CHI 002 : Histoire de la Chine ancienne et impériale

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CHI 003 : Histoire de la Chine ancienne et impériale
Chapitre 1
Les grands traits de l’histoire chinoise
Introduction
Même à notre époque, il existe encore des idées reçues sur la Chine. Nombreux sont ceux
qui s’imaginent avoir une certaine connaissance de la Chine. L’objectif du cours est de se
débarrasser de ces idées reçues en se rendant compte. L’ignorance est un savoir que l’on ne
connaît pas.
* ‘’La civilisation et le pays sont immobiles’’ : l’idée est renforcée par la continuité des
sources historiques. Il y a une confusion avec la continuité de l’Histoire. Or, c’est différent.
La continuité des sources historiques ne signifie pas la continuité de l’Histoire. C’est un
piège.
* ‘’Sa civilisation est la plus ancienne du monde’’ : l’affirmation est ridicule. L’Etat
centralisé apparaît au 3e siècle AE. La Chine aurait alors fixé les cadres économique et
social jusqu’à nos jours.
La Chine fait partie de la mythologie et de l’imaginaire français. La vision des philosophes
du 18e siècle est que la Chine est le pays des philosophes où le souverain gouverne en s’aidant
des conseils desdits philosophes. C’est alors le pays des sages, gouverné par des lettrés
confucéens.
L’attitude européenne change au 19e siècle. De sinophile, elle devient sinophobe. Le pays
souffre d’un despotisme cruel. La justice applique une gamme de tortures raffinée avec
beaucoup de superstitions. La Chine est ainsi très réfractaire au message chrétien.
Les images des Européens sur ces 2 siècles n’ont aucun rapport avec la réalité. L’illustration
en est faite avec l’article de Francis Déron1, à l’occasion du séjour de Jacques Chirac en
19912.
1
correspondant du ‘’Le Monde’’ à Pékin
Dans sa réflexion sur la situation actuelle, il affirme que la Chine de 1991 est celle de Qin
Shihuangdi. Il présente l’ouverture de son tombeau comme une décision politique, un
problème politique et financier. Le démembrement de l'oeuvre de Qin Shihuangdi aurait
commencé en 1991 et le pays vivrait dans le cadre des institutions de Qin Shihuangdi, tandis
que la population vivrait selon ses normes.
Même si l’article de Francis Déron3 comporte quelques vérités, il s’y trouve aussi des
règlements de comptes.
Cette admiration d’un pays sans changement depuis 3.000 ans est l’apanage d’Alain
Peyreffite, membre de l’Académie Française et de l’Institut de France. Il ne comprend pas le
Chinois et ne le lit pas. Malgré cela, il est considéré comme un spécialiste incontesté de la
Chine.
Les tenants de la pensée libérale sont partisans de la théorie que ‘’La Chine n’a jamais
changé’’ : le pays a toujours été dirigé par un régime despotique, dont le Parti communiste
assure la continuité. Le commerce est possible avec ‘’le pays des droits de l’homme’’, sans
pour autant que le problème soit abordé dans ce pays.
Il est vrai que certains Chinois sont imbus de leur héritage culturel. Or, ce phénomène se
vérifie pour toute civilisation. Margaret Tatcher disait que la France n’était pas la 1ère à mettre
en exergue les droits de l’homme. Or, il y a là une double méprise :
* Faire peu de cas d’une histoire très mouvementée : pour certains chercheurs, la Chine
est le pays du changement, sur les plans historique, civilisateur et populaire.
* Comparer le despotisme de Qin Shihuangdi et le Parti communiste : c’est faire peu cas
de la spécificité du Parti communiste. Car il représente une innovation par rapport aux
régimes totalitaires, phénomènes du 20e siècle. Or, d’autres pays ont fait ce choix, mais Qin
Qhihuangdi ne faisait pas partie de leur histoire. Parler d’un héritage direct de Qin
Shihuangdi à Mao équivaut à penser que la Chine n’est pas dégagée de cette logique.
Une autre variante est celle du confucianisme avec des idées bien ancrées. Certaines ont
varié, d’où l’approche de l’histoire par rapport à la société. La Chine est éternelle, avec une
idéologie éternelle.
La société chinoise ayant été longtemps immobile, le principe du changement a été étouffé.
La culture confucéenne étant isolée, elle est frappée d’immobilisme.
Les Chinois présentent la Libération comme un événement positif. Le Parti communiste a
contribué au déclin de l’obscurantisme et du féodalisme. Ceci est la logique politique des
dirigeants. En Chine, l’histoire jusqu’au 19e siècle est un bloc présenté comme gudaishi4.
Ainsi, l’écriture serait apparue en 1840.
2
3
4
Visite officielle à Pékin et à Xi’an, au tombeau de Qin Shihuangdi.
Paru dans ‘’La revue des deux mondes’’ sous le titre ‘’Pour en finir avec la sinologie’’.
histoire ancienne
La tendance est de présenter la Chine jusqu’en 1949 comme n’ayant connu aucun
changement. Le recul dans le temps, un phénomène plus récent, servent à justifier la situation
actuelle de la Chine5. Il suffit d’un coup d’oeil sur les cartes pour voir l’évolution du territoire
chinois et sur ce plan, il y a une longue évolution dans le temps.
La Chine actuelle n’est pas celle du passé et elle n’a pas été unie durant toute son histoire.
Son unité ne se situe pas dans son territoire ou dans son régime politique. Elle est ailleurs et
ce serait plutôt une unité de civilisation.
Ce qui est frappant, c’est la diversité. Si l’on aborde le pays par le Sud, on est d’abord surpris
par la langue. Car on ne parle pas le Mandarin à Canton, mais le Cantonais. 10 % de la
population chinoise aurait une bonne maîtrise du Mandarin. La grande diversité des dialectes
sans compter la langue du Nord fait qu’un Pékinois arrivant à Kunming aurait une mauvaise
compréhension d’un pur Yunnanais.
Cette diversité se retrouve également sur les plans de la population, de la géographie et des
traditions. Les espaces culturels sont solidaires dans l’espace et dans le temps. Ils partagent
une portion d’histoire commune en étant réunis dans un même espace, mais chacun a sa
particularité.
Il ne faut jamais oublier l’immensité du pays. Dans ce domaine, il est possible de le
comparer avec l’Europe, en ce qui concerne l’histoire et les conditions géographiques. Ce qui
fait que les différentes populations de Chine ont diverses conditions de vie.
La population chinoise n’est pas uniforme, car elle comprend plusieurs centaines d’ethnies,
appelées minorités nationales6. Le reste de la population7 est d’origine Han. Un Chinois se
définit toujours sur le plan ethnique, selon son ethnie d’appartenance8.
54 minorités nationales ont été reconnues à leur demande, dans les années 1950. Lors de
l’inscription, il y avait déjà 300 groupes, rien que pour la seule province du Yunnan. C’est
pourquoi il a été procédé au regroupement de plusieurs ethnies plus ou moins proches, sous
une appellation. Ces ethnies se différencient par leurs langues, leurs coutumes et leurs
traditions. Cependant, elles sont assimilées à la population chinoise.
Afin d’acquérir une bonne connaissance de ces minorités, les Chinois mettent à jour les
différents apports des ethnies. Ils exploitent alors des documents, ce qui nécessite du courage
et la constitution d’équipes.
Durant des années, les Chinois ont eu 3 principales questions à l’esprit :
* Qui sont les Chinois ?
5
6
Par exemple, le Xinjiang, chinois depuis 1884 ou le Tibet
6-7 % de la population
7
soit 93-94 % de la population
8
Hanzu, Miaozu, etc.
* A partir de quand peut-on parler de Chinois
* Pourquoi employons-nous le terme ‘’Chinois’’, alors que les Chinois eux-mêmes
utilisent les termes ‘’Hanzu’’, ‘’Huaren’’ ou ‘’Zhongguoren’’ ?
I. Les origines (la Préhistoire)
Dans l’état actuel des connaissances, il y a 2 aspects principaux :
* Il est généralement admis que l’Homme est une évolution, connue sous le nom de
‘’Homo Sapiens Sapiens : l’Homme est donc d’une remarquable unité, sur le plan
biologique.
* Jusqu’à preuve du contraire, l’Homme a 2 berceaux :
- l’Afrique : l’Homme y est présent au Paléolithique. Au Proche-Orient, on trouve le 1er
système d’écriture et l’agriculture jusqu’à la fin du Néolithique.
- la Chine : les chercheurs chinois ont cherché à prouver que leur pays était le berceau de
l’humanité et cette tendance est générale. L’origine de l’Homme en Chine date du
Paléolithique. Sa présence est plus importante au Néolithique9.
Tout cela casse la vision traditionnelle d’une civilisation ancrée dans la région du Fleuve
Jaune. A la fin du Néolithique, l’Homme est présent dans les vallées du Fleuve Jaune, du
Changjiang et le long des côtes sud-est du pays10.
Jusqu’à présent, l’archéologie est relativement développée, mais en circuit fermé. La
coopération internationale est actuelle, mais elle est très limitée. Alors, les trouvailles
confirment ou bouleversent les images de la Chine.
Au Paléolithique, les 1ères traces de l’Homme en Chine, se situent à Lantian, province du
Shaanxi11. L’homme de Yuanmu est originaire du Yunnan, au Sud-Ouest de la Chine. Mais le
plus ancien est l’homme de Pékin, plus connu sous le nom de ‘’homme de Zhoukoudian’’, à
60 km de Pékin. Il date de 500.000 AE.
Pour ce qui est du Néolithique, des données plus précises ont amené au rejet de la vision
monolithique, qui avait le Fleuve Jaune pour berceau. Or, le Fleuve Jaune est devenu le
symbole du loess.
Cette vision a été critiquée par une série télévisée chinoise datant de 1988. Le thème est la
comparaison à travers des symboles. Ceux de la Chine sont le Fleuve Jaune et le loess. La
9
Nombreuses cultures à travers le territoire chinois, connues grâce aux recherches effectuées
à la fin des années 1950.
10
10.000-5.000 AE
11
1,8-1 million d’années
population est engluée dans la terre. Cela explique la face de couleur jaune, tandis que celle de
l’Occident est de couleur bleue.
Cette vision monolithique est remise en cause par la découverte de cultures néolithiques.
Celles-ci sont localisées dans le Nord12 et dans le Sud13. Mais les 1ers vestiges néolithiques
connus se situent dans le Sud-Est. En voici quelques-unes :
* Yangshao (5150-2960 AE) : répartie sur des centaines de sites, elle s’étend du Gansu à la
Plaine Centrale et englobe le Shaanxi et le Hebei. Elle se caractérise par une importante
culture agricole sur brûlis combinée avec la chasse, la cueillette et la pêche. L’outillage se
compose de houes, bêches, couteaux et meules. Le porc et le chien sont domestiqués.
Quant à la céramique, chaque région a ses techniques de fabrication et les plus belles sont
ornées de dessins stylisés de poissons noirs et rouges. Les villages sont de dimension
restreinte, mais le site le plus connu est celui de Banpo14, pour son village préhistorique.
* Hemudu (5008-4773 AE) : située au Zhejiang, on y pratique la riziculture, l’habitat sur
pilotis, la gravure et la sculpture sur bois. Le plus ancien bol en laque connu date de cette
époque.
* Longshan (2780-1810 AE) : elle s’étend du Henan au Shandong et englobe le Shaanxi et
le Shanxi. On voit apparaître des terres cuites grises non peintes. La céramique grise, noire
rouge ou blanche voient le jour. L’outillage est principalement constitué de bêches en bois
à 2 dents et de faucilles en coquillage. L’agriculture est basée sur le blé, l’orge et le millet.
Le boeuf, le mouton, le porc et le chien sont domestiqués ; tandis que l’habitat se
perfectionne. La civilisation urbaine apparaît15. Enfin, les os divinatoires ne comportent pas
d’inscription.
* Qijia (2200-1600 AE) : elle se situe au Gansu. Les omoplates de mouton sont utilisées à
des fins divinatoires. La divination se développe dans le cadre de la culture et étendue. Des
objets en bronze sont fondus.
* La dynastie des Shang (1750-1700 AE) : la soumission au feu, à des fins divinatoires, des
os d’animaux sacrifiés est un usage particulier à l’Asie orientale. Celui-ci s’est
principalement développé et perfectionné à l’époque du bronze, sous l’impulsion de la
famille royale. Cela a donné naissance à une science divinatoire, apanage de spécialistes.
Les os servant à la divination comportent des cavités ovales et circulaires superposées.
Elles permettent d’obtenir, sous l’action du feu, des craquelures en forme de T. Des
carapaces ventrales, os et écailles de tortue portant des inscriptions (jiaguwen) ont été
retrouvées à Anyang.
12
au niveau du Fleuve Jaune
13
vers le Changjiang
14
au Shaanxi
15
les villes sont entourées d’enceintes en terre damée
Les inscriptions servaient de commentaires aux signes obtenus et ont permis la constitution
d’archives qui ont favorisé le développement de la science divinatoire. C’est la plus ancienne
forme d’historiographie, étroitement liée à l’activité politique et science des précédents. Il faut
dire que la divination portait sur toute activité en rapport avec la fonction royale16.
L’étude des inscriptions révèle la continuité de la tradition graphique des caractères chinois.
L’écriture contemporaine serait dérivée des inscriptions sur os et écailles17. On rencontre alors
des dessins stylisés d’objets, des signes employés en association ou des signes uniquement
employés pour leur valeur phonétique.
Il existe un grand nombre de sacrifices dont les plus importants sont liés au culte des rois
défunts, auquel les reines sont parfois associées. La succession se faisait de frère aîné à frère
cadet et d’oncle maternel à neveu en l’absence de frère.
Boeufs, moutons, porcs et chiens sont les animaux les plus souvent sacrifiés. Des offrandes
de 100 porcs ou boeufs pour un seul ancêtre sont courants. Le nombre élevé de victimes laisse
supposer la relative importance de l’élevage dans la société. Le culte, au moyen de grands
banquets, redistribuait les richesses ou entraînait des destructions massives (funérailles
royales).
De grandes tombes royales Shang ont été découvertes à Anyang, entre 1927 et 1936.
Cruciformes, elles comportent une grande fosse rectangulaire orientée nord-sud, qui contient
une fosse centrale plus petite et plus profonde. Deux à quatre rampes d’accès gardées par des
compagnons et serviteurs armés, le char royal et les chevaux, des poteries et bijoux,
conduisent à l’excavation principale. Le cercueil royal, en bois, repose au-dessus de la fosse
centrale dans laquelle un chien a été sacrifié.
Les inscriptions divinatoires font état d’autres cultes où interviennent des chamanes et des
sorciers. Quant aux sacrifices humains, caractéristiques des Shang, ils sont notamment liés
aux cultes funéraires ou pratiqués en l’honneur de rois défunts. Progressivement, seuls les plus
proches compagnons et les concubines du prince le suivront dans la mort.
16
culte des ancêtres et des divinités, nominations aux charges, construction des villes,
maladies, rêves, caractère faste ou néfaste de futur.
17
14e-11e siècles AE.
II. Les étapes de l’histoire chinoise
A. Les problèmes de périodisation
C’est la représentation du temps qui passe et le découpage de l’Histoire en grandes périodes
historiques. Il y a 4 divisions habituelles :
* l’Antiquité
: 3000 AE-fin de l’Empire romain
* le Moyen-Age
: fin de l’Empire romain-15e siècle
* les Temps Modernes
: 16e siècle-fin du 18e siècle
* la période contemporaine : fin du 18e siècle- 20e siècle
A ces 4 divisions habituelles, il est possible d’ajouter une 5e division ou période. C’est celle
de l’immédiat contemporain, qui se situerait entre 1945 et 1997.
Cela dit, ce découpage n’est pas adéquat pour toute l’Europe, car tout ce qui est féodal est
devenu négatif. Pour les spécialistes de la période médiévale, toute période est médiévale,
dans le sens où le terme ‘’médiéval’’ est synonyme du terme ‘’intermédiaire’’.
Les spécialistes qualifient le Moyen-Age ‘’d’invention’’. A ce titre, il fausse les
perspectives des pays européens et des autres. La récusation de la division en siècle18, fait
qu’il est difficile pour la Chine, de repérer les grandes étapes de son Histoire et de les
périodiser.
18
En Chine, le siècle est remplacé par la dynastie.
Mardi 18 novembre 1997
En se penchant sur l’Histoire, divers historiens ont des conventions concernant les grands
événements. Dés 1930, il y a un renouvellement du problème historique. Lucien Febvre et
Marc Bloch sont issus de l’école des Annales. Ils ont écrit ‘’L’histoire des mentalités’’.
Le problème est la façon dont est traitée l’Histoire. Le renouvellement concerne les
documents et les domaines19. Ainsi, Fernand Braudel20 a fait un manuel pour les Terminales,
qui n’a pas servi21. C’est un grand historien, mais ses propos sur la Chine sont erronés.
Malgré le mouvement des années 1930, les idées se diffusent lentement. Pour ce qui est de la
Chine, on méconnaît généralement l’histoire chinoise et l’évolution du pays. Cela, malgré des
études très pointues, qui ont commencé très tard22. L’Occident est alors prisonnier de certaines
sources chinoises et manque de bases solides.
Certains historiens ont ainsi appliqué les termes de l’historiographie occidentale à l’histoire
chinoise23. ‘’L’histoire des grandes civilisations entre dans un cadre général’’24. Cela
représente le plus grand tournant de l’histoire mondiale. L’humanité représente un même
schéma. Le modèle en est les histoires chinoise et occidentale.
Robert Bonnaud a présenté l’ouvrage de Ferrari, qui témoigne qui grande ouverture d’esprit.
Mais le problème est de savoir comment pallier l’histoire d’un pays par rapport à un autre
pays. Il y a une augmentation du cadre conventionnel ou de l’histoire générale de l’humanité,
mais cela n’a jamais satisfait les Occidentaux.
19
vie quotidienne et histoire dyachronique
20
enseignant à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. C’est un spécialiste de
l’histoire moderne et capitaliste.
21
‘’Grammaire des
civilisations’’
22
fin du 19e siècle-début du 20e
23
ainsi, Jacques Gernet a abandonné le découpage dynastique qui occulte le reste
24
théorie de Joseph Ferrari
En Chine, le schéma et les termes sont marxistes. Ils sont adaptés à l’histoire chinoise et
privilégient les faits économiques et sociaux. Il y aurait 4 principales divisions historiques :
Préhistoire
Shang et Zhou
Qin-1840
1840
communisme primitif
société esclavagiste
société ou empire féodal
GO et arrivée des Occidentaux. Société semi-coloniale et semi-féodale
Mais les bourgeois capitalistes, surtout les Ming et les Qing, ou les Song. Ceux-ci arrivent
avant le communisme. La question de savoir où les placer est à l’origine d’une autre division :
Avant 1840
1840-1919
1919-1949
Depuis 1949
Gudaishi
Jindaishi
Xiandaishi
Dangdaishi
¹Å ´ú Ê·
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ÏÖ ´ú Ê·
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* Jindaishi : c’est la période moderne. Elle se situe entre les ‘’guerres de l’opium’’ et la
manifestation des étudiants de l’Université de Pékin, contre la signature du traité de
Versailles25.
* Xiandaishi : c’est la période contemporaine.
* Dangdaishi : c’est la période immédiatement contemporaine.
L’intérêt du découpage est d’instaurer des ruptures. Inexistantes dans le schéma entre Qin
Shihuangdi et les ‘’guerres de l’opium’’, elles rendent ledit schéma simpliste. Il faut dire que
l’Histoire poursuit différentes visées idéologiques.
En Chine, l’Histoire est officielle, fixe sur le plan politique. L’intérêt est de remonter plus
loin dans le temps, les faits justifiant la situation présente. Ce sont les événements qui
justifient le présent dans l’Histoire26.
La vision officielle des Occidentaux de l’histoire chinoise est l’immobilisme. Il y a alors des
implications idéologiques qui rejoignent les discours des dirigeants chinois. Il y a une histoire
immuable et un régime despotique qui sert de fond au Parti communiste chinois.
Un pouvoir fort évite l’anarchie populaire. La France fait ainsi des affaires avec un pays qui
ne connaît pas les droits de l’Homme, car il n’y a jamais eu de démocratie. Le paradoxe est
alors le suivant : les libéraux représentent un formidable soutien pour Pékin. Leur position est
alors contraire à la logique. Cela démontre que rien n’est innocent. Il n’y a pas d’histoire ou
d’historien innocent, à cause d’à-prioris.
25
26
rétrocession du Shandong au Japon
c’est le mariage d’une princesse Tang avec un prince tibétain, qui est à l’origine de la
situation actuelle du Tibet.
Le découpage pose des problèmes :
* il n’est pas toujours pertinent : une période dynastique comporte différents aspects tout
au long, selon l’époque27.
En revanche, il y a une continuité entre les Sui et les Tang, car ces derniers reprennent
l’héritage des Sui28. Le découpage dynastique est donc un leurre.

les grandes dynasties effacent les périodes intermédiaires : il existe alors une
tendance à l’oubli.

Il y a 2 façons de considérer l’Histoire :
* occidentale : le temps est découpé selon le schéma dit ‘’sagittal’’. C’est une chronologie
en forme de flèche. Elle part de l’origine pour aller au but. Le concept vient de la Bible.
C’est l’apport du judaisme au concept historique. Il démontre que le progrès continu est le
but poursuivi par l’Homme.
* orientale : le temps est découpé selon le schéma dit ‘’cyclique’’. Il n’y a rien de nouveau.
Tous les événements se répètent. Le passé étant le futur, il n’y a pas de but.
B. Survol de la chronologie
Les hommes des empires Xia, Shang et Zhou sont répartis dans quelques centaines d’Etats29.
La ville principale étant la capitale, il y a des relations de voisinage et des coutumes
identiques. Les pays sont en état de compétition permanente, les faibles étant absorbés par les
plus forts.
Les textes historiques chinois anciens définissent des séquences historiques30, regroupées en
3 cycles :
* Sanhuang
* Wudi
* Sandai
Pour Sanhuang et Wudi, les dates correspondent au passage de la Préhistoire à l’Histoire. Ils
résument les étapes de l’histoire chinoise31. Chacun a son propre apport et tous servent de
27
28
par exemple, la dynastie des Han a été entrecoupée par l’usurpation de Wang Mang (9-23).
Il y a donc eu une cassure dans la dynastie. Ou encore, celle des Tang, avec la rébellion
d’An Lushan (755-763).
sur le plan institutionnel et économique
29
‘’guo’’ ou principautés
30
souverains sages et héros culturels
référence jusqu’à la fin de l’Empire. Certains sont réputés pour leur sagesse. Ce sont les
symboles de l’histoire chinoise et ils sont à l’origine de la culture chinoise.
Huangdi est le souverain jaune. A ne pas confondre avec Qin Shihuangdi. Le terme
‘’Huangdi ne désigne l’empereur qu’à partir de 221 AE. Auparavant, c’est un roi. Il est à la
source de la connaissance chinoise32 et serait l’inventeur de la civilisation chinoise. En réalité,
l’écriture chinoise a été inventée par étapes. Il serait aussi à l’origine de la médecine33 et tient
une place dans les croyances taoïstes et confucéennes.
Yao et Shun symbolisent le bon gouvernement et servent de référence jusqu’à la fin du 19e
siècle. A l’époque, les lettrés se posent des questions sur la civilisation chinoise et ses
faiblesses par rapport à la civilisation occidentale. Et l’une des réponses est l’oubli de la voie
tracée par Yao et Shun34.
La dynastie des Xia est fondée par Yu le Grand. L’existence de cette dynastie constitue un
problème et elle se voit attribuer des vestiges archéologiques au Henan35. Celle des Shang
entre en décadence. Divisée en 2, la dynastie des Zhou a une véritable existence36.
‘’Printemps et Automnes’’ et ‘’Royaumes combattants’’ sont les titres d’ouvrages
commentés.
Parmi les Royaumes combattants, 7 pays se détachent et dominent les pays chinois. On parle
de l’hégémonie Qin, qui marque la fin des Zhou. Le triomphe des Qin est dû à l’organisation
politique et sociale du royaume37.
La fin des Zhou marque la fin de la société féodale et le début d’une nouvelle dynastie. En
fait, la féodalisation comporte 2 tendances :
* centralisatrice
* éclatement, régionalisme et coexistence d’Etats indépendants
Si la fin des Zhou est synonyme de chaos politique, elle rime aussi avec ébullition
intellectuelle. C’est principalement à cette époque que sont élaborées les écoles
philosophiques chinoises. Le dicton ‘’Que cent fleurs s’épanouissent, que cent fleurs
rivalisent’’ est le slogan de la campagne des ‘’Cent Fleurs38’’.
31
apport de l’agriculture, de l’écriture, etc.
32
caractères, mariage, mathématiques, etc
33
‘’Huangdineijing’’
34
réponse tirée des mémoires de l’époque
35
site de Erlitou
36
ils ont laissé des objets en bronze
37
application des principes légistes (administration, famille et Etat)
Le problème est que les Zhou posent la base philosophique. Leur méconnaissance est à
l’origine d’une vision indistincte de la Chine, car fléchée. Il y a trop souvent une condensation
du confucianisme sous une forme fondamentale, en le reportant à l’origine.
Le problème est le manque de sources. Les lettrés prétendent être les gardiens du
confucianisme, mais rien ne les a empêchés de le fausser, car les textes disponibles sont
récents.
La 1ère unification dure théoriquement de 221 AE à 220. Mais il y a la rupture de Wang
Mang. Celui-ci a été balayé des Annales, à cause de l’échec de sa tentative de fonder une
nouvelle dynastie.
En 221 AE, c’est la fondation de l’empire chinois des Qin, qui doit durer 10.000 ans. En
réalité, il durera 15 ans, au terme desquels, il sera balayé par des révoltes. Celles-ci verront
l’émergence du fondateur de la dynastie des Han, qui est à l’origine de la dénomination
actuelle des Han.
L’origine du passage de pouvoir est dans les révoltes de la population et des soldats, qui
provoquent l’instabilité du régime. Il n’y a pas de grande rupture, l’empire Han ayant
largement hérité de Qin Shihuangdi39. Ce dernier se lance alors dans l’expansion territoriale.
Une longue période de guerre et de prestige40 commence alors pour les Han. Les Han de
l’Est41 vivent une histoire mouvementée. Dés 180, ils n’exercent plus qu’un pouvoir nominal.
La révolte des Turbans Jaunes42 marque le début de la fin des Han, qui se traduit
concrètement par la prise de pouvoir d’un général.
Les années 220 à 589 marquent une période de désunion. Elle est entrecoupée par une brève
restauration de l’unité :
* 265-316 : Jin impériaux ou occidentaux
* 316-589 : la Chine est divisée et connaît 2 grandes invasions. C’est une période
compliquée et capitale.
La période des années 589 à 907 couvre les dynasties Sui et Tang, entre lesquelles il est
possible de faire un parallèle, comme pour les dynasties Qin et Han.
Les mesures prises par les Qin seront à l’origine de révoltes qui profiteront aux Han. Quant
aux Sui, c’est leur politique de grands travaux qui va les rendre impopulaires et provoquer
leur chute.
38
39
En 1956-1957, le Parti communiste pousse les intellectuels à le critiquer
institutions et oeuvre
40
rayonnement de la civilisation, expansion des phénomènes culturels et religieux
41
25-220
42
184
Les institutions Sui sont marquées par l’institution du ‘’Keju’’43, qui sera systématisé sous
les Song.
Les Sui et les Tang sont à la fois des bâtisseurs et des conquérants. Les Tang se caractérisent
cependant par leur très grande ouverture et le côté cosmopolite de la Cour44 .
Les difficultés commencent au milieu du 8e siècle. On assiste alors à une lente décadence
jusqu’au 10e siècle, dont l’origine est la rébéllion d’An Lushan.
Mardi 25 novembre 1997
Sima Qian est l’auteur du Shiji45, qui décrit l’époque du ‘’souverain jaune’’, en la découpant
en 3 cycles :
* dynastie Xia
* dynastie Shang
* dynastie Zhou
Ce découpage servira de modèle jusqu’aux découvertes archéologiques. Celles-ci démontrent
l’existence de différents clans, avec des chefs plus ou moins contemporains. Ainsi, les
origines du clan des Shang sont antérieures à la fondation de la dynastie, et il en est de même
pour les Zhou. La prise de pouvoir n’est pas synonyme de liquidation du clan, mais de don de
terres. L’objectif est d’apaiser les esprits Shang et l’ensemble des différentes dynasties.
A cette époque, la Chine n’a pas l’aspect qu’elle a sous l’Empire. Certains historiens pensent
que l’existence de la dynastie des Xia est réelle, mais que celle des Shang est douteuse. Cette
opinion subsistera jusqu’à la découverte des ‘’Jiaguwen’’, qui confirment les écrits de Sima
Qian.
Il y a 2 problèmes que sont les Trois Augustes et les Cinq Souverains. Ce sont des mythes,
des légendes traditionnelles et pas forcément une conception naïve de l’Histoire. En fait, c’est
une façon de représenter le passé. C’est une description des Sages, chacun ayant apporté sa
contribution. Ils sont à ce titre, à la source des connaissances en Chine.
Cette conception de l’Histoire comporte une part de réalité46. Elle marque le passage entre la
fin du Néolithique et l’Histoire.
43
les examens mandarinaux
nombreuses populations d’Asie Centrale, d’Asie du Sud-Est ou des pays d’alentours. Les
marchands et les artisans sont attirées par sa magnificence.
45
les Mémoires historiques (2e-1er siècle AE)
44
46
les Sages ont transformé la vie chinoise
Toute civilisation comporte des légendes dans les 1ers temps47. Toute population a évolué par
rapport à son état durant la Préhistoire. Le passage à l’Histoire se caractérise par l’existence de
documents écrits. En fait, on devrait se fonder sur l’existence de l’Etat48. Le passage avec
l’écriture est une convention. La nation est entrée dans l’Histoire à une autre époque.
Il y a plusieurs étapes :
* les Qin : unité chinoise
* les Han : héritage des conquêtes et extension administrative
* la désunion : la période est complexe, car il y a de nombreux royaumes. Mal connue, elle
est capitale pour la construction, la civilisation et la connaissance de la Chine.
* l’unification : c’est l’époque des dynasties Sui et Tang
* les Cinq Dynasties et Dix Royaumes : les uns sont au Nord, les autres sont au Sud.
* les Song : ils se divisent en Song du Nord et Song du Sud. Sur le plan du territoire, ces
derniers auront la portion congrue. Dans le même temps, ils connaissent des difficultés
intérieures et extérieures. Les Song du Sud résistent aux agressions, mais ils cèdent
progressivement le terrain aux anciens empires nomades. Ceux-ci vont conserver les
institutions et retenir la population chinoises.
Deux des 3 dynasties sont étrangères :
* Les Yuan : elle est fondée par un empereur mongol
* les Ming : elle est fondée par l’ethnie Han
* les Qing : elle est fondée par les Jürchen ou Mandchous49
En faisant un bilan, on a :
* 2.000 ans d’histoire
* 6 périodes de réunification
* 4 périodes de désunion50
Il faut donc nuancer l’immobilité de la Chine et sa continuité historique.
Dans le dispositif de succession des dynasties, l’Histoire se déroule sous une forme cyclique,
car la fin d’une dynastie coïncide avec la décadence51. Ce schéma s’explique par la perte du
47
à l’époque, il n’y avait pas d’écriture et de documents pour vivre la progression
48
vestiges et style de vie assez différent par rapport à la Préhistoire
ils sont issus de l’actuelle Mandchourie, au nord-est de la Chine. C’est à cette époque que
le territoire chinois est le plus étendu.
49
50
réparties sur 6 siècles
mandat céleste. L’empereur n’ayant plus de vertu, le Ciel manifeste sa désapprobation par des
signes.
Les fondateurs d’une dynastie sont de futurs sages souverains se dressant contre le mauvais
souverain et le remplaçant. Le système a vraiment existé 52. Mais en Chine, les catastrophes
naturelles sont annuelles. La preuve de la décadence est alors aisée. Mais si la décadence est
démontrée au début des Han, elle n’a pas bouleversé la dynastie. C’est pourquoi elle n’a pas
été mise en exergue.
Le problème est que les chercheurs contemporains sont très dépendants des histoires
dynastiques pour approfondir leur connaissance de l’Histoire chinoise.
III. L’empire chinois : le territoire et sa construction
Le problème est de connaître le point commun entre le territoire de l’empire Qin et celui des
dynasties suivantes.
A. Le coeur : plaine du Nord et vallée du Changjiang
La plupart du temps, l’unité se limite au coeur, avec des nuances. On parle de la ‘’Chine des
18 provinces’’53. En réalité, la Chine est beaucoup plus petite que cela sous les Qin, les Han,
les Tang et les Song :
* sous les Qin : le Sud échappe à leur contrôle
* sous les Song : le Nord échappe à leur contrôle
* sous les Qing : les provinces les plus tardivement conquises54 posent problème
A partir du coeur, l’empire a connu une expansion plus ou moins importante et plus ou
moins variable. Il y a une expansion hors des pays chinois et un repli face aux autres
populations.
B. Périphéries et expansion territoriale
L’expansion est d’abord dirigée vers l’Ouest55, le Sud56 et l’Est57. C’est sous les Qing que le
territoire chinois est le plus étendu58. Il faut dire que les Qing ont apporté leur propre
51
52
53
misère populaire, famine, révolte, corruption bureaucratique et menaces étrangères aux
frontières
il y a de nombreuses preuves
1644-1824
54
Guangxi et Yunnan
55
Asie Centrale
territoire59. Sous les Yuan, la Chine est intégrée dans des frontières plus grandes que le pays,
c’est-à-dire à l’empire mongol.
La Chine a des relations d’échange ou plus tendues, avec les populations occupant la
périphérie du monde chinois. C’est le cas avec les invasions des nomades mongols ou
l’expansion chinoise dans les steppes. D’où une évolution en fonction des forces et des
faiblesses.
Cela dit, la Chine n’a pas toujours été unifiée. Elle a aussi connu des périodes de désunion.
C. Les périodes de désunion
Elles se caractérisent par la chute du pouvoir central et l’éclatement de l’empire en diverses
unités. La féodalisation comporte 2 tendances :
* unités indépendantes : ce sont des fiefs ou des royaumes, qui peuvent se substituer à
l’empire. Chaque roi devient empereur et ‘’Fils du Ciel’’. Il y a alors une émergence des
régionalismes et contestation du pouvoir central.
* centralisation du pouvoir dans l’empire
L’Histoire chinoise balance entre ces 2 tendances. Des particularités régionales ont souvent
travaillé l’empire. Le plus abouti était celui des Qing, mais le territoire n’était pas étroitement
contrôlé, malgré un pouvoir fort.
Le développement ne signifie pas forcément répression. Les périodes peuvent être très
brillantes sur le plan culturel60. Il ne rime pas non plus forcément avec chaos, car les
souverains des royaumes indépendants ont parfois voulu développer61 la région qu’ils
contrôlaient
Les situations conflictuelles n’étaient pas obligatoires. C’est ainsi que 45 des royaumes du
Nord ont favorisé la pénétration du bouddhisme en Chine.
De l’extérieur, l’entente chinoise est le résultat de l’infanterie héllénique, grâce aux oasis de
l’Asie Centrale. Elle existe dans la statuaire religieuse chinoise.
56
l’Indochine
57
la Corée
58
plus de 11 millions de km²
59
il comprend le Nord-Est, la Mongolie et le Xinjiang, qui deviendra une province en 1884
c’est à l’époque des Royaumes combattants que sont fixés les grands thèmes de la pensée
chinoise
60
61
sur les plans culturel, économique et social
L’unité chinoise est réelle, mais elle est moins ancienne qu’on ne le prétend. De plus, elle n’a
jamais cessé d’être remise en cause. S’il y a unité, elle est à rechercher dans la culture. Les
Chinois partagent un ensemble de valeurs communes. Il ne faut pas oublier que la Chine est
un pays aussi grand que l’Europe, où il y a une très grande diversité.
D. Qui sont les Chinois ?
Il y a un énorme problème de vocabulaire. Il est clair que la 1ère chose à faire est de peser ses
mots. Il n’y a dans le vocabulaire chinois, aucun équivalent des mots ‘’Chine’’ et ‘’Chinois’’.
Ces termes renvoient au 3e siècle AE62 . Le mot ‘’Qin’’ a donnée le mot ‘’Sina’’ qui s’est
décliné en ‘’Chine’’63.
Pour les Occidentaux, les Chinois sont les ‘’Hommes de Qin’’. Mais ce terme n’est utilisé
qu’entre 221 et 207 AE. Car c’est une façon de rappeler qu’on se retrouve sous d’autres
dynasties.
Les Chinois ne se seraient pas appelés ‘’Qinren’’, car l’empereur était un ennemi des lettrés.
Or, on a voulu oublier cette dynastie et il n’était donc pas question d’utiliser son nom.
Les Japonais se dénommaient ‘’Tangren’’ou ‘’Tojin’’, ce qui reflète le prestige des Tang en
Asie orientale, surtout au Japon.
L’expression ‘’Tangrenjie’’ désigne les ‘’Chinatown’’ américains. En Russie, le terme
‘’Kitai’’ désignait la dynastie des Liao64. Enfin, la capitale de la Chine du Nord s’appelait
‘’Cathay’’. Or, le terme est dérivé de ‘’Khitan’’ et de ‘’Khitai’’. Le terme de ‘’Cathay’’ sera
alors appliqué à la Chine.
Le terme ‘’Zhongguo’’ désigne le ‘’pays du milieu’’. Une variante existe sous la forme de
‘’Zhonghua’’ ou le ‘’milieu de la fleur. Forgés sous la dynastie des Zhou, ces termes
désignaient, à l’origine, le domaine directement contrôlé par les Zhou. Le terme s’est
généralisé à l’ensemble des pays chinois, avec l’hégémonie des Zhou.
62
63
64
1ère unification par Qin Shihuangdi
à l’époque de l’empire romain
empire nomade d’Asie Centrale, entre les 9e et 12e siècles
Dans les textes anciens, la Chine est également désignée avec les termes de ‘’Tianxia’’ ou
‘’Huaxia’’. Le terme ‘’Hua’’ désignant le territoire, et le terme ‘’xia’’, le nom de la 1ère
dynastie.
Cette appellation désigne aussi bien le pays que les habitants. Ceux-ci sont associés au nom
et au lieu d’origine des dirigeants. Les noms chinois sont différents de ceux utilisés ailleurs65.
Le terme ‘’pays du milieu’’ a un très grand mérite. Il évoque une histoire très ancienne,
remontant aux Zhou. Et elle n’a aucune connotation ethnique, à la fin du 19e siècle.
Aux 18e et 19e siècles, les lettrés japonais revendiquent le nom de ‘’Zhongguo’’ pour leur
propre pays. Ils affirment que le Japon avait su préserver les traditions culturelles communes.
Alors, le terme n’a plus de valeur culturelle. Faisant référence à l’héritage de Confucius66, les
Japonais expliquent la faiblesse chinoise contre les agressions extérieures, par le fait qu’ils
n’ont plus la culture du milieu
N’ayant pas de connotation ethnique, tout le monde peut revendiquer son armée et ses
populations diverses, en revendiquant son territoire.
Les populations étant fondamentalement chinoises, il est possible d’affirmer que les
Tibétains sont des Chinois. Mais il est également possible d’infirmer cette affirmation, car les
Han se présentent comme différents des autres populations. Le terme ‘’Hanzu’’ fait référence
à la dynastie des Han, du fait du prestige. De plus, la nation Han se serait formé à ce momentlà.
65
le terme ‘’Cina’’ est utilisé à l’époque Qin par les Indiens
66
5e siècle AE
Mardi 2 décembre 1997
Le terme ‘’Zhongguo’’ désigne le ‘’pays du milieu’’ ou ‘’l’empire du milieu’’. La Chine est
alors perçue dans sa forme impériale.
Le terme ‘’guo’’ désigne un fief, ou la terre donnée par un seigneur à un vassal. Mais, il
signifie aussi pays, Etat ou nation.
Le terme ‘’guo’’ a le mérite de ne pas avoir de connotation ethnique. Il ne renvoie pas à une
population particulière, mais à la dynastie Zhou. Cela facilite l’établissement de liens entre les
habitants. Les Tibétains sont alors des Chinois, si l’on emploie le terme de ‘’Zhongguoren’’.
Entre les 17e et 19e siècles, les Japonais revendiquent la qualité de ‘’Zhongguo’’ pour leur
pays, car ils affirment avoir mieux préservé la culture commune. La culture classique chinoise
a alors une valeur universelle.
On a donc une intégration, dans la Chine actuelle, de populations n’ayant pas la qualité
ethnique, tout en étant citoyens à part entière du pays. Le terme ‘’Zhongguo’’ est comme un
cercle englobant tout ce qui entre dans ce cercle. Les populations périphériques du monde
chinois y sont donc intégrées.
Le terme ‘’Zhongguoren’’ désigne un habitant du ‘’pays du milieu’’. A cause du vocabulaire,
on peut dire qu’il est difficile d’être chinois, car 3 expressions chinoises peuvent être traduites
par le terme ‘’Chinois67’’. De ces 3 termes, le 3e a un sens particulier. Il signale l’appartenance
à l’ethnie Han et fait une nette différence entre les minorités et les Chinois Han.
67
Zhongguoren, Zhonghua minzu ou Hanzu
En 3.000 AE, le territoire de la République populaire est occupé par différents groupes
ethniques. Il y a différentes appellations selon le territoire, mais ils sont appelés Barbares.
Dans les ouvrages anciens, la fusion des populations débouche sur la formation de la
population Huaxia68.
Dés la dynastie des Han, la population issue du mélange a reçu le nom de cette dynastie.
Ainsi, le terme ‘’Hanzu’’ désigne une personne issue des Han. Un tableau simplifie la réalité :
* Nous avons peu de connaissances sur les populations entourant le monde chinois69:
Leur identification pose un problème, car nous ne connaissons pas l’origine et la référence
des termes anciens, aussi bien dans l’Antiquité que dans une époque plus récente.
* Les mouvements de population ont continué avec la dynastie Han : des échanges
culturels et démographiques ont eu lieu avec les populations des steppes et les populations
insulaires.
* Tendance récente : elle consiste à parler de ‘’population majoritaire de Chine’’, de
‘’Han’’. Mais il n’est pas facile de savoir si l’auteur décrit l’ensemble de la population ou
une seule ethnie.
Une réponse plus précise à la question nécessite la reconstitution des étapes du peuplement
du territoire actuel de la République. De toute façon, il est impossible de donner une
définition générale des Chinois de façon sûre. Le fait de pouvoir dire que l’on est Chinois ou
Européen n’existe pas. Sinon, la définition serait partielle et partiale.
L’apport des minorités est une question que l’on se pose en Chine. Pour quelques chercheurs
chinois, la compréhension du taoïsme passe par l’étude de la religion des Yi70. Car cette
minorité aurait mieux préservé les aspects originels de cette religion. Ils seraient alors plus
proches des ancêtres des Chinois et des descendants directs des Chinois.
La diversité actuelle des populations reflète la diversité des histoires. La République
populaire comportant 55 minorités, les autorités ont voulu, dés 1949, officiellement les
intégrer dans la nation. Mais il fallait préserver leur identité. On a alors demandé aux
minorités de formuler une demande de reconnaissance.
Du fait de leur nombre, on a procédé à des regroupements selon des critères de langues,
coutumes, habillement ou localisation. Ainsi, les 300 minorités du Yunnan ont été regroupées
en 24 minorités71.
68
69
70
71
le terme désigne les Chinois à l’époque des Zhou, le terme ‘’Xia’’ faisant référence à la 1ère
dynastie.
les Man, les Yi, etc
province du Yunnan
les Yi sont principalement composés des Lolos, connus des missionnaires aux 19e et 20e
siècles
Il y a donc une divers habitants ayant conscience d’appartenir à la même culture et qui passe,
entre autres, par l’écriture, la philosophie et une conception particulière de l’Histoire.
Chapitre 2
Ecriture et histoire
Introduction
Il n’y a pas 10 % des Han qui maîtrise la langue. L’apparition de l’écriture a permis celle des
documents et marque l’entrée dans l’Histoire. Il existe ainsi des populations vivant dans la
Préhistoire, car elles n’ont pas d’écriture.
En Chine, elle a commencé avec les inscriptions sur os, carapaces de tortues, bronze et
pierre. Les inscriptions en caractères servaient à commenter les événements. Puis, une
chronologie est apparue avec les Annales, qui se composent de séries de dates et
d’événements.
Puis, c’est le tour de l’historiographie. La 1ère grande Histoire de Chine date de Sima Qian,
avec les ‘’Mémoires historiques’’. Cet ouvrage a servi de modèle pour les Histoires officielles
ou dynastiques.
I. L’écriture
A. Généralités
L’apparition de l’écriture est un grand événement de l’aventure humaine. Il existe un ouvrage
qui traite du sujet72. Dans l’état actuel de la documentation, il semble qu’au sud de l’Irak73, il
y ait eu une 1ère pratique de l’écriture. Les plus anciens documents sont Uruks et datent de
3300 AE. L’écriture cunéiforme servaient à la comptabilité des temples.
Les 1ers textes mésempotamiens vraiment compréhensibles datent de 2600-2500 AE. Leurs
homologues chinois datent de 1400-1300 AE. Il existe donc un retard sur l’Egypte.
Les Sumériens sont les 1ers inventeurs de l’écriture et les Assyriens disent que l’écriture est
partie de Mésempotamie. Le 1er système d’écriture est idéographie, avant de devenir
alphabétique.
Le système chinois a ses propres avantages. Selon certains, l’écriture remonte jusqu’aux
ficelles nouées des anciens Chinois. Pour d’autres, elle remonterait aux encoches gravées sur
des bâtons. Ces méthodes seraient des moyens mnémotechniques.
L’écriture marque une volonté de message et repose sur un système complet de transmission
de l’ensemble des messages. C’est un corps organisé et réglementé de signes et de symboles.
L’usager peut alors fixer ce qu’il pense ou ce qu’il ressent.
B. L’écriture chinoise
On distingue le ‘’wenyan’’ de l’écriture traditionnelle. Le ‘’wenyan’’ serait une langue
graphique, mais écrite, distincte de la langue parlée. La langue actuellement écrite en Chine ne
correspond pas vraiment à la langue parlée, mais elle se veut la transcription la plus fidèle
possible.
Si on se limite à l’écriture, elle est la plus originale. Elle est même unique au monde. Il y a 3
raisons à cela :
* ce n’est pas la plus ancienne, mais elle est remarquable : née vers le 2e millénaire AE,
elle est codifiée vers 1500 AE. Constituée en un ensemble cohérent, entre 200 AE et 200.
Elle est sensiblement la même que celle utilisée par les Chinois aujourd’hui.
Mais la prononciation des différents caractères et la structure grammaticale est différente. De
plus, il y a eu de nombreuses réformes, la dernière datant des années 1950. L’abandon des
caractères pour un alphabet a été envisagé dans les années 1920, sous l’influence de
l’Occident.
Le projet a cependant été abandonné, car les caractères de l’écriture chinoise contribuent à
l’unité linguistique du monde Han. De plus, elle est fidèle à ses origines.
72
‘’Histoire de l’écriture’’ par Jean-Louis Calvet (1996, Plon)
73
dans l’antique Sumer
* caractère universel de l’écriture : elle n’est pas limitée à la transcription d’une seule
langue. C’est un support unique à la langue parlée par les Chinois. D’autres langues, ayant
d’autres structures grammaticales, sont fondées sur les caractères chinois74. Dés le 8e siècle,
des syllabaires sont crées à partir des caractères chinois.
* jusque dans les années 1920, les langues écrite et parlée sont séparées par un âbime :
cela découle de l’universalité de cette écriture, qui est l’unique instrument de
communication inter-ethnique, en dehors des multiples langues parlées. La vitalité de ces
mêmes langues parlées est dûe à la souplesse de l’écriture chinoise.
C. Apparition de l’écriture en Chine
La 1ère apparition date des inscriptions oraculaires sur os ou sur écailles de tortues75. La
pratique divinatoire vient de la culture néolithique de Fuhe76. On y a découvert des os
d’animaux préparés pour la divination.
Mais, c’est à partir de la culture Qijia77, que la pratique s’est répandue à travers la Chine.
Puis, la technique utilisée sera perfectionnée sous la dynastie Shang. Les os, les écailles et les
plastrons de tortue78 serviront de support pour les inscriptions.
La technique consiste à chauffer le matériel, de façon à ce que des craquelures apparaissent.
Elles serviront alors de base pour les interprétations. Lors de la préparation dudit matériel, une
aiguille chauffée sera appliquée sur un point évidé. Ce sont les craquelures situées sur ces
points, qui seront interprétées.
C’était particulièrement le cas du caractère ‘’bu’’ qui signifie divination. Il désignait le
travail du devin, dans sa forme la plus personnelle.
Vers 143 AE, il était d’usage de consigner un bref mémorandum de l’opération, avec l’objet
et le résultat79. Les questions qui revenaient le plus souvent concernaient les ancêtres, les
74
Coréen, Japonais ou Vietnamien, juqu’au 16e siècle
75
dés la dynastie Shang
76
Liaoning, 3550-3250 AE
77
au Gansu
78
Jiaguwen
79
occasion, but et résultat
sacrifices, les guerres, la pluie, la chasse et les récoltes. La principale source d’informations
sur la vie au temps des Shang se trouve dans les archives de la maison royale des Shang.
Mardi 9 décembre 1997
Les 1ers spécimens d’inscriptions ont été découverts dans une pharmacie de Pékin, qui vendait
des os fossiles80. Tirés du sol, le pharmacien les réduit en poudre pour en faire des
médicaments.
Un lettré chinois a découvert des inscriptions sur os et sur carapaces de tortue. Les Chinois
de l’époque Song collectionnent aussi les bronzes, notamment ceux comportant des
inscriptions. Des ‘’jiaguwen’’ ont été découverts lors d’un repérage au Henan, à proximité
d’Anyang81. Cette ville a été la capitale de la dynastie des Shang Yin82.
Les os et les carapaces de tortue sont les archives de la dynastie des Shang Yin. Les os
oraculaires servent à une pratique divinatoire destinée à la prise de décision. Consulter les
oracles revient à consulter les esprits, et donc à limiter les sacrifices aux ancêtres. Les devins
ou chamanes sont des spécialistes et il est alors possible de parler de société chamanique.
Ces pratiques sont de la divination et de la sorcellerie. Tout l’art consiste à poser la question,
de façon à avoir la réponse souhaitée. Les inscriptions permettent de garder les pratiques en
mémoire, afin d’en faire un recueil de divination. Ce sont là, des traces d’écriture.
L’école Van Der Mercht pense que l’écriture a une origine religieuse, mais il y a 2 écoles :
80
ce sont des empreintes d’animaux pris pris dans les roches
81
sur le site de Xiaotun
82
14e-11e siècles AE
* l’écriture serait brusquement apparue : comme si elle était due à un génie
* l’écriture serait apparue en plusieurs étapes : les inscriptions sur os et écailles sont un
dérivé simplifié de représentations plus ou moins réalistes. Elle a évolué avec les
transcriptions, qui ont été la 1èere découverte du ‘’Jiaguwen’’. En 80 ans, ce sont près de
100.000 pièces, presque toutes fragmentaires, qui ont été découvertes.
Les découvertes sont à l’origine de la publication de 13 volumes, reproduisant les
inscriptions et leur transcription. Ces 13 volumes renferment 41.956 pièces répertoriés et
4.672 graphies, dont 1.726 ont été déchiffrées.
Les textes sont très laconiques et les formules sont stéréotypées83. Le style de l’écriture est
celui des devins et la langue semble inchangée, que ce soit la syntaxe ou le lexique.
Selon Van Der Merchrt, l’écriture est une invention divine. La langue graphique est
différente de la langue parlée. Le génie divin a consisté à ne pas chercher à accorder les
langues écrite et parlée.
Les formules divinatoires sont des théories. Dans la Chine archaïque, les scribes étaient les
spécialistes de l’écriture, la langue graphique étant l’ultime développement de la langue
divinatoire84. Tout comme les devins, ils étaient désignés par le caractère ‘’shi’’.
La vie du souverain est rythmée par des cérémonies destinées à l’assister dans le
gouvernement et dans l’orientation politique85. Le but est de prévenir les catastrophes et les
conditions.
En tout cas, l’apparition de l’écriture reste un mystère et il existe 2 théories :
* les trigrammes86 seraient à l’origine de son invention : c’est une combinaison de traits
pleins et de traits brisés et noués87. L’invention des trigrammes serait due à Cang Jie88 ou à
Huangdi ou à Fuxi. En tout cas, il faut retenir qu’il y a corrélation entre langue graphique et
divination.
* l’observation des traces de pattes des mamifères dans le sol serait à l’origine de son
invention : la graphie est alors la trace écrite des choses. L’invention d’un système de
cordelettes a permis la création d’un procédé nmémotechnique.
par exemple, le but du sacrifice, avec le nom de l’ancêtre, le type de sacrifice et une
graphie positive ou négative
84
les questions portent sur les récoltes, les rituels, etc
83
85
les questions portent sur le climat, les jours fastes ou néfastes, etc
86
‘’bagua’’
87
par exemple, 2 pleins et 1 brisé.
88
soeur de Huangdi
Trois inventions ont été imaginées pour permettre de servir et gouverner l’univers. Selon Xu
Shen89, les responsabilités devraient être accordées selon l’aptitude à se servir de la langue
graphique.
Les 1ers signes sont des pictogrammes ou des combinaisons de pictogrammes, stylisés dans
des caractères simples. L’écriture chinoise est fondée sur la pictographie ou sur l’idéographie.
Il y a même des caractères phonétiques, dont voici un exemple ci-dessous :
* Yang : cette clé a différents sens, avec la même prononciation. Ainsi,
prononcent tous deux au 2e ton, mais leur sens est différent90.
Ñò
et
Ñó
se
Il existe un autre problème, lorsque le dictionnaire chinois n’a pas de transcription. La
recherche des caractères s’effectue alors par combinaison de 2 autres. Voici 2 exemples :
* ¹¤ +
¹Å = ºì
Êé + ¾Å = ÊÖ
*
Il a alors été envisagé de créer des caractères, selon une référence à la phonétique. La langue
aurait pu devenir phonétique, mais elle supposerait une connaissance préalable de l’ensemble
des caractères.
Des caractères datant de la dynastie Han ont été trouvés, en tant qu’inscriptions sur os et sur
carapace. Ceux-ci sont déjà plus détaillés.
Plusieurs systèmes auraient pu être issus du ‘’Jiaguwen’’, et utilisés dans le monde chinois.
Mais, Qin Shihuangdi a, entre autres, unifié l’écriture.
En tout cas, il existe d’autres étapes, où l’écriture est plus courante :
* autres supports
* lamelles de bois et de bambou91
D. La réforme de l’écriture sous Qin Shihuangdi et ses conséquences
Li Si est le conseiller de Qin Shihuangdi. Il propose une réforme de l’écriture. Le nombre de
caractères va considérablement diminuer et ceux qui restent vont être restructurés.
Cette réforme date du 3e siècle AE. Le problème est que les caractères éliminés doivent être
remplacés. La reécriture des textes anciens les a sûrement altérés, sans oublier les erreurs de
89
‘’inventeur’’ du 1er dictionnaire en l’an 100
90
le premier signifie ‘’mouton’’ ou ‘’chèvre’’, tandis que le second signifie ‘’océan’’
les dates ne sont pas précises. On suppose qu’elles datent de 1000 AE
91
copie. D’où des textes au sens totalement différent, sans compter la perte de la valeur
figurative du caractère.
Par conséquent, à part les inscriptions sur bronze et sur pierre, les versions des plus anciens
textes ne sont pas rédigés dans leur écriture d’origine. D’où, des débats entre 2 écoles
philosophiques :
* partisans du ‘’guwen’’
* partisans du ‘’jinwen’’
Qin Shihuangdi, outre la réforme de l’écriture, fait incendier les livres92 autres que ceux
concernant la pharmacopée, l’agriculture et la médecine. L’objectif est de couper les liens
avec le passé culturel, afin que le peuple ne se souvienne que de la dynastie Qin.
L’une des 1ères mesures des Han sera alors de reconstituer les textes détruits et surtout les
Classiques, notamment vers la fin du règne de Wudi93.
En voulant abattre la demeure de Confucius, le prince de Lü a découvert des anciens écrits
sur les murs. Cela pose alors le problème de la survie et de la transmission des textes, avant le
3e siècle AE. C’est principalement le cas du ‘’Shujing’’, ouvrage de base de la culture des
lettrés.
Ecrit en ‘’guwen’’, le texte a été reconstitué en ‘’jinwen’’, après récitation par un vieux lettré
aveugle. Les partisans du ‘’guwen’’ et du ‘’jinwen’’ affirment tous que la version concurrente
est fausse et que la leur est la plus fiable.
Le problème réside dans la compréhension de Confucius dans sa version en ‘’guwen’’. La
pureté du texte est contestable, car les plus anciens textes datent des Han. Ils posent donc un
problème d’authenticité et de fiabilité à l’original. Les textes en ‘’jinwen’’ sont-ils conformes
aux manuscrits ?
Les Annales ‘’Chunqiu’’ sont une chronologie. Le nom séparé du commentaire a un sens et
c’est un choix évident.
Contrairement à la langue parlée, la langue écrite n’a pas changé. D’où, un certain
éloignement. L’écriture simplifiée date de 1958. Bien que toujours pas acceptée par les
calligraphes, son sort est bien meilleur que celui de la réforme des années 1970.
Cette réforme a rencontré un refus général, car l’éloignement par rapport à l’écriture
originale était trop grand. Le caractère n’avait alors, plus aucun sens.
92
213 AE
93
141-87 AE
Mardi 16 décembre 1997
E. Langue écrite et langues parlées
L’écriture chinoise n’est pas unificatrice du point de vue parlé, car depuis longtemps, il
existe en Chine de très nombreux dialectes94. La difficulté réside aussi dans les subdivisions à
l’intérieur d’un dialecte. Officiellement, les experts estiment que seuls 10 % de la population
de la population Han maîtrise bien le ‘’Putonghua’’.
L’écriture chinoise est unificatrice dans l’administration, la politique et l’éducation. Car
quelle que soit le dialecte d’origine des Han, l’écriture ne change guère. Les 3 principaux
critères choisis par les autorités pour définir le ‘’Guoyu’’ sont les suivants :
* prononciation des caractères des Pékinois
* vocabulaire correspondant à celui des langues parlées du Nord
* grammaire correspondant à celle des ouvrages de ‘’baihua’’
94
par exemple, le Hu au sud du Changjiang ou le Minnanhua, au Fujian
II. Les sources de l’histoire chinoise
A. Les premiers documents écrits
1. Oracles et jiaguwen
Les 1ers documents écrits dont on dispose datent de la fin de la dynastie des Shang95 et
correspondent aux ‘’jiaguwen’’. Ce sont des textes qui permettent d’étudier la vie sous les
Shang. Le ‘’jiaguwen’’ est généralement composé de caractères laconiques, au nombre de 3
ou 4, rarement plus de 50. C’est à cette époque que les scribes vont devenir archivistes et
annalistes96. D’autre part, les supports utilisés modifient l’écriture, qui n’est plus seulement
inscrite sur les os auraculaires ; avec le début des inscriptions sur bronze et sur pierre.
2. Insciptions sur bronze et autres supports
Depuis cette époque, le bronze sert à la fabrication d’ustensiles rituels, sur lesquels
apparaissent différentes formules, qui relatent les événements importants du royaume. On peut
citer la capture de prisonniers ou les traités.
B. Les premiers livres historiques
1. Les anciennes annales
Les 1ers livres de l’histoire chinoise sont sous la forme d’annales, qui existent depuis les
Shang. Au début des Zhou, les notations divinatoires ne sont plus gravées, mais inscrites sur
des lamelles encordées.
Ces archives constituent la forme la plus ancienne de l’historiographie chinoise. Elles ont
imprimé à celle-ci, dés les origines, ses caractéristiques essentielles :
* lien avec l’acte politique
* aspect de science des précédents
95
14e-11e siècles AE
96
rédacteurs d’annales
La divination porte en effet sur toutes les actions qui sont en rapport avec la fonction
royale97. Déjà très complexe et comptant près de 5.000 caractères différents98, cette écriture
archaïque couvre la plupart des principes de formation qui devaient permettre les
développements ultérieurs. A côté des signes simples99 figurent déjà des signes employés en
association100, pour leur valeur phonétique, indépendamment de leur sens originel
Mais la plupart des textes des Shang et des Zhou ont disparu. Les plus connus restent le
‘’Chunqiu’’ ou ‘’Annales des Printemps et Automnes, qui racontent les heurts et les malheurs
de Lü101. Sa rédaction fut longtemps attribuée à Confucius qui l’a retranscrit et y a apporté une
valeur morale.
D’autres annales datant environ du 5e siècle AE ont été découvertes plus tard, dans des
tombes situées au Hubei102. Celles-ci ont livré des tablettes de bambou, des recueils ou des
annales. Mais l’autodafé de 213 AE a posé des problèmes de reconstitution.
2. Les Classiques, Shujing et Shijing
Le Shijing est un recueil de poésie datant de la dynastie Zhou, qui traite d’événements de
divination. Les lettrés devaient connaître ses textes par coeur, car ils constituaient la base de
leur formation.
3. Le livre et l’invention du papier
Le papier a été inventé à partir du papier de soie, qui date du 1er siècle AE. Ce dernier est
lisse et léger, mais il s’avère très coûteux à fabriquer. Cai Lun a amélioré ce procédé en
utilisant l’écorce d’arbre et des chiffons. C’est à lui que l’on attribue l’invention du papier.
Les 1ers livres apparaissent au cours des 3e et 5e siècles. Ainsi, au fur et à mesure, les écrits sur
soie et sur bambou sont remplacés par des rouleaux de papier. Par la généralisation de son
utilisation, le papier a été transporté jusqu’en Europe, par l’intermédiaire des Arabes. La 1ere
papeterie d’Europe se trouve en Espagne, autour de 1150.
La conséquence directe est alors la faiblesse des coûts de fabrication, ce qui a permis une
plus grande diffusion dans la population.
97
par exemple, le culte des ancêtres, les expéditions militaires, l’agriculture, la météorologie,
les maladies, les voyages, les rêves.
98
dont 1.500 ont été interprétés de façon sûre
99
ou wen
100
ou zi
101
722-481 AE
102
tombes Qin et Han
III. Les historiens sous les Han et l’histoire officielle
A. Sima Qian103 et les Mémoires historiques
Il est considéré comme l’un des plus grands historiens chinois, et certainement le plus
ancien, à travers ses ‘’Mémoires historiques’’. Sima Qian a passé sa jeunesse à la campagne.
A 10 ans, il connaissait déjà tous les textes classiques et à 20 ans, il découvrait le monde à
travers ses voyages104.
Mardi 6 janvier 1997
Sima Qian vit à l’époque de Han Wudi. Selon la biographie située dans les Mémoires, l’idée
d’un tel ouvrage revient à Sima Tan, père de l’auteur. Sima Tan est astrologue et pratique la
divination. Son titre officiel est celui de ‘’Duc grand astrologue ou grand historiographe à la
Cour des Han’’. Il occupe sa fonction auprès de Wudi, entre 140 et 110. Sima Qian occupe le
poste dés 104 AE105.
Le projet de Sima Qian est d’écrire l’histoire de la Chine, depuis les origines jusqu’à son
époque. Il recueille alors les documents nécessaires106 à la rédaction de son ouvrage.
L’objectif est de redonner du prestige à la fonction de grand astrologue. Il fait alors la
séparation entre les fonctions d’astrologue et d’historien.
Un événement démontre son ardeur : il prend la défense d’un général Xiongnü qui menaçait
les frontières. Les forces Xiongnü étaient plus ou moins importantes et la bataille a débouché
sur la capitulation du général, sous peine de mort de ses hommes.
103
145-90 ou 87 AE
104
il est ainsi comparé à Hérodote et à Thycydide
son père meurt en 110 AE
105
106
chronologies, ouvrages philosophiques et documents issus de la Cour
Prenant la défense du général, Sima Qian est jugé et condamné à la castration. 2 portes de
sortie s’offrent alors à lui :
* le suicide
* le rachat de sa peine
Le choix de la seconde solution est impossible car il n’est pas riche. Il écrit alors une lettre
de justification. La volonté de laisser quelque chose à la postérité le pousse à poursuivre son
oeuvre. En contrepartie, Sima Qian critique l’oeuvre et l’attitude de l’empereur.
La forme des Mémoires est une rupture radicale par rapport au passé. L’ouvrage a
partiellement été traduit par Edouard Chavannes. Sima Qian est présenté comme opposé aux
ouvrages historiques, à cause des préjugés de son époque. Il est actuellement comparé à
Hérodote.
L’entreprise est ambitieuse car la période couverte se situe entre 3.000 et 100 AE. Deux
caractéristiques soulignent cette ambition :
* diversité des sujets traités107
* étendue des territoires considérés108
Les 130 chapitres sont répartis sur 6 sections :
* Annales principales ou chronologie dynastique
* Tableaux chronologiques
* Traités ou mémoires touchant les rituels, les institutions ou l’économie
* Maisons héréditaires109
* Biographies des hautes personnalités110
* Monographies111
L’ensemble de l’ouvrage est une source inépuisable de renseignements sur la période
couverte. C’est la base des connaissances actuelles. Des attaques sont dirigées contre
l’empereur Wu. L’absence de biographie est-elle due à la censure ? Selon Jean Lévy, la
biographie n’aurait jamais existé.
D’où, l’importance du non-dit dans une oeuvre. Sima Qian rejette cet empereur. La critique
de Wudi est perceptible dans certaines parties de l’ouvrage. Wudi se serait remis entre les
mains des voyants. Selon Jean Lévy, Sima Qian aurait fait le portrait de Wudi à travers celui
107
chronologie sous forme d’annales, histoires culturelle, économique, sociale et religieuse
description de la Chine et des voisins, notamment des tribus du Sud-Ouest, du Nord-Est et
du Nord
109
c’est notamment le cas des aristocrates
108
110
empereurs, fonctionnaires, bandits, etc.
111
partie la plus vivante et la plus riche de l’ouvrage
de Qin Shihuangdi, car il n’avait pas de documents de Han Wudi sous la main. Il disposait
cependant de ceux concernant Qin Shihuangdi. Or sous les Han, Qin Shihuangdi est perçu
comme un monstre absolu.
Sima Qian décrit sa tâche comme noble, dont l’objet n’est pas de conter, mais de faire une
oeuvre d’historien. Cette oeuvre est donc le résultat d’un très long travail de recherche. Les
documents, regroupés et triés ont également été critiqués.
Les documents sont introduits tels quels dans les Mémoires. La reproduction de passages du
Shujing permet un parallèle entre 2 sources. Il a travaillé sur des documents qui ont
maintenant disparu.
Les Mémoires sont une anthologie des écrits des époques antérieures. L’intervention de
l’auteur réside dans la sélection des documents. Certains ouvrages ne sont actuellement
connus que grâce à leur mention dans son ouvrage. Il y inclue également des réflexions
personnelles, dont l’objectif est d’éviter l’oubli de ceux qui se sont distingués. Les Mémoires
ont ainsi entretenu l’imagination des conteurs.
L’originalité des Mémoires réside dans la 6e section, qui traite des populations étrangères, de
leurs us et coutumes, du cérémonial de la Cour ou du réglement vestimentaire. Celle-ci traite
encore de l’agriculture, du calendrier ou de l’astronomie.
Les aspects de la condition humaine sont donc directement décrits ou à travers des personnes
remarquables. Les successeurs de Sima Qian reprendront le plan de son ouvrage et le
reproduiront. Mais les ouvrages étant commandités par les empereurs, leurs auteurs n’avaient
pas la même liberté de ton.
B. Ban Gu112 et le Livre des Han
Les reproches formulés à sont encontre sont les suivants :
* supériorité du taoïsme par rapport au confucianisme
* exaltation des brigands et des chevaliers errants
* mépris supposé des pauvres113
Ban Gu est une personnalité qui a été choisie pour ses talents littéraires. Il se voit ainsi
confier la rédaction de l’histoire des Han antérieurs114. Cette 1ère histoire dynastique a été
écrite à la fin de la dynastie.
C. Les 25 Histoires dynastiques
112
32-92
113
la pauvreté ne favorise pas la liberté. S’il avait été riche, il aurait pu racheter sa peine
114
Hanshu, 206-104 AE
Le Hanshu représente 4 livres115 qui représentent des centaines de chapitres. La dynastie,
fondée par Gaozu116, se termine à la mort de Wang Mang117. Le plan comporte 4 sections :
* Annales de la dynastie
* Tableaux présentant nobles et hauts dignitaires
* Traités118
Ban Gu s’est appuyé sur Sima Qian et des ouvrages qui ont disparu. Ce sont donc des textes
anthologiques. Ban Gu travaillera jusque 177 AE. Les Mémoires des Han du Pavillon de
l’Ouest est un ouvrage collectif, qui est à la base du Hou Hanshu.
Dés les Tang, la dynastie régnante écrit l’histoire de la dynastie antérieure. Leur travail est
donc souvent utilisé par la dynastie suivante. L’inconvénient est que la dynastie régnante
renverse la précédente et écrit son histoire.
Les Qing n’appartenant à l’ethnie Han, les lettrés Ming et Han ont dû écrire l’histoire des
Ming. Les limites résident alors dans l’absence de critiques sur les populations des steppes. Il
y a donc une orientation des faits.
L’histoire dynastique des Song est la plus considérable. Ses 496 livres comportent de
nouvelles sections119.
Ces histoires sont utiles aux fonctionnaires, car elles ont plusieurs qualités :
* modèle de conduite
* modèle de gouvernement
* renseignements pratiques120
Les histoires dynastiques sont l’encyclopédie du savoir d’une époque. Elles sont donc une
source d’information sur l’histoire chinoise. Dés le 7e siècle, apparaît une synthèse de
l’histoire. Celle-ci est donc couverte sur une longue période.
Sima Guang121 succède à Sima Qian. Il revoit l’histoire de l’art guerrier. On trouve aussi des
ouvrages historiques, des collections de textes politiques et philosophiques.
115
Shiji, Hanshu, Hou Hanshu et Sanguoce
116
206-195 AE
117
9-23
118
rites, musique, astrologie, bibliographie, biographie, monographie
par exemple, sur les animaux, les plantes, la cartographie, la linguistique ou l’archéologie
119
120
par exemple, la bureaucratie, comment monter en carrière, une partie cartographie, une
partie agriculture
121
1019-1087
Conclusion : la conception chinoise de l’histoire
On dispose de beaucoup de matériel et de découvertes archéologiques, comme des os
auriculaires Shang. Une vraie continuité de l’historiographie chinoise démontre l’attachement
des Chinois à leur histoire.
Cela représente de réels inconvénients car la continuité implique une conception d’une
histoire continue ou de la continuité de l’histoire. La dynastie est personnifiée par l’empereur.
Une période de décadence est donc souvent suivie du renversement.
Mais si l’idée est que l’une des conceptions de l’histoire chinoise est liée à l’idée que les
écrivains ont du mandat céleste, c’est un piège. Car c’est une conception particulière de
l’histoire, qui survit par ce qui est contraire à ce sens.
Chaque dynastie a la particularité de vouloir faire remonter au plus loin, les événements de
l’époque pour faire référence au passé.
Cette attitude est dénoncée par Wang Fuzhi, qui met en garde contre l’anachronisme122. Il ne
faut pas se représenter le passé à l’image du présent. Les lettrés des différents siècles
connaissent le barrage philosophique par rapport aux ancêtres. D’où la question : ‘’Est-il
possible de retourner à une doctrine pure ?’’. La réponse est : ‘’Non, car l’histoire est écrite
par les autres’’.
Chapitre 3
L’empire et la construction de l’Etat chinois
Introduction
Il s’agit d’analyser le développement du pouvoir en Chine, selon la succession des
souverains, comme dans les Histoires dynastiques. Il y a 2 choses essentielles :
122
événement qui n’est pas remis à sa date, qui est placé à une époque différente de celle où il
a eu lieu
* un Etat aux rouages administratifs progressivement mis en place
* un souverain idéal, tel que les lettrés ont voulu le définir
Le souverain idéal est celui dont le règne se caractérise par la paix sous le ciel. Cet Etat idéal
est basé sur 3 fondements idéologiques :
* le légisme
* le confucianisme
* le taoïsme
Mardi 13 janvier 1997
La succession des dynasties représente le cadre de l’histoire chinoise, avec la présence de 2
éléments :
* des rouages administratifs
* un souverain idéal, selon les lettrés
On se pose maintenant la question de savoir si ce souverain était vraiment idéal ou alors s’il
l’était par rapport à la tradition.
Le doute est permis à travers les portraits des histoires dynastiques. Le souverain était cruel.
Le prototype en est Qin Shihuangdi. Il faut alors en cerner la personnalité pour mieux le
connaître. Mao est très souvent comparé à Qin Shihuangdi. Mais celui-ci participe à la
construction d’une figure de souverain idéal, car il fait régner la paix sous le ciel.
L’examen des faits montre que le pouvoir est toujours remis en cause par :
* les hommes présents comme usurpateurs123
* les mécontents et les ambitieux
* les révoltes populaires124
Les longues périodes de paix favorisent la prospérité de culturelle et l’extension de l’empire
chinois. Mais il existe aussi des périodes d’anarchie et de chaos.
L’absence de pouvoir fort entraînant le chaos est une vision caricaturale. Il ne faut pas
oublier que la vision du pouvoir chinois a été construite. Elle n’a pas correspondu à la réalité,
pendant des siècles. Il faut marquer les étapes de la construction du pouvoir et de celle de
l’idéal du pouvoir.
I. L’organisation du pouvoir avant la fondation de l’empire125
A. Les Shang entre vision traditionnelle et révision archéologique
Les Shang ont longtemps représenté une vision traditionnelle, révisée par l’archéologie.
Cette vision traditionnelle avait prévalu jusque maintenant, à travers les sources historiques.
Les auteurs s’opposaient sur la nature des groupes composant la société Shang. Selon
l’auteur sino-américain Chang Kwang Chih, la société Shang est composée de clans. Pour
Van der Mercht, le clan est une maison héréditaire, datant de l’époque des Zhou.
En comparaison avec la période du Néolithique, la société Shang se caractérise par une
différenciation accentuée des catégories sociales. La parenté a un rôle essentiel. Elle fixe la
hiérarchie sociale, qui dépend de la position du clan auquel l’on appartient.
Le clan se définit comme un groupe de personnes liées par un ancêtre commun. La hiérarchie
du clan est proportionnelle à l’installation. Le temps fixe l’élevation dans la hiérarchie.
Chaque clan a son emblème, qui se retrouve dans les poteries et les bronzes Shang.
Ces emblèmes représentent des êtres humains occupés aux activités du clan, des outils ou
des enclos d’animaux. La spécificité du clan réside dans un ancêtre commun et l’exercice des
mêmes activités. Ce sont donc des corporations126.
123
ce sont des concurrents du vrai souverain
124
cela pose la question de savoir dans quelle mesure elles sont dirigées contre les souverains
125
périodes Shang et Zhou
Ces clans sont groupés dans des localités particulières. Les chefs sont occupés par la guerre,
la chasse et l’organisation des sacrifices, tant humains qu’animaux. Ces chefs appartiennent à
une catégorie privilégiée, propriétaire d’armes en bronze, qui leur donnent une force accrue.
Cette force leur permet de dominer les manants et la population non-Han. Le pouvoir audessus du clan est la maison royale, qui est le centre de la structure. Les caractéristiques de la
royauté sont les suivantes :
* la maison royale n’a pas de lieu fixe : le site de la maison royale détermine la capitale.
Des fouilles ont attesté du déplacement des capitales. Peut-être pour se rapprocher des
mines de cuivres, qui permet la fabrication du bronze.
* les rois vivent de la même façon que les chefs de clans : le pillage leur permet de se
procurer des biens utiles.
* le 1er cercle : les villes situées autour de la capitale sont aux mains des parents du roi
* le 2e cercle : les régions contrôlées par les autres populations subordonnées ou alliées
* le 3e cercle : les populations étrangères ou démoniaques
Les capitales et les villes sont des centres politiques qui ne sont pas très peuplés. Il existe des
quartiers de palais où résident les nobles et d’autres, avec des ateliers d’artisanat.
Deux questions se posent :
* D’où venaient-ils ? : cette société hiérarchisée est le résultat de conquêtes ou d’une lente
évolution. En cas de conquête, les souverains Shang et les clans alliés sont des
conquérants. En cas de longue évolution, il y a eu une fusion progressive des populations.
Il y a donc eu une fusion ethnique ou un processus historique.
* Qu’est-ce qui peut expliquer le développement de la société Shang ? : il existe une
certaine continuité entre les cultures Longshan et Shang, qui est due à une longue
évolution127. Le style de vie est cependant identique. Les innovations viennent de la classe
supérieure. Ce sont :
* la céramique : les poteries blanches sont destinées à la classe supérieure, car elles sont
‘’moins grossières’’.
* l’utilisation du bronze pour la fabrication des armes et des vases rituels
* des coutumes élaborées
* des tombes aristocratiques
* l’utilisation de chars
126
127
l’ensemble représente 200-300 groupes
par exemple, les pratiques agricoles, les poteries, le traitement des coquillages
Selon Chang Kwang Chih, pour comprendre les dirigeants, il faut chercher l’origine de la
dynastie. D’autres cultures sont indépendantes de celle des Shang. La thèse affirmant qu’elle
est la dynastie dominante de Chine est donc remise en cause.
C’est pourquoi, les archéologues veulent remplacer le terme ‘’archéologie de Shang’’ par
celui de ‘’archéologie du début de l’ère du bronze’’, car le monopole des Shang n’existe pas.
La dynastie des Zhou est une nouvelle étape. Selon la tradition, les 1ers souverains Zhou
n’incarnent pas le souverain idéal. La définition de celui-ci date de la fin des Zhou et a été
reprise et développée par les Han.
B. Le royaume Zhou et la féodalité chinoise
Il faut faire attention en employant le terme ‘’féodalité. Selon le sens étroit occidental, le
terme définit la période de la dynastie Zhou. C’est-à-dire un système fondé sur des liens
personnels définissant une hiérarchie. La place de chacun dépend de ses liens avec le
souverain. Le roi est le suzerain, le seigneur des seigneurs. Ceux-ci sont liés à leur suzerain
par un pacte.
Le vassal rend service à son suzerain en le protégeant. En échange de quoi, il se voit accorder
un fief ou une terre. Il assiste son suzerain en cas de guerre et le conseille. La population
présente travaille alors comme paysan.
L’évolution à la fin des Zhou consiste en une extrême division, avec des querelles entre les
seigneurs. Le mot ‘’féodal’’ a donc le sens de ‘’division extrême’’. Le royaume est familial et
décentralisé. A l’origine, les Zhou contrôlent un territoire dont une partie est distribuée en
fiefs, aux parents et aux lieutenants.
Autre possibilité, les terres conquises au nom du souverain appartiennent théoriquement au
souverain. Mais en réalité, les fiefs sont héréditaires. Dés lors, en cas de troubles, le souverain
perd le contrôle sur la terre et le pays devient indépendant.
Le pouvoir de l’administration centrale a un caractère proto-bureaucratique. Au sein de
l’administration centrale, les charges ne sont pas héréditaires. Dés lors se développe l’idée que
le souverain choisit un fonctionnaire selon ses compétences.
L’organisation sociale et politique est liée à la possession de terres. Le roi a son propre
domaine qu’il administre directement. Le seigneur reproduit ce même schéma à son échelle.
Au début des Zhou, les terres royales se situent au Shaanxi et au Henan. Les seigneurs
distribuent des terres à leurs propres vasseaux. Ce sont des feudataires loyaux à leur
souverain. Leurs terres représentent des frontières et servent de bouclier à la maison des Zhou.
Le fief consiste souvent en une ville et ses environs. Si la taille est différente, c’est un ‘’guo’’
ou une ‘’principauté’’. Les seigneuries sont donc à l’origine des pays et des Etats, au sein
desquels existe une hiérarchie.
Les autres domaines sont des domaines royaux. Ils sont attribués aux fonctionnaires, à titre
de salaire, pour service dans l’administration royale. Ces terres situées sur le domaine royal
reviennent au roi après la mort dudit fonctionnaire.
Du fait du développement de la population des environs, les Zhou font la distinction, selon
l’organisation. D’où, les points suivants :
* les règles sont applicables aux territoires chinois, même à ceux des feudataires128
* les magistrats perçoivent des terres pour juger les cas de voleurs
L’influence des Zhou s’étend au Shaanxi, au Henan, au Shanxi, au Hebei et au Shandong.
Des échanges existent aussi avec le Jiangsu, et avec le Nord de la région chinoise des Zhou.
L’autorité des souverains conduit le pouvoir royal à arbitrer. Sous les Shang, la domination
s’exerce en terme de culte rendu aux ancêtres de la lignée royale.
Sous les Zhou, le phénomène est de moindre importance, car chaque grand vassal a son culte
ancestral. La longue décadence du pouvoir explique qu’à l’époque des Printemps Automnes,
les Zhou ne détiennent plus qu’un pouvoir nominal. Le souverain symbolise le pouvoir, mais
il n’est pas réel.
On constate un relâchement des liens de vassalité. Auparavant, l’héritier devait se présenter
pour la confirmation de ses droits. Or, à l’époque, le roi doit envoyer des représentants pour la
confirmation. Le souverain est donc un serigneur parmi d’autres. Tout cela prend fin en 256
AE.
Les 1ers rois Zhou129 étaient de parfaits souverains car le peuple vivait heureux, mangeait bien
et était en paix. On pratiquait les vertus confucéennes, définies par rapport aux vertus des rois
Wen et Wu. La vertu d’humanité était alors une vertu civilisatrice.
Une vision plus tardive est celle des penseurs pré-Han. La différence entre les Zhou et les
Qin réside dans l’organisation du pouvoir.
II. La fin de la féodalité et l’empire
Qin Shihuangdi a un idéal d’unité. C’est le vrai fondateur de l’empire chinois ou même, du
pays. Le territoire est plus vaste que celui des Zhou et il va s’étendre. Qin Shihuangdi exerce
un pouvoir fort, teinté de légisme. Son règne coïncide avec le triomphe du légisme.
L’empire est souvent associé avec le triomphe de l’idéologie confucéenne. A la fin des Qin,
l’idéologie légiste existe et elle est reprise. Le confucianisme connaît un renouveau sous les
Han.
128
par exemple, pour la justice pénale.
129
les rois Wen et Wu
A. De la royauté à l’empire, histoire du royaume Qin
1. Les origines du Qin
11. Un des Royaumes combattants
L’Etat Qin s’est développé au nord-ouest du territoire chinois, au coeur de la vallée de la
Wei, à la lisière des terres civilisées. Les Qin sont des barbares dont l’histoire remonte à un
chef militaire qui reçoit en 897, du roi Zhou, un petit apanage. En contrepartie, Feizi doit
fournir des chevaux à la maison royale. Fréquentant les nobles, il est fait duc.
Originaire du Gansu, l’Etat se déplace dans l’Est au Shenxi130 et à Xianyang131. Dans un 1er
temps, l’Etat Qin assure ainsi un service de bouclier avec les populations non-Han de la
frontière septentrionale, les Rong. Il faut dire que ce sont des pilleurs.
La gloire de l’Etat Qin est d’avoir chassé les Rong qui attaquaient la capitale Zhou. La lutte
contre les Rong permet de sécuriser les frontières, sans compter les luttes et les intrigues qui
divisent le pays.
Sur le plan culturel, les Qin sont influencés par les Rong. Le royaume adopte les institutions
et les pratiques des autres royaumes chinois132. Il est alors intégré dans le monde chinois.
L’année 361 AE est celle d’un grand tournant. Le duc de Xiao veut agrandir les terres non
reconnues et demande conseil. C’est là qu’intervient le projet politique et économique de
Shang Yang.
12. Les réformes de Shang Yang133 et les débuts du légisme
Le but est d’accroître la puissance de l’Etat. Les réformes doivent renforcer la puissance des
Qin pour se faire respecter et dominer l’ensemble des territoires chinois. Shang Yang, ministre
de Qin, applique ses idées de réformes.
Selon Jean Lévy, Shang Yang a élaboré la 1ere théorie scientifique de manipulation des
masses et l’a appliquée. Ces réformes sous synthétisées sous le terme de ‘’légisme’’ car elles
s’appuient sur la loi. C’est la dynastie Qin qui en a fait l’usage le plus poussé. Il assied le
pouvoir sur l’application du légisme, même s’il n’est pas le seul à l’appliquer.
130
677 AE
131
390 AE. La ville se nomme actuellement Xi’an
par exemple, la rédaction d’annales
132
133
359 AE
Coupé des seigneurs des seigneurs qui cherchent à s’imposer les uns aux autres, le désordre
règne. Dés lors se pose la question du retour du règne de l’ordre. L’idéal est alors de
reconnaître un souverain.
Pour Shang Yang, le devoir du souverain est de mettre fin aux troubles. Pour cela, il faut
instituer un règlement draconien. Les troubles sont traités avec une clémence excessive. Les
idées du passé ne répondent pas aux dures nécessités du présent.
Le règlement draconien donne une image de la loi naturelle, universelle, nécessaire, juste et
irrémiscibles. Un gouvernement ne cherche pas à se faire aimer du peuple, mais à faire faire
en sorte que toute action contre lui soit impossible.
Shang Yang insiste sur la nature humaine. La 1ere cause de l’évolution historique est l’appétit
humain. Le souverain doit jouer sur des caractéristiques telles que la méchanceté. Le
gouvernement va mettre en place des châtiments et des peines, obligeant l’individu à être
assujetti au pouvoir. D’où, l’utilisation de supplices, comme fondement naturel de l’ordre.
Mardi 20 janvier 1998
L’objectif est d’imprimer une conduite à l’homme pour l’intérêt du pays : il faut le rendre
fort et puissant. Selon la théorie légiste, il faut faire faire à l’homme un travail qu’il déteste et
lui faire faire la guerre joyeusement.
Dans la pensée légiste, la recette de la force gouvernementale réside dans la méthode de la
loi naturelle ou loi pénale. Son excessivité fait son efficacité. La loi est abolie par sa cruauté.
L’emprunt de châtiments redoutés au taoïsme explique l’absence de délit et donc de
l’application des châtiments.
Pour que cela fonctionne, il faut que cela devienne une coutume. La loi doit alors être
appliquée au plus bas niveau134. La délation est encouragée, tandis que la responsabilité est
collective. Si l’un des membres commet un délit, c’est l’ensemble de la famille qui est châtiée.
Selon Shang Yang, l’idéal serait qu’un juge soit dans la tête de chaque citoyen. Les tâches de
police étant assurées par les citoyens, la société fonctionnerait dans l’harmonie. L’ordre
régnant, l’homme travaillerait.
Tout est codifié. Il y a une idéalisation des idéaux du ‘’dao’’. Le prince est le centre d’un
système fonctionnant seul. Le prince pratique la politique du ‘’non-agir’’135. Il est à la juste
place et fait fonctionner le système par sa présence, sans aucune action de sa part.
L’objectif est double :
* développer l’agriculture pour enrichir le pays
* développer les activités économiques nécessaires pour accroître l’effort de guerre
Le but est de s’imposer aux autres royaumes. Le système de Sheng Yang consiste à attacher
l’homme à la terre et à l’enrôler dans les armées Qin. L’ensemble de la nation est constituée
de paysans-soldats soumis à la même discipline. Selon ce principe, l’application des séries de
réformes aboutissent à la puissance accrue des Qin et aux succès de l’empire.
La différence entre le légisme et le confucianisme est que dans le légisme, c’est l’efficacité
qui prime. On abandonne la vertu et l’honneur. L’Etat Qin est un royaume où le légisme
rencontre le plus de succès et est le plus efficace.
Les réformes et les mesures radicales de Shang Yang consiste à supprimer l’ancienne
aristocratie, remplacée par la noblesse militaire. La hiérarchie y est fixée selon les résultats
guerriers, tels que le nombre de têtes coupées au combat.
Le pays est découpé en circonscriptions administratives136 dirigées par des fonctionnaires
nommées, rétribués et destitués par le pouvoir central. Il n’ya donc pas de fief. Les terres sont
cultivées en commun et découpées en propriétés privées individuelles. La destinée de l’empire
est liée à l’existence de petits propriétaires et de petits paysans libres.
Le but de Shang Yang étant de développer l’agriculture, il donne des terres pour démembrer
les grandes propriétés et lier le sort de la dynastie à celui des paysans. Ceux-ci sont libérés
d’une tutelle et de sa pesanteur. Les familles sont alors organisées en groupes collectivement
responsables.
Les déplacements sont soumis à la détention d’un permis. Les inactifs comme les vagabonds
ou les délinquants deviennent esclaves de l’Etat. Les châtiments sont appliqués selon un
134
la famille et le village
135
‘’wu wei’’
30 districts
136
barême, dont l’objectif est la connaissance de la loi. Il existe une liste des délits et des
châtiments qui y sont rattachés. Leur application est alors automatique.
Leur application débute en 359 AE, mais la position de Shang Yang est différente en 338
AE. Le duc de Xiao, son protecteur, meurt. Face à l’inimitié de ses rivaux, il tente de
s’échapper. Il est alors victime de ses propres lois : n’ayant pas de permis lorsqu’il tente de
franchir la frontière pour échapper à ses rivaux, il est renvoyé dans l’Etat Qin et mis à mort
par écartèlement.
Le système de Shang Yang est maintenu après sa mort et il inspire des sentiments
d’admiration et de crainte à ses voisins. L’admiration est dûe au fait que 10 ans après l’arrivée
des Qin au pouvoir, le pays est en paix et sans brigands. Les hommes sont agriculteurs ou
guerriers.
L’idée est que le légisme est fondé sur la loi. Il a été développé par le penseur Han Feizi et Li
Si. Parallèlement à la mise en ordre de l’Etat Qin, les conquêtes se poursuivent dans le but de
réunir les terres chinoises. Voici la chronologie des faits :
* moitié du 4e siècle : application du programme à l’intérieur du pays
* 311 AE
: conquête de l’actuelle province du Sichuan
* 277 AE
: conquête de l’Etat Chu
* 256 AE
: fin officielle des Zhou
* 249 AE
: l’Etat Qin contrôle tout le domaine des Zhou137
L’unification est l’oeuvre du roi Zheng de Qin, futur Qin Shihuangdi.
13. Le roi Zheng138
Il naît en 259 AE, à Handan, capitale du pays de Zhao139. A l’origine, il n’était pas destiné à
devenir roi de Qin. Son père140 rencontre le fils de l’une des concubines d’un héritier
présomptif.
A l’époque, le fils oublié a 2 possibilités :
* il coule des jours heureux
* il vit dans la misère
Zichu est un otage qui rencontre un riche marchand du nom de Lü Buwei. Ce dernier voit un
intérêt à investir sur lui, en distribuant des cadeaux. La situation de Zichu se transforme alors
et il devient héritier présomptif141. Zichu devient roi de Qing et Lü Buwei, son 1er ministre.
137
au Henan
138
règne : 246-221 AE. Puis empereur
139
au Hebei
140
Zichu
Entre-temps, Zichu épouse une ancienne concubine de Lü Buwei. Dés lors Zheng devient le
roi des Qin en 246 AE.
Sa vie est remplie d’actes cruels. En 237 AE, le roi Zheng doit déjouer un complot de sa
mère et de son amant. Celui-ci et sa parenté sont mis à mort, tout comme les 2 fils de la reine.
Accusé de complicité, Lü Buwei est condamné à mort. Mais sa peine est commuée en
démission pour services rendus. La mère est reniée et abandonnée. Il ne lui pardonnera
qu’après l’intervention de 28 personnes, sachant que les 27 précédentes sont mortes dans une
marmite d’eau bouillante. Quant à Lü Buwei, il s’empoisonne.
Suite à la disparition de Lü Buwei, Li Si142 issu de sa suite, fait une ascenscion fulgurante. Il
reprend l’idée de Han Feizi et le pousse au suicide. Dés 234 AE, Li Si accroît la puissance et
la richesse de l’Etat Qin, qu’il considère comme l’oeuvre de sa vie. Les princes réagissent
alors par une tentative d’assassinat.
En 230-221 AE, l’Etat Qin conquiert les 6 autres royaumes et le roi Zheng devient empereur,
sous le nom de Huangdi ou ‘’Premier empereur de Qin’’.
2. Qin Shihuangdi, le premier empereur143
Il faut avant tout, définir le terme ‘’Huangdi’’. Avant Qin Shihuangdi, le titre était celui de
roi. Le roi Zheng veut inaugurer une époque radicalement différente, d’où l’importance des
noms. Il choisit alors une appelation très prestigieuse de ‘’Huangdi’’. Il veut donc être
considéré comme le fondateur de la civilisation chinoise et se veut le 1er d’une série de 10.000
empereurs.
Les historiens présentent Qin Shihuangdi comme un souverain différent de ses prédécesseurs
par sa personnalité. Il marque la civilisation chinoise par la fondation de la nation chinoise.
Auparavant, la Chine n’existait pas. Le territoire chinois était habité par de nombreuses tribus,
les Chinois étant l’une d’entre elles.
La dynastie est éphémère, mais elle a donné son unité et un idéal d’unité à la Chine. Ses
prédécesseurs était des chefs de clan et il est empereur. Le portrait dressé par les Han n’est pas
flatteur. En fait, il y a 2 catégories de portrait :
* des mesures couvertes pour accroître l’unité de l’empire
* marques d’un caractère excessivement cruel et tyrannique
Le problème réside dans les sources Han et les propos des principautés. D’autres lettrés
confucéens n’approuvent pas l’incendie des livres de 213 AE et la mise à mort de 460 lettrés.
141
250-247 AE
142
?-208 AE
143
221-210 AE
On ne sait si ce dernier acte est réel. L’objectif aurait pu être de charger le portrait de Qin
Shihuangdi.
Les conquêtes étant achevées, Qin Shihuangdi consolide l’unité de l’empire par l’extension
et la rationalisation des réformes de Shang Yang, appliquées dans tout l’empire.
B. Le légisme ou école des lois sous le premier empire
Les légistes sont des théoriciens du pouvoir aux tendances très diverses. Certains sont
proches du taoïsme, d’autres sont confucéens au moistes144. Leur point commun est la
conviction que seul l’autoritarisme peut mettre fin au désordre et faire régner l’harmonie.
Shang Yang et Han Feizi prônent une politique réaliste. Il faut oublier la vertu pour être plus
efficace. Leurs mesures sont immorales, machiavéliques et touchent au collectivisme.
1. Han Feizi145
Il systématise les idées de Shang Yang pour faire comprendre que les supplices sont
irrémiscibles. Il affiche alors les peines. Tout opposant au nom ou à l’entité doit être éliminé.
Une divergence apparaît sur le rôle de l’intelligence dans le gouvernement des hommes.
Pour Shang Yang, l’intelligence est bannie. Les sages sont inutiles car ils représentent un
danger pour l’harmonie sociale. Ils déstabilisent les bases de la société.
Pour Han Feizi, l’Etat a besoin d’une courroie de transmission avec le peuple. Celui-ci étant
pris en charge par un corps de fonctionnaires ayant des capacités intellectuelles et des
connaissances. Leur tâche consistera à exécuter les ordres et à appliquer les lois.
Han Feizi sait que les fonctionnaires sont puissants et représentent un danger pour le prince.
C’est pourquoi, en plus de la loi, Han Feizi imagine un système de contrôle et de surveillance
pour protéger le souverain contre les fonctionnaires réprimant le peuple.
La théorie de Han Feizi est cynique. On unifie les témoignages afin de multiplier les sources
d’information. C’est un régime de suspicion. L’une des caractéristiques de l’empire est
l’extrême méfiance de l’empereur envers la bureaucratie.
Dans le système de Han Feizi, le prince occupe une position centrale. Il doit donc tout savoir
et tout voir, en étant invisible aux sujets. D’où, la construction de palais et de galeries
souterraines.
2. Les réformes de Li Si146
144
école de Mozi
145
280 ?-234
280 ?-208
146
L’objectif premier est de mettre fin à la féodalité et à la puissance des régions. On supprime
alors les anciennes principautés et on responsabilise la famille Zhou. 20 % des titres sont
maintenus, tandis que la hiérarchie aristocratique est supprimée.
L’empire est divisé en 36 commanderies ou préfectures. Ce sont des circonscriptions
administratives civiles dirigées par un gouverneur militaire et un surintendant147. Les mesures
d’unification concernent les domaines suivants :
* lois et des règlements
* poids et mesures
* écartement des essieux des chars
* caractères écrits
Les armes sont confisquées et fondues en cloches et en 12 hommes en métal. Ceux-ci sont
placés dans le palais de la capitale148 et symbolisent l’unité de l’empire. Les murailles
construites par les rois précédents et celles des villes sont détruites. Des palais sont érigés sur
le modèle de ceux des princes vaincus. Enfin, les survivants de l’ancienne aristocratie sont
assignés à résidence dans la capitale149.
Il y a donc une centralisation à outrance. Selon Jean Lévy, c’est le 1er système totalitariste de
l’histoire de l’humanité.
3. La destruction des livres150 et la mise à mort des letrés151
La nouvelle dynastie veut une rupture totale avec le passé.
Mardi 27 janvier 1998
147
c’est un inspecteur impérial
148
à Xianyang
149
120.000 familles transférées
150
213 AE
151
212 AE
Le légisme est une doctrine philosophique, plutôt politique. C’est la base de l’exercice du
pouvoir en Chine. En 213 AE, Li Si présente un autodafé à 70 lettrés. Les ouvrages visés sont
les ouvrages présentant l’histoire antérieure aux Qin. Il faut effacer de la mémoire populaire,
l’existence de royaumes antérieurs aux Qin. Le but est d’éviter la résurgence du nationalisme.
Il y a donc un besoin d’unification sur les plans historique et psychologique.
Seuls les ouvrages techniques et scientifiques sont épargnés152. Le savoir transcende
l’appartenance à un groupe particulier, sans connotation nationaliste. Les grands classiques
confucéens153 sont brûlés, car ils rappellent un passé différent de celui des Qing.
On admet que certains ont besoin d’informations, mais seules les lois et les connaissances de
l’époque Qin sont autorisées. Ce sont aussi les connaissances des fonctionnaires. Il ne faut pas
s’appuyer sur le passé pour critiquer le présent. Une reécriture a également été pratiquée après
la condamnation de la ‘’Bande des Quatre’’. Après leur chute, les photos antérieures ont été
retravaillées. Ils ont été effacés de toute photo où ils apparaissaient.
Pour en revenir à l’époque des Qin, la recommandation était imposée. Toute personne ne
respectant pas celle-ci et dissumulant des ouvrages était condamnée à mort ou à l’exil. Ce
décret a été appliqué avec vigueur et les oeuvres de Kongzi ou celles concernant les rituels ont
progressivement disparu.
Mais les conséquences de la destruction n’ont pas été si catastrophiques, car l’édit de
prosécution n’a été appliqué que sur une courte période de temps. Les Han remettent en cause
le décret154 et recherchent les textes des livres détruits. C’est ainsi qu’ils ont pu être
reconstitués.
La connaissance de la période antériure aux Qin est gênée par la destruction à chaque
changement de dynastie155, sans compter les pertes durant la dynastie Han. C’est pourquoi,
même sans la destruction de 213 AE, les sources sur les Zhou n’auraient pas été plus
abondantes.
Parmi les excès reprochés à Qin Shuhuangdi, on note la mise à mort de 461 lettrés156, mais
l’on doute de la réalité de l’exécution. La décision de cette exécution a été prise suite à une
conversation secrète entre 2 devins. En représailles, Qin Shihuangdi ordonne une enquête qui
aboutit à la sélection de 461 lettrés et à leur mise à mort.
152
ce sont principalement les ouvrages qui concernent l’agriculture et le ‘’Yijing’’ ou
‘’Classiques des Mutations’’
153
‘’Shijing’’ et ‘’Shujing’’
154
191 AE
155
destruction de la capitale en 206 AE par les rebelles
156
212 AE
Le doute sur la façon dont ils ont été exécutés a fait l’objet d’une discussion sur les termes
du Shiji. Ceux-ci ont été interprétés comme une mise à mort et non pas de façon littérale. Tout
cela a accru l’horreur inspirée par Qin Shihuangdi. Pour sa critique, on a souvent fait un
parallèle avec Han Wudi. Mais, les Qin sont souvent opposés aux Han, comme le légisme est
opposé au confucianisme.
Qin Shihuangdi et Li Si agissent selon l’idéologie légiste, mais ils conservent les principes
confucéens et les Han feront de même. Qin Shihuangdi, accorde une place importante au
taoïsme. Il faut dire qu’il est entouré de conseillers taoïstes. Il va même jusqu’à mettre en
place des rituels évocateurs du taoïsme157.
De même qu’il recherche l’immortalité. Qin Shihuangdi est un lecteur des ouvrages de
Zhuangzi et il adopte la notion de ‘’non-agir’’158. Il n’existe pas de catégories de temples159,
car des contacts sont établis.
Qin Shijhuangdi est souvent présenté comme un despote, mais aussi comme un bâtisseur. A
ce titre, c’est l’un des souverains les plus connus de l’Antiquité. En fait, 2 monuments
symbolisent les Qin :
* la Grande Muraille
: elle symbolise la fermeture de la Chine
* le tombeau de Qin Shihuangdi : il symbolise le despotisme chinois
C. La valeur des symboles : la Grande Muraille et le tombeau de Qin Shihuangdi
L’ouverture des années 1980 permet la visite de la Grande Muraille. Ce monument du 3e
siècle AE est considéré comme le seul monument visible de la Lune. Si l’on en est arrivé là,
c’est parce que cela a été affirmé en 1969.
La partie la plus ancienne date des Ming, mais certaines datent des Qing ou sont encore plus
modernes. Le tracé ne date pas des Qing, mais les Murailles de la frontière septentrionale ont
été reliées entre elles. C’est donc une oeuvre s’appuyant sur quelque chose d’existant, mais la
construction avec des blocs de terre est moins sophistiquée.
Les Ming souhaitent la fermeture générale du pays, face aux pays non-chinois. Mais la
Grande Muraille n’a pas empêché la conquête de la Chine par les Qing, même si la
construction englobe les pays contrôlés.
Cette idée de fermeture reflète bien les rapports entre la Chine et l’Occident au 19e siècle.
Les Occidentaux arrivent en Chine pour faire du commerce, mais ils se trouvent face à une fin
de non-recevoir. Si les Chinois ne sont pas accueillants envers les Occidentaux au 19e siècle,
ils ne refusent pas le contact avec l’Occident. Il faut dire qu’il y a un contact continu entre
Han et non-Han.
157
par exemple, à la montagne sacrée de Taishan
158
‘’wu wei’’
159
confucéen, légiste, taoïste
Sous les Tang, la société est cosmopolite. A l’époque des Song, la Chine s’allie avec les pays
voisins. La fermeture n’intervient que sous les Ming. C’est donc un phénomène récent. Cela
dit, des contacts subsistent à l’intérieur du monde chinois.
En ce qui concerne le tombeau de Qin Shihuangdi, les travaux du monument nécessitent une
main-d’oeuvre très importante, tandis que la construction dureront du début du règne jusqu’à
sa mort. Une description en a été fournie par Sima Qian, mais sa découverte est récente160 :
des ouvriers étaient en train de sonder le sol pour la pose de canalisations, lorsqu’ils ont
découvert une armée de terre cuite, à 1 km du tombeau.
Les fouilles sont en cours depuis 1979, mais les statues étant prises dans le loess, elles n’ont
encore été toutes dégagées. Les fosses contiennent une partie de l’armée de protection, ainsi
répartie :
* fosse n° 1 : fantassins armés d’arcs et d’arbalètes, alignés sur plusieurs colonnes, ainsi que
des chars et leur personnel.
* fosse n° 2 : aile gauche de l’armée, qui comporte 1.000 soldats
* fosse n° 3 : quelques centaines de soldats
* fosse n° 4 : vide
Le plus remarquable est le tombeau où repose le corps de Qin Shihuangdi, mais il n’est pas
encore ouvert. Il faut dire que Xi’an est un pays plat et qu’un tumulus recouvre le tombeau,
dont l’ouverture pose des problèmes techniques et financiers.
Sur le plan technique, l’ouverture du tombeau reviendrait à sa destruction, car les moyens
techniques ne sont pas disponibles en Chine. Il faudrait des équipes et un financement
internationaux. Qin Shihuangdi a voulu reconstituer son environnement et l’univers161, avec
les objets précieux à l’usage du souverain. L’ensemble du tombeau est recouvert d’herbe.
Qin Shihuangdi meurt en juillet. Li Si ne souhaite pas annoncer la nouvelle de sa mort avant
le rapatriement du corps dans la capitale, car il craint un soulèvement populaire. Mais, l’odeur
risquant de trahir son secret, Li Si fait précéder le char royal d’un char de poisson.
Qin Shihuangdi aura régné 25 ans comme roi, sous le nom de Zheng, et 12 comme empereur
de Qin. Ses femmes, les artisans et les ouvriers qui ont creusé son tombeau sont mis à mort,
pour éviter qu’ils ne dévoilent les secrets et les pièges entourant le tombeau.
La mort de Qin Shihuangdi n’a pas été regrettée. Son fils, Ershihuangdi est le second et
dernier empereur de la dynastie. Cela prouve que le système n’était pas solidement établi. Au
fond, Qin Shihuangdi n’a pas tenu compte du facteur humain.
160
mars 1974, à Xi’an
161
le Huanghe, le Changjiang et les mers
Des mouvements de révolte au sein de l’empire162 sont à l’origine de la chute de la dynastie.
Profitant du désordre, un homme dénommé Liu Bang fonde une nouvelle dynastie, celle des
Han. Celle-ci assurera, au 4e siècle, le triomphe de la doctrine confucéenne. La dynastie Han
ne renie pas l’héritage des Qin, mais elle associe un idéal légiste corrigé et l’héritage
confucéen, adapté aux vues dynastiques. Le tout, sur fond d’influence taoïste.
Le confucianisme est l’idéologie de l’Etat et il triomphera sous les Song, avec la mise en
place d’une bureaucratie, dont tout membre est formé par les Classiques.
III. Les Han et l’idéal confucéen du bon souverain163
Le confucianisme est une idéologie qui a dominé la société chinoise, dans son
fonctionnement, depuis la fin des Zhou. C’est une façon de voir simpliste, car il est difficile de
connaître l’idéologie de Confucius, à son époque.
Cette idéologie se fonde sur les Classiques. Or, ceux-ci sont incompréhensibles. Si l’on
prend le ‘’Yijing’’ sans les commentaires, il est impossible de comprendre l’ouvrage, car l’on
a perdu le sens de l’ouvrage original. C’est pourquoi, il reste à faire une histoire du
confucianisme, époque par époque.
Présenté comme tel, le confucianisme est sujet à interprétation. Le développement des
recherches permet de connaître le confucianisme à différentes époques. Chacune est reliée à la
pureté de la doctrine originelle. Dés lors, tout le monde a son mot à dire, et les Chinois ne sont
pas mieux lotis. Mais l’intérêt porté aux textes, leur étude et la compétence linguitique ont
abouti à une interprétation valable de la part des sinologues français.
Les textes des Classiques étaient appris par coeur. Tout passait par le maître, qui récitait
devant les élèves. Ceux-ci les apprenaient à leur tour et les répétaient jusqu’à la perfection. Il
y avait là, un aspect visuel et une illumination. Les connaissances actuelles datent des Han.
A. Le confucianisme
162
207 AE
163
lire ‘’Histoire de la pensée chinoise’’ de Anne Cheng
1. Kongfuzi164
Il a servi a justifié des théories différentes. Il a écrit les Classiques, mais il n’en est pas
l’auteur au sens moderne. Certains ouvrages sont obscurs. Mais des textes n’ont pas encore
été déchiffrés et il en sera ainsi pour longtemps. Cela a donné lieu à exégèse. La
préoccupation est due aux courants d’interprétation et au sens du non-sens.
11. Qui était Kongfuzi ?
Le Lunyu165 a été traduit par Pierre Rickmans, Simon Lais, Anne Cheng ou André Lévy.
Sima Qian lui a consacré une biographie, mais elle n’a été écrite que tardivement. Il y a donc
eu une légende de Kongfuzi, et il est alors difficile de voir la réalité de Kongfuzi.
Sage et saint, c’est un homme d’exception. Selon Mengzi, sa vie est faite de gloire et de
pouvoir. Mesurant 2 m 20, il dépasse tous ses disciples. A 70 ans, son père veut se remarier
pour avoir un fils. De ce mariage naîtra Kongzi166, dans la principauté de Lü.
D’origine plus ou moins noble, il vit cependant une enfance difficile. Connaissant très tôt les
futurs Classiques confucéens, Kongzi se marie à 19 ans. Il aura un fils et mourra lui-même à
72 ans. Il vit dans une époque trouble. Du fait de la situation politique, il se tourne vers les
souverains pour trouver une solution aux problèmes de l’époque. Il s’interroge sur le désordre
et met sur pied une doctrine.
Il veut proposer ses services à un prince, mais aucun ne veut appliquer ses conseils. Déçu, il
rentre dans son pays natal pour fonder son école. Jamais seul, il était toujours entouré de
disciples, qui tranmettaient ses paroles. Des penseurs, tels que Mengzi, ont donc pu
développer sa pensée. C’est ainsi que Kongzi connut une gloire posthume, sous les Han. Le
confucianisme est le ciment assurant la solidité de la construction de l’Etat.
12. Le Lunyu et la doctrine du maître
Kongzi est censé avoir écrit les ‘’Classiques’’167, mais il n’a rien inventé. Il a transmis le
savoir des anciens, avec des ouvrages plus accessibles168. Le texte du ‘’Lunyu’’ est une
compilation effectuée après la mort du maître. Auparavant, les paroles étaient transmises à
l’oral. Le texte qui nous est parvenu est une synthèse du 3e siècle.
164
Confucius (551-479 AE)
165
ou les ‘’Entretiens’’
166
551-479 AE
167
par exemple, le ‘’Shijing’’ ou le ‘’Chunqiu’’
168
par exemple, les ‘’Entretiens’’
Mardi 10 février 1998
La situation politique des Royaumes Combattants explique l’intérêt des penseurs pour les
problèmes politiques. Ils cherchent alors à retrouver la voie. En fait, il y a différentes
définitions de la voie.
La pensée confucéenne est très difficile à saisir dans la pureté de sa vie. Les ‘’Entretiens’’
datent du 3e siècle. Or, à l’époque des Han, différentes versions sont transmises aux disciples
et elles sont tardivement fixées. Le ‘’Lunyu’’ exprime donc la pensée de Kongzi, sous les
Han.
Les grands thèmes sont les suivants :
* l’âge d’or : Kongzi n’a pas une vue utopique des choses. Il se tourne vers 2 époques :
- les 1ers souverains chinois : ce sont des légendes. Les plus souvent cités sont Fuxi,
Huangdi, Yao et Shun. A leur époque, le peuple vivait heureux. Ils ont apporté la
civilisation à la Chine. Auparavant, le pays ne connaissait pas la civilisation, ni les biens
matériels.
Le pays connaît une très grave crise à la fin du 19e siècle. Les lettrés et les fonctionnaires se
posent des questions sur le devenir du pays et sur les événements. De nombreux
fonctionnaires adressent des mémoires, des propositions de réformes et des tentatives
d’explication des événements. Selon eux, les problèmes trouvent leur origine dans le fait que
l’on a oublié la voie de Yao et de Shun, qui étaient des sages.
- les 1ers souverains Zhou : les rois Wen et Wu, comme le duc Dan de Zhou sont des
modèles. En tant que régent, le duc Dan de Zhou a été un ministre intègre et fidèle. Il a fait
cela pour son neveu, le fils du roi Wu. La structure de l’Etat est alors familiale. Le
souverain est proche de ses sujets. Il y a donc un parallèle entre la structure familiale et
celle du royaume.
Jusqu’à l’époque Chunqiu, les souverains ont perdu l’essentiel du confucianisme, la vertu
civilisatrice du ÈÊ. D’où, l’absence d’équilibre et le retrait du mandat du Ciel169. Le mandat
du Ciel est une théorie politique mise sur pied sous les Zhou. C’est une propagande justifiant
le renversement et la succession des dynasties.
169
‘’Tian
ming’’
* la définition du ¾ý ×Ó et du ÈÊ : le souverain est un ‘’junzi’’. Le Ciel lui accorde le
mandat. Mais s’il perd sa vertu, il se voit retirer son mandat. Dans ce cas, le peuple a le
droit de se révolter contre le souverain en perdition. Le prince est obligatoirement un
‘’junzi’’. Une grande partie du ‘’Lunyu’’ est consacrée à la définition du ‘’junzi’’, qui est
un pivot entre le Ciel et l’Homme.
Anne Cheng traduit le terme ‘’ren’’ par les mots ‘’honnêteté’’, ‘’fidélité à la parole
donnée’’, ‘’digne de confiance’’, ‘’posséder le discernement’’ et ‘’être courageux’’.
Par sa vertu, la seule présence du prince suffit à faire cesser les désordres. Il est garant de
l’harmonie sous le ciel. Le comportement du prince est réglé. Le gouvernement doit respecter
les 4 règles suivantes :
- sollicitude envers les familles
- fidélité envers les vieilles connaissances
- le prince s’appuie sur la tradition
- le prince respecte les rites
* le respect des rites et des traditions : les rites sont les cérémonies devant être accomplies
pour que tout aille pour le mieux sous le Ciel. Ce sont les règles à respecter et dont la
valeur est théorique. Ils différencient les gens civilisés des barbares.
Les rites marquent les activités humaines et sont célébrés dans le temple des ancêtres170. Les
disciples ont repris les rites de la noblesse féodale et les ont perfectionnés. Ce sont des
principes d’éthique et de gouvernement.
La désignation est la façon dont on nomme les choses et les personnes. Due aux sages, elle
permet aux choses d’exister.
Vertueux, le ‘’junzi’’ connaît les rites et la voie. Kongzi guidait donc ses disciples vers la
voie. La voie confucéenne mène vers l’éthique. L’éducation joue un rôle capital, car l’étude
est à la base de toute construction.
Les Classiques sont des ouvrages qui ont été rédigés par Confucius, du moins, ceux de son
époque171
* la piété filiale172 : c’est une composante du ÈÊ , car elle est très importante dans
l’idéologie confucéenne. Elle connaît des rapports sociaux et hiérarchiques. Elle est fondée
sur l’autorité du père respecté par son fils, qui doit voir en lui quelqu’un que l’on vénère
comme un ancêtre. Il prescrit donc les choses positives et négatives par le fils durant la vie,
après sa mort, durant le deuil et lors du culte de l’ancêtre.
170
les cas de célébration des rites sont, entre autres, les suivants : mariage, négociations
diplomatiques ou décision de lancement d’une expédition militaire
171
‘’Shijing’’,
172
composante du ‘’ren’’, elle joue un rôle important dans la mentalité chinoise.
‘’Yijing’’ et ‘’Chunqiu’’
Le fils pieux prend soin de ses parents. Il est dépositaire de son propre corps et doit avoir des
enfants, surtout un fils, pour rendre le culte aux ancêtres. La piété filiale est le fondement de la
morale privée et publique. Des recueils de piété filiale permettent d’édifier les enfants, de les
marquer.
13. Rapport du confucianisme avec la religion
Les Catholiques débarquent en Chine et cherchent à diffuser leur religion en Chine. Ils
traduisent alors les notions occidentales en Chinois. Certains ont voulu y voir quelque chose
plus ou moins proche de la religion.
Kongzi n’était pas chrétien, mais les missionnaires ont voulu trouver un équivalent à la
notion de christianisme. La ‘’vertu d’humanité’’ se rapprochant de la charité chrétienne, cela
pose la question du rapport du confucianisme avec la religion.
L’idée de départ est qu’il faut donner au peuple, ce à quoi il a droit. Il faut respecter Dieu en
le laissant à distance. Il faut donc s’attacher à faire ce que l’on comprend. Il n’est pas besoin
de s’occuper de l’au-delà.
Kongzi est plus ou moins agnostique. Il ne se prononce pas.
Mardi 24 février 1998
Les missionnaires ont voulu trouver dans le confucianisme, des concepts parallèles avec le
christianisme. Le problème est le degré de tolérance de la religion chinoise. Les lettrés
recherchent, à l’époque, le secret de la puissance des Occidentaux. Selon Kang Youwei, cette
puissance est due au christianisme. Pour sa part, Confucius ne se prononce pas. Il est
agnostique et occupé par des problèmes plus concrets.
2. L’école confucéenne après Confucius
Pendant toute sa vie, Confucius n’a pas rencontré le succès, car aucun prince n’a accepté
d’appliquer ses idées. Son oeuvre a été composée par les disciples de ses disciples. Deux
d’entre eux se détachent.
21. Mengzi173
Il est né dans l’actuelle province du Shandong et sa vie ressemble à celle de Confucius. Il est
élevé par sa mère, qui déménage 3 fois.
* ils habitent près d’un cimetière : le garçon imite les cérémonies funéraires. Cela est un
mauvais exemple, car il pourrait vouloir être prêtre.
* ils habitent près d’un marché : il imite les marchands avec leurs mauvaises habitudes.
* ils habitent près d’une école : cela lui permet d’apprendre les bonnes manières.
Il va voyager pendant 40 ans, en espérant trouver un prince qui accepterait d’appliquer ses
réformes. Il se dirigera finalement vers l’enseignement.
Sa doctrine est exposée dans le ‘’Mengzi’’. L’ouvrage reproduit ses entretiens avec ses
disciples ou avec les seigneurs de l’époque. C’est à lui que l’on doit l’idée que le ‘’Chunqiu’’
a été rédigé par Kongzi. Il y a donc là, une sacralisation de Confucius.
Sur le plan de la doctrine, Mengzi s’appuie sur les idées de Kongzi. Il aborde 4 thèmes :
* le retour à l’âge d’or
* le rôle de la piété filiale dans les relations humaines
* l’homme de bien doit honorer les parents et avoir beaucoup d’enfants
* la vénération des Cinq souverains et la morale sauveront le monde
173
372-289 AE
Il diffuse les idées et s’attaque aux autres courants de pensée de l’époque. Il affirme qu’il est
le seul lien avec les idées confucéennes et les institutions des Zhou. Or, leur description est
une utopie, car une partie est déjà perdue à son époque.
Il est le principal adversaire des légistes, auxquels il reproche l’usage de la force et de la loi,
ayant pour objectif final, d’accroître la puissance de l’Etat. Il fait appel aux traditions, à Yao et
à Shun. Ces souverains avaient pour seule ambition, le bonheur du peuple. C’était une période
de bonne administration et de paix.
C’est à partir des idées confucéennes que Mengzi développe une théorie visant à ce que le
souverain assure le bonheur du peuple. Pour cela, il faut que le peuple puisse subsister. D’où,
la mise en place de mesures permettant l’enrichissement du peuple.
* laisser les laboureurs aux champs : il faut alors éviter de réquisitionner et de convoquer
les paysans aux travaux et à la guerre.
* le souverain prend en charge la conservation des eaux et des forêts : c’est l’origine de
l’une des tâches fondamentales de l’administration chinoise174.
A l’époque de la décadence des Zhou, il faut définir une économie de raison. C’est pourquoi,
il expose un système idéal de répartition des terres. Celui-ci a peut-être été réalisé dans
l’Antiquité ou alors, il est resté utopique. Quoi qu’il en ait été, il consistait à répartir les
tenures individuelles et collectives.
Les champs sont répartis en forme de puits. Cela permet d’assurer l’existence de tous et de
garantir la part de l’Etat. Les terrains sont répartis entre 8 familles, à titre individuel. Le 9e lot
est cultivé par l’ensemble des paysans, les produits qui en sont issus étant destinés à l’Etat.
Cela permet donc de garantir des revenus aux paysans et à l’Etat.
S’il n’est pas sûr que l’application de cette mesure ait été réelle, l’on sait que des difficultés
ont éxisté. Les lots étaient censés être équivalents. Or, les régions ayant une géographie de
type variée175, l’application de la politique était problématique. Wang Mang176 cherchera
également à appliquer cette politique.
L’un des points sur lesquels il s’oppose aux légistes est la conception de la nature de
l’Homme. Au fond, l’homme est bon. Mais la bonté est en germe et il faut la faire fructifier. Il
est donc nécessaire de la cultiver par l’éducation. Si c’est le cas, toute personne peut devenir
comme Yao et Shun. Dés lors, le gouvernement par le ‘’ren’’ est possible.
Le souverain totalement opposé aux légistes assure le bonheur du peuple. Dans le cas
contraire, le mandat céleste est retiré. Le peuple a alors le droit de se révolter contre le
souverain. Toute la construction du ‘’Mengzi’’ repose sur les ‘’conseillers éclairés’’ que sont
174
entretien des digues, des canaux et des forêts
175
terrain plat, colline ou versant de montagne
176
9-23
les lettrés confucéens. Ces lettrés prennent en charge l’éducation du Prince. A ce titre, ils se
trouvent au coeur du pouvoir politique et social.
Les lettrés177 sont à la base de l’Empire. L’administration mise en place a recruté ses
membres parmi les lettrés confucéens. Pour Mengzi, l’aristrocratie du savoir est plus
importante que l’aristocratie du sang, car elle possède le savoir. Leur métier consiste à
gouverner. Ces hommes de qualité font des travaux intellectuels178. Ils sont entretenus par des
serviteurs179 voués au travail, pour que les lettrés puissent se consacrer au travail intellectuel.
Pour Kongzi, la politique et le service de l’Etat sont les offices les plus nobles. Mengzi
représente là, la tendance idéaliste du confucianisme.
22. Xunzi180
Il est né dans le Li Zhao181 et a commencé sa vie intellectuelle sur le tard. Voyageant
beaucoup, il aura de nombreux disciples. Il se rendra dans le pays de Qi182 où le roi Xuan a
crée l’académie Tixian183 au rayonnement très important. Il compte parmi ses élèves, les
légistes Han Feizi et Li Si.
Il a repris à son compte, des traits légistes et taoïstes. Mais, il se réclame de Kongzi. Seul
cela peut résoudre les problèmes de la Chine contemporaine. Il a exposé ses idées sous forme
théorique, dans un ouvrage aux chapitres thématiques.
Pour lui, le fond de la nature humaine est mauvais. Il admet que le bien de la nature humaine
est un artifice. Si cette nature survit, les personnes seront déshéritées. C’est pourquoi,
l’éducation doit permettre de rendre l’Homme plus civilisé.
Les anciens souverains ont imposé les principes moraux. L’ensemble des Classiques
confucéens sont les seules oeuvres devant être étudiées. La vertu essentielle concerne les rites.
La vie sociale et individuelle est conditionnée par les rites, qui reflètent l’ordre cosmique. Les
rites amènent à équilibrer les désirs et les biens.
La musique fait partie des rites. Elle est complétée par la danse. Les musiques convenables
sont celles qui consolident les moeurs. Celles-ci s’opposent aux musiques lascives.
177
ou ‘’rujia’’
178
ce sont des ‘’daren’’
179
ce sont des ‘’xiaoren’’
180
298-238 AE
181
dans l’ouest du Shandong actuel
182
dans le nord-ouest du Shandong
183
réunion de penseurs d’horizons très différents participant à des débats
Quant à la correction du langage, elle est très importante et inséparable des rites. . Le nom
assigne la place de chaque être dans le monde. La déformation des noms est aussi grave que
de délaisser les mesures. Enfin, les règles du monde ont une origine totalement humaine. Elles
couvrent du plus rationaliste au plus autoritaire. Elles ont un rôle important dans la
transmission des Classiques.
B. Le confucianisme sous les Han
1. Le rôle des empereurs Han
C’est l’époque de la constitution des traditions confucéennes, qui seront remises en cause par
la suite. Leur triomphe sous les Han est plus ou moins vrai, car ceux-ci ont gardé des éléments
du légisme. Mais les souverains empruntent à divers courants.
L’empereur Gaozu184 est un guerrier. Il n’a pas le temps d’abolir l’édit de 213 AE. Cette
tâche reviendra à Huidi185. Un changement interviendra sous Wendi186. Wendi aime
s’entretenir avec les lettrés. Les érudits se voient confier l’étude d’un Classique, dans le but de
former des spécialistes de chaque Classique.
Wudi connaît le ‘’Shujing’’. Il s’exerce à la poésie et reçoit 2 grands commentateurs des
Classiques à sa Cour. Ils se nomment Dong Zhongshu et Gongsun Hong. Les souverains ont
donc voulu connaître le confucianisme, étant donné qu’ils connaissaient les Classiques187.
Le 1er inventaire des livres a lieu sous les Han. Les confucéens sont très implantés dans le
gouvernement. A tel point que tout ce qui n’est pas confucéen est écarté. C’est là, l’origine du
recrutement des fonctionnaires parmi les lettrés confucéens.
L’appellation de ‘’lettré’’ désigne celui qui a été formé à travers les Classiques. Les
précepteurs des empereurs étaient alors, tous des confucéens. En réalité, il y avait 2 courants :
* les partisans du ‘’guwen’’
* les partisans du ‘’jinwen’’
. C’est finalement le chef de file du courant ‘’jinwen’’ qui va l’emporter. Il s’agit de Dong
Zhongshu. Le ‘’Shijing’’ est un ouvrage écrit en ‘’guwen’’. Les partisans du ‘’jinwen’’
affirment que la version en ‘’guwen’’ est un faux. Cela, même si des doutes ont été exprimés
sur la compréhension réelle à l’époque des Han.
184
206-195 AE
185
195-188 AE
186
180-157 AE
187
par exemple, Xuandi connaît le ‘’Lunyu’’ et le chancelier de Yuandi est un spécialiste du
‘’Shujing’’
2. Dong Zhongshu188
Dong Zhongshu est lettré et conseiller politique sous Jingdi et Wudi. Il est le 1er ‘’boshi’’
spécialiste du ‘’Chunqiu’’, dont il en fera un commentaire. Il délivrera son enseignement. Ses
théories politique et morale sont fondées sur les notions cosmologiques de l’époque.
Le ‘’qi’’ est à l’origine des êtres. Il introduit ainsi la théorie du ‘’yin’’ et du ‘’yang’’ et des
‘’Cinq éléments’’ pour interpréter les Classiques. Les ‘’wuxing’’ sont les suivants :
* le bois
* le métal
* le feu
* l’eau
* la terre
En fait, il y a 2 théories :
* la succession des ‘’Cinq Eléments’’ a lieu par la destruction : le métal est détruit par le
bois, qui est détruit par le feu. Le feu est victime de l’eau, recouverte par la terre. Ellemême est dominée par le bois.
Si l’on admet que le monde est dominé par les ‘’Cinq éléments’’, l’on peut dire que tout
événement s’explique par ce cycle.
* il y a une vie entre les ‘’Cinq Eléments’’ : le feu succède au bois, et il laisse la place à la
terre. Lui-même est suivi par le métal, suivi de l’eau et du bois.
La succession des événements sert à expliquer le passé. Cela conduit à se demander sous
quel élément il faut placer les Han. Dans un 1er temps, Wudi, est à classer avec la couleur
jaune et avec l’élément terre. Puis, au milieu du 1er siècle, on englobe l’engendrement. Les
Zhou sont à classer avec l’élément bois, tandis que les Han sont à classer avec le feu.
Dans les années 20 de notre ère, une révolte populaire va provoquer la chute de Wang Mang.
Cette révolte est placée sous la couleur rouge. Il sera dit ultérieurement, que les manifestants
souhaitaient le retour des Han.
Ces spéculations ont été concrètes, mais postérieurement. La réalité entre dans un cadre
théorique servant à justifier la réalité. Les partisans de ZG sanctionnent le choix de la couleur
rouge pour les Han. Dong Zhongshu a établi la corrélation entre la Terre, le Ciel et les
Hommes.
188
179-104 AE
Dans le caractère Íõ , les 3 traits horizontaux signifient que le roi est l'élément reliant le
Ciel, la Terre et les Hommes. C'est le symbole vivant reliant les 3 éléments. Cela explique la
cohérence entre le macrocosme et le microcosme.
Il y a des corps humains, politiques et célestes. Le bon gouvernement garantit la
correspondance adéquate entre le ‘’yin’’ et le ‘’yang’’. Dans le cas contraire, des
avertissements célestes peuvent frapper l’Etat. Les signes sont interprétés par des lettrés qui
observent et traduisent ces avertissements célestes189.
Dong Zhongshu représente la tendance politicienne du confucianisme. Il se sert de
l’interprétation des signes pour critiquer le gouvernement.
Mardi 3 mars 1998
3. La mise en ordre des Classiques
Les Classiques sont des textes anciens, dont certains remontent à l’époque des Zhou. Les
confucéens ne sont pas les 1ers intéressés par les textes. Depuis les Zhou, les penseurs chinois
ont commenté ces textes. Les Classiques confucéens sont ceux qui qui ont retenu l’attention
de Kongzi.
Les disciples méditent les textes, tandis que les lettrés s’appuient sur Kongzi, qui s’est luimême appuyé sur la tradition des 1ers souverains Zhou. Beaucoup d’Européens voient les
Chinois comme un peuple traditionnel. Or, la tradition est dynamique. Celui qui suit la
tradition est attaché au changement. Il fait référence aux auteurs anciens, tout en apportant sa
pierre à l’édifice. C’est là, l’objet des commentaires.
Sans les commentaires, les Classiques seraient incompréhensibles. Ils préservent
l’authenticité du message, mais surtout, ils présentent l’orthodoxie d’une époque donnée.
Dés les Han, l’existence de plusieurs commentaires fait ressortir le besoin d’avoir un seul
texte reconnu et un bon commentaire. C’est aussi sous les Han que les lettrés doivent trouver
l’authenticité des Classiques et le meilleur commentaire.
Le travail sur le ‘’Chunqiu’’190 occupe 23 lettrés pour 2 commentaires différents191. C’est
finalement le ‘’Guliang Zhuan’’ qui sera choisi. A ce titre, il est la 1ere interprétation officielle
189
190
fléaux ou catastrophes naturelles
53-51 AE
définissant l’orthodoxie de l’interprétation. Le même travail est accompli sur le ‘’Shijing’’,
par un lettré dénommé Mao Chang, qui classe les poésies sous 4 rubriques.
Les Classiques sont ainsi regroupés :
* les Quatre Livres
* les Cinq Classiques
* les Treize Classiques
Cette classification est celle des Song. Concrètement, un futur lettré apprend les caractères
de base. Puis, il passe à l’étude du ‘’Lunyu’’, avant d’attaquer les autres Classiques. A titre de
précision, la classification en 4 livres est l’oeuvre de Zhu Xi.
C. En guise de conclusion : qu’est-ce que le confucianisme ?
Le confucianisme est un humanisme conservateur, laïc et plutôt agnostique. Il met l’accent
sur les liens sociaux et sur l’efficacité des vertus individuelles. Sa place se trouve dans la
tradition, dans le respect des rites et dans la piété filiale. Le seul type d’individu digne du
gouvernement est un homme de bien vertueux.
L’éducation joue un rôle capital. Elle est orientée vers les responsabilités politiques, dont le
couronnement est le recrutement par concours. Les examens sont basés sur la parfaite
connaissance des Classiques confucéens. Ceux-ci ont dominé l’éducation chinoise jusqu’à
l’abolition des examens mandarinaux en 1905. Ces derniers ont alors laissé place aux écoles
modernes, aux connaissances techniques et scientifiques.
Au 19e siècle, l’idéologie confucéenne a paralysé la dynastie, car les lettrés étaient enfermés
dans le respect de la hiérarchie et des traditions.
Ce sont d’ailleurs ces traditions qui sont à l’origine de la contestation des étudiants de
l’université de Pékin. Ils protestent contre les clauses du traité de Versailles, car il accorde les
droits allemands sur le Shandong au Japon. Or, la Chine s’est associée aux futurs vainqueurs,
dans l’espoir de récupérer la province. C’est là que se trouve l’explication du mouvement du 4
mai 1919.
Deux slogans sont scandés en faveur de la démocratie et de la modernité. L’un d’entre eux
est : ‘’A bas la boutique confucéenne’’. C’est là, le développement d’une vision caricaturale
du confucianisme. L’image de Kongzi est aussi bousculée pendant la Révolution culturelle.
L’autre image est celle du sage Kongzi cherchant à remédier aux maux de son temps.
En 1ère ligne, il ne craint pas d’adresser des remontrances au prince lorsqu’il perd sa vertu. Il
ne doit pas hésiter à mettre sa vie en péril. Le discours du 4 mai 1919 a consisté à dire que
l’idéologie confucéenne a été la doctrine dominante en Chine, jusqu’en 1919. En fait, on a
191
‘’Guliang Zhuan et Gongyang Zhuan’’
oublié que l’idéologie confucéenne est un terme inexistant. En fait, Kongzi et ses disciples
sont désignés sous le terme de ‘’rujia’’.
Qin Shihuangdi a brûlé les livres et torturé les lettrés. Ces 2 actes sont résumés dans une
expression192. Le problème fondamental est de savoir quel sens donner au mot ‘’ru’’ et depuis
quand, le terme désigne le lettré. On se fonde là, sur ce qui a été dit à travers les textes
originaux.
En réalité, l’article n’est pas vraiment recherché. La question n’est pas vraiment tranchée,
mais elle montre le problème dans la traduction des termes chinois. En France, un terme sert à
désigner un ensemble. En Chine, chaque terme désigne une époque précise. Le confucianisme
n’a pas totalement dominé la pensée chinoise, car ce serait oublier les autres courants de
pensée. La domination n’est réelle qu’à partir des Song.
Max Weber montre l’intérêt du fonctionnement de la religion dans la société. Il a opposé le
confucianisme au capitalisme. Le confucianisme est responsable de l’entrée manquée de la
Chine dans le monde moderne. Les néo-confucianistes ont pris le contrepied de cette position,
en affirmant que le confucianisme est adapté au capitalisme.
Parmi les débats touchant les politologues, il y a le retour du confucianisme en Chine,
souhaité par le Parti communiste, comme thérapie aux problèmes de la Chine de l’ouverture.
Souvent, la psychanalyse a amené à des conclusions hâtives, sans réflexion profonde sur ce
qu’était le confucianisme.
Jean-Philippe Béja a écrit un article dans la revue ‘’Esprit’’193. Il affirme qu’au moment du 4
mai 1919, seuls les vieux lettrés sont viscéralement opposés au mouvement. Or cela n’est pas
vrai. Mais l’Etat étant dans une période de transition, les gens s’interrogent sur la question.
Nous sommes donc encore tributaires des ‘’images d’Epinal’’, lorsque la réflexion porte sur la
Chine.
Cela pose la question des apports du confucianisme à la construction de l’empire et du choix
pour l’idéologie confucéenne. Les souverains y vont des avantages. Cette idéologie a apporté
une doctrine d’Etat et une orthodoxie acceptée par le plus grand nombre. D’où, l’obéissance
du peuple autour du bon souverain, qui se préoccupe du bien-être de ses sujets.
Les lettrés ont une très vaste culture et les souverains se sont prêté au jeu de l’étude des
Classiques confucéens. Cela leur a permis d’acquérir une bonne culture et d’être bien acceptés
par les lettrés.
192
193
‘’Feng shu keng ru’’
numéro du 1er février 1996 : ‘’Naissance d’un national-confucianisme’’
Mardi 10 mars 1998
IV. Une construction sans cesse remise en cause194
A. La reconstruction du pouvoir sous les Han de l’Ouest
1. Pouvoirs régionaux et politique de centralisation
Peu après la mort de Qin Shihuangdi, des soulèvements paysans et des révoltes voient le jour
dans tout l’empire. Le gagnant en est Liu Bang, petit fonctionnaire responsable d’un village.
Pour s’imposer, il bataille pendant 7 ans, mais il devient le 1er empereur de la dynastie Han195.
Il abolit les lois les plus cruelles des Qin, mais il garde la structure administrative en
introduisant une innovation, le poids sur la nouvelle situation de l’empire. Au début de
l’empire, 2 puissantes forces politiques agissent sur l’empire :
* dans les provinces196
* dans la capitale197
Gaozu est persuadé que la chute rapide des Qin est dû à l’isolement de l’empereur Qin. Il
aurait pu améliorer la situation, s’il avait été entouré de ses rois vassaux. Ceux-ci sont donc
des fils, des neveux ou des parents plus éloignés. A cette époque, 10 royaumes comptent des
membres de la famille impériale.
194
dans son idéal et dans sa réalité
195
sous le nom de Gaozu, ‘’zu’’ signifiant ‘’grand ancêtre fondateur’’
196
rois vassaux
197
marquis ou nobles
L’empire compte 15 commanderies ou divisions administratives dont les fonctionnaires sont
nommés par le gouvernement. Ce sont autant de royaumes indépendants, dont les institutions
sont calquées sur celles du gouvernement de l’empire. Le roi vassal est donc le souverain de
son royaume.
Mais la politique de redistribution des royaumes est remise en cause, car les liens inexistants
avec l’empereur, représentent une menace pour l’unité de l’empire. C’est pourquoi, dés
Wendi198, la politique de centralisation domine jusqu’à Wudi199. D’où, 2 mesures
importantes :
* changement des institutions des royaumes vassaux en diminuant le pouvoir royal et
en augmentant le contrôle central200
Les royaumes sont donc gérés par des fonctionnaires nommés par le gouvernement central,
Wendi les intégrant dans un système de circonscriptions administrative. Les fonctionnaires
représentent alors le roi.
* diminution du territoire des royaumes201
Les rois vassaux acceptent la distribution d’une petite portion du royaume, ce qui revient à
créer le marquisat. Ce dernier équivaut à un district et à une commanderie. C’est donc là, un
titre de noblesse, mais valable sur un district. Il faut donc oublier le titre de roi.
Dés lors, la portion de terre échappe au pouvoir central, car le domaine est intégré dans la
commanderie. A la fin du règne de Wudi, les rois ne peuvent plus intervenir dans la politique
du pays.
Ce titre de marquis est accordé aux généraux méritants par Gaozu202. Le titulaire de cette
charge peut lever les impôts et peut donc devenir très riche. En 206-157 AE, une partie des
impôts perçus par les marquis parviennent tous à la capitale, sauf ceux des puissantes
provinces. Celles-ci représentent alors un bloc de puissance politique.
Il est alors nécessaire de régler ce problème. Wendi oblige les marquis à résider dans leurs
marquisat, ce qui conduit à la dissolution du bloc politique et à la disparition de leur influence
sur la politique de la capitale. Wudi destitue alors beaucoup de dignitaires.
2. Han Wudi et le triomphe de la centralisation
198
180-157 AE
199
141-87 AE
200
les rois vassaux n’ont pas le droit de nommer les hauts fonctionnaires
201
répartition égale des terres des royaumes entre les différents fils des rois
202
en 137 AE
En 141 AE, il a 15 ans. L’administration centralisée est le tenant de l’organisation. Le
développement de l’empire est rendu possible par la construction de routes, de canaux et de
barrages.
Selon Jean Lévy203, l’empire est célèbre, car il est représenté par Qin Shihuangdi. Selon la
description de Sima Qian, il n’existe plus aucun souvenir de Qin Shihuangdi. Un jeu de miroir
en fait le modèle de Han Wudi.
L’interprétation par Jean Lévy de l’ouvrage de Sima Qian est ainsi justifiée : l’absence de
biographie sur Han Wudi s’explique par sa destruction. Or, elle n’a jamais existé. Qin
Shihuangdi est donc le double de Han Wudi.
Sa cruauté est démontrée par Sima Qian, qui donne un fait brut : dans sa ‘’Monographie sur
la monnaie’’, il indique que les fonctionnaires nommés à un poste élevé sous Han Wudi se
donnaient la mort204.
Pendant la 2e moitié de son règne, les fonctionnaires avaient peur de son arbitraire. C’est
pourquoi, tout le monde exécutait ses idées. Dans ses dernières années, il était superstitieux et
tout accusé était un homme mort. En fait, Han Wudi voulait consolider le culte de Feng et
Shen. D’où, les longues discussions engagées sur les rites. Or, elles ont été interrompues.
Enfin, il faut noter le système des noms d’ère205. A partir des Ming, chaque empereur a son
propre nom d’ère. A partir de Wudi, on note la mise en place du système du tribut. Les pays
voisins apportent des cadeaux à l’empereur. A ce titre, ils reconnaissent la position de chef.
L’association avec la Chine ou sa protection sont à l’origine des rapports suzerain-vassal. Pour
cela, la Chine doit être assez puissante pour s’imposer. Mais, à certaines époques, la Chine a
dû payer pour avoir des frontières tranquilles.
Le règne de Wudi est l’un des plus longs de Chine. Il se termine dans des complots des
membres de la famille impériale, associés à l’impératrice ou à des conseillers. Les uns et les
autres sont accusés de sorcellerie sur la personne de l’empereur. Wudi est alors prisonnier des
sorciers, son petit-fils, Zhendi, lui succède.
Au point de vue politique, la mort de Han Wudi en 87 AE, correspond à un vide du pouvoir.
Wudi a réussi à développer ledit pouvoir et à le centraliser entre ses mains. Mais, il est
toujours menacé et le problème est corsé par le fait que le système de transmission de l’empire
est particulier.
La règle est que le trône revient au fils aîné, mais l’empereur peut choisir son propre
successeur. C’est pourquoi, ses nombreuses épouses se querellent, à chaque fin de règne. Les
femmes de l’empereur et les clans qu’elles représentent veulent la priorité et capter l’attention
du souverain. Et, le cas le plus intéressant est celui de Zhaodi.
203
204
205
‘’Le Fils du Ciel et son analyste’’
5/7e des conseillers se sont suicidés
‘’Nian hao’’
B. Les femmes et le pouvoir
1. L’impératrice Lü Hou des Han206
Les querelles des femmes opposent, en fait, les clans. Lu Hou est la femme de Gaozu. Elle
aurait dû se retirer à la mort de l’empereur, mais telle n’est pas son intention. Elle prend le
pouvoir et peut être comparée, sur ce plan, à Jiang Qing. Dure et inflexible, elle est très
ambitieuse.
Elle fait le vide autour de son fils Huidi : elle fait empoisonner l’un de ses demi-frères et fait
subir des supplices à sa mère. Dés lors, le fils tombe malade et ne s’occupe plus des affaires
de l’Etat. Cela pose la question : ‘’Est-ce que Lü Hou a vraiment agi de cette façon ?’’ En 188
AE, Huidi n’a pas de descendant et Lü Hou continue de diriger les affaires de l’Etat. Elle
désigne le successeur de l’empereur décédé, mais il n’a pas de pouvoir réel.
De plus, elle nomme des membres de sa famille aux postes les plus élevés de l’Etat. Se
sentant menacée par des contestataires ou par des membres de la famille Liu, elle veut les
éliminer physiquement. Ces derniers relèvent la tête en 180 AE, jusqu’à l’arrivée au pouvoir
de Wendi.
Lü Hou est cruelle, ambitieuse et débauchée. Cela dit, après sa mort, la Cour des Han est
minée par des querelles et la vie y est difficile pour les courtisans ou pour tout empereur
potentiel. Même si l’on se pose la question quant à savoir si c’est un portrait modèle, on peut
dire, en tout cas, que les histoires dynastiques sont édifiantes pour les lettrés et pour les
fonctionnaires. Elles apportent des connaissances précises et la présentation de modèles.
1. L’impératrice Wu Zetian des Tang207
206
195/188-180 AE
207
684/690-705
Sous les Tang, Wu Zetian capte le pouvoir à son profit. En tant que chef de l’Etat, elle est
cruelle et débauchée, décriée par les lettrés Han. Wu Zetian est réputée pour sa beauté et entre
dans le gynécée impérial comme concubine de 4e catégorie, sous Taizong. Celui-ci meurt en
649. Veuves, les femmes devaient se consacrer à la prière pour le repos de son âme, en
devenant nonnes dans un temple bouddhiste.
Le nouveau souverain est le fils de Taizong, Gaozong. Or, l’impératrice est stérile. Pour
éviter la disgrâce, elle adopte le fils d’une concubine. C’est dans le but de détourner
l’empereur de sa 2e épouse, que l’impératrice fait venir Wu Zetian. Le stratagème réussit et
Gaozong prend sa mère pour épouse.
Il faut dire que Wu Zetian était la concubine de Taizong et veut évincer l’impératrice. Elle
étouffe alors sa propre fille pour faire accuser les épouses et l’impératrice de sorcellerie. Suite
à cet événement, l’empereur la charge de mettre les 2 femmes à mort. Wu Zetian leur fait
couper les membres et les fait mariner dans le vinaigre, pendant 3 jours.
Ce génie politique essaie de mettre en application des idées. En plus de son amour du
pouvoir et des hommes, elle est très superstitieuse. Très capable, elle a aussi de grandes idées
politiques. Mais d’un autre côté, le déclin de la condition féminine en Chine est due à Wu
Zetian et à sa cruauté pendant son règne.
Le problème des Histoires dynastiques réside dans le fait qu’elles ne représentent seulement
qu’un seul aspect de la vie de la femme. Il est donc impossible de connaître la vie des femmes
en Chine. Wu Zetian a un vrai programme. En 660, elle devient Zetian. Elle éprouve une
réelle passion pour la gestion et pour les problèmes de son temps. C’est ainsi, qu’elle veut
diminuer les impôts, gênants pour l’activité humaine.
Elle s’oppose au service de la corvée, pour la même raison et prône l’abolition des corvées.
C’est là, l’expression de ses idées. Dés 674, elle fait rectifier son nom. Elle se dit ‘’Impératrice
du Ciel’’ et proclame un programme politique en 12 points, dont les principaux sont les
suivants :
* la base de la morale populaire et gouvernementale réside dans l’étude de la
philosophie de Laozi : chacun doit méditer les principes taoïstes
* il faut porter le deuil de la mère, même quand le père est encore vivant : la durée doit
être égale à celle du deuil porté lors du décès du père, soit 3 ans. Au total, le deuil dure
donc 6 ans. Cette mesure touche surtout les fonctionnaires et les membres des grandes
familles. Concrètement, un fonctionnaire doit se retirer de la vie publique durant ledit
deuil. Afin d’éviter toute opposition, elle prend des mesures pour améliorer les conditions
de vie et le traitement des fonctionnaires.
* liberté de critique
* pleins pouvoirs au gouvernement pour les calomniateurs
A 50 ans, elle entretient un harem d’hommes et est accusé d’avoir aménagé la philosophie
taoïste pour atteindre l’immortalité. Les Chinois vivent bien et cela prouve que le
gouvernement de Wu Zetian est, avec le confucianisme et le légisme, une 3e voie possible
pour la paix et la tranquillité de l’empire.
Gaozong meurt en 683. Les héritiers possibles sont Zhongzong et Ruizong. Zhongzong se
laisse écarter au profit de son frère, un simple d’esprit. Wu Zetian assure alors la régence. Elle
gouverne directement, en se cachant derrière un rideau pourpre sombre lors des audiences,
mais elle prend des décisions.
Elle en profite également pour fonder sa propre famille. Cela entraîne des protestations,
accompagnées de suicides et de persécutions publiques. Tout cela aboutit au triomphe de Wu
Zetian, qui perfectionnera le système des renseignements généraux, en inventant la boîte à
idées. Placée dans une salle du Palais, elle comporte 4 cases :
* prophéties
* propositions de réformes
* doléances
* dénonciations
Chaque province doit envoyer un délateur à la Cour. On peut donc dire que les brigands sont
logés et nourris par l’Etat.
En 686-687, le règne de Wu Zetian représente un tournant, avec la place privilégiée accordée
aux Bouddhistes. C’est également le moment choisi pour le transfert de la capitale de
Chang’an à Luoyang.
La fin du règne de Wu Zetian coïncide avec une tentative de d’extermination de la famille
impériale. Elle est ainsi accusée de la mort de 3.000 personnes. Elle fait confiance à
l’astrologie, lorsqu’elle ordonne le massacre de Yong Tai208. En 690, Wu Zetian monte sur le
trône, avec un titre impérial.
En 705, une révolte de palais met fin au règne de Wu Zetian, après l’assassinat de 2 amants.
Morte à 80 ans, elle est transportée dans un mausolée, aux côtés de Gaozong. Le pouvoir est
alors remis en cause de l’intérieur et par une rébellion. Quant au changement dynastique, c’est
un modèle historique. Le déroulement suit le schéma d’un cycle dynastique, où une dynastie
est remplacée par une autre.
C. De quelques usurpations et rébellions
1. Un fondateur de dynastie malheureux : Wang Mang209
On a le souvenir d’un malheureux fondateur de dynastie. Mais, étant un usurpateur, il n’est
pas pris en compte dans les Histoires dynastiques. Wang Mang joue son 1er rôle sous
l’empereur Aidi210, en recevant le titre de ‘’commandant en chef’’ et dirige les armées au nom
208
il meurt assassiné à 17 ans pour avoir manqué de respect à sa grand-mère
209
9-23
du duc Pingdi. En l’an 5, il exerce officiellement la régence au nom de l’empereur. Or, il
monte sur le trône en 9.
En 1-9, Wang Mang manœuvre l’opinion publique211 et les prépare à une prise de pouvoir ou
renaissance. Il élimine les rivaux potentiels en se plaçant sous la protection du duc Dan de
Zhou. Dans le même temps, il prétend revenir aux institutions Zhou. Il frappe les esprits en
prétendant descendre de Huangdi. La dynastie est placée sous l’élément ‘’terre’’.
Il semble que Wang Mang soit un confucéen sincère, car il met en pratique les principes
prônés, en menant une vie frugale et sans arrogance. Son attitude lui rallie les confucéens et
les lettrés. Cette approbation se manifeste à travers les présages de bonne augure, qui
prévoient la proclamation d’un nouvel empire, celui des Xin.
Mardi 17 mars 1998
Les réformes de Wang Mang sont exemplaires, comme toutes les réformes des fondateurs de
dynastie. Elles concernent 3 principaux domaines :
* la monnaie : en plus de la monnaie or, de nouvelles sapèques sont frappées. La dévaluation
touche alors les riches, les nobles, les marchands et les colporteurs. Cela est à l’origine du
développement des faux-monnayeurs. Wang Mang a lancé sa réforme sans plan rationnel,
car il a trouvé des fondes pour la mise en œuvre des autres volets de ses réformes. Pendant
l’empire, le bimétallisme est de règle en Chine, mais les plus gros problèmes sont
économique et financier.
*
la terre : ce sont la taille des propriétés et la répartition des terres qui posent problème à
l’Etat. Les paysans travaillent sur des grands domaines et ne paient pas d’impôts. Dés lors,
les caisses ne perçoivent pas lesdits impôts. Cela explique la suppression des grands
domaines et la nationalisation des terres. Un lot de terres est donc alloué à chaque famille.
Sur le plan foncier, Wang Mang va faire revivre le système des ‘’champs en damier’’212. Il en
résulte une répartition égalitaire, en fonction de la valeur des terres. Wang Mang se place alors
dans la lignée des souverains confucéens. La subsistance des paysans et les impôts de l’Etat
210
211
212
les lettrés
‘’jingtian’’
Parallèlement à la suppression des grands domaines, on assiste à la libération des esclaves et
à l’interdiction de l’esclavage. En Chine, le sort de l’empire étant lié à celui des paysans, la
remise en cause de leur sort déstabilise l’Etat.
Dés lors, après 3 ans, le système est inapplicable. Même s’il est appliqué, cela est fait dans
des régions pilotes. Le retour à l’ancien système est officialisé, car il exige le versement d’une
taxe de 3.600 sapèques par esclave. Cette mesure vise les grandes familles et leurs
domestiques.
* la fiscalité : sur ce plan, 3 monopoles sont rétablis.
- le sel
- le fer
- les boissons fermentées
- la fonte de la monnaie
- les produits issus des montagnes et des marais
- les prix pratiqués sur les marchés des 6 plus grandes villes de l’empire
En ce qui concerne ce dernier monopole, on reprend le système des greniers au prix constant.
Crée en 54 AE, il est aboli en 44 AE. Cela dit, ce système survit jusqu’à la fin des Qing.
L’Etat doit assurer la subsistance de ses sujets et donc veiller à l’équilibre des prix. Pour éviter
la chute des prix, l’Etat achète et stocke les grains dans des greniers.
A l’époque de préjudices possibles, l’Etat vend le grain stocké pour éviter la hausse des prix.
Dans la réalité, notamment sous les Qing, cela ne s’est pas passé de cette façon. Les mesures
de Wang Mang ont été justifiées par la conception confucéenne du ‘’bon souverain’’. On parle
de socialisme avant la lettre. Il en ressort que Wang Mang a été diversement apprécié.
* les
points positifs : généreux mais utopiste, car il est préoccupé par le pays.
* les points négatifs : cet intrigant a été mis en avant par la crise sociale de l’époque.
La dynastie n’est pas comptabilisée dans la série des dynasties officielles. Elle met en
parallèle les Han de l’Ouest et de l’Est. En fait, le régime de Wang Mang s’est écroulé pour 2
raisons :
* retour du danger aux frontières Nord du pays
* des calamités s’abattent sur la Chine, dans les 1eres années
du 1er siècle213
Dés l’an 11, de grandes famines voient le jour en Chine du Nord, même en métropole. Il faut
dire que la rupture des digues du Huanghe a touché 5 provinces, ce qui explique la famine et
la migration de la population.
Les zones non touchées sont pillées par la population. C’est ce pillage qui est à ‘l’origine de
la rébellion des ‘’Sourcils rouges’’. Ceux-ci réclamant le retour des Han, Liu Xue restaure la
dynastie des Han.
Wang Mang est mort à la fin de 23, dans l’assaut donné à sa capitale. 3 années de guerre
civile aboutiront au rétablissement de la situation dans l’empire. Wang Mang est un
213
famine, banditisme, rébellion, guerres civiles
usurpateur, car il n’a pas réussi ses réformes. Les autres fondateurs étaient aussi des rebelles,
sauf qu’ils ont réussi.
2. L’échec d’un rebelle : An Lushan et la décadence de la dynastie Tang
C’est un rebelle dont la rébellion a échoué à l’époque des Tang214. Celle-ci se déroule sous
Xuanzong215, l’un des plus brillants règnes de la dynastie. Dans la 1ere partie de son règne,
Xuanzong remet en ordre les points suivants :
* les finances
* l’administration
* les mœurs politiques
En 721-724, les registres de recensement ont été reconstitués, l’objectif étant fiscal. Il faut
s’acquitter des taxes et le ‘’hukou’’ permet à l’empereur de connaître l’état de la population.
L’armée est réorganisée. La réforme conduit à une autonomie accrue des chefs militaires. Elle
améliore la gestion des haras de l’empire. C’est ainsi que la dynastie Tang peut intervenir en
Asie Centrale, menacée par les incursions arabes.
La crise est due au déclin du système agraire. C’est là, la disparition de l’équilibre entre les
grandes propriétés et les paysans libres. La masse de paysans sans terres se transforme en
hordes de vagabonds ou en saisonniers, dans les grands domaines.
L’empereur et ses conseillers, inquiets, veulent mettre fin aux fléaux en protégeant les
frontières. L’enrôlement des vagabonds dans les armées impériales accroît les dépenses et les
impôts. Alors, même les paysans avec des terres deviennent vagabonds. Dans le même temps,
on assiste à une militarisation de l’empire. La puissance militaire croissante se traduit par la
création, sur les frontières Nord, de domaines militaires. Ils sont commandés par des
commissaires impériaux, au pouvoir considérable.
Les faveurs de l’Etat s’accroissent pendant le règne de Xuanzong. D’où, une série de
problèmes latents dés la 1ere partie du règne de Xuanzong, malgré les mesures prises. Sans
compter qu’à la fin de son règne, l’empereur n’est pas intéressé par la gestion de l’Etat, à
cause de Yang Huhuan.
En 745, elle entre dans le harem impérial, comme Yang Guifei. Sous son influence, les
membres du clan des Yang détiendront progressivement les postes clés de l’administration.
L’ensemble du pays devient anarchique. Alors, le désintérêt de l’empereur et la crise
économique favorisent l’arrivée d’An Lushan216 à la Cour.
214
755-763
215
712-756
703-757
216
An Lushan est originaire d’Asie Centrale. Ce métis de mère turque et de père sogdien est
connu pour son physique ingrat. Petit à petit, il grimpe les échelons, pour devenir commissaire
impérial commandant la préfecture de You217.
En 737-752, l’empire est dirigé par Li Linfu. Inquiet de la montée en puissance du clan Yang,
il prend la décision de favoriser un général barbare. An Lushan devient donc ‘’Grand général
de cavalerie’’. Sa place est si importante que l’empereur en fait le fils adoptif de Yang
Guifei218. Il lui est même accordé le privilège rarissime, car royal, de frapper monnaie.
Le 1er inquiet est An Lushan qui redoute les conséquences, si l’empereur venait à disparaître.
Il prépare alors sa déchéance dans sa préfecture de You, où il fait construire une ville fortifiée.
La justification est la lutte contre les incursions nomades. En réalité, il entraîne ses troupes et
stocke des armes.
Il décide une rébellion après la nomination d’une parent de Yang Guifei au poste de 1er
Ministre, fin 755. Il marche sur Luoyang219 et sur Chang’an220. L’empereur s’enfuit alors au
Sichuan. Les courtisans demandent la fin du clan de Yang Guifei et surtout, la mort de celleci.
L’objectif de l’armée est de viser le harem, foyer d’intrigues entre les clans et les eunuques.
La mort de Yang Guifei accroît le pouvoir des eunuques, qui sont généralement d’extraction
misérable. Ils s’opposent aux lettrés qui recherchent aussi les faveurs de l’empereur.
En réalité, les eunuques sont l’instrument de l’absolutisme. Opposés aux propriétaires
fonciers et aux lettrés, les eunuques ont une influence prépondérante. Dés lors, l’empereur fait
sentir son poids sur le peuple et sur l’administration. C’est le cas à la fin des Tang, sous les
Ming et à la fin des Qing.
Les armées impériales reprennent Luoyang en 757. An Lushan est assassiné à 54 ans, car il
se conduit comme un dictateur. Mais, la rébellion dure jusque 763, avec des batailles pour le
pouvoir. Elle signe la fin d’une époque. Elle a échoué, mais la dynastie Tang ne survit que
grâce à l’intervention des troupes ouïgoures.
Au 9e siècle, les rébellions de commissaires impériaux se multiplient. C’est la décadence
continue des Tang, avec la création de régions autonomes dirigées par des commissaires
impériaux.
Conclusion
217
c’est le Pékin actuel
218
il a 46 ans, elle en a 26
219
755
756
220
L’empire est sans cesse menacé et la construction n’est jamais achevée. Il est menacé dans
son fonctionnement et d’éclatement. C’est une période de division221. Il est constamment sous
la menace des pays voisins, notamment sous les Song.
Mais l’empire n’est pas seulement synonyme de chaos. Que ce soit les Han, les Tang ou les
Song, chaque dynastie a eu des périodes très brillantes dans les domaines de la civilisation
chinoise. La Chine sert ainsi de modèle dans les domaines suivants :
* arts et lettres
* économie et société
* sciences et techniques
Chapitre 4
La bureaucratie, instrument ou élément
modérateur du pouvoir
Introduction
La Chine est inimaginable sans bureaucratie. En fait, l’Occident perçoit la bureaucratie
chinoise à travers une image du 17e siècle, époque de l’arrivée des Occidentaux en Chine.
D’où, l’idée fixe d’une bureaucratie omnipotente et tentaculaire. C’est là, une caricature.
En fait, elle est liée à l’idéologie confucéenne. La bureaucratie majoritairement composée de
fonctionnaires recrutés par examens mandarinaux, n’existe vraiment que sous les Song et dure
221
les ‘’Trois Royaumes’’ et les ‘’Cinq Royaumes des Seize Barbares
jusque sous les Qing. Quoi qu’il en soit, les rouages de la bureaucratie chinoise sont fixés par
étapes.
* sous Qin Shihuangdi222
* sous les Han
* sous les Sui et sous les Tang223
*sous les Song224
Les grandes familles et les aristocrates sont éliminés de la bureaucratie pour avoir soutenu le
pouvoir entre les 2e et 9e siècles. Elles sont remplacées par le mandarinat. Dés les Song, la
bureaucratie est inséparable du mode de recrutement225. Il est donc possible d’affirmer que le
triomphe de la bureaucratie Song coïncide avec celui de l’idéologie confucéenne.
En fait, le confucianisme correspond à ‘’l’étude de la voie’’226. Dés lors, l’empire s’appuie
sur la base d’une classe lettrée, de plus en plus nombreuse. Les lettrés et les fonctionnaires ne
sont pas obligatoirement confondus.
Dés les Song, il vaut mieux, pour entrer dans l’administration, avoir passé les examens. Dans
ce cas, l’on est lettré. Mais, tout lettré ne veut pas être fonctionnaire. Car, tous n’y parviennent
pas. La bureaucratie est la courroie de transmission ou un tampon, destiné à atténuer les
décisions.
L’expansion du pays est favorisé par les besoins de l’Etat et par le développement de l’écrit,
grâce à l’imprimerie. Il faut aussi retenir le recours au ‘’keju’’ pour le recrutement des agents
de l’Etat. Il avait un rôle important sous les Sui et les Tang, mais il sera systématisé sous les
Song. L’autre méthode pour devenir fonctionnaire, prend la forme d’une recommandation.
Il est là, possible de se demander : ‘’Pourquoi une telle bureaucratie en Chine ?’’. Il existe,
sur ce sujet, 2 théories :
*
théorie occidentale : l’apparition de la bureaucratie en Chine est conditionnée par le début
de construction des travaux hydrauliques. Ceux-ci consistent principalement en l’irrigation
et à la conservation des eaux. Ces travaux sont nés de la nécessité de contrôler les
nombreux travailleurs mobilisés pour les travaux.
* théorie chinoise : le contrôle de l’irrigation est transféré aux autorités centrales.
L’irrigation et le transport des grains sont à l’origine du contrôle de l’économie de l’eau par
l’Etat.
222
le pouvoir est centralisé, tandis que le pays est découpé en circonscriptions administratives,
dirigées par un fonctionnaire
223
les Tang reprennent les institutions des Sui
224
bureaucratie omniprésente
225
‘’keju’’ ou examens de la fonction publique. Ils sont dominés par l’idéologie confucéenne,
car le candidat doit connaître les Classiques
226
‘’daoxue’’
Mardi 24 mars 1998
I. Aux origines de la bureaucratie
La bureaucratie est à prendre dans le sens ancien du terme. Elle est spécifique à la Chine, de
par son ancienneté et par le recrutement par concours. La bureaucratie a changé d’une dynastie
à l’autre. Certains organismes sont vidés de leur sens, même s’ils ont gardé leur nom.
L’économie dite ‘’hydraulique’’ est l’une des thèses expliquant la mise en place de la
bureaucratie, à cause du contrôle227. Dés le 5e siècle, d’importants travaux sont entrepris pour
irriguer les terres et lutter contre les inondations. Le transport de grains est une autre raison.
L’explication de la bureaucratie est une conception des philosophes du pouvoir princier et de
l’organisation de la société. Confucius est le 1er à jeter les bases du système de recrutement des
227
creusement de canaux ou de digues, etc
bureaucrates. Ceux-ci sont appelés au service de l’Etat, du fait de leurs capacités. L’empereur
est entouré de conseillers choisis selon leurs compétences et non pas leur naissance.
Le choix des fonctionnaires par examen est dû à cette conception. C’est alors la voie ouverte
à la formation d’un groupe de professionnels. Les registres des mérites sont établis selon les
connaissances de l’écriture et le classement. Le cérémonial de présentation permet aussi le
choix des fonctionnaires.
Le système change bientôt en charge héréditaire, avec des travaux pour les collectivités228.
Sous les Song, la formation des fonctionnaires est assurée dans des académies de préparation
aux concours. Mais, ce n’est pas le cas sous les Tang. Dans un 1er temps, le savoir est
monopolisé par les élites.
Sous les Qing, les autorités centrales contrôlent tout. L’agent de l’Etat doit donc agir en leur
nom. La 1ere mesure est la suppression de l’ancienne aristocratie des nobles. Sur le plan
administratif, le pays est divisé en circonscriptions administratives.
Sous les Han, les rouages administratifs sont renforcés. On note l’apparition de termes qui
seront utilisés jusqu’à la fin de l’empire229. Il existe également un nombreux personnel
accomplissant des tâches administratives. En fait, la bureaucratie va décliner lorsque les Han
ne contrôleront plus l’empire.
II. La bureaucratie sous les Sui et sous les Tang
Quant aux Song, ils reprennent le système des Sui et des Tang. C’est sous les Sui, qu’est mis
en place, le recrutement par concours. Les rouages administratifs sont repris par les Tang et
par les Song. L’attention est portée sur les Classiques dans la formation des jeunes, qui
étudient la version officielle des Classiques.
La différence entre les Sui, les Tang et les Song, réside dans le fait que sous les Tang, le
système est irrégulier. De nombreuses responsabilités sont contrôlées par les militaires. Le
système des Song est l’accès principal à la fonction publique. Il connaîtra peu de changements
jusqu’à la fin de l’empire.
III. La bureaucratie sous les Song
228
gestion de domaines, lever de contributions
229
préfecture, sous-préfecture, gouverneur, etc.
A. Restauration de l’administration civile
L’administration siège près de l’empereur. Ses membres assistent l’empereur. Les plus hauts
fonctionnaires sont regroupés dans le ‘’Grand secrétariat’’, dépendant de l’empereur, comme
le ‘’Bureau des académiciens’’ et le ‘’Censorat’’.
Sous les Qing, le ‘’Bureau des académiciens’’ prend le nom d’’’Académie Hanlin’’ et
regroupe les 1ers docteurs de chaque promotion.
Le ‘’Grand secrétariat regroupe 5 à 9 personnes, dont 3 grands conseillers ont rang de 1er
Ministre. Chaque grand conseiller est assisté par des conseillers civils et militaires. Il se réunit
tous les matins et détermine les politiques à appliquer.
Le ‘’Bureau des académiciens’’ rédige les décisions du ‘’Grand secrétariat’’, contrôle et
censure ses propositions. Puis, il soumet l’ensemble à l’empereur.
Le Censorat, composé de 3 bureaux, recueille les plaintes administratives. Le bureau de la
capitale est le bureau du Tambour. Le gouvernement voit alors affluer les critiques
administratives concernant les fonctionnaires. En théorie, les plaignants sont couverts par le
secret professionnel des censeurs, eux-mêmes couverts par leur immunité. Cela a fonctionné
sous l’empereur Shenzhong230.
Quant à la gestion courante, était la tâche des ‘’6 ministères’’231 :
* Ministère de la Fonction publique232
* Ministère des Finances
* Ministère des Rites233
* Ministère de l’Armée
* Ministère des Travaux publics234
* Ministère des Châtiments
230
11e siècle
231
liubu
232
carrière des fonctionnaires
233
cérémonies, rituels et éducation, dés les Song, avec le Keju
234
canaux, digues, palais, etc
Les fonctionnaires passent le concours de la fonction publique. Au niveau local, les futures
provinces sont connues sous le nom de ‘’circuits’’235. L’administration est collégiale, avec des
hiérarchies parallèles. Dés lors, personne ne monopolise le pouvoir régional.
Dans les provinces, les intendants représentaient le pouvoir central et étaient spécialisés236.
Quant à l’inspecteur régional, il coordonnait temporairement les affaires provinciales, tout
comme pour le commandement militaire.
Les préfectures étaient au nombre de 300, dont 100 avec des sous-préfectures, le plus bas
niveau administratif. C’était là que le fonctionnaire commençait sa carrière, en tant que souspréfet. Résidant au ‘’yamen’’, il était assisté par des adjoints non responsables devant le
gouvernement central.
La taille de la sous-préfecture et le nombre d’habitants étant plus élevés que les
fonctionnaires expérimentés, la quasi totalité de l’administration quotidienne est assurée par
un personnel non fonctionnaire237. Il existe, en effet, une différence entre la bureaucratie
régulière et le personnel local.
La volonté de l’empereur est de couper la bureaucratie des liens locaux et régionaux. C’est la
règle de l’’’évitement’’238. Il ne faut pas que l’administration locale soit dominée par un clan.
Les gens de la même famille ne peuvent pas exercer dans la même administration.
L’évitement a entraîné une conséquence particulière. La masse des agents sont recrutés
localement, pour éviter que le fonctionnaire amène son propre personnel. La difficulté à
laquelle doit faire face l’administration locale, est celle de la double dichotomie :
* les fonctionnaires en titre étaient payés et nourris par le gouvernement
* le personnel local, sans salaire, vivait sur les administrés
* le bureaucrate était parachuté dans une administration inconnue
* le personnel local était très impliqué dans les affaires locales
Le fossé existant dans les institutions Qing, entre les fonctionnaires et le personnel
d’exécution, est un héritage de la dynastie Song. C’est pourquoi, en dessous de la souspréfecture, les fonctionnaires sont nombreux et subalternes. Les charges sont héréditaires, car
les principes de la bureaucratie ne sont pas appliqués.
B. Le Keju et l’enseignement
235
‘’dao’’
236
affaires fiscales, judiciaires, militaires ou commerciales
237
par exemple, secrétaire, archiviste ou policiers
238
le fonctionnaire doit exercer dans une lointaine province
Les fonctionnaires étaient recrutés par le ‘’Keju’’. Sous les Song, l’éducation comportait les
points suivants :
* importance croissante du ‘’Keju’’
* ouverture de nombreuses écoles locales et volonté de contrôle par le gouvernement239
* triomphe du néo-confucianisme par le contrôle du contenu de l’éducation
* importance croissante du ‘’Shuyuan’’
* propagation de l’imprimé et impact sur l’accès à l’éducation, à un plus vaste public
1. Examens et écoles
Les Song ont remis en place les catégories des examens des Tang. Mais, jusque 1065, les
sessions d’examens sont irrégulières. Puis, il y a une session tous les 3 ans. Les candidats
composent selon les concours, dont la hiérarchie dépend des lieux, qui sont :
* la préfecture240
* la capitale provinciale241
* la capitale impériale242
* le palais243
L’initiative est due au fait que l’empereur veut contrôler et vérifier l’impartialité des
examinateurs. C’est sous les Song que sont introduits les maths et le droit. Il s’agit de contrer
la preéminence de la poésie244. Mais, à l’initiative de Wang Anshi, seuls les examens de
Classiques sont conservés. Les candidats sont testés sur leur capacité à utiliser les principes
classiques dans le cas de problèmes réels.
Les tests portant sur les Classiques sont les ancêtres de la ‘’dissertation en huit parties’’245.
Ils étaient très critiqués, car responsables de la sclérose des lettrés, qui n’apprennent plus les
classiques246. Petit à petit, l’idée se répand que la connaissance des Classiques suffit pour
avoir les qualités nécessaires à l’exercice du fonctionnariat. Le ‘’junzi’’ lit les Classiques.
239
enquêtes
240
le futur bachelier compose en automne
241
le futur licencié compose au printemps
242
le futur docteur
243
le futur académicien passe devant l’empereur. C’est une innovation de Taizong, en 995
244
1069
245
‘’baguwen’’
246
18e et 19e siècles
Les concours laissent une large place à la mémoire, car il fallait avoir une parfaite
connaissance des Classiques et de leurs commentaires. Leur recrutement dépendait de cela. Il
s’agissait d’expliciter des passages choisis, après avoir complété les blancs.
L’impartialité des examinateurs était garantie par des règles. Ce qui peut amener à se
demander comment un examinateur pouvait évaluer les qualités morales d’un candidat. En
fait, il y avait 2 possibilités :
* anonymat247
* double contrôle des examens métropolitains248
Afin que toute origine sociale soit représentée, un système de quota est institué, vers 1020.
Même les régions les moins développées doivent avoir leurs candidats. D’où, l’obligation de
s’inscrire dans sa région de résidence. L’invasion du Nord et l’afflux de population vers le
Sud sont les raisons justifiant que 7 ans de résidence dans un lieu soient nécessaires pour
pouvoir s’inscrire avec les résidents locaux.
Le taux d’échec est très élevé249. L’examen du Palais ne fait que confirmer la capacité des
candidats et facilite la répartition des postes. Le meilleur candidat est très honoré et jouit d’un
très grand prestige. Cela explique la création d’une nouvelle structure sociale, où les diplômés
sont des élites250. Mais, tous les diplômés n’ont pas de poste.
Le prestige de tout diplômé rejaillit sur sa famille. Son influence sur les affaires locales et
nationales est énorme. A l’origine, ces examens étaient un mécanisme social impartial. Mais,
ils ont servi à accroître la nature bureaucratique de la société chinoise traditionnelle.
Vers les 8e-11e siècles, il y a une évolution sociale et politique. Après le déclin de
l’aristocratie traditionnelle, la Chine du 10e siècle est dominée par les militaires. Au 11e siècle,
la nouvelle catégorie est celle des lettrés. Dés lors, le ‘’Keju’’ a une implication beaucoup plus
large que le recrutement des fonctionnaires pour servir l’empereur. Il régente l’éducation.
Au 19e siècle, les Occidentaux sont surpris, car l’Etat n’exerçait aucun contrôle sur les
écoles. En, fait, il s’exerçait à travers le choix des programmes. En 962, sont créees les
‘’guoizijian’’, qui assurent la formation des fils de hauts fonctionnaires. En 1078, elles
règnent sur l’ensemble de l’éducation. D’où, la création de l’institution de l’Université
impériale251.
Les membres des ‘’Guozijian’’ compile les Classiques, imprimés et distribués par un bureau
d’édition, rattaché au ‘’Guoziju’’. En dehors des Classiques, des Histoires dynastiques, les
247
les copies étaient recopiées par des copistes, vers le 11e siècle
248
c’est le cas pour l’examen du Palais
249
10 % des candidats sont reçus à l’examen de licence
250
ils représentent moins de 1 % de la population
251
étude des lois, des maths, de la médecine, etc
‘’Guoziju’’ prépare des ouvrages de préparation aux examens. Liés à l’administration, ses
membres sont consultés sur les questions des rites et des mémoires. Ils ont donc un pouvoir
moral et intellectuel.
Au niveau local, sous les Song, le système n’est pas efficace. Les écoles officielles ne sont
pas un lieu d’enseignement, mais un lieu de contrôle des candidats aux examens.
Mardi 31 mars 1998
La part du ‘’Guozijian’’ dans l’enseignement est limité. L’organisme est engagé dans des
travaux de publication. Les institutions locales, notamment sous les Song, jettent les bases
d’une éducation gouvernementale, à travers un réseau d’écoles officielles. Lieu de contrôle
des candidats aux examens, elles sélectionnent les candidats, car le nombre de candidats
s’élève sous les Song.
L’inscription dans une école officielle est une condition nécessaire à la présentation des
examens. Si l’Etat crée des écoles d’enseignement, elles sont privées. Elles sont ouvertes par :
* les clans252
* les villages253
* les monastères bouddhistes
* les riches notables
* les grandes familles
Les initiatives de l’Etat sont notamment celles de Cai Jing254, en 1102. Le but est d’ouvrir
des écoles dans les sous-préfectures et dans les préfectures. Il s’agit de mettre les meilleurs au
service de l’Etat. Il faut alors les repérer pour les former dans l’Université impériale.
Les réformes de Cai Jing échouent. Pourtant, elles auraient été une alternative aux examens
officiels. Les écoles privées s’alignent sur les examens et ses exigences. Elles sont alors
dispensées du contrôle de l’Etat.
Les académies255 existent dés les Tang. Situés dans les capitales provinciales et dans les
villes les plus importantes, elles sont au nombre de 300 dans le pays. Maintenues sous les
Song, elles sont plus ou moins distancées par la création d’institutions gouvernementales.
Leur déclin fait que les lettrés ont voulu accroître le nombre d’académies, afin qu’elles
assurent l’éducation confucéenne. Ainsi, les académies officielles gèrent l’éducation locale.
L’académie est un lieu d’étude, avec une bibliothèque et une imprimerie. Mais, c’est
également un centre d’activités intellectuelles et sociales. Cela est à l’origine de la diffusion
des idées néo-confucéennes sous les Song. Leur rôle sera plus important sous les Ming et les
Qing.
2. Diplômes et emploi
La préparation des examens est longue et difficile. L’âge moyen du docteur est de 30 ans.
Sous les Song, en 30 ans, 8.038 candidats ont été diplômés256. Seuls les docteurs étaient
assurés d’être nommés à un poste dans l’administration. La démarche se limitant à
l’accomplissement d’une formalité, on peut dire que tout diplômé de la capitale avait un poste.
La promotion dépendait du rang de sortie, les meilleurs étant nommés à un poste littéraire,
dans le Bureau des académiciens et dans le Bureau de la capitale.
252
elles préparent les membres du clan et leurs enfants
253
le lettré qui y enseigne est rémunéré en nature
254
1047-1126
255
‘’shuyuan’’
256
cela représente 25 % des candidats, à comparer avec 25.000 recalés
Un relatif monopole existe sous les Ming et sous les Qing. Le ministère de la Fonction
publique gère la nomination et l’avancement des fonctionnaires, mais les candidats reçus sont
souvent placés sur une liste d’attente, notamment pour les licenciés. Ceux-ci doivent alors
attendre plusieurs années.
Ils critiquent une formation peu concrète. Parmi les bacheliers et les licenciés sans poste,
nombreux deviennent professeurs dans les écoles locales. Les lettrés exercent ainsi une
certaine influence et sont présents dans l’administration locale.
Leur influence et leur prestige s’exercent aussi dans les clubs privés, financés par les familles
riches. Ils constituent un pivot essentiel dans la vie locale, entre le gouvernement et la
population. Les lettrés sont donc respectés. Sous les Song, des privilèges effectifs existent
pour ceux qui sont en poste. Voici 3 exemples :
* exemption de taxes et de corvées pour les bacheliers257
* idem pour les étudiants de l’Université impériale258
* les recalés âgés de 50 à 60 ans passent un concours plus facile259
3. Critiques contre le ‘’Keju’’
Elles existent dés leur mise en place. Il y en a 3 principales :
* ils favorisent le bachotage et le conformisme
* les exercices littéraires y sont trop importants et la formation n’est pas assez concrète
* la sélection est fondée sur le hasard et sur la fraude
Sous les Ming et les Qing, les examens de licence se passent sur des terrains. A Nankin,
3.000 candidats composent dans un lieu qui ne sert qu’une fois tous les 3 ans. Le reste du
temps, il n’est pas très bien entretenu. De plus, la pression physique et psychologique est
réelle. De nombreux candidats se suicidaient.
Après avoir été fouillés, ils entraient par petits paquets, surveillés par des soldats. Les
examinateurs et les candidats étaient enfermés dans des endroits séparés, pour éviter une
fraude, qui existait malgré tout. Ainsi, sous les Qing, un candidat brillamment reçu avait écrit
3 compositions.
Le contrôle d’identité passe par des garants, mais la fraude est possible. Les antisèches sont
de vrais petits ouvrages260. Mais, il est encore possible d’acheter un examinateur. Cependant,
les pratiques frauduleuses sont progressivement dénoncées.
257
1133
258
1149
259
après 10 tentatives infructueuses
sous les Ming, elles sont cachés dans le chapeau. Sous les Qing, c’est dans la natte. On a
même retrouvé l’intégralité des commentaires du ‘’Lunyu’’ dans une chemise rayée
260
En 1043, Fan Zhong Yan reprend les critiques des Tang261. Wang Anshi dit que le système
écarte les hommes vertueux s’ils ne sont pas capables de franchir le cap des examens. Il a
rompu avec les temps anciens262. Quant à Zhu Xi263, il prône la suppression des examens
pendant 30 ans, pour pouvoir recruter des hommes de talent.
Ces critiques peuvent nous amener à nous poser la question suivante : ‘’Les examens et les
concours mandarinaux sont-ils acceptables pour recruter de bons fonctionnaires ?’’ C’est une
compétition relativement ouverte.
Tout le monde peut se présenter aux examens264. La formation est accessible aux gens issus
de familles aisées. Passer les examens consiste à apprendre l’orthodoxie du point de vue de la
bureaucratie chinoise. Il faut respecter quelques règles. Les fonctionnaires ont, par la même
occasion, contribué à cimenter le pays.
En France, le système est fondé sur les mêmes principes :
* acquisition d’une culture générale
* aptitude du candidat à franchir un barrage éprouvant
* récitation de textes anciens, connus par coeur
L’apprentissage dépend du maître qui livre ses connaissances. C’est donc du ‘’par cœur’’. Il
n’y a aucune explication du contenu récité. La grammaire chinoise est fondée sur le latin, car
les structures chinoises n’existent pas en Français.
Matteo Ricci enseignait aux enfants de fonctionnaires qui se préparaient aux examens. Il se
servait du ‘’palais de la mémoire’’265. Les maîtres transmettaient par voie orale et les disciples
apprenaient. Dans les 2 cas, c’était du ‘’par cœur’’. La prise de notes était une marque de
paresse266. Mais, les examens étaient une voie de réussite, de pouvoir politique et de richesse.
Tout le monde peut passer les examens, mais seuls un petit nombre de candidats remplissent
les conditions pour les préparer. C’est donc, le déclin de l’aristocratie traditionnelle,
remplacée par celle du savoir. Au 11e siècle, les chiffres sont les suivants :
* 10.000 fonctionnaires
* 7.905 issus de familles modestes
261
le succès est dû à la chance et non aux capacités réelles
262
sélection selon les faits accomplis
263
1130-1200
voir l’ouvrage d’Auguste François, ‘’Le mandarin blanc’’. Consul à Yunnanfu ou
Kunming, il assiste, en 1904, au dernier examen de licence et décrit les candidats. Certains
arrivent avec leurs serviteurs et d’autres, avec leur baluchon
265
chaque meuble du palais servait à retenir une chose
264
266
en Inde, pour connaître un texte, on empruntait un moine qui le maîtrisait et s’en était
totalement imprégné
* 100 millions d’habitants
En fait, tout fonctionnaire n’est pas passé par les examens. Il existe 2 voies d’accès au
fonctionnariat :
* les examens
* la recommandation
Une partie des revenus commerciaux sont investis dans l’éducation, pour obtenir un titre ou
un poste. Les marchands sont souvent des fonctionnaires. C’est pourquoi, sous les Song, les
fonctionnaires et les marchands dominent la société.
Les examens ont accru la vénération pour le savoir. Les connaissances et les matières à
étudier sont définies. La diffusion des imprimés permet à de nombreux Chinois d’accéder aux
livres. Par conséquent, le nombre de candidats aux examens augmente, tout comme le nombre
d’alphabètes.
Le développement de l’économie fait que le pays est apte à participer aux débats touchant
aux réformes. De nombreux lettrés ont des idées extrémistes, même s’ils sont passés par les
examens. C’est le temps des nouvelles élites et d’une nouvelle idéologie.
Sous les Song, les grands thèmes de l’orthodoxie de base des lettrés sont fondés sur
l’idéologie néo-confucianiste. C’est à cette époque que Confucius prend sa vraie dimension,
car il n’est pas responsable de l’Etat et de la société mise en place. Une place privilégiée est
accordée aux lettrés, dans un Etat fondé sur la bureaucratie.
Les hommes veulent changer les mœurs de leur temps. Il faut combattre les influences
négatives267. Cela explique la définition de ‘’l’homme de bien’’268. Teintée de puritanisme,
elle insiste sur la réforme des mœurs et sur l’éducation. Le néo-confucianisme des Song est
mis en parallèle, par les Occidentaux, à l’influence du Christ en Occident.
Mardi 7 avril 1998
Les examens prennent fin en 1905, suite à des questions que se posent les Chinois. Le
système est seulement fait pour la formation des fonctionnaires. Cela dit, la formation pratique
existait, lorsque le lettré était sur la liste d’attente de poste. Enfin, l’une des critiques
267
268
bouddhisme, taoïsme, religions populaires, usages vulgaires choquant la pudeur, les moines
manquant de retenue
‘’junzi’’
concernant les examens chinois est que l’on englobe les examens dans l’ensemble du système
éducatif.
C. La nouvelle élite et son idéologie
1. La philosophie de la raison de Zhu Xi269
Le confucianisme est revisité par Li Si et par Zhu Xi. Ces précurseurs lettrés se sont penchés
sur le confucianisme et sur les Classiques.
C’est sous les Sui et les Tang, qu’apparaît l’idéologie bouddhiste, qui relègue le
confucianisme au 2e plan. Il faut dire que le confucianisme est une philosophie pragmatique et
qu’il ne répond pas aux besoins plus métaphysiques de la population pour résoudre des
problèmes autres qu’abstraits.
Le confucianisme est toujours présent, notamment dans l’enseignement et dans
l’organisation des examens officielles. C’est ainsi que les fondateurs des Tang chargent 1
descendant de Confucius d’établir la version officielle des Classiques. L’objectif est de donner
plus de cohérence à l’enseignement.
Les concours les plus prestigieux expliquent que le confucianisme regagne son ascendant. Il
est favorisé par le déclin du bouddhisme270. A la fin des Tang, un philosophe nommé Han
Yu271 s’illustre dans les recherches sur Confucius.
Les confucéens s’opposent au bouddhisme, car ils lui reprochent son caractère antisocial.
Dans son livre, Han Yu propose la restauration du ‘’Dao’’. Pour retrouver la vérité, on doit
reprendre l’exemple des souverains modèles, qui ont transmis 1 message aux initiés, dont
Confucius et Mencius.
Dans le même temps, certains confucianistes intègrent dans leurs spéculations, une
philosophie de l’être, une religion de salut, plus ou moins empruntée au bouddhisme ; mais
sans le reconnaître. Han Yu est critique. Il dit que pour certains confucianistes, la doctrine
bouddhique écarte les citoyens de la vie en société.
Les esprits les plus originaux ont dénoncé la tradition commerciale opposante. Mais, au sein
de la tradition, certains lettrés ont fait preuve de liberté d’esprit et ont réagi contre ces
tendances. Il est impossible d’oublier le meilleur aspect du confucianisme. La nature de
l’homme est perfectible, tandis que son éducation est modelée par la vie en société. On y
acquiert 3 qualités :
* le respect de l’autre
* jouissance dans l’étude
269
1130-1200
270
842-845, années de la Grande Prosécution
271
766-824
* sens de l’intérêt général
2. Caractéristiques de la classe lettrée
Sous les Song, le lettré confucianiste est passionné par la science divinatoire272. La
renaissance philosophique et l’interrogation sur les Classiques sont les références sur le
confucianisme. En fait, le confucianisme Song s’enrichit d’une métaphysique empruntée au
bouddhisme et au taoïsme.
L’élaboration du ‘’daoxue’’ est l’œuvre de nombreux penseurs. Les plus importants sont les
suivants :
* Zhou Dunyi273 : il s’intéresse au ‘’Yijing’’. Il veut donner une nouvelle interprétation du
faîte suprême274, à partir du ‘’Yijing’’. Cela met en évidence 2 éléments qui se retrouvent
chez Zhu Xi :
- le ‘’li’’275
- le ‘’qi’’276
*
Shao Yang277 : il étudie le ‘’Yijing’’. Il développe la spéculation sur la base des nombres.
D’où, la définition de la loi universelle de l’évolution. C’est une conception de la suite de
différents âges278. Le déclin aura une fin, mais pas une évolution, car le cycle se répète
indéfiniment. Il rétablit les lois cosmiques avec la mise en relation du désir avec le corps.
L’homme est seul à comprendre le principe des choses.
* Zheng Zai279 : le ‘’qi’’ est une substance limpide qui entoure l’eau et le poisson. C’est
l’ensemble uni de la création. L’idée est reprise par Cheng Hao et par Cheng Yi, qui les
développent. L’impact est important dans l’enseignement en Chine. C’est Cheng Yi qui
choisit les ‘’Quatre Livres’’ comme le fondement du confucianisme.
272
le ‘’Yijing’’
273
1017-1073
274
‘’taiji’’ : définition de la création. Le ‘’ying’’ et le ‘’yang’’ ont engendré les ‘’Cinq
Eléments et les ‘’10.000 choses’’, autre nom de l’univers
275
la forme
276
la matière
277
1011-1077
278
chronologie cosmologique ou définition de et démonstration que à son époque, le monde
est dans une phase de déclin. 1 cycle représente 125.600 années
279
1020-1077
C’est également lui qui définit le contenu de l’éducation des 11e-20e siècles. Des divergences
d’interprétation expliquent l’existence d’écoles rivales. Tout cela prépare le terrain à Zhu Xi,
qui est l’un des plus importants maîtres de l’orthodoxie confucéenne, après Confucius.
Sa doctrine est attachée à la philosophie de la raison280, dont l’influence se fera sentir jusqu’à
la fin de l’empire. Issu d’une famille de lettrés originaires du Fujian et plusieurs fois
fonctionnaire, ses œuvres sont des commentaires qui ont défini l’orthodoxie Song.
Sa doctrine est une synthèse de la fonction et des connaissances du taoïsme, du bouddhisme
et des concessions aux spéculations des penseurs antérieurs. Elle a contribué à expliquer le
‘’qi’’ et le ‘’li’’.
* le ‘’li’’ : éternel, il précède l’existence des choses. Il désigne qu’au commencement, il
n’existait rien avant le ‘’li’’. C’est le principe sans fin, la raison d’être des choses.
* le ‘’qi’’ : il appartient au domaine des corps, inséparable du ‘’li’’.
L’homme est composé de ‘’li’’ et de ‘’qi’’. Cela dit, chaque homme est différent, car le ‘’qi’’
varie selon l’individu. Quant au ‘’qi’’, il est responsable de toutes les divisions qui menacent
l’homme. Dés lors, le but est de retrouver le ‘’li’’ éternel. D’où, le besoin de se livrer à une
ascèse spirituelle et intellectuelle.
Il faut purger son cœur de tout désir égoïste et procéder à l’investigation des choses. Cet
effort de compréhension l’amènera à une illumination soudaine. Zhu Xi a fondé l’académie
des Cerfs Blancs. Ses recommandations aux disciples sont les suivantes :
* refouler tout mouvement voulu
* étouffer sa sensualité
* attribuer à autrui ce qu’on a fait de bien
* corriger ses défauts
 faire un retour sur soi-même
La dernière pratique émergeant au 16e siècle est l’examen de conscience. Zhu Xi
recommande aussi à chacun de relever ses fautes et ses bonnes actions, et ce,
quotidiennement. Il faut également avouer ses fautes entre amis281. Les académies de Zhu Xi
empruntent certains traditions au monastère.
* culte de Confucius
280
‘’lixue’’
281
cette recommandation est reprise des traditions monacales
* culte du fondateur
* chants et cérémonies
Le disciple doit se contrôler. Le confucianisme est la doctrine prônée par Zhu Xi et les lettrés
des Song auraient cultivé son côté frugal. Cet état d’esprit se retrouve dans certaines écoles
modernes, où l’élève doit contrôler son attitude.
Les apports principaux du néo confucianisme sont les suivants :
* le vocabulaire et les nombreux commentaires qui en ont découlé
* la sincérité
* la quiétude
* la recherche sur les choses
L’homme de bien est donc sincère et quiéteux. Il insiste sur les Classiques et développe les
notions existantes. Leur interprétation n’est pas associée aux lettrés. Dés les Song, les
Classiques sont associés au recrutement des fonctionnaires. Ceux-ci sont donc imprégnés de la
doctrine de Zhu Xi, puisque celui-ci a défini l’étude desdits Classiques.
Mais la majorité des lettrés veut être fonctionnaires. Il s’ensuit des spéculations autour des
Classiques, qui n’ont jamais cessé. C’est ainsi que le néo confucianisme a investi le ‘’Keju’’
et les écoles, car on constate un large usage des commentaires de Zhu Xi, notamment le
‘’Canon des 3 caractères’’282. L’étude de ce texte ainsi que celle du ‘’Livre des mille
caractères’’ et celle du ‘’Classique des 100 noms de famille sont obligatoires avant de passer à
l’étude des ‘’Entretiens’’ de Confucius283.
Zhu Xi propose également des écoles pour jeunes. Il a un important impact sur l’idéologie
néo confucéenne, avec une réflexion sur le but et les abus de la monarchie. Il faut dire que le
néo confucéen constate la lutte entre l’Etat et l’idéologie.
* l’Etat veut avoir le contrôle et l’unité idéologique
* l’individu veut être un bon lettré
Alors, le lettré doit calmer la tension et rechercher l’harmonie entre les 2 parties. L’unité
idéologique est indispensable à la bonne marche de l’empire. L’influence néo confucianiste se
fait sentir à la fin des Song du Sud, le point culminant étant le choix des commentaires de Zhu
Xi comme version officielle sous les Yuan et les dynasties suivantes.
Dés le 11e siècle, apparaît un nouveau type d’ordre idéal. La vertu guerrière décline au profit
de l’homme de pour le charger de l’Etat et pour qu’il conseille le souverain. Il connaît
l’importance des rites et se contrôle, lui et ses impulsions. Il possède les qualités suivantes :
* modestie
* prudence
* respect des autres
282
‘’Sanzijing’’, l’un des 3 textes fondamentaux avec le ‘’Qianzishu’’ et le ‘’Baijiaxing’’
283
‘’Lunyu’’
* dévouement à l’Etat
La classe des lettrés est relativement ouverte. La tradition philosophique dont les
fonctionnaires sont imprégnés n’est pas figée, car le confucianisme est souple et enrichi de
canaux intellectuels et religieux divers. Certains aspects sont à justifier :
* projets politiques réactionnaires ou rénovateurs
* néo-confucianisme Song284
A l’époque des Song, on s’attache à tirer des forces célestes, un enseignement sur l’époque.
Donc on parle d’une longue décadence. La bureaucratie est paralysante et la pensée est
bornée. L’idée est renforcée par le fait que les Qing ne sont pas Han, mais Mandchous.
Cette vision est partagée par des auteurs occidentaux. Or, certains spécialistes de la
bureaucratie affirment que celle-ci n’a pas connu une longue décadence linéaire. Selon
l’époque, l’administration de l’empire est très efficace ou dépassée par les événements.
Mardi 28 avril 1998
284
il a dominé la Chine jusqu’à la fin de l’Empire, ce qui n’est pas contraire à l’invention
d’une solution face aux problèmes concrets de gouvernement. Wang Anshi propose une
‘’Nouvelle Loi’’ sur les problèmes économiques ou militaires
D. Rapport entre le pouvoir et la bureaucratie
Durant la période de l’empire, les rapports entre les Song et les Qing sont souvent
conflictuels, car ils luttaient avec l’idée que les empereurs n’avaient pas arrêté de se défier de
leur bureaucratie285. Dés lors, l’empereur veut avoir un œil sur la bureaucratie.
Sous les Song, la bureaucratie a le statut le plus élevé par rapport à l’empereur. Elle exerce
un pouvoir moral et c’est pourquoi les élections politiques se font au grand jour. Il y a donc
une alternance.
Après les Song, les souverains font sentir leur pouvoir et les fonctionnaires sont traités
comme leurs obligés. Il existe donc une méfiance entre les 2 parties. Sous les Song, on peut
être lettré sans être fonctionnaire, mais le contraire n’est pas possible. Il existe des tentatives
de transformer les charges en charges héréditaires. Les dates des concours n’étant pas fixes,
l’empereur décide pour les concours qui ne sont pas intégrés dans une hiérarchie.
On est très critique envers la bureaucratie, mais tout n’est pas négatif. Car, nombreux sont
ceux qui ont eu des problèmes concrets286, même si leur formation était inadaptée.
Chapitre 5
285
du Censorat
286
financier, hydraulique, judiciaire
La Chine et ses voisins, des origines aux Song
Introduction : impossibilité actuelle de traiter sérieusement de ce sujet
Parler des relations avec les voisins, des origines aux Song, est un retour sur la question déjà
posée : ‘’Qui sont les Chinois ?’’. L’autre question est : ‘’Peut-on parler d’un ‘’monde
chinois’’ ou d’une zone d’influence chinoise et conclure qu’il existe une aire de culture néoconfucéenne. Certains historiens ont eu tendance à suivre les seules traces des Histoires
dynastiques. La tendance est de présenter la Chine comme un bloc existant depuis les Qing.
Une autre des questions, en parallèle, est de savoir qui sont les voisins des Chinois. Les
frontières ayant évolué, sur les frontières immédiates, certains voisins sont devenus Chinois ;
que ce soit volontairement ou pas. Les plus lointains287 ont une culture néo-confucéenne.
Le point de vue de Fan Wenlan donne une idée de la complexité du fait. Il existe 2 types de
relations :
* conflictuelles : escarmouches sur les frontières et compétition ouverte
* paisibles
: échanges commerciaux, culturels et techniques
L’influence de la Chine sur ses voisins est aussi importante que celle des voisins sur la
Chine. On peut penser que les voisins ont tout emprunté à la Chine288.
I. Chinois et Barbares
La terminologie qui existe dans les ouvrages classiques oppose 2 types de barbares :
* les Barbares du monde chinois
* la civilisation chinoise
Dans ‘’Intelligence de la Chine’’, Jacques Gernet utilise la terminologie de ‘’recueil de textes
divers du 5e siècle’’. Xie Zhaozhe289 est un voyageur qui nous a laissé des ‘’Notes sur les
populations nomades’’ qui traitent de la sympathie et de l’administration. Gernet traduit 3
textes concernant les rites et les lettrés. Sa conclusion est qu’il vaut mieux vivre chez les
barbares avec un bon souverain, que chez les Chinois sans un bon souverain. Les
contemporains de Xie Zhaozhe ont exprimé la même tolérance que lui.
287
Corée, Vietnam et Japon
288
Japon, population des steppes à l’Asie du Sud-Est
289
1567-1624
Mardi 5 mai 1998
A. Les populations chinoises et leurs voisins
Le terme ‘’Zu’’ a 3 sens290. Quant au terme ‘’Man’’, il est péjoratif. Ce terme péjoratif
désigne les barbares du Sud. Les Tai et les Miao étaient les 1ers arrivés dans la plaine Centrale,
mais ils ont été déplacés à cause d’autres populations.
Fan Wenlan utilise l’archéologie. Des luttes opposant les tribus, Fan Wenlan reprend les
textes tels quels. Fan Wenlan fait une fusion entre la légende et l’histoire. Les Chinois ont la
même culture, selon Chang-Kwang-Chih291.
Cette complexité est le résultat d’une longue conquête ou de l’évolution. Pour ChangKwang-Chih, comprendre les Shang, c’est comprendre le groupe d’origine des dirigeants de la
dynastie. Le fait est que des populations occupant la plaine Centrale ont dû se battre avec des
populations différentes, de par les coutumes et par le style de vie. Sur le plan historique,
l’opposition se fait concrètement entre les nomades et les sédentaires.
D’un point de vue culturel, les dirigeants et la population sont influencées par les voisins292.
Dans le monde chinois, le royaume de Qin est un Etat barbare. Mais, il a vite adapté les
institutions et les pratiques culturelles des Chinois. Les barbares étaient partout. Les textes
anciens les considèrent avec le même esprit d’observation que celui des naturalistes et
ethnologues.
La politique chinoise par rapport à ces populations est celle du protectorat. Dés Confucius,
les Chinois ont eu la volonté de civiliser les barbares. Sous les Qin et les Han, est mise en
œuvre une politique d’expansion et de colonisation.
Le royaume Qin était le plus puissant des Royaumes Combattants. L’expansion militaire et
coloniale est soutenue par la contribution des routes royales invisibles. Au Nord, on constate
le recul des Xiongnü, qui vivent dans le nord de la Chine et dans la boucle des Ordos293. Plus
précisément, les Xiongnü sont des populations proto-turques. Le problème est de caractériser
290
clan, famille, population ethnique
291
spécialiste de l’archéologie en Chine
292
les Rong, des barbares de l’Ouest, contre lesquels il faut se défendre
293
Mongolie intérieure
actuelle
les populations du territoire chinois. Les sources chinoises permettent de connaître les
populations de Chine centrale, mais de façon trop imprécise. Ces Xiongnü sont forts et unis.
Ils représentent la 2e minorité du pays au 3e siècle AE.
Pour contrer leurs attaques, les Yan et les Zhao ont construit les 1ers éléments de frontière
avec la Grande Muraille. Cette politique est reprise par Qin Shihuangdi pour empêcher
l’avancée des populations. Il leur opposera une autre population par l’intermédiaire d’une
colonisation de la région Nord. Il envoie une population considérable, avec pour tâche de
construire une muraille et de mettre en valeur les terres. Près de 300.000 personnes
construiront la Grande Muraille.
Sous les Qin, la 1ère colonie date de 219 AE, dans le Shandong. Son existence est due à une
décision prise par Qin Shihuangdi, pendant un voyage sur la côte orientale du pays294. Les
familles sélectionnées sont composées de citoyens ordinaires qui se voient accorder une
exemption de corvées pendant 12 ans. Idem en 214 AE, pour le Nord et pour le Sud.
Les déplacements de population concernent les régions vides ou peu peuplées. Ils
représentent les 1eres mesures pour l’unification de l’empire.
294
30.000 familles doivent s’y installer
Mardi 19 mai 1998
B. Expansion et colonisation sous les Qin et les Han
Les Chinois s’imposent dans la Sérinde295, notamment sous Han Wudi. Entre 135 et 119 AE,
l’action est essentiellement dirigée contre les Xiongnü. La stratégie Han est articulée contre
certaines opérations :
* politique de défense296
* tentatives de pénétration en Asie Centrale
* assurer le concours d’alliés
* empêcher la concentration de Xiongnü sur les frontières
* pénétration vers le Sud et vers le Nord-Est297
En 138 AE, une ambassade de Wudi entre en contact avec les Yuezhi, ennemis des Xiongnü.
Menée par Zhang Jian, elle est arrêtée et Zhang Jian est gardé en captivité pendant 10 ans. Or,
les Yuezhi se sont sédentarisés à son arrivée et sa mission représente un échec diplomatique.
Revenu à Chang’an en 126 AE, il repart négocier avec les Wusun298.
Cette mission représente une réussite par la durée et les informations recueillies. Zhang Jian
ramène une description des contrées traversées. La Route de la Soie est le point de rencontre
des mondes chinois et iranien.
En 128-127 AE, la boucle du Fleuve Jaune et le corridor du Gansu sont conquis et contrôlés
par les Chinois, jusqu’à Dunhuang. En 109 AE, les Etats barbares sont soumis. Les Chinois
ont visé l’équilibre en Asie Centrale et déstabilisé les Xiongnü, ce qui explique l’installation
de garnisons.
En Corée, la politique est coûteuse en hommes, mais très populaire, ce qui constitue un atout
pour le gouvernement299. La politique d’expansion est poursuivie sous Xuandi300, tandis que
les chefs Xiongnü se querellent au sujet de la succession. Quant aux chefs mongols, ils font
allégeance à la Chine en 53 AE.
295
région d’Asie Centrale
296
positions de défense en Chine du Nord et du Nord-Est
297
il s’agit de gagner des alliés et d’intensifier le commerce
298
éleveurs de chevaux de l’Ili
299
2 millions de Chinois déplacés sous Wudi, sur la frontière Nord
300
74-49 AE
Au 1er siècle AE, le système du tribut régule les relations avec les voisins, jusqu’à la fin du
19e siècle. Il est censé caractériser l’attitude du gouvernement chinois face aux gouvernements
étrangers. En Chine, le monarque traite avec ses vassaux, qui reçoivent un sceau et doivent se
faire représenter par quelqu’un. Le tribut consiste alors en une remise de cadeaux, effectuée
par les ambassades301.
Le vassal envoie un fils en otage, élevé à la Cour et aux frais du ‘’Fils du Ciel’’. Cela permet
de renforcer les liens entre la Chine et le vassal. Cet échange est une solution pour le ‘’Fils du
Ciel’’, car le vassal est tenu d’envoyer des alliés. A noter que les cadeaux du ‘’Fils du Ciel’’
sont plus luxueux que le tribut. Quant aux ambassades, elles s’apparentent à des délégations
de commerce.
Le but des Chinois est de contrôler les Xiongnü et autres tribus en leur faisant connaître le
luxe Han. Le tribut coûte cher et est instable. Il se maintient si la Chine est assez puissante,
mais en cas de faiblesse, le tributaire devient libre et représente une menace.
Le principe régissant le système est le nombre d’Etats vassaux, signe de vertu impériale.
Mais, à la fin des Han de l’Est, apparaissent des menaces extérieures et des querelles internes.
C’est également l’époque de l’usurpation de Wang Mang. Il faut attendre Guangwudi302 pour
l’instauration d’un pouvoir Han, qui consiste en une politique extérieure défensive. Les Han
connaissent son importance, du fait de la division des Xiongnü.
C. Intégration de nouvelles populations dans le monde chinois
Les armées de Cao Cao303 sont persuadées de la faiblesse de l’empire chinois. C’est
pourquoi, Cao Cao développe des institutions militaires304. Pour cela, il va créer des familles
de soldats de métier305. Il fait appel à des peuples pasteurs de Chine du Nord, car ce sont de
bons cavaliers et tireurs d’arcs.
Les Xiongnü étaient installés au Shaanxi. Au 4e siècle, en Chine du Nord, ces populations
fondent des royaumes indépendants. Ce sont donc des barbares sinisés. Sur les frontières
chinoises, l’unité réalisée par les Qin est remise en cause306. Il en résulte une modification de
la géographie chinoise, du fait de l’essor du Sud.
301
une par règne
302
25-57
303
220-265
304
recrutement de mercenaires chinois et non-chinois. On y trouve des Xianbei, des Xiongnü
et des Qiang
305
ils se marient au sein du métier des armes
306
265-290
Les gens du Nord se replient vers le Sud à cause de leur avancée dans les populations. C’est
une tentative de sauver des éléments de la tradition. Le sud de la Chine a mieux préservé la
poésie chinoise.
II. Les invasions des IVe-VIe siècles
A. Les barbares : une vision traditionnelle à nuancer
Des hordes sanguinaires pillent tout sur leur passage. C’est une opposition entre les gens des
steppes307 et les sédentaires308. De nombreux barbares sont aux portes de la Chine. Cela a
modifié leur mode de vie et instauré une complicité avec leurs proches voisins. Les groupes de
populations chinoises cherchent fortune dans le nord du Fleuve Jaune, occupés par les Wuhua
et les Xianbei. Ces populations chinoises comportent aussi des éléments Han. A noter que les
populations du nord de la Chine résultent d’un métissage avec les apports de Haute Asie.
B. La Haute Asie
Jusqu’à la fin du 17e siècle309, c’est un ‘’no man’s land’’. Elle est composée de 4 éléments :
* Turkestan
* Mongolie
* Tianshan
* Himalaya
Elle est occupée par des steppes et des déserts. Le Xinjiang connaît un développement
commercial dans les oasis. Ainsi, les communications entre l’Iran, l’Inde et la Chine sont
possibles grâce à la Route de la Soie. Celle-ci facilite le pèlerinage, le commerce et l’arrivée
des religions. Des groupes nomades se succèdent aux portes de la Chine. Beaucoup sont
mentionnées par l’histoire chinoise sous les termes différents de ceux utilisés par les
populations. C’est pourquoi, leur nom évoque la langue parlée et non leur nom politique.
Un problème apparaît aux 3e-4e siècles. En fait, il y a 4 grandes branches :
* les proto-Turcs
* les proto-Mongols
* les Toungouzes
* les proto-Tibétains
307
pasteurs nomades
308
agriculteurs et gens de la ville
309
traité sino-russe
Les Toungouses sont les grands-parents des Mandchous, tandis que ceux des Mongols
vivaient en Mongolie intérieure et extérieure. Les Mongols se sont métissés avec des tribus
turques et l’ensemble est devenu mongol. Entre le 2e siècle AE et le 17e siècle, ils effectuent
des pillages réguliers en tant que cadeaux. Le 14e siècle est une période confuse, du fait de la
réunification du groupe Xianbei.
Mardi 23 mai 1998
C. Les Wei du Nord310
La Haute Asie était un réservoir humain qui n’était jamais vide. La situation des Wei du
Nord était particulière, car les fondateurs de la dynastie n’étaient pas Han, mais Tabgatch, une
branche des Xianbei. Fondée en 386, elle disparaît en 534 après avoir réunifié le Nord311.
La situation du Nord était particulière. Cette dynastie d’Asie Centrale avait une politique
inspirée de la politique chinoise, de type légiste. Elle consistait en une intervention autoritaire
de l’Etat dans le contrôle et la répartition de la population. Dans le domaine des mœurs, les
chefs traitent les populations sédentaires comme du bétail. Des transferts de population
permettent de peupler la capitale312. Entre 386 et 409313, 460.000 personnes sont déplacées.
Puis, peu à peu, on a recours aux institutions chinoises pour administrer l’empire. Le système
s’assouplit et connaît son apogée avec le transfert de la capitale à Luoyang314. Les Wei du
Nord constituent un problème particulier. Les autres populations se transforment, mais les
Chinois les influencent. Cette sinisation volontaire se traduit par les mesures suivantes :
* impossibilité de porter des vêtements et des noms ou de parler la langue Xianbei
* la famille impériale choisit le nom de Yuan
* les mariages entre Tabgatch et Chinois sont encouragés
Ces mesures concernant l’aristocratie, une crise éclate avec la noblesse guerrière. L’armée
fomente des troubles, car elle refuse ces mesures et déclenche la ‘’révolte des 6 garnisons’’315.
Celle-ci est à l’origine de la guerre civile qui a provoqué la fin de la dynastie316.
310
386/439-534
311
439
312
Datong, au Nord du Shanxi
313
sous le règne de Dowudi
314
494
315
533
316
534
Dés 535, les Wei du Nord se divisent en 2 entités :
* Wei occidentaux
* Wei orientaux
Au Sud, la civilisation chinoise connaît une situation de refuge. Les nomades qui partent
mènent 2 opérations :
* départ vers la Mandchourie méridionale
* départ vers les rives du Bassin Rouge ou le Yunnan
Un million de Nordistes arrivent dans le Sud, où les terres sont occupées par leurs
exploitants. Cela débouche sur des rivalités. En 556, les Wei occidentaux sont renversés par
les Chu du Nord, qui réunifient la région en 577. Ces mêmes Chu du Nord seront renversés en
581, par la dynastie des Sui, fondée par Yang Jian.
La dynastie des Sui réunifie le Nord et le Sud317. Cette période de prestige chinois est faite de
conquête, sans oublier une nouvelle définition des rapports Nord-Sud. Cette politique de
conquêtes et de grands travaux est utiles aux successeurs, mais elle coule l’empire. La
politique d’hégémonie vise notamment la Corée.
Entre 611 et 614, une expédition est lancée contre la Corée. En 614, celle-ci balaie la
dynastie, car les populations sont mobilisées par une combinaison de 4 éléments :
* le Grand Canal
* l’expédition contre la Corée
* les taxes
* les impôts
La dynastie s’éteint en 618. Le pays est divisé entre le Nord et le Sud. Cela explique
l’implantation et le développement du bouddhisme en Chine, car la population est plus
curieuse et plus ouverte. Il y a 2 voies de pénétration :
* la voie Nord : au nord-ouest de l’Asie Centrale
* la voie Sud : la côte et le commerce
La dynastie des Tang est cosmopolite. Elle représente la synthèse des rois non-Han et des
royaumes du Sud. Cela est possible grâce à la pax sinica.
317
589
III. La pax sinica sous les Tang318 et les Cinq dynasties
A. La pax sinica
Elle s’appuie sur l’armée qui protège l’empire des invasions et défend la capitale contre les
rébellions. Les brigands ne représentent pas une menace directe, car les chefs de ces troupes
sont intégrés dans les armées régulières et se voient offrir des titres officiels. En 624, les Tujue
arrive sur Chang’an et un accord de paix est conclu.
Les troubles divisant les Tujue est le prétexte saisi par Li Shimin pour envahir et s’installer
dans la Mongolie intérieure. En 630, il est proclamé empereur céleste. C’est le début de la
grande dynastie des Tang en Asie qui sera continué par Gaozong. Taizong veut conquérir le
Turkhestan, dés 639. En 640, il est soumis avec l’aide des Ouïgours et des Dolos.
En 642, l’expansion se dirige vers le Nord-Est. Les armées se dirigent vers la Corée, mais
l’hiver en fait un demi-échec. Les successeurs s’emparent de la Corée après la destruction
d’une flotte japonaise. A la fin du 7e siècle, les Tang contrôlent les portes de l’Iran jusqu’à la
Corée et de l’Ili jusqu’au Vietnam. Mais, l’expansion est fragile.
En 670, les Tujue reprennent leur indépendance. Les Tibétains du Qinghai et les Tanggut du
Sichuan enlèvent 4 garnisons situées sur la route des oasis Ils les garderont jusqu’en 678. Ils
contrôleront ainsi une route de 5.000 km, de Chang’an à Kachgar, la route de la Soie.
B. Echanges commerciaux et routes de la soie
1. La production de la soie en Chine
Le ver à soie est originaire du nord de la Chine. La maîtrise du tissage de la soie date de la
fin des Shang. Quant à l’élevage, il se développe sous le nom de la sériciculture. Cette activité
est un complément à l’agriculture dans l’activité des familles, où les femmes sont très
présentes. La soie sert à fabriquer des vêtements, des couvertures ou du papier.
Dés le 7e siècle AE, la soie sert de support à la calligraphie, à la peinture et aux documents
officiels. Elle sert également de monnaie d’échange avec l’étranger. Le secret de fabrication
est gardé jusqu’au 1er siècle. Il est introduit à Byzance au 4e siècle et en Italie aux 13e14esiècles.
318
618-907
2. Historique des routes de la soie
Les étapes sont au nombre de 5 :
* Chine
* Asie Centrale
* Iran
* Méditerranée
Les autres produits qui empruntent la route sont les différentes sortes d’épices et de papier.
Ces routes sont aussi celles des échanges intellectuels. Zhang Jian est le 1er à parcourir et à
décrire la route. Il a découvert les produits du Sichuan. Ceux-ci sont à l’origine d’un important
axe commercial319.
3. Les routes de la soie sous les Tang
Cet axe économique et commercial est menacé, car les Chinois ne le contrôlent pas à 100 %.
Même lorsque ce sera le cas, les convois seront armés. Les pèlerins prenant cet axe pour
chercher des livres sacrés bouddhiques, on peut le considérer comme un axe d’échanges
intellectuels.
Le sort de la soie est celui de la dynastie, car la fin de celle-ci est synonyme de la fin de celleci. C’est donc la disparition des cités prospères et de la civilisation320, qui seront
redécouvertes au 19e siècle. Il y a 2 raisons à cela :
* assèchement des cours d’eau
* arrivée des guerriers de l’Islam321
4. Archéologues-aventuriers sur les routes de la soie aux 19e et 20e siècles
Il y a plusieurs noms à retenir :
* Hopkirk : il écrit des romans d’aventures sur les cités322
* Sven Hedin323
* Marc Aurèle Stain324
319
entre le règne de Han Wudi et le 2e siècle AE
320
monastères et œuvres d’art
321
300 villes se situent sous les sables du Taklamakan
322
‘’Bouddhas et rôdeurs sur la route de la Soie
323
1863-1952
* Paul Pelliot325
Leur méthode consiste à explorer le monde, mais c’est dangereux. Les grottes de
Dunhuang326, couvertes par le Tibet, n’ont pas subi la destruction du bouddhisme sous les
Tang327.
Paul Pelliot est un chercheur occidental condamné par la Chine. La Bibliothèque nationale de
Pékin publie une revue de l’histoire de la sinologie de l’E.F.E.O. Il s’agissait alors de
recueillir des documents sur l’Asie du Sud-Est et sur l’Extrême-Orient.
Dés lors, il a parcouru les pays. En Chine, il est allé à Dunhuang, ville dont il connaît une
bibliothèque cachée. Il en fait alors une sélection, selon les sujets. Les ouvrages sont
actuellement au département de la Bibliothèque Nationale. Or, certains sont écrits dans des
langues qui n’ont pas encore été exploitées.
La rupture prend la forme de la rébellion d’An Lushan. Les troupes commandées par le
commissaire impérial sont chargées de défendre les frontières. Le danger est que cette
militarisation ne se retourne contre l’empire, car elle pourrait saper son unité. Il faut dire que
les menaces intérieures et extérieures sont à l’origine de l’indépendance des provinces et de la
chute des Tang.
C. Nouvelle période de transition : les Cinq dynasties et les Dix royaumes328
Cette succession de dynasties est une période de déchirement et d’impuissance. La capitale
se situe alors à Kaifeng. En dehors des 10 royaumes, l’empire Liao est fondé par les Kitan.
Ceux-ci sont installés dans les régions du Nord et les fondateurs de la dynastie sont d’anciens
chefs militaires.
Les révoltes paysannes expliquent le déplacement des activités économiques vers le Sud. Le
développement économique autonome est à l’origine de la formation des grands empires Liao
et Qing. La Chine des 11e-13e siècles a connu d’importantes transformations économiques et
sociales. La Chine des Song est comparable à l’Europe des 15e-16e siècles.
IV. Les Song, une dynastie sous la menace permanente de ses voisins
On distingue 2 périodes :
* 960-1127329
324
1862-1943
325
1918-1945
326
dans le Gansu
327
la Grande Proscription, 845
328
907-960
* 1127-1279330
Le territoire contrôlé est proportionnel au repli progressif. La renaissance des Song est due à
la culture. L’année 1279 voit la chute des Song à cause des Mongols, également connus sous
le nom de Yuan. Les réformes de Wang Anshi ne résoudront pas les problèmes.
A. Les problèmes frontaliers sous les Song331
Les Song du Nord sont les maîtres du 3e empire centralisé de Chine. L’espace est plus
restreint, mais il n’est pas contrôlé de Pékin. Durant la période des Cinq dynasties, le pouvoir
central est soutenu par l’armée. Elle est composée de mercenaires, dont le noyau principal
constitue la garde personnelle des empereurs.
La nouvelle aristocratie est celle des lettrés, qui représentent les élites. Les provinces, elles,
sont dirigées par des gouverneurs civils à l’esprit confucéen. Le second empereur perfectionne
l’administration, mais les Kitan sont toujours là.
Le 3e empereur doit payer un très lourd tribut, dés 1004. Jusque 1044 règne une paix relative,
mais la menace des Tanggut apparaît dés 1038. Ceux-ci installent le royaume des Xia de
l’Ouest et signent un traité avec les Song, en 1044. Une autre attaque Kitan aboutira à au
paiement d’un tribut plus lourd.
Les Jürchen, eux, sont appelés à la rescousse par Huizhong. L’objectif est de ne plus payer
de tribut. Ils attaquent les Kitan et en profitent pour fonder leur empire. L’empire kitan
disparaît en 1125. Mais, les Jin vont vers Kaifeng. Ils disparaissent à leur tour en 1126. En
1127, la nouvelle capitale est transférée à Hangzhou. Cela coïncide avec le début de la
dynastie des Song du Sud.
Le bilan est le suivant :
* une politique internationale
* une politique d’échanges
* une politique de paix
* le tribut
Aucune des politiques n’est efficace sur le long terme. Toutes ont été précaires et ruineuses.
Finalement, un conflit opposent les Xia de l’Ouest et les Song. Les Mongols en profitent pour
attaquer les Song du Sud. Ils réussissent ainsi à vaincre les Xia de l’Ouest, les Jin et les Song.
329
la capitale des Song du Nord est au Henan. Ils se replient sous la pression de leurs voisins
330
la capitale est à Hangzhou
331
960-1022
B. La fin des Song
1. Les empires de la Chine du Nord332
Les Song ne peuvent avoir de politique offensive. Les régions frontalières sont troublées par
les Tibétains ou par les nomades, et les Song ne peuvent empêcher l’occupation du Nord-Est
par les Xia de l’Ouest.
Dans le but de contrer leurs ennemis proches, les Song sollicitent une alliance avec les
Mongols, issus des steppes. Un chef issu d’un petit clan s’impose à ses homologues par la
force. Trois facteurs333 lui permettent de dominer la confédération de tribus. Il est donc
nommé ‘’Grand Khan’’ et son pouvoir s’étend sur l’Eurasie.
Dés les 1ers signes de faiblesse, le chef perd son leadership. Organisés en campements, ils
sont regroupés pendant les guerres ou les chasses. En fait, il y a 3 niveaux de rassemblement :
* le clan
* la tribu
* le Kuriltai
Les campagnes mongoles sont menées par des cavaliers très habiles à cheval et au tir à l’arc.
Ces conquérants sont des Genghiskanides. La conquête de la Chine oblige les Song à se
replier jusqu’à Canton. Dés lors, le ‘’Grand Khan’’ fonde la dynastie des Yuan en 1271.
332
10e-13e siècles
333
armée, prestige du nom et alliance internationale
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