‘’rujia’’. Qin Shihuangdi a brûlé les livres et torturé les lettrés. Ces 2 actes sont résumés dans une expression192. Le problème fondamental est de savoir quel sens donner au mot ‘’ru’’ et depuis quand, le terme désigne le lettré. On se fonde là, sur ce qui a été dit à travers les textes originaux. En réalité, l’article n’est pas vraiment recherché. La question n’est pas vraiment tranchée, mais elle montre le problème dans la traduction des termes chinois. En France, un terme sert à désigner un ensemble. En Chine, chaque terme désigne une époque précise. Le confucianisme n’a pas totalement dominé la pensée chinoise, car ce serait oublier les autres courants de pensée. La domination n’est réelle qu’à partir des Song. Max Weber montre l’intérêt du fonctionnement de la religion dans la société. Il a opposé le confucianisme au capitalisme. Le confucianisme est responsable de l’entrée manquée de la Chine dans le monde moderne. Les néo-confucianistes ont pris le contrepied de cette position, en affirmant que le confucianisme est adapté au capitalisme. Parmi les débats touchant les politologues, il y a le retour du confucianisme en Chine, souhaité par le Parti communiste, comme thérapie aux problèmes de la Chine de l’ouverture. Souvent, la psychanalyse a amené à des conclusions hâtives, sans réflexion profonde sur ce qu’était le confucianisme. Jean-Philippe Béja a écrit un article dans la revue ‘’Esprit’’193. Il affirme qu’au moment du 4 mai 1919, seuls les vieux lettrés sont viscéralement opposés au mouvement. Or cela n’est pas vrai. Mais l’Etat étant dans une période de transition, les gens s’interrogent sur la question. Nous sommes donc encore tributaires des ‘’images d’Epinal’’, lorsque la réflexion porte sur la Chine. Cela pose la question des apports du confucianisme à la construction de l’empire et du choix pour l’idéologie confucéenne. Les souverains y vont des avantages. Cette idéologie a apporté une doctrine d’Etat et une orthodoxie acceptée par le plus grand nombre. D’où, l’obéissance du peuple autour du bon souverain, qui se préoccupe du bien-être de ses sujets. Les lettrés ont une très vaste culture et les souverains se sont prêté au jeu de l’étude des Classiques confucéens. Cela leur a permis d’acquérir une bonne culture et d’être bien acceptés par les lettrés. 192 193 ‘’Feng shu keng ru’’ numéro du 1er février 1996 : ‘’Naissance d’un national-confucianisme’’ Mardi 10 mars 1998 IV. Une construction sans cesse remise en cause194 A. La reconstruction du pouvoir sous les Han de l’Ouest 1. Pouvoirs régionaux et politique de centralisation Peu après la mort de Qin Shihuangdi, des soulèvements paysans et des révoltes voient le jour dans tout l’empire. Le gagnant en est Liu Bang, petit fonctionnaire responsable d’un village. Pour s’imposer, il bataille pendant 7 ans, mais il devient le 1er empereur de la dynastie Han195. Il abolit les lois les plus cruelles des Qin, mais il garde la structure administrative en introduisant une innovation, le poids sur la nouvelle situation de l’empire. Au début de l’empire, 2 puissantes forces politiques agissent sur l’empire : * dans les provinces196 * dans la capitale197 Gaozu est persuadé que la chute rapide des Qin est dû à l’isolement de l’empereur Qin. Il aurait pu améliorer la situation, s’il avait été entouré de ses rois vassaux. Ceux-ci sont donc des fils, des neveux ou des parents plus éloignés. A cette époque, 10 royaumes comptent des membres de la famille impériale. 194 dans son idéal et dans sa réalité 195 sous le nom de Gaozu, ‘’zu’’ signifiant ‘’grand ancêtre fondateur’’ 196 rois vassaux 197 marquis ou nobles L’empire compte 15 commanderies ou divisions administratives dont les fonctionnaires sont nommés par le gouvernement. Ce sont autant de royaumes indépendants, dont les institutions sont calquées sur celles du gouvernement de l’empire. Le roi vassal est donc le souverain de son royaume. Mais la politique de redistribution des royaumes est remise en cause, car les liens inexistants avec l’empereur, représentent une menace pour l’unité de l’empire. C’est pourquoi, dés Wendi198, la politique de centralisation domine jusqu’à Wudi199. D’où, 2 mesures importantes : * changement des institutions des royaumes vassaux en diminuant le pouvoir royal et en augmentant le contrôle central200 Les royaumes sont donc gérés par des fonctionnaires nommés par le gouvernement central, Wendi les intégrant dans un système de circonscriptions administrative. Les fonctionnaires représentent alors le roi. * diminution du territoire des royaumes201 Les rois vassaux acceptent la distribution d’une petite portion du royaume, ce qui revient à créer le marquisat. Ce dernier équivaut à un district et à une commanderie. C’est donc là, un titre de noblesse, mais valable sur un district. Il faut donc oublier le titre de roi. Dés lors, la portion de terre échappe au pouvoir central, car le domaine est intégré dans la commanderie. A la fin du règne de Wudi, les rois ne peuvent plus intervenir dans la politique du pays. Ce titre de marquis est accordé aux généraux méritants par Gaozu202. Le titulaire de cette charge peut lever les impôts et peut donc devenir très riche. En 206-157 AE, une partie des impôts perçus par les marquis parviennent tous à la capitale, sauf ceux des puissantes provinces. Celles-ci représentent alors un bloc de puissance politique. Il est alors nécessaire de régler ce problème. Wendi oblige les marquis à résider dans leurs marquisat, ce qui conduit à la dissolution du bloc politique et à la disparition de leur influence sur la politique de la capitale. Wudi destitue alors beaucoup de dignitaires. 2. Han Wudi et le triomphe de la centralisation 198 180-157 AE 199 141-87 AE 200 les rois vassaux n’ont pas le droit de nommer les hauts fonctionnaires 201 répartition égale des terres des royaumes entre les différents fils des rois 202 en 137 AE En 141 AE, il a 15 ans. L’administration centralisée est le tenant de l’organisation. Le développement de l’empire est rendu possible par la construction de routes, de canaux et de barrages. Selon Jean Lévy203, l’empire est célèbre, car il est représenté par Qin Shihuangdi. Selon la description de Sima Qian, il n’existe plus aucun souvenir de Qin Shihuangdi. Un jeu de miroir en fait le modèle de Han Wudi. L’interprétation par Jean Lévy de l’ouvrage de Sima Qian est ainsi justifiée : l’absence de biographie sur Han Wudi s’explique par sa destruction. Or, elle n’a jamais existé. Qin Shihuangdi est donc le double de Han Wudi. Sa cruauté est démontrée par Sima Qian, qui donne un fait brut : dans sa ‘’Monographie sur la monnaie’’, il indique que les fonctionnaires nommés à un poste élevé sous Han Wudi se donnaient la mort204. Pendant la 2e moitié de son règne, les fonctionnaires avaient peur de son arbitraire. C’est pourquoi, tout le monde exécutait ses idées. Dans ses dernières années, il était superstitieux et tout accusé était un homme mort. En fait, Han Wudi voulait consolider le culte de Feng et Shen. D’où, les longues discussions engagées sur les rites. Or, elles ont été interrompues. Enfin, il faut noter le système des noms d’ère205. A partir des Ming, chaque empereur a son propre nom d’ère. A partir de Wudi, on note la mise en place du système du tribut. Les pays voisins apportent des cadeaux à l’empereur. A ce titre, ils reconnaissent la position de chef. L’association avec la Chine ou sa protection sont à l’origine des rapports suzerain-vassal. Pour cela, la Chine doit être assez puissante pour s’imposer. Mais, à certaines époques, la Chine a dû payer pour avoir des frontières tranquilles. Le règne de Wudi est l’un des plus longs de Chine. Il se termine dans des complots des membres de la famille impériale, associés à l’impératrice ou à des conseillers. Les uns et les autres sont accusés de sorcellerie sur la personne de l’empereur. Wudi est alors prisonnier des sorciers, son petit-fils, Zhendi, lui succède. Au point de vue politique, la mort de Han Wudi en 87 AE, correspond à un vide du pouvoir. Wudi a réussi à développer ledit pouvoir et à le centraliser entre ses mains. Mais, il est toujours menacé et le problème est corsé par le fait que le système de transmission de l’empire est particulier. La règle est que le trône revient au fils aîné, mais l’empereur peut choisir son propre successeur. C’est pourquoi, ses nombreuses épouses se querellent, à chaque fin de règne. Les femmes de l’empereur et les clans qu’elles représentent veulent la priorité et capter l’attention du souverain. Et, le cas le plus intéressant est celui de Zhaodi. 203 204 205 ‘’Le Fils du Ciel et son analyste’’ 5/7e des conseillers se sont suicidés ‘’Nian hao’’ B. Les femmes et le pouvoir 1. L’impératrice Lü Hou des Han206 Les querelles des femmes opposent, en fait, les clans. Lu Hou est la femme de Gaozu. Elle aurait dû se retirer à la mort de l’empereur, mais telle n’est pas son intention. Elle prend le pouvoir et peut être comparée, sur ce plan, à Jiang Qing. Dure et inflexible, elle est très ambitieuse. Elle fait le vide autour de son fils Huidi : elle fait empoisonner l’un de ses demi-frères et fait subir des supplices à sa mère. Dés lors, le fils tombe malade et ne s’occupe plus des affaires de l’Etat. Cela pose la question : ‘’Est-ce que Lü Hou a vraiment agi de cette façon ?’’ En 188 AE, Huidi n’a pas de descendant et Lü Hou continue de diriger les affaires de l’Etat. Elle désigne le successeur de l’empereur décédé, mais il n’a pas de pouvoir réel. De plus, elle nomme des membres de sa famille aux postes les plus élevés de l’Etat. Se sentant menacée par des contestataires ou par des membres de la famille Liu, elle veut les éliminer physiquement. Ces derniers relèvent la tête en 180 AE, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Wendi. Lü Hou est cruelle, ambitieuse et débauchée. Cela dit, après sa mort, la Cour des Han est minée par des querelles et la vie y est difficile pour les courtisans ou pour tout empereur potentiel. Même si l’on se pose la question quant à savoir si c’est un portrait modèle, on peut dire, en tout cas, que les histoires dynastiques sont édifiantes pour les lettrés et pour les fonctionnaires. Elles apportent des connaissances précises et la présentation de modèles. 1. L’impératrice Wu Zetian des Tang207 206 195/188-180 AE 207 684/690-705 Sous les Tang, Wu Zetian capte le pouvoir à son profit. En tant que chef de l’Etat, elle est cruelle et débauchée, décriée par les lettrés Han. Wu Zetian est réputée pour sa beauté et entre dans le gynécée impérial comme concubine de 4e catégorie, sous Taizong. Celui-ci meurt en 649. Veuves, les femmes devaient se consacrer à la prière pour le repos de son âme, en devenant nonnes dans un temple bouddhiste. Le nouveau souverain est le fils de Taizong, Gaozong. Or, l’impératrice est stérile. Pour éviter la disgrâce, elle adopte le fils d’une concubine. C’est dans le but de détourner l’empereur de sa 2e épouse, que l’impératrice fait venir Wu Zetian. Le stratagème réussit et Gaozong prend sa mère pour épouse. Il faut dire que Wu Zetian était la concubine de Taizong et veut évincer l’impératrice. Elle étouffe alors sa propre fille pour faire accuser les épouses et l’impératrice de sorcellerie. Suite à cet événement, l’empereur la charge de mettre les 2 femmes à mort. Wu Zetian leur fait couper les membres et les fait mariner dans le vinaigre, pendant 3 jours. Ce génie politique essaie de mettre en application des idées. En plus de son amour du pouvoir et des hommes, elle est très superstitieuse. Très capable, elle a aussi de grandes idées politiques. Mais d’un autre côté, le déclin de la condition féminine en Chine est due à Wu Zetian et à sa cruauté pendant son règne. Le problème des Histoires dynastiques réside dans le fait qu’elles ne représentent seulement qu’un seul aspect de la vie de la femme. Il est donc impossible de connaître la vie des femmes en Chine. Wu Zetian a un vrai programme. En 660, elle devient Zetian. Elle éprouve une réelle passion pour la gestion et pour les problèmes de son temps. C’est ainsi, qu’elle veut diminuer les impôts, gênants pour l’activité humaine. Elle s’oppose au service de la corvée, pour la même raison et prône l’abolition des corvées. C’est là, l’expression de ses idées. Dés 674, elle fait rectifier son nom. Elle se dit ‘’Impératrice du Ciel’’ et proclame un programme politique en 12 points, dont les principaux sont les suivants : * la base de la morale populaire et gouvernementale réside dans l’étude de la philosophie de Laozi : chacun doit méditer les principes taoïstes * il faut porter le deuil de la mère, même quand le père est encore vivant : la durée doit être égale à celle du deuil porté lors du décès du père, soit 3 ans. Au total, le deuil dure donc 6 ans. Cette mesure touche surtout les fonctionnaires et les membres des grandes familles. Concrètement, un fonctionnaire doit se retirer de la vie publique durant ledit deuil. Afin d’éviter toute opposition, elle prend des mesures pour améliorer les conditions de vie et le traitement des fonctionnaires. * liberté de critique * pleins pouvoirs au gouvernement pour les calomniateurs A 50 ans, elle entretient un harem d’hommes et est accusé d’avoir aménagé la philosophie taoïste pour atteindre l’immortalité. Les Chinois vivent bien et cela prouve que le gouvernement de Wu Zetian est, avec le confucianisme et le légisme, une 3e voie possible pour la paix et la tranquillité de l’empire. Gaozong meurt en 683. Les héritiers possibles sont Zhongzong et Ruizong. Zhongzong se laisse écarter au profit de son frère, un simple d’esprit. Wu Zetian assure alors la régence. Elle gouverne directement, en se cachant derrière un rideau pourpre sombre lors des audiences, mais elle prend des décisions. Elle en profite également pour fonder sa propre famille. Cela entraîne des protestations, accompagnées de suicides et de persécutions publiques. Tout cela aboutit au triomphe de Wu Zetian, qui perfectionnera le système des renseignements généraux, en inventant la boîte à idées. Placée dans une salle du Palais, elle comporte 4 cases : * prophéties * propositions de réformes * doléances * dénonciations Chaque province doit envoyer un délateur à la Cour. On peut donc dire que les brigands sont logés et nourris par l’Etat. En 686-687, le règne de Wu Zetian représente un tournant, avec la place privilégiée accordée aux Bouddhistes. C’est également le moment choisi pour le transfert de la capitale de Chang’an à Luoyang. La fin du règne de Wu Zetian coïncide avec une tentative de d’extermination de la famille impériale. Elle est ainsi accusée de la mort de 3.000 personnes. Elle fait confiance à l’astrologie, lorsqu’elle ordonne le massacre de Yong Tai208. En 690, Wu Zetian monte sur le trône, avec un titre impérial. En 705, une révolte de palais met fin au règne de Wu Zetian, après l’assassinat de 2 amants. Morte à 80 ans, elle est transportée dans un mausolée, aux côtés de Gaozong. Le pouvoir est alors remis en cause de l’intérieur et par une rébellion. Quant au changement dynastique, c’est un modèle historique. Le déroulement suit le schéma d’un cycle dynastique, où une dynastie est remplacée par une autre. C. De quelques usurpations et rébellions 1. Un fondateur de dynastie malheureux : Wang Mang209 On a le souvenir d’un malheureux fondateur de dynastie. Mais, étant un usurpateur, il n’est pas pris en compte dans les Histoires dynastiques. Wang Mang joue son 1er rôle sous l’empereur Aidi210, en recevant le titre de ‘’commandant en chef’’ et dirige les armées au nom 208 il meurt assassiné à 17 ans pour avoir manqué de respect à sa grand-mère 209 9-23 du duc Pingdi. En l’an 5, il exerce officiellement la régence au nom de l’empereur. Or, il monte sur le trône en 9. En 1-9, Wang Mang manœuvre l’opinion publique211 et les prépare à une prise de pouvoir ou renaissance. Il élimine les rivaux potentiels en se plaçant sous la protection du duc Dan de Zhou. Dans le même temps, il prétend revenir aux institutions Zhou. Il frappe les esprits en prétendant descendre de Huangdi. La dynastie est placée sous l’élément ‘’terre’’. Il semble que Wang Mang soit un confucéen sincère, car il met en pratique les principes prônés, en menant une vie frugale et sans arrogance. Son attitude lui rallie les confucéens et les lettrés. Cette approbation se manifeste à travers les présages de bonne augure, qui prévoient la proclamation d’un nouvel empire, celui des Xin. Mardi 17 mars 1998 Les réformes de Wang Mang sont exemplaires, comme toutes les réformes des fondateurs de dynastie. Elles concernent 3 principaux domaines : * la monnaie : en plus de la monnaie or, de nouvelles sapèques sont frappées. La dévaluation touche alors les riches, les nobles, les marchands et les colporteurs. Cela est à l’origine du développement des faux-monnayeurs. Wang Mang a lancé sa réforme sans plan rationnel, car il a trouvé des fondes pour la mise en œuvre des autres volets de ses réformes. Pendant l’empire, le bimétallisme est de règle en Chine, mais les plus gros problèmes sont économique et financier. * la terre : ce sont la taille des propriétés et la répartition des terres qui posent problème à l’Etat. Les paysans travaillent sur des grands domaines et ne paient pas d’impôts. Dés lors, les caisses ne perçoivent pas lesdits impôts. Cela explique la suppression des grands domaines et la nationalisation des terres. Un lot de terres est donc alloué à chaque famille. Sur le plan foncier, Wang Mang va faire revivre le système des ‘’champs en damier’’212. Il en résulte une répartition égalitaire, en fonction de la valeur des terres. Wang Mang se place alors dans la lignée des souverains confucéens. La subsistance des paysans et les impôts de l’Etat 210 211 212 les lettrés ‘’jingtian’’ Parallèlement à la suppression des grands domaines, on assiste à la libération des esclaves et à l’interdiction de l’esclavage. En Chine, le sort de l’empire étant lié à celui des paysans, la remise en cause de leur sort déstabilise l’Etat. Dés lors, après 3 ans, le système est inapplicable. Même s’il est appliqué, cela est fait dans des régions pilotes. Le retour à l’ancien système est officialisé, car il exige le versement d’une taxe de 3.600 sapèques par esclave. Cette mesure vise les grandes familles et leurs domestiques. * la fiscalité : sur ce plan, 3 monopoles sont rétablis. - le sel - le fer - les boissons fermentées - la fonte de la monnaie - les produits issus des montagnes et des marais - les prix pratiqués sur les marchés des 6 plus grandes villes de l’empire En ce qui concerne ce dernier monopole, on reprend le système des greniers au prix constant. Crée en 54 AE, il est aboli en 44 AE. Cela dit, ce système survit jusqu’à la fin des Qing. L’Etat doit assurer la subsistance de ses sujets et donc veiller à l’équilibre des prix. Pour éviter la chute des prix, l’Etat achète et stocke les grains dans des greniers. A l’époque de préjudices possibles, l’Etat vend le grain stocké pour éviter la hausse des prix. Dans la réalité, notamment sous les Qing, cela ne s’est pas passé de cette façon. Les mesures de Wang Mang ont été justifiées par la conception confucéenne du ‘’bon souverain’’. On parle de socialisme avant la lettre. Il en ressort que Wang Mang a été diversement apprécié. * les points positifs : généreux mais utopiste, car il est préoccupé par le pays. * les points négatifs : cet intrigant a été mis en avant par la crise sociale de l’époque. La dynastie n’est pas comptabilisée dans la série des dynasties officielles. Elle met en parallèle les Han de l’Ouest et de l’Est. En fait, le régime de Wang Mang s’est écroulé pour 2 raisons : * retour du danger aux frontières Nord du pays * des calamités s’abattent sur la Chine, dans les 1eres années du 1er siècle213 Dés l’an 11, de grandes famines voient le jour en Chine du Nord, même en métropole. Il faut dire que la rupture des digues du Huanghe a touché 5 provinces, ce qui explique la famine et la migration de la population. Les zones non touchées sont pillées par la population. C’est ce pillage qui est à ‘l’origine de la rébellion des ‘’Sourcils rouges’’. Ceux-ci réclamant le retour des Han, Liu Xue restaure la dynastie des Han. Wang Mang est mort à la fin de 23, dans l’assaut donné à sa capitale. 3 années de guerre civile aboutiront au rétablissement de la situation dans l’empire. Wang Mang est un 213 famine, banditisme, rébellion, guerres civiles usurpateur, car il n’a pas réussi ses réformes. Les autres fondateurs étaient aussi des rebelles, sauf qu’ils ont réussi. 2. L’échec d’un rebelle : An Lushan et la décadence de la dynastie Tang C’est un rebelle dont la rébellion a échoué à l’époque des Tang214. Celle-ci se déroule sous Xuanzong215, l’un des plus brillants règnes de la dynastie. Dans la 1ere partie de son règne, Xuanzong remet en ordre les points suivants : * les finances * l’administration * les mœurs politiques En 721-724, les registres de recensement ont été reconstitués, l’objectif étant fiscal. Il faut s’acquitter des taxes et le ‘’hukou’’ permet à l’empereur de connaître l’état de la population. L’armée est réorganisée. La réforme conduit à une autonomie accrue des chefs militaires. Elle améliore la gestion des haras de l’empire. C’est ainsi que la dynastie Tang peut intervenir en Asie Centrale, menacée par les incursions arabes. La crise est due au déclin du système agraire. C’est là, la disparition de l’équilibre entre les grandes propriétés et les paysans libres. La masse de paysans sans terres se transforme en hordes de vagabonds ou en saisonniers, dans les grands domaines. L’empereur et ses conseillers, inquiets, veulent mettre fin aux fléaux en protégeant les frontières. L’enrôlement des vagabonds dans les armées impériales accroît les dépenses et les impôts. Alors, même les paysans avec des terres deviennent vagabonds. Dans le même temps, on assiste à une militarisation de l’empire. La puissance militaire croissante se traduit par la création, sur les frontières Nord, de domaines militaires. Ils sont commandés par des commissaires impériaux, au pouvoir considérable. Les faveurs de l’Etat s’accroissent pendant le règne de Xuanzong. D’où, une série de problèmes latents dés la 1ere partie du règne de Xuanzong, malgré les mesures prises. Sans compter qu’à la fin de son règne, l’empereur n’est pas intéressé par la gestion de l’Etat, à cause de Yang Huhuan. En 745, elle entre dans le harem impérial, comme Yang Guifei. Sous son influence, les membres du clan des Yang détiendront progressivement les postes clés de l’administration. L’ensemble du pays devient anarchique. Alors, le désintérêt de l’empereur et la crise économique favorisent l’arrivée d’An Lushan216 à la Cour. 214 755-763 215 712-756 703-757 216 An Lushan est originaire d’Asie Centrale. Ce métis de mère turque et de père sogdien est connu pour son physique ingrat. Petit à petit, il grimpe les échelons, pour devenir commissaire impérial commandant la préfecture de You217. En 737-752, l’empire est dirigé par Li Linfu. Inquiet de la montée en puissance du clan Yang, il prend la décision de favoriser un général barbare. An Lushan devient donc ‘’Grand général de cavalerie’’. Sa place est si importante que l’empereur en fait le fils adoptif de Yang Guifei218. Il lui est même accordé le privilège rarissime, car royal, de frapper monnaie. Le 1er inquiet est An Lushan qui redoute les conséquences, si l’empereur venait à disparaître. Il prépare alors sa déchéance dans sa préfecture de You, où il fait construire une ville fortifiée. La justification est la lutte contre les incursions nomades. En réalité, il entraîne ses troupes et stocke des armes. Il décide une rébellion après la nomination d’une parent de Yang Guifei au poste de 1er Ministre, fin 755. Il marche sur Luoyang219 et sur Chang’an220. L’empereur s’enfuit alors au Sichuan. Les courtisans demandent la fin du clan de Yang Guifei et surtout, la mort de celleci. L’objectif de l’armée est de viser le harem, foyer d’intrigues entre les clans et les eunuques. La mort de Yang Guifei accroît le pouvoir des eunuques, qui sont généralement d’extraction misérable. Ils s’opposent aux lettrés qui recherchent aussi les faveurs de l’empereur. En réalité, les eunuques sont l’instrument de l’absolutisme. Opposés aux propriétaires fonciers et aux lettrés, les eunuques ont une influence prépondérante. Dés lors, l’empereur fait sentir son poids sur le peuple et sur l’administration. C’est le cas à la fin des Tang, sous les Ming et à la fin des Qing. Les armées impériales reprennent Luoyang en 757. An Lushan est assassiné à 54 ans, car il se conduit comme un dictateur. Mais, la rébellion dure jusque 763, avec des batailles pour le pouvoir. Elle signe la fin d’une époque. Elle a échoué, mais la dynastie Tang ne survit que grâce à l’intervention des troupes ouïgoures. Au 9e siècle, les rébellions de commissaires impériaux se multiplient. C’est la décadence continue des Tang, avec la création de régions autonomes dirigées par des commissaires impériaux. Conclusion 217 c’est le Pékin actuel 218 il a 46 ans, elle en a 26 219 755 756 220 L’empire est sans cesse menacé et la construction n’est jamais achevée. Il est menacé dans son fonctionnement et d’éclatement. C’est une période de division221. Il est constamment sous la menace des pays voisins, notamment sous les Song. Mais l’empire n’est pas seulement synonyme de chaos. Que ce soit les Han, les Tang ou les Song, chaque dynastie a eu des périodes très brillantes dans les domaines de la civilisation chinoise. La Chine sert ainsi de modèle dans les domaines suivants : * arts et lettres * économie et société * sciences et techniques Chapitre 4 La bureaucratie, instrument ou élément modérateur du pouvoir Introduction La Chine est inimaginable sans bureaucratie. En fait, l’Occident perçoit la bureaucratie chinoise à travers une image du 17e siècle, époque de l’arrivée des Occidentaux en Chine. D’où, l’idée fixe d’une bureaucratie omnipotente et tentaculaire. C’est là, une caricature. En fait, elle est liée à l’idéologie confucéenne. La bureaucratie majoritairement composée de fonctionnaires recrutés par examens mandarinaux, n’existe vraiment que sous les Song et dure 221 les ‘’Trois Royaumes’’ et les ‘’Cinq Royaumes des Seize Barbares jusque sous les Qing. Quoi qu’il en soit, les rouages de la bureaucratie chinoise sont fixés par étapes. * sous Qin Shihuangdi222 * sous les Han * sous les Sui et sous les Tang223 *sous les Song224 Les grandes familles et les aristocrates sont éliminés de la bureaucratie pour avoir soutenu le pouvoir entre les 2e et 9e siècles. Elles sont remplacées par le mandarinat. Dés les Song, la bureaucratie est inséparable du mode de recrutement225. Il est donc possible d’affirmer que le triomphe de la bureaucratie Song coïncide avec celui de l’idéologie confucéenne. En fait, le confucianisme correspond à ‘’l’étude de la voie’’226. Dés lors, l’empire s’appuie sur la base d’une classe lettrée, de plus en plus nombreuse. Les lettrés et les fonctionnaires ne sont pas obligatoirement confondus. Dés les Song, il vaut mieux, pour entrer dans l’administration, avoir passé les examens. Dans ce cas, l’on est lettré. Mais, tout lettré ne veut pas être fonctionnaire. Car, tous n’y parviennent pas. La bureaucratie est la courroie de transmission ou un tampon, destiné à atténuer les décisions. L’expansion du pays est favorisé par les besoins de l’Etat et par le développement de l’écrit, grâce à l’imprimerie. Il faut aussi retenir le recours au ‘’keju’’ pour le recrutement des agents de l’Etat. Il avait un rôle important sous les Sui et les Tang, mais il sera systématisé sous les Song. L’autre méthode pour devenir fonctionnaire, prend la forme d’une recommandation. Il est là, possible de se demander : ‘’Pourquoi une telle bureaucratie en Chine ?’’. Il existe, sur ce sujet, 2 théories : * théorie occidentale : l’apparition de la bureaucratie en Chine est conditionnée par le début de construction des travaux hydrauliques. Ceux-ci consistent principalement en l’irrigation et à la conservation des eaux. Ces travaux sont nés de la nécessité de contrôler les nombreux travailleurs mobilisés pour les travaux. * théorie chinoise : le contrôle de l’irrigation est transféré aux autorités centrales. L’irrigation et le transport des grains sont à l’origine du contrôle de l’économie de l’eau par l’Etat. 222 le pouvoir est centralisé, tandis que le pays est découpé en circonscriptions administratives, dirigées par un fonctionnaire 223 les Tang reprennent les institutions des Sui 224 bureaucratie omniprésente 225 ‘’keju’’ ou examens de la fonction publique. Ils sont dominés par l’idéologie confucéenne, car le candidat doit connaître les Classiques 226 ‘’daoxue’’ Mardi 24 mars 1998 I. Aux origines de la bureaucratie La bureaucratie est à prendre dans le sens ancien du terme. Elle est spécifique à la Chine, de par son ancienneté et par le recrutement par concours. La bureaucratie a changé d’une dynastie à l’autre. Certains organismes sont vidés de leur sens, même s’ils ont gardé leur nom. L’économie dite ‘’hydraulique’’ est l’une des thèses expliquant la mise en place de la bureaucratie, à cause du contrôle227. Dés le 5e siècle, d’importants travaux sont entrepris pour irriguer les terres et lutter contre les inondations. Le transport de grains est une autre raison. L’explication de la bureaucratie est une conception des philosophes du pouvoir princier et de l’organisation de la société. Confucius est le 1er à jeter les bases du système de recrutement des 227 creusement de canaux ou de digues, etc bureaucrates. Ceux-ci sont appelés au service de l’Etat, du fait de leurs capacités. L’empereur est entouré de conseillers choisis selon leurs compétences et non pas leur naissance. Le choix des fonctionnaires par examen est dû à cette conception. C’est alors la voie ouverte à la formation d’un groupe de professionnels. Les registres des mérites sont établis selon les connaissances de l’écriture et le classement. Le cérémonial de présentation permet aussi le choix des fonctionnaires. Le système change bientôt en charge héréditaire, avec des travaux pour les collectivités228. Sous les Song, la formation des fonctionnaires est assurée dans des académies de préparation aux concours. Mais, ce n’est pas le cas sous les Tang. Dans un 1er temps, le savoir est monopolisé par les élites. Sous les Qing, les autorités centrales contrôlent tout. L’agent de l’Etat doit donc agir en leur nom. La 1ere mesure est la suppression de l’ancienne aristocratie des nobles. Sur le plan administratif, le pays est divisé en circonscriptions administratives. Sous les Han, les rouages administratifs sont renforcés. On note l’apparition de termes qui seront utilisés jusqu’à la fin de l’empire229. Il existe également un nombreux personnel accomplissant des tâches administratives. En fait, la bureaucratie va décliner lorsque les Han ne contrôleront plus l’empire. II. La bureaucratie sous les Sui et sous les Tang Quant aux Song, ils reprennent le système des Sui et des Tang. C’est sous les Sui, qu’est mis en place, le recrutement par concours. Les rouages administratifs sont repris par les Tang et par les Song. L’attention est portée sur les Classiques dans la formation des jeunes, qui étudient la version officielle des Classiques. La différence entre les Sui, les Tang et les Song, réside dans le fait que sous les Tang, le système est irrégulier. De nombreuses responsabilités sont contrôlées par les militaires. Le système des Song est l’accès principal à la fonction publique. Il connaîtra peu de changements jusqu’à la fin de l’empire. III. La bureaucratie sous les Song 228 gestion de domaines, lever de contributions 229 préfecture, sous-préfecture, gouverneur, etc. A. Restauration de l’administration civile L’administration siège près de l’empereur. Ses membres assistent l’empereur. Les plus hauts fonctionnaires sont regroupés dans le ‘’Grand secrétariat’’, dépendant de l’empereur, comme le ‘’Bureau des académiciens’’ et le ‘’Censorat’’. Sous les Qing, le ‘’Bureau des académiciens’’ prend le nom d’’’Académie Hanlin’’ et regroupe les 1ers docteurs de chaque promotion. Le ‘’Grand secrétariat regroupe 5 à 9 personnes, dont 3 grands conseillers ont rang de 1er Ministre. Chaque grand conseiller est assisté par des conseillers civils et militaires. Il se réunit tous les matins et détermine les politiques à appliquer. Le ‘’Bureau des académiciens’’ rédige les décisions du ‘’Grand secrétariat’’, contrôle et censure ses propositions. Puis, il soumet l’ensemble à l’empereur. Le Censorat, composé de 3 bureaux, recueille les plaintes administratives. Le bureau de la capitale est le bureau du Tambour. Le gouvernement voit alors affluer les critiques administratives concernant les fonctionnaires. En théorie, les plaignants sont couverts par le secret professionnel des censeurs, eux-mêmes couverts par leur immunité. Cela a fonctionné sous l’empereur Shenzhong230. Quant à la gestion courante, était la tâche des ‘’6 ministères’’231 : * Ministère de la Fonction publique232 * Ministère des Finances * Ministère des Rites233 * Ministère de l’Armée * Ministère des Travaux publics234 * Ministère des Châtiments 230 11e siècle 231 liubu 232 carrière des fonctionnaires 233 cérémonies, rituels et éducation, dés les Song, avec le Keju 234 canaux, digues, palais, etc Les fonctionnaires passent le concours de la fonction publique. Au niveau local, les futures provinces sont connues sous le nom de ‘’circuits’’235. L’administration est collégiale, avec des hiérarchies parallèles. Dés lors, personne ne monopolise le pouvoir régional. Dans les provinces, les intendants représentaient le pouvoir central et étaient spécialisés236. Quant à l’inspecteur régional, il coordonnait temporairement les affaires provinciales, tout comme pour le commandement militaire. Les préfectures étaient au nombre de 300, dont 100 avec des sous-préfectures, le plus bas niveau administratif. C’était là que le fonctionnaire commençait sa carrière, en tant que souspréfet. Résidant au ‘’yamen’’, il était assisté par des adjoints non responsables devant le gouvernement central. La taille de la sous-préfecture et le nombre d’habitants étant plus élevés que les fonctionnaires expérimentés, la quasi totalité de l’administration quotidienne est assurée par un personnel non fonctionnaire237. Il existe, en effet, une différence entre la bureaucratie régulière et le personnel local. La volonté de l’empereur est de couper la bureaucratie des liens locaux et régionaux. C’est la règle de l’’’évitement’’238. Il ne faut pas que l’administration locale soit dominée par un clan. Les gens de la même famille ne peuvent pas exercer dans la même administration. L’évitement a entraîné une conséquence particulière. La masse des agents sont recrutés localement, pour éviter que le fonctionnaire amène son propre personnel. La difficulté à laquelle doit faire face l’administration locale, est celle de la double dichotomie : * les fonctionnaires en titre étaient payés et nourris par le gouvernement * le personnel local, sans salaire, vivait sur les administrés * le bureaucrate était parachuté dans une administration inconnue * le personnel local était très impliqué dans les affaires locales Le fossé existant dans les institutions Qing, entre les fonctionnaires et le personnel d’exécution, est un héritage de la dynastie Song. C’est pourquoi, en dessous de la souspréfecture, les fonctionnaires sont nombreux et subalternes. Les charges sont héréditaires, car les principes de la bureaucratie ne sont pas appliqués. B. Le Keju et l’enseignement 235 ‘’dao’’ 236 affaires fiscales, judiciaires, militaires ou commerciales 237 par exemple, secrétaire, archiviste ou policiers 238 le fonctionnaire doit exercer dans une lointaine province Les fonctionnaires étaient recrutés par le ‘’Keju’’. Sous les Song, l’éducation comportait les points suivants : * importance croissante du ‘’Keju’’ * ouverture de nombreuses écoles locales et volonté de contrôle par le gouvernement239 * triomphe du néo-confucianisme par le contrôle du contenu de l’éducation * importance croissante du ‘’Shuyuan’’ * propagation de l’imprimé et impact sur l’accès à l’éducation, à un plus vaste public 1. Examens et écoles Les Song ont remis en place les catégories des examens des Tang. Mais, jusque 1065, les sessions d’examens sont irrégulières. Puis, il y a une session tous les 3 ans. Les candidats composent selon les concours, dont la hiérarchie dépend des lieux, qui sont : * la préfecture240 * la capitale provinciale241 * la capitale impériale242 * le palais243 L’initiative est due au fait que l’empereur veut contrôler et vérifier l’impartialité des examinateurs. C’est sous les Song que sont introduits les maths et le droit. Il s’agit de contrer la preéminence de la poésie244. Mais, à l’initiative de Wang Anshi, seuls les examens de Classiques sont conservés. Les candidats sont testés sur leur capacité à utiliser les principes classiques dans le cas de problèmes réels. Les tests portant sur les Classiques sont les ancêtres de la ‘’dissertation en huit parties’’245. Ils étaient très critiqués, car responsables de la sclérose des lettrés, qui n’apprennent plus les classiques246. Petit à petit, l’idée se répand que la connaissance des Classiques suffit pour avoir les qualités nécessaires à l’exercice du fonctionnariat. Le ‘’junzi’’ lit les Classiques. 239 enquêtes 240 le futur bachelier compose en automne 241 le futur licencié compose au printemps 242 le futur docteur 243 le futur académicien passe devant l’empereur. C’est une innovation de Taizong, en 995 244 1069 245 ‘’baguwen’’ 246 18e et 19e siècles Les concours laissent une large place à la mémoire, car il fallait avoir une parfaite connaissance des Classiques et de leurs commentaires. Leur recrutement dépendait de cela. Il s’agissait d’expliciter des passages choisis, après avoir complété les blancs. L’impartialité des examinateurs était garantie par des règles. Ce qui peut amener à se demander comment un examinateur pouvait évaluer les qualités morales d’un candidat. En fait, il y avait 2 possibilités : * anonymat247 * double contrôle des examens métropolitains248 Afin que toute origine sociale soit représentée, un système de quota est institué, vers 1020. Même les régions les moins développées doivent avoir leurs candidats. D’où, l’obligation de s’inscrire dans sa région de résidence. L’invasion du Nord et l’afflux de population vers le Sud sont les raisons justifiant que 7 ans de résidence dans un lieu soient nécessaires pour pouvoir s’inscrire avec les résidents locaux. Le taux d’échec est très élevé249. L’examen du Palais ne fait que confirmer la capacité des candidats et facilite la répartition des postes. Le meilleur candidat est très honoré et jouit d’un très grand prestige. Cela explique la création d’une nouvelle structure sociale, où les diplômés sont des élites250. Mais, tous les diplômés n’ont pas de poste. Le prestige de tout diplômé rejaillit sur sa famille. Son influence sur les affaires locales et nationales est énorme. A l’origine, ces examens étaient un mécanisme social impartial. Mais, ils ont servi à accroître la nature bureaucratique de la société chinoise traditionnelle. Vers les 8e-11e siècles, il y a une évolution sociale et politique. Après le déclin de l’aristocratie traditionnelle, la Chine du 10e siècle est dominée par les militaires. Au 11e siècle, la nouvelle catégorie est celle des lettrés. Dés lors, le ‘’Keju’’ a une implication beaucoup plus large que le recrutement des fonctionnaires pour servir l’empereur. Il régente l’éducation. Au 19e siècle, les Occidentaux sont surpris, car l’Etat n’exerçait aucun contrôle sur les écoles. En, fait, il s’exerçait à travers le choix des programmes. En 962, sont créees les ‘’guoizijian’’, qui assurent la formation des fils de hauts fonctionnaires. En 1078, elles règnent sur l’ensemble de l’éducation. D’où, la création de l’institution de l’Université impériale251. Les membres des ‘’Guozijian’’ compile les Classiques, imprimés et distribués par un bureau d’édition, rattaché au ‘’Guoziju’’. En dehors des Classiques, des Histoires dynastiques, les 247 les copies étaient recopiées par des copistes, vers le 11e siècle 248 c’est le cas pour l’examen du Palais 249 10 % des candidats sont reçus à l’examen de licence 250 ils représentent moins de 1 % de la population 251 étude des lois, des maths, de la médecine, etc ‘’Guoziju’’ prépare des ouvrages de préparation aux examens. Liés à l’administration, ses membres sont consultés sur les questions des rites et des mémoires. Ils ont donc un pouvoir moral et intellectuel. Au niveau local, sous les Song, le système n’est pas efficace. Les écoles officielles ne sont pas un lieu d’enseignement, mais un lieu de contrôle des candidats aux examens. Mardi 31 mars 1998 La part du ‘’Guozijian’’ dans l’enseignement est limité. L’organisme est engagé dans des travaux de publication. Les institutions locales, notamment sous les Song, jettent les bases d’une éducation gouvernementale, à travers un réseau d’écoles officielles. Lieu de contrôle des candidats aux examens, elles sélectionnent les candidats, car le nombre de candidats s’élève sous les Song. L’inscription dans une école officielle est une condition nécessaire à la présentation des examens. Si l’Etat crée des écoles d’enseignement, elles sont privées. Elles sont ouvertes par : * les clans252 * les villages253 * les monastères bouddhistes * les riches notables * les grandes familles Les initiatives de l’Etat sont notamment celles de Cai Jing254, en 1102. Le but est d’ouvrir des écoles dans les sous-préfectures et dans les préfectures. Il s’agit de mettre les meilleurs au service de l’Etat. Il faut alors les repérer pour les former dans l’Université impériale. Les réformes de Cai Jing échouent. Pourtant, elles auraient été une alternative aux examens officiels. Les écoles privées s’alignent sur les examens et ses exigences. Elles sont alors dispensées du contrôle de l’Etat. Les académies255 existent dés les Tang. Situés dans les capitales provinciales et dans les villes les plus importantes, elles sont au nombre de 300 dans le pays. Maintenues sous les Song, elles sont plus ou moins distancées par la création d’institutions gouvernementales. Leur déclin fait que les lettrés ont voulu accroître le nombre d’académies, afin qu’elles assurent l’éducation confucéenne. Ainsi, les académies officielles gèrent l’éducation locale. L’académie est un lieu d’étude, avec une bibliothèque et une imprimerie. Mais, c’est également un centre d’activités intellectuelles et sociales. Cela est à l’origine de la diffusion des idées néo-confucéennes sous les Song. Leur rôle sera plus important sous les Ming et les Qing. 2. Diplômes et emploi La préparation des examens est longue et difficile. L’âge moyen du docteur est de 30 ans. Sous les Song, en 30 ans, 8.038 candidats ont été diplômés256. Seuls les docteurs étaient assurés d’être nommés à un poste dans l’administration. La démarche se limitant à l’accomplissement d’une formalité, on peut dire que tout diplômé de la capitale avait un poste. La promotion dépendait du rang de sortie, les meilleurs étant nommés à un poste littéraire, dans le Bureau des académiciens et dans le Bureau de la capitale. 252 elles préparent les membres du clan et leurs enfants 253 le lettré qui y enseigne est rémunéré en nature 254 1047-1126 255 ‘’shuyuan’’ 256 cela représente 25 % des candidats, à comparer avec 25.000 recalés Un relatif monopole existe sous les Ming et sous les Qing. Le ministère de la Fonction publique gère la nomination et l’avancement des fonctionnaires, mais les candidats reçus sont souvent placés sur une liste d’attente, notamment pour les licenciés. Ceux-ci doivent alors attendre plusieurs années. Ils critiquent une formation peu concrète. Parmi les bacheliers et les licenciés sans poste, nombreux deviennent professeurs dans les écoles locales. Les lettrés exercent ainsi une certaine influence et sont présents dans l’administration locale. Leur influence et leur prestige s’exercent aussi dans les clubs privés, financés par les familles riches. Ils constituent un pivot essentiel dans la vie locale, entre le gouvernement et la population. Les lettrés sont donc respectés. Sous les Song, des privilèges effectifs existent pour ceux qui sont en poste. Voici 3 exemples : * exemption de taxes et de corvées pour les bacheliers257 * idem pour les étudiants de l’Université impériale258 * les recalés âgés de 50 à 60 ans passent un concours plus facile259 3. Critiques contre le ‘’Keju’’ Elles existent dés leur mise en place. Il y en a 3 principales : * ils favorisent le bachotage et le conformisme * les exercices littéraires y sont trop importants et la formation n’est pas assez concrète * la sélection est fondée sur le hasard et sur la fraude Sous les Ming et les Qing, les examens de licence se passent sur des terrains. A Nankin, 3.000 candidats composent dans un lieu qui ne sert qu’une fois tous les 3 ans. Le reste du temps, il n’est pas très bien entretenu. De plus, la pression physique et psychologique est réelle. De nombreux candidats se suicidaient. Après avoir été fouillés, ils entraient par petits paquets, surveillés par des soldats. Les examinateurs et les candidats étaient enfermés dans des endroits séparés, pour éviter une fraude, qui existait malgré tout. Ainsi, sous les Qing, un candidat brillamment reçu avait écrit 3 compositions. Le contrôle d’identité passe par des garants, mais la fraude est possible. Les antisèches sont de vrais petits ouvrages260. Mais, il est encore possible d’acheter un examinateur. Cependant, les pratiques frauduleuses sont progressivement dénoncées. 257 1133 258 1149 259 après 10 tentatives infructueuses sous les Ming, elles sont cachés dans le chapeau. Sous les Qing, c’est dans la natte. On a même retrouvé l’intégralité des commentaires du ‘’Lunyu’’ dans une chemise rayée 260 En 1043, Fan Zhong Yan reprend les critiques des Tang261. Wang Anshi dit que le système écarte les hommes vertueux s’ils ne sont pas capables de franchir le cap des examens. Il a rompu avec les temps anciens262. Quant à Zhu Xi263, il prône la suppression des examens pendant 30 ans, pour pouvoir recruter des hommes de talent. Ces critiques peuvent nous amener à nous poser la question suivante : ‘’Les examens et les concours mandarinaux sont-ils acceptables pour recruter de bons fonctionnaires ?’’ C’est une compétition relativement ouverte. Tout le monde peut se présenter aux examens264. La formation est accessible aux gens issus de familles aisées. Passer les examens consiste à apprendre l’orthodoxie du point de vue de la bureaucratie chinoise. Il faut respecter quelques règles. Les fonctionnaires ont, par la même occasion, contribué à cimenter le pays. En France, le système est fondé sur les mêmes principes : * acquisition d’une culture générale * aptitude du candidat à franchir un barrage éprouvant * récitation de textes anciens, connus par coeur L’apprentissage dépend du maître qui livre ses connaissances. C’est donc du ‘’par cœur’’. Il n’y a aucune explication du contenu récité. La grammaire chinoise est fondée sur le latin, car les structures chinoises n’existent pas en Français. Matteo Ricci enseignait aux enfants de fonctionnaires qui se préparaient aux examens. Il se servait du ‘’palais de la mémoire’’265. Les maîtres transmettaient par voie orale et les disciples apprenaient. Dans les 2 cas, c’était du ‘’par cœur’’. La prise de notes était une marque de paresse266. Mais, les examens étaient une voie de réussite, de pouvoir politique et de richesse. Tout le monde peut passer les examens, mais seuls un petit nombre de candidats remplissent les conditions pour les préparer. C’est donc, le déclin de l’aristocratie traditionnelle, remplacée par celle du savoir. Au 11e siècle, les chiffres sont les suivants : * 10.000 fonctionnaires * 7.905 issus de familles modestes 261 le succès est dû à la chance et non aux capacités réelles 262 sélection selon les faits accomplis 263 1130-1200 voir l’ouvrage d’Auguste François, ‘’Le mandarin blanc’’. Consul à Yunnanfu ou Kunming, il assiste, en 1904, au dernier examen de licence et décrit les candidats. Certains arrivent avec leurs serviteurs et d’autres, avec leur baluchon 265 chaque meuble du palais servait à retenir une chose 264 266 en Inde, pour connaître un texte, on empruntait un moine qui le maîtrisait et s’en était totalement imprégné * 100 millions d’habitants En fait, tout fonctionnaire n’est pas passé par les examens. Il existe 2 voies d’accès au fonctionnariat : * les examens * la recommandation Une partie des revenus commerciaux sont investis dans l’éducation, pour obtenir un titre ou un poste. Les marchands sont souvent des fonctionnaires. C’est pourquoi, sous les Song, les fonctionnaires et les marchands dominent la société. Les examens ont accru la vénération pour le savoir. Les connaissances et les matières à étudier sont définies. La diffusion des imprimés permet à de nombreux Chinois d’accéder aux livres. Par conséquent, le nombre de candidats aux examens augmente, tout comme le nombre d’alphabètes. Le développement de l’économie fait que le pays est apte à participer aux débats touchant aux réformes. De nombreux lettrés ont des idées extrémistes, même s’ils sont passés par les examens. C’est le temps des nouvelles élites et d’une nouvelle idéologie. Sous les Song, les grands thèmes de l’orthodoxie de base des lettrés sont fondés sur l’idéologie néo-confucianiste. C’est à cette époque que Confucius prend sa vraie dimension, car il n’est pas responsable de l’Etat et de la société mise en place. Une place privilégiée est accordée aux lettrés, dans un Etat fondé sur la bureaucratie. Les hommes veulent changer les mœurs de leur temps. Il faut combattre les influences négatives267. Cela explique la définition de ‘’l’homme de bien’’268. Teintée de puritanisme, elle insiste sur la réforme des mœurs et sur l’éducation. Le néo-confucianisme des Song est mis en parallèle, par les Occidentaux, à l’influence du Christ en Occident. Mardi 7 avril 1998 Les examens prennent fin en 1905, suite à des questions que se posent les Chinois. Le système est seulement fait pour la formation des fonctionnaires. Cela dit, la formation pratique existait, lorsque le lettré était sur la liste d’attente de poste. Enfin, l’une des critiques 267 268 bouddhisme, taoïsme, religions populaires, usages vulgaires choquant la pudeur, les moines manquant de retenue ‘’junzi’’ concernant les examens chinois est que l’on englobe les examens dans l’ensemble du système éducatif. C. La nouvelle élite et son idéologie 1. La philosophie de la raison de Zhu Xi269 Le confucianisme est revisité par Li Si et par Zhu Xi. Ces précurseurs lettrés se sont penchés sur le confucianisme et sur les Classiques. C’est sous les Sui et les Tang, qu’apparaît l’idéologie bouddhiste, qui relègue le confucianisme au 2e plan. Il faut dire que le confucianisme est une philosophie pragmatique et qu’il ne répond pas aux besoins plus métaphysiques de la population pour résoudre des problèmes autres qu’abstraits. Le confucianisme est toujours présent, notamment dans l’enseignement et dans l’organisation des examens officielles. C’est ainsi que les fondateurs des Tang chargent 1 descendant de Confucius d’établir la version officielle des Classiques. L’objectif est de donner plus de cohérence à l’enseignement. Les concours les plus prestigieux expliquent que le confucianisme regagne son ascendant. Il est favorisé par le déclin du bouddhisme270. A la fin des Tang, un philosophe nommé Han Yu271 s’illustre dans les recherches sur Confucius. Les confucéens s’opposent au bouddhisme, car ils lui reprochent son caractère antisocial. Dans son livre, Han Yu propose la restauration du ‘’Dao’’. Pour retrouver la vérité, on doit reprendre l’exemple des souverains modèles, qui ont transmis 1 message aux initiés, dont Confucius et Mencius. Dans le même temps, certains confucianistes intègrent dans leurs spéculations, une philosophie de l’être, une religion de salut, plus ou moins empruntée au bouddhisme ; mais sans le reconnaître. Han Yu est critique. Il dit que pour certains confucianistes, la doctrine bouddhique écarte les citoyens de la vie en société. Les esprits les plus originaux ont dénoncé la tradition commerciale opposante. Mais, au sein de la tradition, certains lettrés ont fait preuve de liberté d’esprit et ont réagi contre ces tendances. Il est impossible d’oublier le meilleur aspect du confucianisme. La nature de l’homme est perfectible, tandis que son éducation est modelée par la vie en société. On y acquiert 3 qualités : * le respect de l’autre * jouissance dans l’étude 269 1130-1200 270 842-845, années de la Grande Prosécution 271 766-824 * sens de l’intérêt général 2. Caractéristiques de la classe lettrée Sous les Song, le lettré confucianiste est passionné par la science divinatoire272. La renaissance philosophique et l’interrogation sur les Classiques sont les références sur le confucianisme. En fait, le confucianisme Song s’enrichit d’une métaphysique empruntée au bouddhisme et au taoïsme. L’élaboration du ‘’daoxue’’ est l’œuvre de nombreux penseurs. Les plus importants sont les suivants : * Zhou Dunyi273 : il s’intéresse au ‘’Yijing’’. Il veut donner une nouvelle interprétation du faîte suprême274, à partir du ‘’Yijing’’. Cela met en évidence 2 éléments qui se retrouvent chez Zhu Xi : - le ‘’li’’275 - le ‘’qi’’276 * Shao Yang277 : il étudie le ‘’Yijing’’. Il développe la spéculation sur la base des nombres. D’où, la définition de la loi universelle de l’évolution. C’est une conception de la suite de différents âges278. Le déclin aura une fin, mais pas une évolution, car le cycle se répète indéfiniment. Il rétablit les lois cosmiques avec la mise en relation du désir avec le corps. L’homme est seul à comprendre le principe des choses. * Zheng Zai279 : le ‘’qi’’ est une substance limpide qui entoure l’eau et le poisson. C’est l’ensemble uni de la création. L’idée est reprise par Cheng Hao et par Cheng Yi, qui les développent. L’impact est important dans l’enseignement en Chine. C’est Cheng Yi qui choisit les ‘’Quatre Livres’’ comme le fondement du confucianisme. 272 le ‘’Yijing’’ 273 1017-1073 274 ‘’taiji’’ : définition de la création. Le ‘’ying’’ et le ‘’yang’’ ont engendré les ‘’Cinq Eléments et les ‘’10.000 choses’’, autre nom de l’univers 275 la forme 276 la matière 277 1011-1077 278 chronologie cosmologique ou définition de et démonstration que à son époque, le monde est dans une phase de déclin. 1 cycle représente 125.600 années 279 1020-1077 C’est également lui qui définit le contenu de l’éducation des 11e-20e siècles. Des divergences d’interprétation expliquent l’existence d’écoles rivales. Tout cela prépare le terrain à Zhu Xi, qui est l’un des plus importants maîtres de l’orthodoxie confucéenne, après Confucius. Sa doctrine est attachée à la philosophie de la raison280, dont l’influence se fera sentir jusqu’à la fin de l’empire. Issu d’une famille de lettrés originaires du Fujian et plusieurs fois fonctionnaire, ses œuvres sont des commentaires qui ont défini l’orthodoxie Song. Sa doctrine est une synthèse de la fonction et des connaissances du taoïsme, du bouddhisme et des concessions aux spéculations des penseurs antérieurs. Elle a contribué à expliquer le ‘’qi’’ et le ‘’li’’. * le ‘’li’’ : éternel, il précède l’existence des choses. Il désigne qu’au commencement, il n’existait rien avant le ‘’li’’. C’est le principe sans fin, la raison d’être des choses. * le ‘’qi’’ : il appartient au domaine des corps, inséparable du ‘’li’’. L’homme est composé de ‘’li’’ et de ‘’qi’’. Cela dit, chaque homme est différent, car le ‘’qi’’ varie selon l’individu. Quant au ‘’qi’’, il est responsable de toutes les divisions qui menacent l’homme. Dés lors, le but est de retrouver le ‘’li’’ éternel. D’où, le besoin de se livrer à une ascèse spirituelle et intellectuelle. Il faut purger son cœur de tout désir égoïste et procéder à l’investigation des choses. Cet effort de compréhension l’amènera à une illumination soudaine. Zhu Xi a fondé l’académie des Cerfs Blancs. Ses recommandations aux disciples sont les suivantes : * refouler tout mouvement voulu * étouffer sa sensualité * attribuer à autrui ce qu’on a fait de bien * corriger ses défauts faire un retour sur soi-même La dernière pratique émergeant au 16e siècle est l’examen de conscience. Zhu Xi recommande aussi à chacun de relever ses fautes et ses bonnes actions, et ce, quotidiennement. Il faut également avouer ses fautes entre amis281. Les académies de Zhu Xi empruntent certains traditions au monastère. * culte de Confucius 280 ‘’lixue’’ 281 cette recommandation est reprise des traditions monacales * culte du fondateur * chants et cérémonies Le disciple doit se contrôler. Le confucianisme est la doctrine prônée par Zhu Xi et les lettrés des Song auraient cultivé son côté frugal. Cet état d’esprit se retrouve dans certaines écoles modernes, où l’élève doit contrôler son attitude. Les apports principaux du néo confucianisme sont les suivants : * le vocabulaire et les nombreux commentaires qui en ont découlé * la sincérité * la quiétude * la recherche sur les choses L’homme de bien est donc sincère et quiéteux. Il insiste sur les Classiques et développe les notions existantes. Leur interprétation n’est pas associée aux lettrés. Dés les Song, les Classiques sont associés au recrutement des fonctionnaires. Ceux-ci sont donc imprégnés de la doctrine de Zhu Xi, puisque celui-ci a défini l’étude desdits Classiques. Mais la majorité des lettrés veut être fonctionnaires. Il s’ensuit des spéculations autour des Classiques, qui n’ont jamais cessé. C’est ainsi que le néo confucianisme a investi le ‘’Keju’’ et les écoles, car on constate un large usage des commentaires de Zhu Xi, notamment le ‘’Canon des 3 caractères’’282. L’étude de ce texte ainsi que celle du ‘’Livre des mille caractères’’ et celle du ‘’Classique des 100 noms de famille sont obligatoires avant de passer à l’étude des ‘’Entretiens’’ de Confucius283. Zhu Xi propose également des écoles pour jeunes. Il a un important impact sur l’idéologie néo confucéenne, avec une réflexion sur le but et les abus de la monarchie. Il faut dire que le néo confucéen constate la lutte entre l’Etat et l’idéologie. * l’Etat veut avoir le contrôle et l’unité idéologique * l’individu veut être un bon lettré Alors, le lettré doit calmer la tension et rechercher l’harmonie entre les 2 parties. L’unité idéologique est indispensable à la bonne marche de l’empire. L’influence néo confucianiste se fait sentir à la fin des Song du Sud, le point culminant étant le choix des commentaires de Zhu Xi comme version officielle sous les Yuan et les dynasties suivantes. Dés le 11e siècle, apparaît un nouveau type d’ordre idéal. La vertu guerrière décline au profit de l’homme de pour le charger de l’Etat et pour qu’il conseille le souverain. Il connaît l’importance des rites et se contrôle, lui et ses impulsions. Il possède les qualités suivantes : * modestie * prudence * respect des autres 282 ‘’Sanzijing’’, l’un des 3 textes fondamentaux avec le ‘’Qianzishu’’ et le ‘’Baijiaxing’’ 283 ‘’Lunyu’’ * dévouement à l’Etat La classe des lettrés est relativement ouverte. La tradition philosophique dont les fonctionnaires sont imprégnés n’est pas figée, car le confucianisme est souple et enrichi de canaux intellectuels et religieux divers. Certains aspects sont à justifier : * projets politiques réactionnaires ou rénovateurs * néo-confucianisme Song284 A l’époque des Song, on s’attache à tirer des forces célestes, un enseignement sur l’époque. Donc on parle d’une longue décadence. La bureaucratie est paralysante et la pensée est bornée. L’idée est renforcée par le fait que les Qing ne sont pas Han, mais Mandchous. Cette vision est partagée par des auteurs occidentaux. Or, certains spécialistes de la bureaucratie affirment que celle-ci n’a pas connu une longue décadence linéaire. Selon l’époque, l’administration de l’empire est très efficace ou dépassée par les événements. Mardi 28 avril 1998 284 il a dominé la Chine jusqu’à la fin de l’Empire, ce qui n’est pas contraire à l’invention d’une solution face aux problèmes concrets de gouvernement. Wang Anshi propose une ‘’Nouvelle Loi’’ sur les problèmes économiques ou militaires D. Rapport entre le pouvoir et la bureaucratie Durant la période de l’empire, les rapports entre les Song et les Qing sont souvent conflictuels, car ils luttaient avec l’idée que les empereurs n’avaient pas arrêté de se défier de leur bureaucratie285. Dés lors, l’empereur veut avoir un œil sur la bureaucratie. Sous les Song, la bureaucratie a le statut le plus élevé par rapport à l’empereur. Elle exerce un pouvoir moral et c’est pourquoi les élections politiques se font au grand jour. Il y a donc une alternance. Après les Song, les souverains font sentir leur pouvoir et les fonctionnaires sont traités comme leurs obligés. Il existe donc une méfiance entre les 2 parties. Sous les Song, on peut être lettré sans être fonctionnaire, mais le contraire n’est pas possible. Il existe des tentatives de transformer les charges en charges héréditaires. Les dates des concours n’étant pas fixes, l’empereur décide pour les concours qui ne sont pas intégrés dans une hiérarchie. On est très critique envers la bureaucratie, mais tout n’est pas négatif. Car, nombreux sont ceux qui ont eu des problèmes concrets286, même si leur formation était inadaptée. Chapitre 5 285 du Censorat 286 financier, hydraulique, judiciaire La Chine et ses voisins, des origines aux Song Introduction : impossibilité actuelle de traiter sérieusement de ce sujet Parler des relations avec les voisins, des origines aux Song, est un retour sur la question déjà posée : ‘’Qui sont les Chinois ?’’. L’autre question est : ‘’Peut-on parler d’un ‘’monde chinois’’ ou d’une zone d’influence chinoise et conclure qu’il existe une aire de culture néoconfucéenne. Certains historiens ont eu tendance à suivre les seules traces des Histoires dynastiques. La tendance est de présenter la Chine comme un bloc existant depuis les Qing. Une autre des questions, en parallèle, est de savoir qui sont les voisins des Chinois. Les frontières ayant évolué, sur les frontières immédiates, certains voisins sont devenus Chinois ; que ce soit volontairement ou pas. Les plus lointains287 ont une culture néo-confucéenne. Le point de vue de Fan Wenlan donne une idée de la complexité du fait. Il existe 2 types de relations : * conflictuelles : escarmouches sur les frontières et compétition ouverte * paisibles : échanges commerciaux, culturels et techniques L’influence de la Chine sur ses voisins est aussi importante que celle des voisins sur la Chine. On peut penser que les voisins ont tout emprunté à la Chine288. I. Chinois et Barbares La terminologie qui existe dans les ouvrages classiques oppose 2 types de barbares : * les Barbares du monde chinois * la civilisation chinoise Dans ‘’Intelligence de la Chine’’, Jacques Gernet utilise la terminologie de ‘’recueil de textes divers du 5e siècle’’. Xie Zhaozhe289 est un voyageur qui nous a laissé des ‘’Notes sur les populations nomades’’ qui traitent de la sympathie et de l’administration. Gernet traduit 3 textes concernant les rites et les lettrés. Sa conclusion est qu’il vaut mieux vivre chez les barbares avec un bon souverain, que chez les Chinois sans un bon souverain. Les contemporains de Xie Zhaozhe ont exprimé la même tolérance que lui. 287 Corée, Vietnam et Japon 288 Japon, population des steppes à l’Asie du Sud-Est 289 1567-1624 Mardi 5 mai 1998 A. Les populations chinoises et leurs voisins Le terme ‘’Zu’’ a 3 sens290. Quant au terme ‘’Man’’, il est péjoratif. Ce terme péjoratif désigne les barbares du Sud. Les Tai et les Miao étaient les 1ers arrivés dans la plaine Centrale, mais ils ont été déplacés à cause d’autres populations. Fan Wenlan utilise l’archéologie. Des luttes opposant les tribus, Fan Wenlan reprend les textes tels quels. Fan Wenlan fait une fusion entre la légende et l’histoire. Les Chinois ont la même culture, selon Chang-Kwang-Chih291. Cette complexité est le résultat d’une longue conquête ou de l’évolution. Pour ChangKwang-Chih, comprendre les Shang, c’est comprendre le groupe d’origine des dirigeants de la dynastie. Le fait est que des populations occupant la plaine Centrale ont dû se battre avec des populations différentes, de par les coutumes et par le style de vie. Sur le plan historique, l’opposition se fait concrètement entre les nomades et les sédentaires. D’un point de vue culturel, les dirigeants et la population sont influencées par les voisins292. Dans le monde chinois, le royaume de Qin est un Etat barbare. Mais, il a vite adapté les institutions et les pratiques culturelles des Chinois. Les barbares étaient partout. Les textes anciens les considèrent avec le même esprit d’observation que celui des naturalistes et ethnologues. La politique chinoise par rapport à ces populations est celle du protectorat. Dés Confucius, les Chinois ont eu la volonté de civiliser les barbares. Sous les Qin et les Han, est mise en œuvre une politique d’expansion et de colonisation. Le royaume Qin était le plus puissant des Royaumes Combattants. L’expansion militaire et coloniale est soutenue par la contribution des routes royales invisibles. Au Nord, on constate le recul des Xiongnü, qui vivent dans le nord de la Chine et dans la boucle des Ordos293. Plus précisément, les Xiongnü sont des populations proto-turques. Le problème est de caractériser 290 clan, famille, population ethnique 291 spécialiste de l’archéologie en Chine 292 les Rong, des barbares de l’Ouest, contre lesquels il faut se défendre 293 Mongolie intérieure actuelle les populations du territoire chinois. Les sources chinoises permettent de connaître les populations de Chine centrale, mais de façon trop imprécise. Ces Xiongnü sont forts et unis. Ils représentent la 2e minorité du pays au 3e siècle AE. Pour contrer leurs attaques, les Yan et les Zhao ont construit les 1ers éléments de frontière avec la Grande Muraille. Cette politique est reprise par Qin Shihuangdi pour empêcher l’avancée des populations. Il leur opposera une autre population par l’intermédiaire d’une colonisation de la région Nord. Il envoie une population considérable, avec pour tâche de construire une muraille et de mettre en valeur les terres. Près de 300.000 personnes construiront la Grande Muraille. Sous les Qin, la 1ère colonie date de 219 AE, dans le Shandong. Son existence est due à une décision prise par Qin Shihuangdi, pendant un voyage sur la côte orientale du pays294. Les familles sélectionnées sont composées de citoyens ordinaires qui se voient accorder une exemption de corvées pendant 12 ans. Idem en 214 AE, pour le Nord et pour le Sud. Les déplacements de population concernent les régions vides ou peu peuplées. Ils représentent les 1eres mesures pour l’unification de l’empire. 294 30.000 familles doivent s’y installer Mardi 19 mai 1998 B. Expansion et colonisation sous les Qin et les Han Les Chinois s’imposent dans la Sérinde295, notamment sous Han Wudi. Entre 135 et 119 AE, l’action est essentiellement dirigée contre les Xiongnü. La stratégie Han est articulée contre certaines opérations : * politique de défense296 * tentatives de pénétration en Asie Centrale * assurer le concours d’alliés * empêcher la concentration de Xiongnü sur les frontières * pénétration vers le Sud et vers le Nord-Est297 En 138 AE, une ambassade de Wudi entre en contact avec les Yuezhi, ennemis des Xiongnü. Menée par Zhang Jian, elle est arrêtée et Zhang Jian est gardé en captivité pendant 10 ans. Or, les Yuezhi se sont sédentarisés à son arrivée et sa mission représente un échec diplomatique. Revenu à Chang’an en 126 AE, il repart négocier avec les Wusun298. Cette mission représente une réussite par la durée et les informations recueillies. Zhang Jian ramène une description des contrées traversées. La Route de la Soie est le point de rencontre des mondes chinois et iranien. En 128-127 AE, la boucle du Fleuve Jaune et le corridor du Gansu sont conquis et contrôlés par les Chinois, jusqu’à Dunhuang. En 109 AE, les Etats barbares sont soumis. Les Chinois ont visé l’équilibre en Asie Centrale et déstabilisé les Xiongnü, ce qui explique l’installation de garnisons. En Corée, la politique est coûteuse en hommes, mais très populaire, ce qui constitue un atout pour le gouvernement299. La politique d’expansion est poursuivie sous Xuandi300, tandis que les chefs Xiongnü se querellent au sujet de la succession. Quant aux chefs mongols, ils font allégeance à la Chine en 53 AE. 295 région d’Asie Centrale 296 positions de défense en Chine du Nord et du Nord-Est 297 il s’agit de gagner des alliés et d’intensifier le commerce 298 éleveurs de chevaux de l’Ili 299 2 millions de Chinois déplacés sous Wudi, sur la frontière Nord 300 74-49 AE Au 1er siècle AE, le système du tribut régule les relations avec les voisins, jusqu’à la fin du 19e siècle. Il est censé caractériser l’attitude du gouvernement chinois face aux gouvernements étrangers. En Chine, le monarque traite avec ses vassaux, qui reçoivent un sceau et doivent se faire représenter par quelqu’un. Le tribut consiste alors en une remise de cadeaux, effectuée par les ambassades301. Le vassal envoie un fils en otage, élevé à la Cour et aux frais du ‘’Fils du Ciel’’. Cela permet de renforcer les liens entre la Chine et le vassal. Cet échange est une solution pour le ‘’Fils du Ciel’’, car le vassal est tenu d’envoyer des alliés. A noter que les cadeaux du ‘’Fils du Ciel’’ sont plus luxueux que le tribut. Quant aux ambassades, elles s’apparentent à des délégations de commerce. Le but des Chinois est de contrôler les Xiongnü et autres tribus en leur faisant connaître le luxe Han. Le tribut coûte cher et est instable. Il se maintient si la Chine est assez puissante, mais en cas de faiblesse, le tributaire devient libre et représente une menace. Le principe régissant le système est le nombre d’Etats vassaux, signe de vertu impériale. Mais, à la fin des Han de l’Est, apparaissent des menaces extérieures et des querelles internes. C’est également l’époque de l’usurpation de Wang Mang. Il faut attendre Guangwudi302 pour l’instauration d’un pouvoir Han, qui consiste en une politique extérieure défensive. Les Han connaissent son importance, du fait de la division des Xiongnü. C. Intégration de nouvelles populations dans le monde chinois Les armées de Cao Cao303 sont persuadées de la faiblesse de l’empire chinois. C’est pourquoi, Cao Cao développe des institutions militaires304. Pour cela, il va créer des familles de soldats de métier305. Il fait appel à des peuples pasteurs de Chine du Nord, car ce sont de bons cavaliers et tireurs d’arcs. Les Xiongnü étaient installés au Shaanxi. Au 4e siècle, en Chine du Nord, ces populations fondent des royaumes indépendants. Ce sont donc des barbares sinisés. Sur les frontières chinoises, l’unité réalisée par les Qin est remise en cause306. Il en résulte une modification de la géographie chinoise, du fait de l’essor du Sud. 301 une par règne 302 25-57 303 220-265 304 recrutement de mercenaires chinois et non-chinois. On y trouve des Xianbei, des Xiongnü et des Qiang 305 ils se marient au sein du métier des armes 306 265-290 Les gens du Nord se replient vers le Sud à cause de leur avancée dans les populations. C’est une tentative de sauver des éléments de la tradition. Le sud de la Chine a mieux préservé la poésie chinoise. II. Les invasions des IVe-VIe siècles A. Les barbares : une vision traditionnelle à nuancer Des hordes sanguinaires pillent tout sur leur passage. C’est une opposition entre les gens des steppes307 et les sédentaires308. De nombreux barbares sont aux portes de la Chine. Cela a modifié leur mode de vie et instauré une complicité avec leurs proches voisins. Les groupes de populations chinoises cherchent fortune dans le nord du Fleuve Jaune, occupés par les Wuhua et les Xianbei. Ces populations chinoises comportent aussi des éléments Han. A noter que les populations du nord de la Chine résultent d’un métissage avec les apports de Haute Asie. B. La Haute Asie Jusqu’à la fin du 17e siècle309, c’est un ‘’no man’s land’’. Elle est composée de 4 éléments : * Turkestan * Mongolie * Tianshan * Himalaya Elle est occupée par des steppes et des déserts. Le Xinjiang connaît un développement commercial dans les oasis. Ainsi, les communications entre l’Iran, l’Inde et la Chine sont possibles grâce à la Route de la Soie. Celle-ci facilite le pèlerinage, le commerce et l’arrivée des religions. Des groupes nomades se succèdent aux portes de la Chine. Beaucoup sont mentionnées par l’histoire chinoise sous les termes différents de ceux utilisés par les populations. C’est pourquoi, leur nom évoque la langue parlée et non leur nom politique. Un problème apparaît aux 3e-4e siècles. En fait, il y a 4 grandes branches : * les proto-Turcs * les proto-Mongols * les Toungouzes * les proto-Tibétains 307 pasteurs nomades 308 agriculteurs et gens de la ville 309 traité sino-russe Les Toungouses sont les grands-parents des Mandchous, tandis que ceux des Mongols vivaient en Mongolie intérieure et extérieure. Les Mongols se sont métissés avec des tribus turques et l’ensemble est devenu mongol. Entre le 2e siècle AE et le 17e siècle, ils effectuent des pillages réguliers en tant que cadeaux. Le 14e siècle est une période confuse, du fait de la réunification du groupe Xianbei. Mardi 23 mai 1998 C. Les Wei du Nord310 La Haute Asie était un réservoir humain qui n’était jamais vide. La situation des Wei du Nord était particulière, car les fondateurs de la dynastie n’étaient pas Han, mais Tabgatch, une branche des Xianbei. Fondée en 386, elle disparaît en 534 après avoir réunifié le Nord311. La situation du Nord était particulière. Cette dynastie d’Asie Centrale avait une politique inspirée de la politique chinoise, de type légiste. Elle consistait en une intervention autoritaire de l’Etat dans le contrôle et la répartition de la population. Dans le domaine des mœurs, les chefs traitent les populations sédentaires comme du bétail. Des transferts de population permettent de peupler la capitale312. Entre 386 et 409313, 460.000 personnes sont déplacées. Puis, peu à peu, on a recours aux institutions chinoises pour administrer l’empire. Le système s’assouplit et connaît son apogée avec le transfert de la capitale à Luoyang314. Les Wei du Nord constituent un problème particulier. Les autres populations se transforment, mais les Chinois les influencent. Cette sinisation volontaire se traduit par les mesures suivantes : * impossibilité de porter des vêtements et des noms ou de parler la langue Xianbei * la famille impériale choisit le nom de Yuan * les mariages entre Tabgatch et Chinois sont encouragés Ces mesures concernant l’aristocratie, une crise éclate avec la noblesse guerrière. L’armée fomente des troubles, car elle refuse ces mesures et déclenche la ‘’révolte des 6 garnisons’’315. Celle-ci est à l’origine de la guerre civile qui a provoqué la fin de la dynastie316. 310 386/439-534 311 439 312 Datong, au Nord du Shanxi 313 sous le règne de Dowudi 314 494 315 533 316 534 Dés 535, les Wei du Nord se divisent en 2 entités : * Wei occidentaux * Wei orientaux Au Sud, la civilisation chinoise connaît une situation de refuge. Les nomades qui partent mènent 2 opérations : * départ vers la Mandchourie méridionale * départ vers les rives du Bassin Rouge ou le Yunnan Un million de Nordistes arrivent dans le Sud, où les terres sont occupées par leurs exploitants. Cela débouche sur des rivalités. En 556, les Wei occidentaux sont renversés par les Chu du Nord, qui réunifient la région en 577. Ces mêmes Chu du Nord seront renversés en 581, par la dynastie des Sui, fondée par Yang Jian. La dynastie des Sui réunifie le Nord et le Sud317. Cette période de prestige chinois est faite de conquête, sans oublier une nouvelle définition des rapports Nord-Sud. Cette politique de conquêtes et de grands travaux est utiles aux successeurs, mais elle coule l’empire. La politique d’hégémonie vise notamment la Corée. Entre 611 et 614, une expédition est lancée contre la Corée. En 614, celle-ci balaie la dynastie, car les populations sont mobilisées par une combinaison de 4 éléments : * le Grand Canal * l’expédition contre la Corée * les taxes * les impôts La dynastie s’éteint en 618. Le pays est divisé entre le Nord et le Sud. Cela explique l’implantation et le développement du bouddhisme en Chine, car la population est plus curieuse et plus ouverte. Il y a 2 voies de pénétration : * la voie Nord : au nord-ouest de l’Asie Centrale * la voie Sud : la côte et le commerce La dynastie des Tang est cosmopolite. Elle représente la synthèse des rois non-Han et des royaumes du Sud. Cela est possible grâce à la pax sinica. 317 589 III. La pax sinica sous les Tang318 et les Cinq dynasties A. La pax sinica Elle s’appuie sur l’armée qui protège l’empire des invasions et défend la capitale contre les rébellions. Les brigands ne représentent pas une menace directe, car les chefs de ces troupes sont intégrés dans les armées régulières et se voient offrir des titres officiels. En 624, les Tujue arrive sur Chang’an et un accord de paix est conclu. Les troubles divisant les Tujue est le prétexte saisi par Li Shimin pour envahir et s’installer dans la Mongolie intérieure. En 630, il est proclamé empereur céleste. C’est le début de la grande dynastie des Tang en Asie qui sera continué par Gaozong. Taizong veut conquérir le Turkhestan, dés 639. En 640, il est soumis avec l’aide des Ouïgours et des Dolos. En 642, l’expansion se dirige vers le Nord-Est. Les armées se dirigent vers la Corée, mais l’hiver en fait un demi-échec. Les successeurs s’emparent de la Corée après la destruction d’une flotte japonaise. A la fin du 7e siècle, les Tang contrôlent les portes de l’Iran jusqu’à la Corée et de l’Ili jusqu’au Vietnam. Mais, l’expansion est fragile. En 670, les Tujue reprennent leur indépendance. Les Tibétains du Qinghai et les Tanggut du Sichuan enlèvent 4 garnisons situées sur la route des oasis Ils les garderont jusqu’en 678. Ils contrôleront ainsi une route de 5.000 km, de Chang’an à Kachgar, la route de la Soie. B. Echanges commerciaux et routes de la soie 1. La production de la soie en Chine Le ver à soie est originaire du nord de la Chine. La maîtrise du tissage de la soie date de la fin des Shang. Quant à l’élevage, il se développe sous le nom de la sériciculture. Cette activité est un complément à l’agriculture dans l’activité des familles, où les femmes sont très présentes. La soie sert à fabriquer des vêtements, des couvertures ou du papier. Dés le 7e siècle AE, la soie sert de support à la calligraphie, à la peinture et aux documents officiels. Elle sert également de monnaie d’échange avec l’étranger. Le secret de fabrication est gardé jusqu’au 1er siècle. Il est introduit à Byzance au 4e siècle et en Italie aux 13e14esiècles. 318 618-907 2. Historique des routes de la soie Les étapes sont au nombre de 5 : * Chine * Asie Centrale * Iran * Méditerranée Les autres produits qui empruntent la route sont les différentes sortes d’épices et de papier. Ces routes sont aussi celles des échanges intellectuels. Zhang Jian est le 1er à parcourir et à décrire la route. Il a découvert les produits du Sichuan. Ceux-ci sont à l’origine d’un important axe commercial319. 3. Les routes de la soie sous les Tang Cet axe économique et commercial est menacé, car les Chinois ne le contrôlent pas à 100 %. Même lorsque ce sera le cas, les convois seront armés. Les pèlerins prenant cet axe pour chercher des livres sacrés bouddhiques, on peut le considérer comme un axe d’échanges intellectuels. Le sort de la soie est celui de la dynastie, car la fin de celle-ci est synonyme de la fin de celleci. C’est donc la disparition des cités prospères et de la civilisation320, qui seront redécouvertes au 19e siècle. Il y a 2 raisons à cela : * assèchement des cours d’eau * arrivée des guerriers de l’Islam321 4. Archéologues-aventuriers sur les routes de la soie aux 19e et 20e siècles Il y a plusieurs noms à retenir : * Hopkirk : il écrit des romans d’aventures sur les cités322 * Sven Hedin323 * Marc Aurèle Stain324 319 entre le règne de Han Wudi et le 2e siècle AE 320 monastères et œuvres d’art 321 300 villes se situent sous les sables du Taklamakan 322 ‘’Bouddhas et rôdeurs sur la route de la Soie 323 1863-1952 * Paul Pelliot325 Leur méthode consiste à explorer le monde, mais c’est dangereux. Les grottes de Dunhuang326, couvertes par le Tibet, n’ont pas subi la destruction du bouddhisme sous les Tang327. Paul Pelliot est un chercheur occidental condamné par la Chine. La Bibliothèque nationale de Pékin publie une revue de l’histoire de la sinologie de l’E.F.E.O. Il s’agissait alors de recueillir des documents sur l’Asie du Sud-Est et sur l’Extrême-Orient. Dés lors, il a parcouru les pays. En Chine, il est allé à Dunhuang, ville dont il connaît une bibliothèque cachée. Il en fait alors une sélection, selon les sujets. Les ouvrages sont actuellement au département de la Bibliothèque Nationale. Or, certains sont écrits dans des langues qui n’ont pas encore été exploitées. La rupture prend la forme de la rébellion d’An Lushan. Les troupes commandées par le commissaire impérial sont chargées de défendre les frontières. Le danger est que cette militarisation ne se retourne contre l’empire, car elle pourrait saper son unité. Il faut dire que les menaces intérieures et extérieures sont à l’origine de l’indépendance des provinces et de la chute des Tang. C. Nouvelle période de transition : les Cinq dynasties et les Dix royaumes328 Cette succession de dynasties est une période de déchirement et d’impuissance. La capitale se situe alors à Kaifeng. En dehors des 10 royaumes, l’empire Liao est fondé par les Kitan. Ceux-ci sont installés dans les régions du Nord et les fondateurs de la dynastie sont d’anciens chefs militaires. Les révoltes paysannes expliquent le déplacement des activités économiques vers le Sud. Le développement économique autonome est à l’origine de la formation des grands empires Liao et Qing. La Chine des 11e-13e siècles a connu d’importantes transformations économiques et sociales. La Chine des Song est comparable à l’Europe des 15e-16e siècles. IV. Les Song, une dynastie sous la menace permanente de ses voisins On distingue 2 périodes : * 960-1127329 324 1862-1943 325 1918-1945 326 dans le Gansu 327 la Grande Proscription, 845 328 907-960 * 1127-1279330 Le territoire contrôlé est proportionnel au repli progressif. La renaissance des Song est due à la culture. L’année 1279 voit la chute des Song à cause des Mongols, également connus sous le nom de Yuan. Les réformes de Wang Anshi ne résoudront pas les problèmes. A. Les problèmes frontaliers sous les Song331 Les Song du Nord sont les maîtres du 3e empire centralisé de Chine. L’espace est plus restreint, mais il n’est pas contrôlé de Pékin. Durant la période des Cinq dynasties, le pouvoir central est soutenu par l’armée. Elle est composée de mercenaires, dont le noyau principal constitue la garde personnelle des empereurs. La nouvelle aristocratie est celle des lettrés, qui représentent les élites. Les provinces, elles, sont dirigées par des gouverneurs civils à l’esprit confucéen. Le second empereur perfectionne l’administration, mais les Kitan sont toujours là. Le 3e empereur doit payer un très lourd tribut, dés 1004. Jusque 1044 règne une paix relative, mais la menace des Tanggut apparaît dés 1038. Ceux-ci installent le royaume des Xia de l’Ouest et signent un traité avec les Song, en 1044. Une autre attaque Kitan aboutira à au paiement d’un tribut plus lourd. Les Jürchen, eux, sont appelés à la rescousse par Huizhong. L’objectif est de ne plus payer de tribut. Ils attaquent les Kitan et en profitent pour fonder leur empire. L’empire kitan disparaît en 1125. Mais, les Jin vont vers Kaifeng. Ils disparaissent à leur tour en 1126. En 1127, la nouvelle capitale est transférée à Hangzhou. Cela coïncide avec le début de la dynastie des Song du Sud. Le bilan est le suivant : * une politique internationale * une politique d’échanges * une politique de paix * le tribut Aucune des politiques n’est efficace sur le long terme. Toutes ont été précaires et ruineuses. Finalement, un conflit opposent les Xia de l’Ouest et les Song. Les Mongols en profitent pour attaquer les Song du Sud. Ils réussissent ainsi à vaincre les Xia de l’Ouest, les Jin et les Song. 329 la capitale des Song du Nord est au Henan. Ils se replient sous la pression de leurs voisins 330 la capitale est à Hangzhou 331 960-1022 B. La fin des Song 1. Les empires de la Chine du Nord332 Les Song ne peuvent avoir de politique offensive. Les régions frontalières sont troublées par les Tibétains ou par les nomades, et les Song ne peuvent empêcher l’occupation du Nord-Est par les Xia de l’Ouest. Dans le but de contrer leurs ennemis proches, les Song sollicitent une alliance avec les Mongols, issus des steppes. Un chef issu d’un petit clan s’impose à ses homologues par la force. Trois facteurs333 lui permettent de dominer la confédération de tribus. Il est donc nommé ‘’Grand Khan’’ et son pouvoir s’étend sur l’Eurasie. Dés les 1ers signes de faiblesse, le chef perd son leadership. Organisés en campements, ils sont regroupés pendant les guerres ou les chasses. En fait, il y a 3 niveaux de rassemblement : * le clan * la tribu * le Kuriltai Les campagnes mongoles sont menées par des cavaliers très habiles à cheval et au tir à l’arc. Ces conquérants sont des Genghiskanides. La conquête de la Chine oblige les Song à se replier jusqu’à Canton. Dés lors, le ‘’Grand Khan’’ fonde la dynastie des Yuan en 1271. 332 10e-13e siècles 333 armée, prestige du nom et alliance internationale