Notre recherche nous a permis de mettre en lumière jusqu`à présent

Notre recherche nous a permis de mettre en lumière jusqu’à présent la récurrence d’un certain
nombre d’éléments à forte consonance religieuse qui traversent l’imaginaire techno
communicationnel dans le XIX ème siècle américain. Et ces éléments, nous l’avons vu, ne
procèdent pas simplement d’une croyance spontanée aux vertus thaumaturgiques des
technologies de communication : ils s’articulent en premier lieu avec l’eschatologie
chrétienne et assimilent le développement technologique à la mise en œuvre d’une véritable
seconde création (au sens biblique du terme).
Les conditions d’établissement, si elles participent de façon décisive à consacrer les
technologies de communication en Deus ex machina de la démocratie américaine, ne suffisent
pas à expliquer l’importance du christianisme dans l’univers symbolique américain.
Il nous faut chercher en amont les racines religieuses de cette croyance typiquement
américaine qui s’accorde
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à voir dans les outils de communication la réponse à tous les maux
dont sont affublés le monde.
Notre volonté n’est pas ici d’inscrire cette croyance, à l’instar de David Noble, dans une
chaîne ininterrompue d’évolutions internes aux religions. La démarche de Max Weber
empruntée dans l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme nous apparaît bien plus
intéressante : contrairement à de nombreuses mésinterprétations, Weber ne visait aucunement
à établir un lien de causalité déterministe entre religion et capitalisme. C’est en cherchant à
établir les affinités électives entre un certain ethos religieux et « l’esprit » (originel) du
capitalisme que le père de la sociologie voulait
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Ce n’est pas la religion qui détermine le rapport des hommes aux technologies mais c’est cependant un certain
ethos religieux qui peut mettre en lumière les affinités
La démarche wéberienne peut nous être utile à plus d’un titre : non seulement elle offre des
perspectives épistémologiques pertinentes à notre propre démarche mais, d’un point de vue
plus substantiel, elle partage avec nos objectifs de recherche eux-mêmes, des affinités
évidentes.
Le socle religio culturel associé aux conditions d’établissement de la nouvelle nation nous
permet de mieux saisir cette compatibilité apparente entre la symbolique chrétienne issue du
protestantisme américain (principalement calviniste) et l’expérience singulière de la
domestication du wilderness traversé par les américains. Le sublime technologique,
symptôme d’une croyance populaire éprouvée, semble réponde
Repenser la trajectoire du christianisme occidental
> par rapport à la technique mais d’abord par rapport à l’idée de progrès
La notion de progrès, intimement associée depuis le XVIII ème siècle occidental au progrès
des « arts et sciences » (au progrès technologique dans un langage plus contemporain) semble
indissociable des cosmologies élaborées par le judéo christianisme. Si de nombreuses
recherches ont déjà largement étale sujet
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, il nous faut quelque peu ici resituer l’idée de
progrès dans sa matrice religieuse originelle. Ce qui nous intéressera plus particulièrement
dans cette « histoire religieuse » du progrès occidental, c’est la trajectoire singulière
empruntée par le christianisme réformé, d’abord en Angleterre, puis aux Etats-Unis.
Et si nous insistons un peu longuement dans ce chapitre sur l’eschatologie judéo-chrétienne
c’est qu’elle a connut et connaît encore en Amérique du Nord une résonance sans pareil.
L’apocalypse de Saint Jean a été le livre le plus lu de la Bible mais c’est en Amérique…. Ce
détour nous semble également nécessaire tant les notions d’eschatologie, messianisme,
millénarisme, utopie, parousie sont trop souvent utilisés de façon abusive par des analystes
peu soucieux de les distinguer et incapable d’en situer clairement l’origine religieuse voir
même d’en définir précisément le sens. Enfin, il faut souligner l’importance décisive du judéo
christianisme et de son eschatologie dans l’imaginaire occidental sur les termes de l’unité des
hommes, de leurs rapports sociaux, de la communication entre ici bas et l’haut delà. L’histoire
politique de la religion ébauchée par Marcel Gauchet, pourrait très bien se concevoir
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également comme une histoire de la communication humaine : une histoire des rapports entre
les hommes
La contribution de l’eschatologie judéo chrétienne à l’idée de progrès en occident
Ce n’est pas un hasard si c’est en occident qu’a émer une vision spécifiquement
téléologique de l’histoire. Mais l’idée de progrès, conçue comme « une avancée vers le mieux,
la représentation d’un temps créateur et non cyclique […] conduisant à la félicité terrestre »
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ne trouve pas sa source, comme on a trop tendance à l’affirmer, dans les philosophies
progressistes qui émergent à partir de la Renaissance (Vico, Condorcet, Saint-Simon, Hegel,
Comte, …) : même sa détermination la plus séculière en œuvre dans le marxiste, ne peut pas
se comprendre si on ne l’inscrit pas dans la filiation eschatologique des théologies
occidentales.
Dans les religions mythologiques, c’est le refus de l’histoire qui fonde le recours à l’altérité
du fondement : le temps conçu comme cyclique n’était que la réitération perpétuelle du
moment fondateur (comme les rites le figurent objectivement) et l’histoire restait condamnée
à son recommencement éternelle
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. Le monothéisme juif va marquer une rupture fondamentale
: Dieu agit dans l’histoire
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et le temps commence à pointer vers un avant et un après, un début
(la genèse) et une fin (annoncée par les prophéties) que l’idée messianique (« l’oint du
seigneur ») rend plus que jamais probable. « L’idée du temps cyclique est dépassée. Jahvé ne
se manifeste plus dans le Temps cosmique (comme les dieux des autres religions), mais dans
un temps Historique, qui est irréversible »
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. L'idée qui s'impose est celle de l'humanité comme
un corps né, grandissant et vieillissant, destiné à mourir mais dont la mort n’est qu’une
« finalité sans fin ». L’avènement du Messie au crépuscule des temps constitue une véritable
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DELUMEAU, Jean, Mille ans de bonheur, une histoire du Paradis, Paris : Fayard, 1995, p. 311.
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Gauchet ou le mythe de l’éternel retour
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Et on pourrait ajouter : dans l’histoire politique des hommes puisque la première manifestation de Dieu a lieu lors de
l’exode du peuple hébraïque persécutée par le pouvoir oppressif de l’Egypte.
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