La contribution de l’eschatologie judéo chrétienne à l’idée de progrès en occident
Ce n’est pas un hasard si c’est en occident qu’a émergé une vision spécifiquement
téléologique de l’histoire. Mais l’idée de progrès, conçue comme « une avancée vers le mieux,
la représentation d’un temps créateur et non cyclique […] conduisant à la félicité terrestre »
ne trouve pas sa source, comme on a trop tendance à l’affirmer, dans les philosophies
progressistes qui émergent à partir de la Renaissance (Vico, Condorcet, Saint-Simon, Hegel,
Comte, …) : même sa détermination la plus séculière en œuvre dans le marxiste, ne peut pas
se comprendre si on ne l’inscrit pas dans la filiation eschatologique des théologies
occidentales.
Dans les religions mythologiques, c’est le refus de l’histoire qui fonde le recours à l’altérité
du fondement : le temps conçu comme cyclique n’était que la réitération perpétuelle du
moment fondateur (comme les rites le figurent objectivement) et l’histoire restait condamnée
à son recommencement éternelle
. Le monothéisme juif va marquer une rupture fondamentale
: Dieu agit dans l’histoire
et le temps commence à pointer vers un avant et un après, un début
(la genèse) et une fin (annoncée par les prophéties) que l’idée messianique (« l’oint du
seigneur ») rend plus que jamais probable. « L’idée du temps cyclique est dépassée. Jahvé ne
se manifeste plus dans le Temps cosmique (comme les dieux des autres religions), mais dans
un temps Historique, qui est irréversible »
. L'idée qui s'impose est celle de l'humanité comme
un corps né, grandissant et vieillissant, destiné à mourir mais dont la mort n’est qu’une
« finalité sans fin ». L’avènement du Messie au crépuscule des temps constitue une véritable
DELUMEAU, Jean, Mille ans de bonheur, une histoire du Paradis, Paris : Fayard, 1995, p. 311.
Gauchet ou le mythe de l’éternel retour
Et on pourrait ajouter : dans l’histoire politique des hommes puisque la première manifestation de Dieu a lieu lors de
l’exode du peuple hébraïque persécutée par le pouvoir oppressif de l’Egypte.
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