écoles de pensée aux contours étroitement définis – tel qu’il fut établi a posteriori par les
bibliographes de la fin du 1er siècle avant notre ère – ne rend pas compte du dynamisme et
de l’étonnante diversité des traditions intellectuelles de l’époque.
Apport à l’histoire des techniques :
Les textes exhumés ont également permis de mieux connaître les formes matérielles
revêtues par le livre avant l’invention du papier. Des trois supports attestés dans les
manuscrits, le rouleau de fiches de bambou (liées ensemble par des ligatures de soie ou de
chanvre) constitue le support le plus courant. Les rouleaux ainsi formés étaient de longueurs
très variables, certains pouvant atteindre plusieurs mètres. Les supports d’écriture en soie,
plus rares en raison de leur coût, sont attestés dès le 4e siècle. Le précieux matériau était
tissé en pièces rectangulaires de grande taille qui se conservaient pliées, ou bien en bandes
plus étroites pouvant atteindre quatre mètres de long que l’on enroulait parfois sur elles-
mêmes à la manière des rouleaux de fiches. Quant aux tablettes de bois, elles étaient
rectangulaires et pouvaient comporter plusieurs colonnes inscrites au recto et au verso. On y
copiait surtout des pièces de circonstances et des textes non littéraires.
Apport à l’histoire de la société chinoise :
La profusion de textes sur les écrits techniques découverts à ce jour est remarquable car
cette littérature n’a pratiquement laissé aucune trace. Ces écrits présentent un intérêt
immense pour l’histoire des institutions politiques, des pratiques juridiques, des sciences
prédictives et de la médecine. Ils abondent aussi en descriptions concrètes sur l’activité des
ritualistes, des devins, des astrologues, des physiciens et des médecins de l’époque. Ceci a
permis de mieux comprendre l’apport de ces milieux à la formation des doctrines
cosmologiques et des conceptions de la nature dont la littérature canonique et les écrits des
philosophes se font certes l’écho, mais sous des formes spéculatives et visant toujours la
légitimation d’idéaux éthiques et politiques.
Apport à l’histoire des croyances :
Les documents exhumés ont également levé le voile sur beaucoup d’aspects peu connus de
la vie religieuse des élites de la société. Le panthéon des dieux souterrains qui présidaient
aux relations entre les vivants et les morts, les croyances aux interdits calendaires et les rites
exorcistes qui régulaient le cours des activités quotidiennes, la recherche de la longue vie
par des techniques physiologiques et l’absorption de drogues : tous ces faits montrent la
forte prégnance des préoccupations religieuses et symboliques qui agitaient alors les esprits.
En apportant un éclairage nouveau sur le contexte culturel dans lequel évoluaient les
penseurs préimpériaux, les manuscrits permettent de mieux saisir les spécificités et les
enjeux de leurs élaborations théoriques, de même qu’ils constituent les plus anciens
témoignages de l’existence de pratiques cultuelles et de formes de dévotion qui resteront
une constante du paysage religieux chinois après l’introduction du bouddhisme et la
formation des premières organisations taoïstes au 2e siècle de notre ère.
En conclusion, ce vaste chantier ouvert par ces découvertes archéologiques suscite depuis
une dizaine d’années la mise en place d’unités de recherche spécialisées dans les
universités et les académies des sciences de plusieurs pays. En France, les membres de
deux équipes parisiennes (le Centre de recherche sur les langues d’Asie orientale, CNRS -
EHESS, et le Centre de recherche « Civilisation chinoise », CNRS - EPHE) consacrent
depuis quatre ans une partie de leurs recherches à l’étude de manuscrits exhumés selon
une approche globale et pluridisciplinaire impliquant l’archéologie, la codicologie, la
paléographie, la philologie et l’anthropologie de l’écrit. Ces études permettent de mieux
définir la nature de ces documents, leur conception matérielle, la manière dont ils étaient
copiés et diffusés ainsi que leur rapport aux textes transmis (qui nous sont connus en grande
majorité par des éditions imprimées au plus tôt sous la dynastie des Song (10e-12e siècles)).
Parmi les chantiers en cours, la multiplication des données recueillies conduit en premier lieu