1 Compte-rendu de lecture par Mario Coutu Origins of the popular

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Compte-rendu de lecture
par
Mario Coutu
Origins of the popular style
(Peter van der Merwe)
Faculté de musique
3 décembre 2004
1
Peter van der Merwe. Origins of the popular style : The antecedents of twentieth-century popular
music. Oxford University Press, U.S.A., 1989.
«Si on me demandait de suggérer un livre sur la musique populaire aux musicologues qui
ne s’intéressent pas à ce sujet, ce serait celui-là.1» Par ces quelques mots, Richard
Middleton souligne avec force la place qu’occupe ce livre dans la recherche sur la
musique populaire. La lecture de cet ouvrage vient confirmer la justesse de l’opinion
émise par Middleton. Dans les pages qui suivent, nous examinerons ce volume afin de
découvrir ce qui fait l’importance et l’originalité du travail de Peter van der Merwe.
Peter van der Merwe
Les informations sur Peter van der Merwe sont particulièrement rares et difficiles à
trouver. Une recherche par Internet donne des résultats plutôt décevants. Outre quelques
sites qui faisaient la promotion du livre qui nous occupe, avec parfois des notes critiques
intéressantes, on ne trouve à peu près rien sur cet auteur. Pour savoir qui est l’auteur, il
faut se contenter de la jaquette arrière du livre, qui nous dit laconiquement que Peter van
der Merwe travaille pour la Natal society library, à Pietermaritzburg, en Afrique du Sud.
Plutôt mince comme information! Quelle est sa formation académique? Est-il ou a-t-il été
rattaché à une université? Est-il musicologue ou ethnomusicologue de formation? A t-il
écrit autre chose, outre ce volume? Les réponses à ces questions permettraient de situer
l’ouvrage avec plus de précision. Quelques informations fiables sur l’auteur ont pu être
recueillies de la bouche du professeur Philip Tagg, lors de mon exposé présenté en
septembre 2004. On sait qu’il est né en Afrique du Sud, d’un père africain et d’une mère
anglo-africaine, famille de la bourgeoisie de ce pays. Il a reçu une formation en
musicologie du conservatoire et possède une connaissance approfondie des traditions
musicales africaines.
Une recherche sur le site de la maison d’édition Oxford University Press apporte
l’information suivante : Il semble qu’un nouveau livre soit sur le point de paraître, sous le
titre Roots of the classical : The popular origins of western music. S’agit-il bien du même
auteur? Le contenu de l’ouvrage analysé ici le laisse supposer, d’autant plus que les liens
1
Richard Middleton, Music & Letters, vol. 71 no 4, novembre 1990, p. 586. «If I were asked to recommend
one book on popular music to a musicologist uninterested in the subject, this would be it.»
2
entre la musique populaire et la tradition classique de l’occident est un sujet qu’il aborde
à quelques reprises, sans l’approfondir, dans Origins of the popular style.
À qui s’adresse l’auteur?
Aux musiciens populaires pour leur faire prendre conscience de l’histoire de leur art?
Aux musiciens de formation classique pour démolir les préjugés de facilité souvent
associés à la musique populaire? Aux sociologues? Aux ethnomusicologues? Aux
musicologues? Peut-être un peu à tous ces gens en même temps. Une recherche dans la
base de donnée Music Index pour des articles portant sur cet ouvrage se révèle assez
surprenante. On retrouve des comptes-rendus de ce livre dans des périodiques variés :
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Music and letters (R. Middleton)
Popular Music (P. Tagg)
Journal of musicological research (R. Walser)
Folk music journal (V. Gammon)
Popular music and society
American music
Ethnomusicology
The musical Times
South African journal of musicology
Jazz Times
On peut donc affirmer que cet ouvrage a suscité un intérêt marqué dans plusieurs champs
d’études.
Sujet principal de cet ouvrage
Le titre, Origins of the popular style et le sous titre, The antecedents of TwentiethCentury Popular Music donnent déjà une excellente idée du contenu de l’ouvrage de
Peter van der Merwe : Il s’agit d’une histoire de la musique populaire. Toutefois, le titre
serait encore plus précis si on spécifiait qu’il s’agit de l’histoire de la musique populaire
et de son développement aux États Unis, de la colonie britannique initiale jusqu’à l’aube
du XXe siècle. Pourquoi interrompre cette histoire à l’aube du XXe siècle, quand on
connaît le développement phénoménal de la musique populaire durant le XXe siècle, avec
l’arrivée des moyens de diffusion de masse (radio, disque, télévision, etc.)? C’est que le
premier but de l’auteur est précisément de faire l’historique des sources de la musique
3
populaire du XXe siècle. Une hypothèse de départ importante préside à ce choix. Selon
Peter van der Merwe, tous les éléments constitutifs de ce que sera la musique populaire
du XXe siècle sont déjà créés en 19002.
Une autre préoccupation semble motiver l’auteur à entreprendre la rédaction d’un tel
ouvrage : la volonté de faire comprendre à ses lecteurs la spécificité de la musique
populaire et les caractéristiques intrinsèques qui la définissent, au-delà des aspects plus
extérieurs3.
Un contenu dense et riche
À propos du volume Origins of the popular style de Peter van der Merwe, on peut parler
d’une fresque de la musique populaire, tant l’auteur balaie son sujet de façon très large.
La table des matières, même dans la version abrégée présentée ici, donne déjà une idée de
l’ampleur de la matière traitée dans le volume. Dans la préface, l’auteur admet qu’il ne
savait pas, au moment d’entreprendre cette recherche, toute la somme de travail et
l’ampleur que prendrait son projet.
INTRODUCTION
I – THE HISTORICAL BACKGROUND
 Europe and the Near East
 Africa
 North America
II – THE THEORICAL FOUNDATION
 The Matrix
 Modality
III – THE BLUES
 The Uniqueness of the Blues
 African Origins of the Blues
 British Origins of the Blues
 Blues Harmony
 The Riddle of the Twelve-bar Blues
2
«By 1900 American popular rhythm had assumed its modern form in all essentials.» (p. 167)
«Certainly anyone who paid any real attention to popular music must have realised that it spoke a
language that was subtly but unmistakably different from the classical language. It was not a superficial
matter of performing styles. It was not a question of jazzing the rhythm or adding a note or two to
conventional chords. No, it went far deeper than that.» (p. 2-3)
3
4
IV – PARLOUR MUSIC AND RAGTIME
 The parlour modes
 Parlour harmony
 Parlour rhythm
 Ragtime
SOME FINAL REFLECTIONS
On peut remarquer que l’ouvrage se divise en quatre grandes parties, elles aussi
subdivisées en plusieurs chapitres, en plus des sous-sections qui n’apparaissent pas dans
la présentation condensée, ci-dessus. Une logique solide détermine la division interne du
volume. L’auteur souhaite d’abord, dans la partie historique (Historical background)
retracer les grandes lignes d’influences qui, de l’Antiquité à l’aube du XXe siècle, du
Moyen Orient aux États Unis, en passant par la Grande Bretagne, l’Europe et l’Afrique,
ont finalement contribué à façonner la musique populaire telle qu’on la connaît.
On peut se demander pourquoi l’auteur fait remonter son histoire jusqu’à l’Antiquité et
au Moyen Orient. Rien ne semble plus éloigné, temporellement et géographiquement, que
le chant byzantin ou l’Appel à la prière musulman, d’une part, et une improvisation de
Louis Armstrong ou une chanson de Franck Sinatra, d’autre part. Pourtant, même si ces
musiques n’ont rien en commun, l’auteur fait ressortir la ligne de continuité entre les
traditions du Moyen Orient et la musique populaire du XXe siècle. Il rappelle, par
exemple, la domination arabe sur certaines parties de l’Europe médiévale, domination qui
a laissé des traces profondes dans la tradition musicale européenne, spécialement dans les
régions rurales. Il souligne également des faits relatifs à la colonisation et au
développement des États-Unis, dont le rapprochement entre les cultures celtiques,
européennes et africaines. Ce mélange de cultures venues de lieux différents est, selon
l’auteur, le terrain d’éclosion du style de la musique populaire telle qu’elle s’est
développée aux États-Unis.
Si le survol historique nous donne une idée de la genèse de la musique populaire, il est
loin de tout expliquer. Les troisièmes et quatrièmes parties (Blues, parlour music4 et
ragtime) vont approfondir de nombreuses pistes d’exploration, par l’usage des outils
4
Peut se traduire par l’expression musique de salon.
5
classiques de l’analyse. Toutefois, avant d’aborder ces chapitres plus détaillés, l’auteur
prend le temps d’établir les balises selon lesquelles il va travailler, dans la deuxième
section sur les fondements théoriques. Le but avoué est ici d’élargir la théorie
conventionnelle pour pouvoir étudier les particularités de la musique populaire5.
Il est évidemment impossible de décrire en détail tout le contenu de cette partie. On peut
toutefois retenir deux éléments significatifs de la théorie d’analyse proposée par l’auteur.
La première peut se traduire par le vocable matrice6. En bref, il s’agit d’une manière
d’analyser une pièce musicale de façon à en isoler les éléments constituants. L’auteur
veut ainsi démontrer qu’il est possible de transformer certains éléments d’une pièce sans
que cette même pièce ne perde son individualité, pouvant toujours être reconnue. Un
second élément à retenir est l’importance que Peter van der Merwe donne à la modalité,
qui est précisément l’un des éléments de la théorie des matrices mentionnée ci-dessus. Ce
qu’il va élaborer pourrait se décrire comme une théorie du cadre modal, théorie qui lui
servira à illustrer les subtilités modales du blues et, dans une certaine mesure, de la
musique folklorique d’origine celtique.
Avec les outils historiques et théoriques élaborés dans les deux premières parties, le
lecteur est maintenant prêt à aborder les deux sections les plus importantes et les plus
développées de l’ouvrage de Peter van der Merwe : Le blues, puis la musique de salon et
le ragtime. Ici encore, l’abondance de matière nous oblige à ne puiser que quelques
échantillons représentatifs de l’ensemble.
Un passage particulièrement intéressant est celui où l’auteur présente sa théorie sur le
mode typique de la musique blues. Pour simplifier à l’extrême, on peut dire que ce qui
caractérise le mode mélodique du blues est l’abaissement des 3e, 7e, 5e et 6e notes de la
gamme majeure classique. Par ces altérations, ces notes prennent une fonction différente
de ce qu’elles ont dans la tonalité classique. Selon le mot de l’auteur, il s’agit de
dissonances mélodiques qui, jusqu’à un certain point, jouent le même rôle que les
5
«This section is an attempt to enlarge conventional musical theory to take care of the peculiarities of
popular music.» (p.92)
6
The matrix, dans le texte anglais.
6
dissonances harmoniques dans la musique classique traditionnelle. Sur le plan rythmique,
la syncope est ce qui retient le plus l’attention de l’auditeur de blues. Comment expliquer
qu’elle y prenne une importance si grande? L’auteur nous propose des pistes
d’exploration. Il rappelle que trois types de syncopes existent déjà dans la musique
occidentale, tant dans la tradition classique que dans le folklore. Il s’agit de la syncope
d’accentuation, du contretemps et de la syncope d’anticipation. Ces types de syncopes,
présents dans la musique occidentale, ont été africanisés au contact des musiciens noirs.
Ainsi, le premier type de syncope s’est implanté dans le ragtime. La syncope
d’anticipation perdra peu à peu son caractère de rubato pour devenir une véritable
syncope. Les syncopes deviennent aussi plus fréquentes et plus insistantes. Les musiciens
noirs feront également un lien entre les syncopes de contretemps et la polyrythmie
traditionnelle africaine.
Si le style de la musique populaire plonge profondément ses racines dans les traditions
britanniques et africaines, la dernière section (Parlour music and ragtime) nous apprend
que la tradition classique occidentale a aussi laissé sa marque dans l’éclosion de ce style.
La quatrième section de l’ouvrage de Peter van der Merwe explore ces racines, dont nous
retiendrons trois éléments significatifs.
L’auteur attire l’attention sur une particularité dans l’évolution de la musique de tradition
classique : l’émancipation graduelle de la mélodie de son canevas harmonique. Il illustre
cette évolution par de nombreux exemples tirés du répertoire romantique. Cette
émancipation de la mélodie deviendra, au XIXe siècle, une caractéristique importante de
la musique de plusieurs compositeurs de musique de danse. On peut penser ici à des
noms comme Josef Lanner et Johann Strauss fils.
Le XIXe siècle est aussi la période où on voit apparaître un certain clivage entre les
musiciens dits sérieux et ceux qui s’orientent vers la musique de danse. Alors qu’il était
naturel, pour Mozart, d’écrire des œuvres à caractère populaire (comme des danses
allemandes, par exemple), l’avènement du romantisme amènera une spécialisation de
plus en plus marquée des compositeurs. Ce clivage était d’ailleurs déjà abordé dans la
7
section historique de l’ouvrage, sous le nom de grand schisme musical7. L’auteur attribue
en grande partie à cette situation le fait que les relations aient été tendues entre les
musiciens de tradition classique et ceux de tradition populaire, durant la majeure partie du
XXe siècle.
La section qui traite du rythme de la musique de salon s’enchaîne naturellement avec
celle qui traite de la naissance du ragtime. Ici aussi, l’auteur souligne que ce genre
musical si caractéristique du début du XXe siècle n’est pas le produit d’une génération
spontanée, puisque ses racines peuvent se retrouver encore une fois dans l’interaction
entre les traditions britanniques et celles des musiciens noirs. Il soumet l’hypothèse que
ce genre musical arrive à un moment clé de l’histoire de la musique, moment où le public
est disposé à accueillir une musique où le rythme prend une place de plus en plus
importante, d’où son immense succès8.
Que faut-il retenir de cette lecture?
Par l’application avec laquelle il traite son sujet et par la pertinence des théories qu’il
élabore, Peter van der Merwe démontre avec éloquence que la musique populaire est un
sujet qui mérite une étude sérieuse. On sait que la musique populaire a longtemps été
considérée comme un objet négligeable par les intellectuels et beaucoup de musiciens de
formation classique. Si l’auteur fait ressortir les causes historiques du clivage entre les
musiciens classiques et ceux de traditions populaires, il le fait d’une manière que l’on
pourrait qualifier de très habile et très diplomate, dans un langage qui ne cherche pas à
susciter des polémiques.
On peut aussi retenir le fait que la musique populaire soit étudiée, dans cet ouvrage, en
tant qu’objet musical plutôt que comme un phénomène social. Dans un champ d’étude où
les écrits sont souvent orientés vers l’aspect social de la musique populaire, cet ouvrage
apporte un élément de nouveauté indiscutable.
7
8
«Some thoughts on the great musical schism», p.18.
«Like all successful fashions, ragtime was the right thing at the right time.» (p.276).
8
Quelques questions en suspens
Le livre de Peter van der Merwe apporte bien des réponses aux origines de la musique
populaire. Cependant, comme tout ouvrage de même nature, il suscite aussi des
interrogations. Sur le plan historique, d’abord, il nous rappelle l’influence de la culture
arabe sur certaines régions de l’Europe et de l’Afrique, influence consécutive aux longues
occupations, notamment en Espagne. Qu’en est-il de la propagation du christianisme?
Des Croisades? Des invasions barbares? Ces événements ont-ils eu des conséquences sur
l’histoire de la musique?
Par ailleurs, si la tradition classique a eu une certaine influence sur la musique populaire,
l’inverse est également vrai. Sur ce point, l’ouvrage du même auteur, encore à paraître au
moment où ces lignes sont écrites, apportera sans doute des réponses intéressantes,
surtout si le contenu en est aussi riche que le présent livre.
À la lecture de ce livre, on en vient à croire que la musique populaire telle que la connaît
le XXe siècle s’est développée uniquement dans les pays anglo-saxons, particulièrement
aux États-Unis. Pourtant, d’autres pays et d’autres régions possèdent leurs traditions
populaires, comme par exemple l’Amérique du Sud. L’ouvrage de Peter van der Merwe
ne nous apporte pas beaucoup de renseignements sur ces traditions, se contentant de
mentionner leur existence, sans plus.
Quelques notes critiques
Origins of the popular style est un ouvrage qui, en dépit d’un volume d’information assez
astronomique, se lit fort agréablement. En raison d’un plan logique et bien structuré, il est
relativement facile de suivre l’auteur dans la vaste fresque qu’il nous présente. Quand on
observe l’ampleur que prend l’étude des origines de la musique populaire, on comprend
facilement pourquoi l’auteur s’arrête à 1900, laissant en suspens l’étude de tout le
développement du XXe siècle.
À première vue, il peut sembler étonnant qu’un livre qui traite de la musique populaire ne
fasse aucune allusion aux écrits d’Adorno. Même en scrutant les sections de références, à
9
la fin du volume, il est impossible de trouver un indice qui permette d’affirmer que Peter
van der Merwe a eu connaissance des écrits d’Adorno. S’il les connaît (le contraire serait
surprenant), il n’y fait pas allusion. Toutefois, à la réflexion, il semble logique que
l’auteur ait passé sous silence les prises de position du philosophe allemand, qu’il les
connaisse ou non. Rappelons que les écrits polémiques d’Adorno sont surtout orientés
contre la musique populaire du XXe siècle dans son aspect commercial et ses moyens de
diffusion contrôlés par des institutions capitalistes. L’étude de Peter van der Merwe
aborde plutôt la musique en tant qu’objet d’étude en soi, ne mentionnant que très peu les
questions commerciales. Le contenu de cet ouvrage ne se prête donc pas à une critique
des positions d’Adorno. De plus, les deux auteurs ne traitent pas de la même époque,
Adorno observant la situation de la musique populaire au XXe siècle et Peter van der
Merwe, son histoire et son évolution avant 1900. Dans ce contexte, une critique des écrits
d’Adorno aurait été hors de propos.
Par ailleurs, comme nous l’écrivions ci-dessus, le but de l’auteur de Origins of the
popular style n’est pas polémique. Même s’il parle de l’éloignement des musiciens
classiques de ceux qui pratiquent la musique populaire, il évite de se lancer dans des
querelles idéologiques qui, de toute façon, n’ajouteraient rien à l’intérêt de son livre. Son
but étant de nous faire découvrir une histoire méconnue, celle de la genèse du style
populaire, il préfère garder un regard objectif et nous présenter les faits, sans
nécessairement prendre position.
Sur cette question de la présentation des faits, on peut d’abord penser que l’auteur aborde
sa matière selon une méthodologie plutôt spéculative. Les liens qu’il fait entre des
musiques d’origines parfois lointaines semblent parfois arbitraires. Cette première
impression se révèle fausse, après une lecture plus approfondie de l’ouvrage. L’auteur fait
ces nombreux liens afin d’illustrer ses affirmations sur les interactions entre les cultures
britanniques et africaines, dans l’éclosion du style populaire. Il est vrai que certains faits
sont des évidences historiques indiscutables, comme le travail en commun des esclaves
noirs et des colons irlandais, particulièrement dans le Sud des États-Unis. Il est donc tout
à fait logique que les contacts entre des cultures différentes aient eu une influence sur le
10
processus de genèse du style populaire. De plus, l’abondance des sources mentionnées en
bas de page nous rassure sur la recherche préalable de l’auteur. Le fait d’avoir exploré de
nombreux textes, dont des documents d’époque, illustre bien le fait que l’auteur ne
veuille pas se contenter d’une pure spéculation, mais qu’il souhaite étayer ses conclusions
par des sources fiables. Son approche historique est donc le fruit d’une méthodologie
rigoureuse. Par ailleurs, les nombreuses pistes explorées par Peter van der Merwe restent
des chantiers ouverts à la poursuite de la recherche sur la musique populaire.
En conclusion, nous ne pouvons qu’être en accord avec le conseil de Richard Middleton
cité au début de ce compte-rendu. Cet ouvrage nous amène à véritablement découvrir la
musique populaire sous un jour nouveau, nous apprenant que les multiples courants qui
ont marqué son essor au XXe siècle ne sont pas le fruit du hasard, mais la suite logique
d’un long cheminement profondément ancré dans l’histoire. Enfin, et ce n’est pas la
moindre des qualités du travail de Peter van der Merwe, ce livre nous fait découvrir un art
populaire qui, au-delà des préjugés trompeurs, est l’expression et le reflet d’une
civilisation.
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