TERRE UNE VUE D'ENSEMBLE La Terre est la cinquième planète du Système solaire quant à la masse (que l'on estime à 5,976 x 1024 kg), son diamètre est de 12 756 km et sa circonférence de 40 000 km, soit près de 40 fois la distance Paris-Rome. Sa densité moyenne est d'environ 5 g/cm3. Cela veut dire que la Terre est cinq fois plus lourde qu'une sphère d'eau de la même dimension. Sa forme évoque celle d'une poire très arrondie et écrasée, présentant deux renflements, l'un au niveau de l'océan Pacifique, l'autre au niveau de l'océan Atlantique. Cette forme imparfaitement ronde est due à des irrégularités dans sa composition interne, qui déterminent des variations locales du champ de gravité. L’aplatissement polaire causé par la rotation terrestre provoque une déformation permanente de l'équateur, qui n'est pas circulaire mais elliptique. La température moyenne à la surface de la planète est de 12 °C, une température comprise entre le point d'ébullition et le point de congélation de l'eau, l'élément qui occupe plus des deux tiers de la surface terrestre. Aux pôles, la température locale a favorisé la formation d'une solide calotte de glace permanente. Le tiers restant de la surface est constitué par les terres émergées. Au-dessus de la surface se trouve l'atmosphère, dont les constituants principaux sont la vapeur d'eau, le gaz carbonique, l'oxygène et l'azote. Les plus légers, tels que l'hydrogène et l'hélium, s'échappent facilement dans l'espace et sont produits de façon constante par les réactions chimiques et nucléaires de la surface. Dans l'ensemble, 90 % de la Terre est constitué de quatre éléments : le fer, l'oxygène, le silicium et le magnésium. La surface de la Terre est remodelée en permanence. Le 27 août 1883, après une éruption qui dégagea une énergie égale à celle de 100 millions de tonnes de T.N.T., une grande partie du volcan Krakatoa fut volatilisée, faisant place à une dépression sous-marine de 300 m de profondeur. Ainsi, l'aspect de la zone, le détroit de la Sonde qui sépare Java de Sumatra, s'en est trouvé modifié. Ce n'est là qu'un exemple entre bien d'autres des changements subis par la Terre au cours des âges, car les déformations de la croûte, les tremblements de terre et les éruptions volcaniques ne cessent d’engendrer des reliefs, tandis que les pluies, les éboulements et les rivières tendent à la niveler par les processus d'érosion. Le principal agent érosif est l'eau, à travers le ruissellement, la dissolution karstique ou par l'alternance cyclique du gel et du dégel, mais la turbulence de l'atmosphère - le vent - joue aussi un rôle important. Les phénomènes célestes, aussi, déterminent des variations, cycliques parfois, comme dans le cas, par exemple, de la position de la Lune qui engendre le soulèvement périodique des mers responsable des marées. La surface de la Terre est fragmentée en une douzaine de plaques lithosphériques de grandes dimensions, une division qui ne correspond pas du tout à celle des continents et des nations introduites par l'homme. Tout au plus reflète-t-elle, dans quelques cas, les divisions naturelles que représentent, par exemple, les chaînes de montagnes. Les plaques ont une épaisseur de quelque 100 km et couvrent toute la Terre. Leur présence conditionne le développement des phénomènes géologiques superficiels et a conditionné aussi dans le temps la distribution des organismes vivants. Les plaques, par ailleurs, se déplacent l'une par rapport à 1 l'autre, expliquant le fait que des zones géographiques aujourd'hui très éloignées étaient, il y a des millions d'années, soudées l'une à l'autre. Selon les reconstructions actuelles, l'histoire de notre planète a commencé il y a 4,6 milliards d'années. De la matière interstellaire froide commença à s'amasser en une espèce de « nuage », qui avec le temps a fini par former un corps céleste primitif. L'impact d'autres corps planétaires contribua par la suite à en augmenter les dimensions et à la réchauffer. En effet, un « petit » corps céleste de 5 t par exemple, se déplaçant à la vitesse de 30 km/s pouvait libérer, en entrant en collision avec l'embryon de la Terre, ou Prototerre, une énergie égale à celle d'une explosion nucléaire d'une kilotonne. Une autre partie de l'énergie provint de la désintégration des éléments radioactifs présents dans le corps céleste, et cela détermina son réchauffement progressif, moindre dans la zone superficielle à cause du froid sidéral extérieur. C'est à ce stade que se produisit la stratification des éléments chimiques que l'on observe aujourd'hui. Les minéraux les plus denses, constitués d'éléments lourds tels que le fer et le nickel, précipitèrent vers le centre, où ils constituèrent l'embryon du noyau de la Terre, tandis que les éléments moins denses, constitués d'éléments légers comme le silicium, le sodium, l'aluminium et le calcium, restèrent à l'extérieur ou migrèrent vers la surface pour constituer le manteau et la croûte. Cette stratification conduisit à la formation de la croûte terrestre, à la naissance des continents et à la libération de gaz de l'intérieur et, ainsi, à la formation de l'atmosphère et des océans. L’INTÉRIEUR DE LA TERRE LES MÉTHODES D’ÉTUDE Il existe plusieurs façons d’obtenir des informations sur l’intérieur de la Terre. L’une est constituée par les forages profonds d’exploration, entreprises lancées dans les années 70 dans l’ex-Union Soviétique et en Allemagne. Le sondage le plus profond foré par l’homme, celui de Kola situé dans la péninsule homonyme de la Russie, a atteint 15 km de profondeur. Il a permis de recueillir de nombreuses informations pas seulement d’intérêt géologique. Contrairement à ce que l’on attendait, l’augmentation de température avec la profondeur s’est révélée plus faible que prévu. On a découvert aussi des micro-organismes fossiles dans des roches très anciennes. Le problème est que 15 km ne sont presque rien par rapport aux 6 370 km du rayon de la Terre. Ils ne représentent qu’une petite tranche superficielle très fine, même si sa perforation pose de gros problèmes techniques. Par exemple, il est très difficile de forer en se maintenant parfaitement à la verticale, comme de conserver un diamètre constant à cause des fortes pressions, et il est très onéreux de ramener à la surface des échantillons avec les 15 000 m de tiges de sondage. Un autre moyen d’étude est représenté par les volcans, de véritables « puits naturels », dont les magmas arrivent souvent de dizaines de kilomètres de profondeur. Le matériau qui se trouve à l’intérieur de la Terre doit ressembler d’une façon ou d’une autre à celui qui sort des volcans, même si ce n’est pas le même, parce qu’avant d’arriver à la surface, il traverse des kilomètres de roches différentes qui en modifient sa composition (c’est ce qu’on appelle la contamination) ou qui font office de « filtres ». En tout état de cause, il doit être le fils du matériau originel. 2 On a une idée des minéraux qui composent l’intérieur de la Terre grâce à trois possibilités : la remontée de matériaux profonds lors de certaines éruptions volcaniques ; l’observation de terrains formés en profondeur et remontés en surface lors de grands mouvements tectoniques ayant conduit à la formation de chaînes de montagnes, et affleurant pour former ce que l’on appelle des ophiolites ; des expériences de laboratoire où l’on observe la stabilité des minéraux en fonction des conditions de pression et de température qui règnent à l’intérieur de la Terre à différentes profondeurs. De très nombreuses données, enfin, proviennent de l’étude des tremblements de terre (sismologie). Les premiers à les utiliser comme moyen d’enquête furent les sismologues d’Europe et des États-Unis, frappés par le fait que les ondes acoustiques des séismes ayant eu lieu en différents points du monde, même s’ils étaient très distants l’un de l’autre, arrivaient en même temps. À cette occasion, on découvrit que les ondes sismiques ne sont pas toutes identiques, mais qu’il existe des ondes de compression et des ondes de cisaillement. Quand la Terre est sollicitée pendant une période très courte, comme dans le cas d’un tremblement de terre, elle réagit comme une corde tendue qui, quand on la pince, vibre et génère à l’intérieur des ondes élastiques. Comme toutes les ondes, celles-ci aussi se propagent à une vitesse différente selon, par exemple, la densité du sol. Dans le sable, elles sont moins rapides que dans des roches comme les calcaires ou les laves, et cette différence revêt une certaine importance quand les ondes sismiques sont enregistrées à la surface. En pratique, à partir de la différence de vitesse des ondes, on peut remonter au type de matériau qui se trouve en profondeur. La vitesse, en outre, dépend de la nature solide ou liquide du matériau, de la température, et augmente, comme presque toutes les caractéristiques physiques, avec la profondeur. LE MODÈLE EN « OIGNON » Selon les données actuelles, l’intérieur de la Terre est semblable à un ensemble de sphères concentriques, séparées par des discontinuités dans lesquelles on enregistre des changements nets et « soudains » de l’une ou de toutes les propriétés physiques ou minéralogiques typiques de notre planète. La croûte terrestre La croûte terrestre est la pellicule superficielle, froide, de la lithosphère ; la géosphère la plus externe du globe terrestre. Comme le reste de la lithosphère, elle est solide. La croûte est séparée du manteau lithosphérique par une discontinuité sismique brusque (les vitesses des ondes élastiques passent d'environ 7 km/s à 8 km/s) traduisant un changement dans la composition chimique des roches : c'est la discontinuité de Mohorovicic (géophysicien yougoslave) ou en abrégé, le «Moho». Les géophysiciens distinguent deux types de croûtes à l'histoire et aux caractéristiques complètement différentes. La croûte continentale 3 Elle forme l'assise des continents et de leurs marges submergées (marges continentales) sur une superficie qui représente environ 40 % de celle de la planète. Cette croûte est relativement légère (densité : environ 2,7) et flotte sur le manteau supérieur. Étant insubmersible, la croûte continentale préserve pratiquement toutes les étapes de sa formation (elle est seulement érodable sur certaines de ses marges par les zones de subduction ou peut être refondue par en dessous et redigérée par le manteau) et peut avoir un âge considérable (jusqu'à près de 4 milliards d'années au centre des vieux boucliers). L'épaisseur moyenne de la croûte continentale est de 35 km, avec des extrêmes de 15 à 20 km dans les zones en forte extension et de 70 à 80 km dans les chaînes de collision. Dans sa partie supérieure, la croûte continentale, lorsqu'elle est soumise à des déformations, réagit de manière cassante ou fragile. À plus grande profondeur, avec l'augmentation de la température elle se comporte de manière ductile. La croûte océanique Elle recouvre le reste de la Terre. Créée à l'axe des dorsales d'accrétion océanique, elle est très peu épaisse (5 à 7 km) et sa densité (environ 3) croît avec l'âge ; elle finit par être absorbée (avec le reste de la lithosphère dont elle est solidaire), dans le manteau asthénosphérique, voire plus profondément encore (mésosphère). Il en résulte que l'âge de la croûte océanique qui forme le plancher des océans n'est jamais plus vieille que 200 millions d'années environ. La croûte océanique est constituée de roches de nature basaltique issues de la fusion partielle des péridotites du manteau. La croûte continentale s'est formée à partir de processus de différenciation magmatique du basalte océanique dans les arcs insulaires par le biais de la subduction ; elle est formée de roches métamorphisées en profondeur - dont la composition est voisine de celle du granite. À environ 2 900 km de profondeur se trouve la « discontinuité de Gutenberg », qui sépare le manteau du noyau terrestre. Le noyau, enfin, présente une surface de discontinuité interne qui sépare un noyau externe « liquide » d’un noyau interne « solide ». Comme on l’a vu précédemment, la température augmente avec la profondeur et l’on estime qu’au centre de notre globe (à plus de 6 300 km), elle est de l’ordre de 5 000 °C. On pense aujourd’hui que les discontinuités qui caractérisent l’intérieur de la Terre se succèdent de manière régulière, autrement dit la Terre ressemblerait à un oignon. En revanche, ces discontinuités ne semblent pas statiques comme on le pensait autrefois. Le Moho, par exemple, est déterminé par les géophysiciens du monde entier, mais dans certaines zones, à des profondeurs deux ou trois fois plus grandes que dans d’autres. Cela signifie que ces discontinuités elles aussi ont une histoire, et qu’on peut en rencontrer de « fossiles », et que d’autres se formeront. Les discontinuités découvertes par l’analyse des ondes sismiques séparent des portions de la Terre qui ont une composition et un état physique différents. Il s’agit de trois ou quatre « couches » d’épaisseur variable - lithosphère, manteau, noyau externe et noyau interne - qui occultent la réponse à de nombreuses questions et, en particulier, à l’une d’elles : de quoi la Terre est-elle faite ? Qu’y a-t-il exactement sous nos pieds ? Même si jusqu’à présent il n’a pas été possible de savoir quels matériaux cache l’intérieur de la Terre, on peut faire certaines suppositions sur la base des caractéristiques physiques de la planète, en l’imaginant en particulier comme un corps solide quelconque. Le paramètre le plus caractéristique est probablement la 4 densité, qui n’est pas la même partout. Dans les roches de la partie la plus superficielle, elle est en moyenne de 2,8 g/cm3 seulement. Il s’agit donc d’une valeur inférieure à la valeur moyenne globale terrestre, et cela signifie que les matériaux qui se trouvent à plus grande profondeur ont une densité plus grande, autour de 10-13 g/cm3. Des matériaux si lourds doivent être composés principalement de fer et de nickel, mais en théorie n’importe quel élément présentant cette densité pourrait constituer l’intérieur de la Terre. En passant des 3 g/cm3 des roches superficielles aux valeurs élevées du manteau et du noyau, la densité augmente considérablement, mais probablement pas de façon continue. Tout comme la densité, la vitesse des ondes sismiques augmente en général selon la profondeur. La lithosphère C'est l'enveloppe externe de la Terre, solide et rigide (d'où son nom qui vient du grec lithos: pierre, et sphère) contrairement au manteau, relativement visqueux. La lithosphère est constituée de deux couches : en surface, la croûte terrestre (océanique et continentale) ; en profondeur, la partie la plus superficielle du manteau. La différence entre la lithosphère et le manteau asthénosphérique sous-jacent, n'est donc pas de nature chimique ou minéralogique, mais imputable à un changement d'état physique : de part et d'autre de cette discontinuité rhéologique (rhéologie, étude de la déformation des matériaux), on trouve le même manteau péridotitique, mais qui a subi, en dessous de cette limite, une fusion partielle. L'épaisseur moyenne de la lithosphère est d'une centaine de kilomètre, mais peut atteindre quelque 150 km sous certaines portions de continents, ou au contraire être réduite à quelque kilomètre sous les dorsales d'accrétion océanique (ou rides médio-océaniques) où se forme la croûte océanique par remontée, près de la surface, de l'asthénosphère partiellement fondue. En s'éloignant de la dorsale, donc en prenant de l'âge, la lithosphère océanique se refroidit progressivement et s'épaissit aux dépens de l'asthénosphère et s'enfonce dans le manteau où elle est recyclée. La lithosphère est découpée en calottes sphériques mises en mouvement sous l'effet de la circulation des cellules de convection qui brassent l'asthénosphère ; ce processus est appelé tectonique des plaques, et conduit à la formation des grands reliefs structuraux de la planète. La lithosphère, même si elle est rigide, peut se comporter de manière élastique quand elle est soumise à une surcharge ou - au contraire - quand elle est localement allégée par l'érosion : c'est le phénomène de l'isostasie. La lithosphère a une composition variable. Au-dessous des continents et sous les roches sédimentaires de couverture, elle est composée de roches métamorphiques et de roches ignées comme les granites. La lithosphère océanique est formée principalement de roches basiques comme les basaltes, les gabbros et, dans la partie la plus profonde, de péridotites. Plus en surface, elle est couverte par des dépôts sédimentaires (boues siliceuses, boues calcaires, argiles...) dont l’épaisseur est d’autant plus grande que l’on s’éloigne de l’axe de la dorsale d’accrétion océanique où la lithosphère a été créée. De par sa composition, son épaisseur et ses caractéristiques dynamiques, il s’agit d’une croûte très différente de la croûte continentale. Une différence importante entre la lithosphère océanique et la lithosphère continentale tient à ce que la seconde se présente partout mal stratifiée 5 et non homogène, tandis que la première se trouve toujours répartie en trois grosses « couches », appelées 1, 2 et 3, dont la composition est constante et varie selon la profondeur, mais est bien reconnaissable en chaque lieu de la Terre. En outre, la lithosphère supérieure océanique présente une épaisseur assez constante, beaucoup plus faible que l’épaisseur, plus variable, de la lithosphère continentale. En plus des différences d’âge dont nous avons déjà parlé, la croûte océanique est beaucoup moins déformée que la croûte continentale, elle ne présente pas de plissements (orogenèse) ni de déformations importantes et, enfin, a une activité ignée beaucoup plus développée. Asthénosphère et isostasie L'asthénosphère (du grec asthenos : sans force, et sphère) est la partie la plus visqueuse du manteau terrestre. Pendant longtemps les géophysiciens ont assimilé l'asthénosphère avec le manteau supérieur (jusqu'à une profondeur de 670 km), le manteau inférieur étant appelé mésosphère (du grec mesos : milieu) ; mais actuellement certains chercheurs ont tendance à restreindre cette couche supérieure à la zone de plus faible vitesse du manteau, là où elle est le plus plastique. Quoi qu'il en soit, le manteau supérieur est constitué de péridotites à olivine (de la famille des péridots, où l'atome de silicium est entouré de quatre atomes d'oxygène), de pyroxène et de grenat, jusque vers 400 km. Après une zone de transition, la composition cristalline de la partie sous-jacente du manteau supérieur, se modifie sous l'accroissement de la pression ; l'olivine est remplacée par une structure spinelle, plus dense, et le pyroxène et le grenat, par la majorite. À partir de 670 km la transition avec le manteau inférieur est encore plus brutale ; les minéraux précédents ne sont plus stables et sont remplacés par des structures cristallographiques encore plus denses : silicates de structure pérovskite (un atome de silicium entouré de six atomes de silicium) et magnétowüstites (oxydes de fer et de magnésium). Le manteau inférieur est alors 50 fois moins visqueux que le manteau supérieur. C'est grâce aux progrès récents obtenus en physique des hautes pressions qu’il fut possible de reproduire ces transformations de phase cristalline. Les plans de subduction ne pouvaient apparemment pas dépasser la limite de l'asthénosphère (ou du manteau supérieur) avec le manteau inférieur. Cependant selon certains travaux, certains de ces plans de subduction plongeraient jusqu'à la base du manteau. L'isostasie L'isostasie (du grec isos : égal et stasis : arrêt, équilibre ; terme introduit par l'Anglais Dutton en 1889) est la tendance naturelle à la compensation de type hydrostatique pour les reliefs de la croûte (lithosphère) terrestre qui perturbent le géoïde. Ce dernier est la surface du globe terrestre correspondant au niveau moyen des mers et du prolongement estimé de celles-ci à l’intérieur des continents. Cette surface est normale en tous points à la verticale. Elle est équipotentielle de pesanteur (égale à la valeur de la gravité terrestre) et correspond conventionnellement à l'altitude zéro. 6 Un excès (ou défaut) de masse introduit par un relief (ou un creux) est naturellement compensé par une anomalie de densité sous-jacente de symétrie opposée. L'isostasie implique que la lithosphère continentale, relativement légère, réagisse de manière élastique à une surcharge, parce qu'elle est rigide et qu'elle surmonte une asthénosphère, plastique, ductile, déformable. Si une contrainte tectonique n'intervient pas, il y a équilibre isostatique, tout comme le tirant d'eau d'un bateau varie avec son chargement. Les deux théories sur l’isostasie À l'origine de ces théories, il y a les observations faites sur les anomalies du fil à plomb dans le nord de l'Inde, naturellement dévié par la forte masse de l'Himalaya (comme le veut la théorie de l'attraction universelle de Newton) mais moins que ne l'indiquaient les calculs théoriques. L'Himalaya était donc moins lourd que prévu. Deux Anglais, Sir George Bridell Airy et l'archidiacre John Henry Pratt émettent la même année (1855) deux hypothèses différentes pour expliquer ce phénomène. Pour Airy, la compensation du relief est assurée par la présence d'une « racine » de même densité que celui-ci, mais plus légère que « l’encaissant » dans laquelle elle est plongée, l'asthénosphère. On sait maintenant que c'est ce phénomène qui se produit sur les continents. Pour Pratt, les variations d'altitude sont compensées par des variations latérales de densité au-dessus d'une surface de profondeur constante, la surface de compensation. Cette théorie n'a plus de valeur, aujourd'hui, pour les chaînes de montagnes, mais peut s'appliquer aux continents, pris dans leur ensemble, plus hauts (de près de 5 km) et plus légers que le fond des océans. Le modèle du Hollandais Vening-Meinesz reprend celui d'Airy mais fait intervenir une extension latérale de la racine sur un espace plus étendu que le relief. Le bouclier scandinave Un bel exemple de mécanisme isostatique est fourni par le bouclier scandinave. Englacé sous un inlandsis de plusieurs kilomètres d'épaisseur pendant plusieurs dizaines de milliers d'années, cette région du continent européen s'est affaissée, sous la surcharge, jusqu'à l'équilibre isostatique. La fonte des glaces en revanche fut rapide (entre environ - 15 000 ans et - 8 000 ans), de sorte que le nouvel équilibre isostatique n'est pas encore réalisé : au centre du golfe de Botnie la vitesse de remontée du socle est de 9 mm/an, alors qu'à Copenhague ou Saint Pétersbourg, sur les marges de l'ancien glacier, l'équilibre est déjà atteint (aucun mouvement vertical). Le manteau C'est parmi les quatre géosphères formant l'intérieur du globe terrestre (croûte, manteau, noyau externe et graine), l'enveloppe la plus importante, représentant 84 % du volume et 68 % de la masse de ce dernier. Situé immédiatement en dessous de la mince croûte terrestre, le manteau descend jusqu'à 2 991 km de profondeur, à la limite avec le noyau. 7 On distingue un manteau supérieur jusqu'à - 670 km et ensuite un manteau inférieur. À l'exception de sa couche la plus superficielle (le manteau lithosphérique descendant jusqu'à 100 km de profondeur environ), qui est solide et rigide, le reste du manteau est solide, mais, à l'échelle des temps géologiques il est déformable et plastique. Le manteau est constitué de roches silicatées, du type péridotite (composées essentiellement de péridots - comme l'olivine - et de pyroxènes, silicates ferromagnésiens avec une proportion plus réduite de calcium et d'aluminium), que l'on retrouve en surface dans les ophiolites ou dans les enclaves remontées lors de certaines éruptions volcaniques. Les cellules de convection dans le manteau Par suite de la désintégration radioactive de l'uranium, du thorium et du potassium qu'il renferme en son sein, le manteau produit de la chaleur. Il subit donc une fusion partielle, c’est-à-dire qu'une petite partie (rarement plus de 20 %) des péridotites se transforme en liquide (le magma primaire), ce qui lui confère une certaine plasticité (ou viscosité). Cette chaleur se dissipe en remontant (à raison de quelques cm/an) la matière chaude sous la lithosphère, et qui, refroidie, redescend ensuite. Il se forme ainsi des cellules de convection. La disposition de ces cellules reste encore largement hypothétique. Sont-elles arrangées en deux couches : l'une dans le manteau supérieur où ces cellules constituent le moteur de la tectonique des plaques, l'autre dans le manteau inférieur ? Il est probable qu'en réalité, leur disposition est beaucoup moins géométrique, avec des cellules brassant localement la couche supérieure, d'autres la couche inférieure, et d'autres encore circulant dans toute l'épaisseur du manteau. En effet, en tomographie sismique (étude des anomalies de transmission des ondes sismiques provoquées par des différences de température), on observe que certains plans de subduction (décelables à cause de leur température plus basse) plongent jusqu'à la frontière avec le noyau. La combinaison de la tomographie sismique, de la géodésie, de la physique des matériaux et de la modélisation numérique, permet de visualiser ces hétérogénéités de température et de densité à l'intérieur du manteau et à la surface duquel elles se manifestent par des déformations de 400 m d'amplitude. La couche D" À la base du manteau, existe une enveloppe anormale de quelque 200 km d'épaisseur, plus chaude, la couche D" qui assure un certain couplage thermique entre le noyau et le manteau. On estime que les points chauds les plus puissants y prennent naissance pour remonter, à une vitesse de quelques décimètres par an, jusqu'à la surface du globe où ils engendrent de volumineux systèmes volcaniques comme ceux de l’archipel des îles Hawaï. La composition du manteau s’adapte au fait que la température et la pression augmentent proportionnellement à la profondeur. À quelques centaines de kilomètres de profondeur, la péridotite devrait être beaucoup plus compacte, autrement dit elle devrait présenter peu d’espaces vides entre les molécules, 8 précisément pour mieux s’adapter aux fortes pressions exercées par la charge des roches sus-jacentes. Le noyau Si l’accès à la connaissance de la composition du manteau terrestre est difficile, comme on l’a vu plus haut, celle du noyau, situé sous la discontinuité sismique de Gutenberg, l’est encore plus. Et l’on doit faire appel à des méthodes indirectes basées sur la sismicité, le champ de gravité terrestre et l’étude des météorites. Le noyau est, comme l'indique son nom, la partie centrale de la sphère terrestre dont il représente 16 % en volume et environ 31 % en masse. Le noyau est séparé du manteau (silicaté), vers 2 991 km de profondeur, par la discontinuité chimique et physique la plus brutale de la planète : la discontinuité de Gutenberg où l'on passe brusquement d'une densité d'un peu moins de 5, à la base du manteau, à 9,9. À partir de considérations complexes faisant intervenir la propagation des ondes sismiques (par exemple les ondes S ne traversent pas les milieux liquides), le champ de gravité et la composition des météorites, on en déduit que le noyau est constitué essentiellement de fer auquel s'ajouteraient quelques éléments diluants comme le silicium (7 %), le nickel (5 %), l'oxygène (4 %), le soufre (2 %). Le noyau se subdivise en deux sous-ensembles : une enveloppe ou noyau externe, liquide, épaisse de 2 259 km, et la graine, solide, d'un rayon de 1 221 km avec une densité de 13,1 en son centre. C'est au sein du noyau que prend naissance le champ magnétique terrestre de la Terre. La rotation de notre planète et les mouvements de convection (thermique, et/ou due à des différences de composition) affectent la masse métallique (conductrice) liquide du noyau externe et créent des écoulements suivant des colonnes hélicoïdales parallèles à l'axe de rotation. Les mouvements engendrent des courants électriques qui, à leur tour, induisent un champ magnétique dipolaire qui s'auto-entretient : c'est la géodynamo. Les changements des caractéristiques du champ magnétique terrestre, et notamment les renversements périodiques de sa polarité (inversion magnétique des pôles), seraient attribuables à des perturbations de l'écoulement de ces courants de convection à l'intérieur du noyau externe. Une inversion magnétique peut se produire en quelques milliers d'années. LA CHALEUR DE LA TERRE La Terre est un corps chaud en équilibre thermique, c'est-à-dire qu’elle ne se transforme pas en une énorme boule incandescente parce qu’elle disperse la chaleur qu’elle produit. Le flux thermique transporté de l’intérieur vers la surface est mesuré au moyen de forages. Les échantillons recueillis permettent de déterminer la conductibilité thermique, c'est-à-dire qu’on mesure combien de chaleur ces roches sont en mesure de transmettre. Au-delà de 100 m de profondeur, la température augmente constamment, d’à peu près 33 °C chaque kilomètre. De ce point de vue, on peut distinguer des zones à flux de chaleur normale (environ 99 %), avec des valeurs situées autour de 0,50-0,60 W/m2, et des zones thermiquement actives (ou thermales, environ 1 %), dans lesquelles le flux dépasse parfois 1 KW/m2, mais où 9 il est, en général, d’environ 1 W/m2. Le gradient thermique de 33 °C/km n’est pas toujours constant. Si c’était le cas, à 1 000 km la température serait de 2,5 x 104 K, ce qui serait évidemment impossible puisque, à ces températures, il ne peut pas exister de matière à l’état solide. Cette chaleur est produite par la désintégration d’éléments radioactifs (radioactivité) comme l’uranium, le thorium et le potassium, contenus dans les minéraux du manteau. Elle est transportée en surface sous forme de courants de matière ascendants très lents où elle se dissipe sous forme mécanique (mouvement des plaques) et de flux de chaleur. Le refroidissement qui s’en suit provoque la formation de courants descendants froids en direction de l’intérieur du manteau. L’ensemble de cette circulation thermique forme ce que l’on appelle des cellules de convection. Une autre manifestation de ces transports thermiques profonds est représentée par les points chauds (hot-spots en anglais), où la chaleur remonte à la verticale sous forme de panaches chauds (hot-plumes en anglais) indépendamment du système des cellules de convection. On pense que les points chauds les plus puissants proviennent d’une zone thermique instable, la couche D’’, située vers 2 900 km de profondeur à la limite manteau/noyau. Ces points chauds sont à l’origine d’un volcanisme particulier, généralement puissant, lui-même à l’origine par exemple, de l’île de La Réunion (volcan du piton de la Fournaise) ou d’Hawaii (volcans Kilauea et Mauna Loa). On estime que les points chauds les plus puissants sont relativement fixes les uns par rapport aux autres et servent de système de référence pour déterminer le mouvement absolu des plaques. Par la succession des constructions volcaniques qu’ils engendrent sur la plaque lithosphérique qu’ils perforent, on peut reconstituer la vitesse et la direction du déplacement de cette dernière. Par exemple, le point chaud qui est à l’origine de l’actuel volcanisme du Mauna Loa et du Kilauea, aux îles Hawaii, a également produit le volcan éteint de Kauai, au nord-ouest des îles Hawaii, et d’autres volcans sous-marins eux aussi éteints. Les volcans, de plus en plus vieux au fur et à mesure que l’on s’éloigne du lieu où se produit le volcanisme de nos jours, témoignent ainsi du mouvement de la plaque Pacifique au-dessus d’un point chaud stable et de sa position actuelle sous la grande île d’Hawaii. LE CHAMP MAGNÉTIQUE TERRESTRE En 1600, un médecin qui travaillait à la cour de la reine Élisabeth I re d’Angleterre, William Gilbert, publia le livre De magnete, dans lequel il expliquait le fonctionnement de la boussole, en soutenant que « toute la Terre est un gros aimant », dont le champ fait sentir ses effets sur le petit aimant de l’aiguille de la boussole qu’il aligne selon l’axe nord-sud. Aujourd’hui, la plupart des chercheurs pensent que le champ magnétique terrestre peut être comparé à celui d’une sphère magnétisée de façon uniforme, caractérisée par deux pôles magnétiques pas exactement opposés l’un à l’autre, et qui, de toute façon, n’ont rien à voir avec les deux pôles nord et sud géographiques. L’intensité du champ magnétique est mesurée au moyen du magnétomètre. L’unité d’intensité du champ est le gauss (G) et, tandis que les aimants communs en fer à cheval génèrent un champ d’environ 10 G, le champ terrestre à proximité de la surface est d’environ 0,5 G. L’origine du champ n’a pas été tout à fait éclaircie. Selon l’opinion dominante, pour avoir une idée à ce sujet, on doit penser à ce qu’il arrive quand un conducteur d’électricité non parcouru par un courant est mu dans un champ magnétique. Le conducteur est traversé par un courant induit et, si le conducteur s’arrête, le courant 10 aussi s’interrompt. Ce principe, qui est aussi celui de la dynamo, peut être appliqué de façon satisfaisante à la Terre, si l’on imagine que le noyau en fusion est un bon conducteur, et en admettant la présence initiale d’un petit champ magnétique non uniforme et la possibilité de mouvements dans le noyau lui-même. Les mouvements à l’intérieur du noyau en fusion induisent un courant qui, en se déplaçant, produit un nouveau champ magnétique qui, à son tour, induit un nouveau courant dans le noyau qui, de son côté, provoque un nouveau champ magnétique et ainsi de suite. Au vu de ces caractéristiques, le modèle a été appelé modèle de la « dynamo à auto-excitation ». On pense que les sources d’énergie les plus probables pour maintenir le mouvement à l’intérieur du noyau sont les mouvements de chaleur à l’intérieur du noyau, comparables à ceux qui se développent dans un liquide qu’on fait bouillir. Le champ magnétique terrestre n’est pas stable dans le temps. Par le passé, il s’est produit plusieurs fois une inversion de rôle entre le pôle nord et le pôle sud. C’est ce qu’a permis de découvrir l’étude de nombreuses roches terrestres contenant des minéraux magnétiques (comme l’oxyde de fer appelé magnétite) qui enregistrent fidèlement la direction du champ magnétique. Très utiles pour cela sont aussi bien les roches ignées, qui dérivent du refroidissement d’un magma, riches de ces minéraux, que les roches sédimentaires, qui dérivent de l’érosion d’autres roches. Dans ces roches, les minéraux magnétiques tendent à refroidir, s’il s’agit de roches ignées, ou à se déposer, s’il s’agit de roches sédimentaires, dans la même direction que le champ magnétique au moment de la formation de la roche. Ainsi, l’orientation du champ est fixée sans possibilité d’être effacée dans la roche, et peut être mesurée même après des centaines de milliers d’années, à condition que n’interviennent pas d’événements perturbants, tels que l’altération ou la remagnétisation selon d’autres directions. L’étude des variations des caractéristiques du champ magnétique au cours du temps a mené à des recherches ad hoc, dans le cadre d’une discipline appelée magnétisme fossile ou paléomagnétisme, qui ont contribué de façon importante à la découverte de l’expansion des fonds océaniques et à la formulation de la théorie de la tectonique des plaques. Il y a peu encore, on pensait qu’il fallait plusieurs dizaines de milliers d’années pour assister à l’inversion du champ, mais des études très récentes tendent à réduire sensiblement ce temps, jusqu’à 2 000-3 000 ans, voire moins. Le phénomène de l’inversion revêt une grande importance pour la survie de groupes entiers d’organismes vivants. En effet, aux moments où se produit l’inversion, le bouclier magnétique qui normalement protège la Terre est moins efficace, si bien que les effets négatifs des radiations solaires augmentent d’intensité, ce qui a des effets sur la survie de groupes entiers d’organismes vivants. C’est précisément pour ces raisons que de certains chercheurs ont essayé d’expliquer la disparition de familles fauniques entières, telles que les Dinosaures ou les Ammonites, aux moments d’inversion du champ (voir extinctions). LES MOUVEMENTS DE LA CROÛTE TERRESTRE LA MOSAÏQUE DES PLAQUES 11 Selon la théorie de la tectonique des plaques, la lithosphère est divisée en grands « blocs », délimités d’un côté par les dorsales océaniques, et de l’autre par de profondes fosses, les fosses de subduction, ou par de très longues fractures, les failles transformantes. Les quelque 20 plaques identifiées glissent en permanence sur l’asthénosphère plastique sous-jacente. Une plaque peut comprendre indifféremment des portions de continents (ou des continents entiers) et d’océans. Par exemple, la plaque Afrique contient tout le continent africain plus une partie de l’océan Atlantique et de l’océan Indien. La plaque Pacifique est exclusivement océanique, mais ne couvre pas la totalité de l’océan du même nom. D’un point de vue mécanique, les plaques se comportent, en première approximation, comme des corps rigides, ne peuvent pas se déformer beaucoup et si les contraintes qui s’exercent sur elles sont trop fortes, elles se réorganisent en changeant de forme. En Méditerranée, on trouve deux plaques principales, la plaque européenne et la plaque africaine, en collision depuis quelques dizaines de millions d’années, mais il existe aussi des plaques plus petites, les microplaques, qui, exception faite des dimensions, ont toutes les autres caractéristiques des plaques plus grandes. C’est le cas, par exemple, de la microplaque anatolienne, en Turquie, ou de la plaque appelée Adriatique (ou Apulie), qui inclut la mer Adriatique et les régions immédiatement limitrophes. L’intérieur et les limites d’une plaque se comportent de façon différente. À l’intérieur, on n’enregistre pas de déformations notables et la plaque ne présente pas de tremblements de terre ni de volcanisme, à quelques exceptions près. Toute la dynamique des plaques se concentre le long des zones frontières entre l’une et l’autre, qui se déforment en subissant et en enregistrant toutes les vicissitudes liées aux contacts avec les autres plaques. Là où la limite est constituée par une dorsale d’accrétion océanique, il se forme une marge d’expansion (ou marge divergente), car deux zones adjacentes divergent à une vitesse qui peut atteindre quelques centimètres par an. À la hauteur d’une zone de subduction, il se forme une marge convergente et, enfin, les limites constituées par des failles transformantes représentent des marges où ne se crée ni se détruit la lithosphère. Étant donné que les plaques se déplacent, leurs marges changent de position avec le temps, si bien qu’il peut arriver qu’une dorsale atteigne une zone de subduction. L’une des dorsales océaniques les plus connues est celle de l’Atlantique, qui traverse tout l’océan, du nord au sud, et mesure plusieurs milliers de kilomètres de longueur. Le fait qu’elle se manifeste en surface en Islande même a permis d’observer, directement, ce qui se passe dans tous les océans de la terre, c'est-àdire l’éloignement de deux plaques, dans ce cas les plaques nord-américaine et européenne, et l’ouverture de l’océan Atlantique. Un exemple de marge active, c’est-à-dire avec une zone de subduction, se trouve entre la plaque Pacifique et la plaque sud-américaine à rebord continental. La première plonge sous la deuxième, et cela a pour résultat la création d’une cordillère montagneuse, les Andes, avec de violents tremblements de terre et de fréquentes éruptions volcaniques. En revanche, dans l’Ouest Pacifique, lorsque ce sont deux bords de plaque à croûte océanique qui s’affrontent, se forment des arcs insulaires, de nature également volcanique (archipel des Mariannes, des Philippines, des Tonga, etc.). En ce qui concerne les marges transformantes, la grande faille transformante de la mer Morte ou faille du Levant, qui sépare la Palestine et, par conséquent, la plaque africaine, de la plaque arabique, est un exemple de mouvement latéral relatif, avec production de grands tremblements de 12 terre. Une grande faille semblable, dans le Nord de la Turquie, sépare la petite plaque anatolienne de la grande plaque eurasiatique. Les mouvements des plaques obéissent à des lois de géométrie définies par Euler dans un théorème qui concernait tout corps en mouvement sur une surface sphérique. Le théorème prévoit que tous les corps en mouvement sur une sphère accomplissent des parcours semi-circulaires autour d’un pôle de rotation. Ces rotations peuvent se faire dans le sens des méridiens et des parallèles, mais aussi dans d’autres directions, et on peut donc définir de nombreux pôles de rotation pour toutes les plaques, si bien que le tableau d’ensemble est plutôt compliqué. Il est possible de toute façon d’étudier les mouvements relatifs des plaques d’un point de vue géométrique, et aussi d’en calculer la vitesse qui augmente au fur et à mesure que l’on s’éloigne du pôle de rotation. Elle peut dépasser 10 cm par an. Cette vitesse est dite linéaire pour la distinguer de la vitesse angulaire qui, en revanche, est identique en tous les points d’une plaque. L’une des explications les plus satisfaisantes de la cause du mouvement des plaques fait appel, on l’a vu, au phénomène des cellules de convection qui brassent le manteau, et dont chacune fonctionnerait en amenant de la matière plus chaude en surface, à la hauteur des dorsales, et en renvoyant de la matière plus refroidie en profondeur, où se trouvent les zones de subduction. La partie de la cellule de convection proche de la surface sert de convoyeur (ou bande transporteuse) de la plaque lithosphérique sus-jacente qui se déplace donc de manière passive, depuis les dorsales d’accrétion océanique jusqu’aux zones de subduction. CONTINENTS ET OCÉANS Les régions continentales sont généralement subdivisées en trois zones, les cratons, les plates-formes et les chaînes montagneuses. De la même façon, les zones océaniques peuvent être subdivisées en trois régions principales, les bassins océaniques profonds, les dorsales et les fosses. Les cratons, appelés aussi zones stables ou boucliers continentaux, sont ce qui reste des vieilles chaînes montagneuses nivelées par l’érosion, et ils forment des zones à l’intérieur des continents, dont ils constituent les noyaux stables. C’est le cas, par exemple, des boucliers canadien, sibérien, brésilien, australien, africains, ou de l’Inde du Sud. Dans les cratons, qui constituent les régions parmi les plus anciennes de la Terre, les roches qui les constituent ont toujours plus de 600 millions d’années ; on n’observe aucun effet de l’activité interne de la Terre et on n’enregistre pas de tremblements de terre, il n’y a pas d’éruptions volcaniques, sinon dans des cas particuliers, tels que l’ouverture d’un rift ou d’un nouvel océan, et il n’y a pas de déformations importantes. Les zones de plate-forme continentale sont constituées d’un socle semblable à celui des aires cratoniques, mais recouvert de dépôts sédimentaires non déformés, d’âge forcément plus jeune. Les chaînes montagneuses, enfin, sont les grandes régions déformées et plissées de la Terre, par suite de processus d’orogenèse, c'est-à-dire de « formation des montagnes ». Elles occupent les zones marginales des continents actuels, surtout le long de deux bandes principales, l’une de direction approximativement est-ouest, qui comprend la chaîne alpino-himalayenne, et l’autre qui ceinture l’océan Pacifique, le long des mêmes régions que celles qui subissent de forts tremblements de terre et des éruptions volcaniques explosives, formant ce que l’on appelle la « ceinture de feu du Pacifique ». 13 En ce qui concerne les océans, 40 % d’entre eux est constitué de bassins océaniques, d’une profondeur comprise entre 4 000 et 6 000 m, et présentant une morphologie parmi les plus plates de toute la planète. Le socle de ces bassins est constitué par le plancher océanique basaltique créé à l’axe des dorsales d’accrétion océanique, et dont l’âge ne dépasse jamais 200 millions d’années, parce que le destin d’une croûte océanique est de disparaître dans les zones de subduction puis d’être recyclé, par fusion, dans le manteau terrestre. L’épaisseur des sédiments marins qui recouvrent ce plancher est d’autant plus forte que l’on s’éloigne de l’axe des dorsales et donc, que l’âge de la croûte terrestre est plus grand. Elle peut atteindre plusieurs milliers de mètres dans les zones de fort alluvionnement, à proximité des zones continentales soumises à une forte érosion, estuaires ou deltas de fleuves caractérisés par un fort débit solide (Amazone, Gange-Brahmapoutre...). Les dorsales océaniques correspondent aux zones de divergence des plaques lithosphériques et constituent l’appareil éruptif le plus important que l’on connaisse, d’environ 65 000 km de longueur, qui serpente à travers tous les océans. Les fosses océaniques, enfin, sont les régions les plus déprimées de la Terre, et elles forment un système de dizaines de milliers de kilomètres de longueur, mais discontinu à l’inverse de celui des dorsales. Elles correspondent le plus souvent aux zones de convergence des plaques, dites zones de subduction. L’EXPANSION DES FONDS OCÉANIQUES Les dorsales océaniques forment une ride plus ou moins continue, s’étendant sur un total de 65 000 km, en général au centre des océans. Chaque dorsale est une zone en relief - jusqu’à 2 000 m par rapport au fond de l’océan - au centre de laquelle s’ouvre une dépression étroite, ou rift, à l’axe de laquelle est injecté du basalte qui s’épanche en surface sous la forme de « coussins » (pillow basalts, en anglais). Cette injection de magma (en profondeur, ce magma basaltique se refroidit plus lentement en gabbro, où tous les minéraux ont eu le temps de cristalliser) et contribue à écarter les deux bords des plaques (divergentes) en présence. Il se forme ainsi de part et d’autre de l’axe (la frontière entre les deux plaques) de nouvelles bandes (ou rubans) parallèles de croûte océanique qui s’incorporent aux plaques, et dont la surface équivalente est absorbée dans les zones de subduction, car le volume de la Terre est constant (conservation du volume). Il se constitue ainsi une sorte de tapis roulant qui déplace lentement le plancher océanique. Ce phénomène, appelé expansion des fonds océaniques, a un impact considérable, étant donné que des millions de mètres cubes de nouvelle croûte se forment à une vitesse d’expansion qui peut atteindre jusqu’à 5 ou 6 cm par an. L’expansion, terme ambigu s’il se réfère au fond océanique dans son ensemble qui reste de dimensions constantes, ne regarde que les secteurs de la croûte terrestre où sont nées et se sont développées les dorsales océaniques. En général, les dorsales se trouvent au centre des océans, submergées par des milliers de mètres d’eau, mais en Islande la dorsale océanique de l’Atlantique traverse l’île du nord au sud qu’elle sépare en deux secteurs, qui s’éloignent l’un de l’autre à la vitesse de 2 à 3 cm par an. L’Islande, par conséquent, permet d’observer à la surface ce qui arrive à proximité d’une dorsale sous-marine. On considère que les dorsales océaniques sont, on l’a vu, la conséquence des cellules de convection. Mais parfois, se surimpose l’effet d’un point chaud, comme c’est le cas en Islande, en Afar, ou aux Galápagos. C’est d’ailleurs cette intrumescence due au point chaud qui permet à la dorsale de parvenir à l’air libre, 14 car sinon ses sommets devraient se stabiliser à 2 500 m de profondeur. Parfois, ce système de dorsale pénètre à l’intérieur d’un continent comme la Grande Rift Valley d’Afrique orientale, possible prélude à la naissance d’un futur océan. Un stade un peu plus avancé d’océanisation est d’ailleurs représenté par la mer Rouge, protoocéan ayant séparé le bouclier nubien (nord-est de l’Afrique) du bouclier arabe. Cette Grande Rift Valley est le siège d’un volcanisme actif particulier, appelé volcanisme de rift continental. On peut avoir une bonne idée de ce qui se passe sur une dorsale océanique en se rendant en Islande ou dans le triangle de l’Afar. En effet, un « point chaud » y provoque un gonflement thermique qui fait émerger, exceptionnellement, la dorsale qui, sinon, devrait rester sous-marine. On peut y observer un volcanisme actif installé sur une croûte d’origine océanique, recoupée par un système complexe de vallée de rift, avec de nombreuses failles en extension. Une autre zone en extension, de surface restreinte, avec formation de croûte océanique embryonnaire est représentée par la mer Tyrrhénienne, en Méditerranée. C’est une région dont l’histoire géologique (depuis 10 millions d’années) et la structure sont très complexes. S’y côtoient divers types de volcanisme : un volcanisme d’accrétion océanique embryonnaire (étirement de la croûte) avec des volcans sous-marins éteints ; un volcanisme d’arc (de subduction) avec les îles Éoliennes (Vulcano, Lipari, Stromboli) ; un volcanisme de fin de subduction (collision) avec le volcanisme de Toscane, du Latium (monts Albains) et de Campanie (Roccamonfina, Vésuve, champs Phlégréens, Ischia). SUBDUCTION ET ABSORPTION L’expansion des fonds n’est que l’un des facteurs qui caractérisent la dynamique de la croûte terrestre, processus dans le cadre duquel interviennent également les phénomènes de subduction et ceux de coulissement des plaques. Tandis que les dorsales éloignent les plaques l’une de l’autre, les frontières de subduction représentent les frontières de convergence, et le résultat est que l’une des plaques plonge sous l’autre en s’enfonçant dans le manteau. Les zones de subduction Les zones de subduction sont des zones de disparition de la croûte océanique, qui compensent l'accrétion océanique ; on les appelle aussi marges convergentes ou marges actives. C'est ici que le bord océanique d'une plaque plonge selon un plan incliné – ou plan de subduction – sous celui d'une autre plaque (dite chevauchante), qui peut être de nature océanique ou continentale. Dans le premier cas se forme un arc insulaire (comme les Petites Antilles ou les îles Mariannes), dans le second on a affaire à un arc-cordillère (les Andes). La position des zones de subduction Seules deux petites zones de subduction se trouvent sur la façade ouest de l'Atlantique : au nord, l'arc des Petites Antilles, et au sud celui de la Scotia, non loin de l'Antarctique. Les autres sont concentrées sur le pourtour du Pacifique (la «ceinture de feu»), si l'on y inclut l'arc de la Sonde (Indonésie), qui fait la liaison 15 entre le Pacifique et l'océan Indien. La vitesse de convergence (subduction) varie de 2 cm par an pour les Petites Antilles à 12,6 cm par an pour l'arc du nord-ouest de la Nouvelle-Guinée. La ligne des séismes Le plan de subduction est aussi dénommé plan de Wadati- Benioff, du nom des deux sismologues (le premier, Japonais, en 1934 ; le second, Américain, en 1954) qui ont découvert l'existence dans les régions d'arc de séismes dont les hypocentres se situent sur une surface pentue ; on sait aujourd'hui que ces séismes sont engendrés par le mouvement de la plaque plongeante. La ligne des foyers des séismes, qui matérialise la pénétration de la plaque plongeante dans l'asthénosphère, a une profondeur qui oscille entre 200 km (Petites Antilles) et 700 km (arc des Tonga). Au cours de cette descente, la partie superficielle (sédiments et basaltes) de la croûte océanique se déshydrate vers 100 km de profondeur, ce qui induit une fusion partielle du «coin» d'asthénosphère sus-jacent. Il en résulte une montée verticale de magma asthénosphérique qui traverse la lithosphère de la plaque chevauchante pour former, en surface, la ligne (ou front) volcanique des arcs, et contribue à leur édification. Les fosses abyssales Les zones de subduction sont généralement soulignées par des fosses abyssales situées à une centaine de kilomètres au large de la ligne volcanique des arcs. Ces dépressions étroites suivent la convexité des arcs, et leur profondeur varie entre 7 000 et 11 000 m (maximum de 11 022 m au sud des Mariannes, dans la fosse du Vityaz). Lorsqu'elles sont soumises à un apport de sédiments important en provenance d'un continent, elles peuvent être entièrement comblées. Le prisme d’accrétion Lorsque la couverture sédimentaire de la plaque plongeante est épaisse, elle ne peut être absorbée entièrement par la subduction ; sa partie supérieure est «écrémée» et repoussée contre l'arc, où elle s'empile pour former un prisme d'accrétion sédimentaire. Le plus bel exemple est fourni, au large des Petites Antilles, par le prisme de la Barbade, qui atteint une épaisseur maximale de 20 km sous l'effet de l'alluvionnement conjugué de l'Orénoque et de l'Amazone. Dans ce dernier cas, la fosse comblée est détectable par une anomalie négative de gravité. Le moteur de la subduction Selon certains auteurs la plaque plongeante est poussée par les efforts d'expansion exercés à l'axe des dorsales d'accrétion. Pour d’autres géologues, la plaque plongeante est «convoyée» par une cellule de convection mantellique, ou, comme ce qui est de plus en plus admis pour la plupart des cas de subduction, la plaque est tirée par son propre poids lorsque son âge, et donc sa densité, est suffisamment élevé. 16 La plaque en subduction subit des transformations qui la portent à être « digérée », à plus de 700 km de profondeur, par le manteau terrestre. Durant la descente, la température de la matière croît progressivement, avec apparition de phénomènes de fusion partielle, expulsion de fluides qui déclenchent la fusion partielle du manteau asthénosphérique sous-jacent et remontée de magma qui contribuera à l’édification des arcs insulaires et des cordillères de type andin. Ce volcanisme, dit de subduction, est caractérisé par une forte activité explosive (contrairement au volcanisme des rifts et des points chauds) ; c’est pourquoi, les volcans de ces régions sont si dangereux. Ces volcans prennent naissance lorsque le panneau subducté atteint une profondeur de 100 à 150 km, où se produit la fusion partielle de la plaque plongeante. Le magma, produit originellement basaltique, subit souvent une différenciation, devient plus acide (plus riche en silice) et donne des laves andésitiques ou rhyolitiques (les plus acides). Quand ces derniers magmas n’arrivent pas en surface, ils se refroidissent en profondeur, cristallisent entièrement et donnent respectivement des diorites et des granites. Les andésites sont des laves assez répandues dans le volcanisme de subduction et tirent leur nom de la cordillère des Andes. Ces magmas entièrement cristallisés en profondeur sont appelés roches plutoniques (de Pluton, dieu romain des enfers) et forment des corps intrusifs (dont les plus volumineux sont nommés batholites) qui constituent l’ossature profonde des chaînes de montagnes (roches éruptives). Le phénomène de subduction, pour une plaque donnée, ne dure pas indéfiniment ; il s’arrête lorsque toute la croûte océanique a été absorbée et qu’un bloc continental ou un arc insulaire (trop légers pour être subductés) arrive en face du rebord continental ou insulaire de la plaque chevauchante. Il y a alors collision. Tout le système se bloque et il se forme une chaîne de collision dans laquelle sont coincés des lambeaux de la croûte océanique précédente, qui témoigne donc de l’océan « perdu ». Ces lambeaux de croûte océanique ayant échappé à la subduction sont appelés ophiolites (du grec ophis : serpent et lithos : pierre). À cause de l’altération qu’elles ont subie, ces dernières ont un aspect de « peau de serpent » et une couleur verdâtre, d’où leur autre nom - peu scientifique - de « roches vertes ». En tant que témoignage des subductions ayant eu lieu dans le passé, la distribution des « roches vertes » marque de façon indélébile l’endroit où se sont produits ces processus. En Grèce et en Turquie, par exemple, la « zone des ophiolites », avec les traces de volcanisme acide et les déformations compressives, témoignent de la présence d’anciennes zones de réabsorption à la place desquelles, à présent, se dressent d’imposantes chaînes de montagne, les chaînes périadriatiques (Alpes et Dinarides) et le Taurus. En Italie aussi, on trouve des ophiolites. Tout le long de l’Apennin septentrional, en particulier en Ligurie, et dans les Alpes, les « roches vertes » sont très répandues et laissent entrevoir le tracé des anciennes zones de subduction. Les collisions entre les plaques et les blocs devaient être fréquentes, dans ces zones, jusqu’à il y a quelques millions d’années. Ces observations ont amené les chercheurs à se demander si la Méditerranée est actuellement le siège de processus de subduction. La plaque africaine et la plaque européenne sont depuis longtemps en collision et se heurtent directement depuis des millions d’années. Cela détermine des phénomènes de subduction dans la région, se traduisant par des tremblements de terre en profondeur dans la mer Tyrrhénienne méridionale et dans la mer Égée, et le volcanisme d’arc des îles Éoliennes et les Cyclades. Selon certains chercheurs, tout cela ne suffit pas à démontrer l’existence de phénomènes de subductions actifs en Italie, tandis que c’est amplement suffisant pour les confirmer en Méditerranée orientale. Ce qui est 17 certain, c’est qu’une subduction a été active jusqu’à il y a peu, dans une grande partie de la zone italienne également, mais il n’est pas possible d’affirmer avec certitude le moment exact où elle a cessé ni si, et où, elle continue aujourd’hui. LES FAILLES TRANSFORMANTES Les failles transformantes sont des frontières le long desquelles les plaques coulissent l’une contre l’autre et en sens opposé, sans création ou destruction de lithosphère. Elles peuvent dépasser facilement 100 km de longueur. Elles relient entre eux les très nombreux tronçons de dorsales d’accrétion océanique, mais aussi deux zones de subduction entre elles, ou une dorsale d’accrétion à une zone de subduction : elles transforment un processus d’expansion océanique ou de subduction en un autre processus de ces deux types. Sous les océans, les failles transformantes dessinent des zones de fracture très escarpées et souvent très profondes. Elles sont soulignées par une importante activité sismique, comme toutes les autres frontières de plaque. Il arrive qu’une faille transformante recoupe le rebord d’un continent. C’est le cas de la plus célèbre d’entre elles, la faille (c’est d’ailleurs plutôt un système complexe de failles) de San Andreas, en Californie. Longue de plusieurs centaines de kilomètres, elle relie le système de dorsales d’accrétion océanique du golfe de Californie (ou mer de Cortes) à la dorsale océanique de Juan de Fuca, en face de l’Oregon, de l’État de Washington (ÉtatsUnis), et de la Colombie-Britannique (Canada). Les terrains à l’ouest de la faille (appartenant à la plaque Pacifique) coulissent vers le nord-ouest, tandis que de l’autre côté, les rebords conjugués (appartenant à la plaque Amérique du Nord) se déplacent en sens inverse. Ce type de faille est aussi appelé faille de coulissement (transcurrent en anglais). La faille de San Andreas est le siège d’une activité sismique, qui s’est manifestée plusieurs fois au cours de ce siècle, au début par un tremblement de terre qui détruisit San Francisco en 1906, mais tout récemment aussi. Selon les géologues, il devrait se produire dans peu d’années un nouveau tremblement de terre catastrophique, connu sous le nom de Big One, dû à la libération d’énergie qui est en train de s’accumuler le long de cette faille. LES FAILLES Les failles sont des cassures de la croûte terrestre liées à des mouvements instantanés verticaux ou horizontaux. En pratique, la faille représente un plan le long duquel a lieu le mouvement et met en contact deux secteurs qui glissent dans des directions opposées. Les failles ont des dimensions variables, de quelques millimètres à des centaines de kilomètres, et sont le type de déformation fragile la plus répandue sur toute la croûte terrestre. S’il n’y avait pas de failles, il n’y aurait pas de mouvements non plus. Dans les failles transformantes ou de coulissement, le déplacement se fait horizontalement le long d’un plan qui est presque vertical, tandis que dans les failles normales et inverses, le déplacement (qui en géologie s’appelle rejet) est vertical et a lieu sur un plan plus ou moins incliné. Les failles normales sont typiques des zones de distension et d’expansion comme, par exemple, les dorsales océaniques, et le mouvement est tel que le bloc intéressé par la faille occupe un espace plus grand que le bloc d’origine. Les failles inverses, elles, sont caractéristiques de zones en compression, comme les zones de 18 collision, et ont un mouvement qui amène le bloc intéressé par la faille à occuper un espace plus restreint que le bloc original. Les failles, au moins pour les plus grandes d’entre elles, sont souvent le siège de tremblements de terre, qui traduisent le déplacement d’un bloc de croûte par rapport au bloc adjacent le long d’un plan de faille. En Méditerranée, par exemple, où se trouvent de nombreuses failles de coulissement, la faille de la Turquie septentrionale (dite faille Nord-Anatolienne) et celle qui intéresse le promontoire du Gargano (Italie) sont le siège de tremblements de terre. La faille du Gargano apparaît comme une vallée plutôt ouverte dans laquelle passe une route et où se trouvent de nombreux champs cultivés et des carrières, où il est possible d’observer directement le plan de la faille. OROGENÈSE L’orogenèse (littéralement « naissance de la montagne ») est l’ensemble des phénomènes qui conduisent à la formation et au soulèvement d’une chaîne de montagnes. Une subduction classique, quand deux croûtes océaniques s’opposent ou quand une croûte océanique (plus lourde) plonge sous une croûte occidentale (plus légère), conduit à la formation - on l’a déjà vu - d’un arc insulaire dans le premier cas, ou d’un arc cordillère dans le second. La production magmatique construit peu à peu une chaîne allongée de montagnes volcaniques ; ce type de volcanisme s’appelle volcanisme orogénique. Dans les entrailles de ces arcs se forment des roches grenues de nature plus ou moins granitique et de densité plus faible que celle des basaltes. Cette granitisation à partir d’un magma d’origine basaltique issu du manteau, conduit donc à une continentalisation, résultat d’une différenciation de magmas basiques (basaltiques) en magmas acides (granitiques). Mais ces chaînes d’arc ne sont pas nécessairement soumises à des contraintes compressives. En revanche, le stade ultime d’une subduction peut conduire à la surrection de vastes chaînes de type alpin, ou chaînes de collision. Ce cas se produit quand la plaque subductée amène dans la zone de convergence un ancien arc insulaire ou un bloc continental (trop légers pour être subductés) en face du rebord continental, ou continentalisé (arc insulaire actif), de la plaque chevauchante. Le système « coince », et comme les contraintes compressives continuent de s’exercer, il y a collision. Entre les deux « mâchoires continentales » de l’étau, des lambeaux de lithosphère océanique (basaltes, gabbros, péridotites), avec leur couverture de sédiments, sont arrachés et imbriqués dans le bâti de la chaîne en surrection. Bien souvent, la croûte occidentale sous-jacente arrive à pénétrer en force - sous la poussée continue - sous le rebord du continent chevauchant. Cela se produit par une élévation anormale de la chaîne et des plateaux associés, comme l’Himalaya et le Tibet. Sous l’action des températures élevées et des fortes pressions exercées, les roches originelles (sédimentaires, magmatiques, ou même métamorphisées dans un cycle antérieur) peuvent changer de structure et de composition minéralogique : elles sont métamorphisées. Par exemple, une argile peut se transformer en micaschiste, un granite en orthogneiss, etc. Par ailleurs, la structure de l’orogène est très tectonisée avec de grandes failles inverses (mais parfois aussi normales), ou avec des panneaux entiers ayant glissé sur d’autres terrains, souvent sur des distances notables (plusieurs dizaines de kilomètres) et que l’on appelle nappes de charriage. 19 La chaîne de montagnes, par conséquent, pour les géologues ne se définit pas tant ou pas uniquement par son relief. Il existe des montagnes « géologiques » de centaines de milliers ou de millions d’années, réduites à la hauteur de collines. Autrement dit, ce sont les caractéristiques géologiques qui permettent de définir une chaîne de montagne, plutôt que les caractéristiques géographiques et topographiques. L’altitude est l’un des caractères distinctifs uniquement des montagnes les plus jeunes, qui n’ont pas encore subi les processus d’érosion superficiels qui les amèneront à être nivelées. Le cycle qui a commencé dans les dorsales, par conséquent, se termine dans les zones de subduction et dans les processus qui conduisent à la formation des montagnes, même si immédiatement après il recommence dans le manteau, où est réélaborée la matière qui a été recyclé en profondeur. Une chaîne de montagnes typique est la chaîne alpino-himalayenne. Il s’agit d’un système parmi les plus importants connus sur Terre et il est dû, principalement, à la collision qui a eu lieu il y a des millions d’années entre le supercontinent eurasiatique et les blocs continentaux africain et indien. Mais si les Alpes sont une chaîne de montagnes typique au sens strict, les systèmes plus petits conservent eux aussi des caractéristiques analogues. Ainsi l’Apennin italien ou les montagnes de la Grèce, qui peuvent être considérés comme des dérivations du plus grand système alpin. LA TECTONIQUE GLOBALE La tectonique des plaques explique avant tout les processus géologiques profonds comme la formation des montagnes ou les phénomènes de volcanisme et de sismicité. Ces phénomènes, ainsi que les phénomènes superficiels comme l’érosion et la sédimentation profonde et les montées (transgressions) et les baisses (régressions) périodiques du niveau des mers, peuvent être insérés dans un modèle plus général, la tectonique globale. Le phénomène de transgression qui a marqué le Crétacé, ne peut être interprété par la fonte des calottes glaciaires (qui n’existaient pas à cette époque) comme c’est le cas pour les périodes interglaciaires du Quaternaire. On pense qu’il est dû à l’activité très intense de l’expansion océanique à cette époque provoquant un gonflement inhabituel des dorsales d’accrétion océanique et un « débordement » du volume correspondant d’eau de mer sur les continents. Le contraire arrive dans les périodes où les taux d’expansion sont limités, les eaux se retirant alors car elles disposent de bassins plus profonds. LES TRANSFORMATIONS DE LA CROÛTE TERRESTRE Les montagnes, les fleuves, les océans et tout le paysage subissent des changements continus dus à un processus ininterrompu de remodelage. La géographie physique s’occupe en particulier des changements dus à la dynamique terrestre comme par exemple, la chaîne des processus qui conduisent à l’édification d’un volcan, puis à son démantèlement par l’érosion lorsqu’il est éteint. Les responsables du remodelage de la Terre sont l’érosion, le transport et la sédimentation, trois processus étroitement liés. 20 L’ÉROSION L’érosion est causée par l’ « usure » des terres au-dessus du niveau de la mer due à des processus chimiques et physiques. Ceux-ci désagrègent les masses rocheuses et créent des détritus qui sont transportés par l’eau et par le vent. Le Grand Canyon, par exemple, est une gorge de 1 500 m de profondeur creusée par le fleuve Colorado dans la roche au cours de 15 à 20 millions d’années. Le climat joue un rôle fondamental à ce sujet parce qu’il détermine des changements physiques de natures diverses. Par exemple, la différence de température entre le jour et la nuit provoque une alternance continue de dilatations et de contractions dans les roches superficielles qui, au bout d’un certain temps, portent à l’arrachement de portions de plus en plus grosses de roche. Les éventuelles gelées accélèrent ce processus car l’eau, devenant glace, augmente de volume et fend la roche, créant des fragments et des débris. Les phénomènes de nature chimique sont également importants. Par exemple, si l’eau est acide elle peut dissoudre de nombreux minéraux, surtout ceux des roches carbonatées. Les écarts de température et l’eau figurent parmi les principaux responsables des processus d’érosion superficiels. Les végétaux eux aussi jouent un rôle dans les processus d’érosion et de transformation du sol, même s’ils agissent par des mécanismes physiques ou chimiques. Les lichens et les mousses, par exemple, sont considérés comme de véritables constructeurs du sol, car ils produisent des substances acides qui dissolvent la roche sur laquelle ils poussent créant de fines couches de sol où d’autres plantes peuvent ensuite pousser. C’est à partir de processus de ce genre qu’on peut voir surgir une forêt pluviale sur des roches volcaniques, même si cela exige plusieurs centaines d’années. En géologie, on dit : “la tectonique propose et l’érosion dispose”. Le rapport entre les processus de formation de la croûte terrestre et d’érosion est résumé et illustré par les altitudes moyennes des terres émergées et par la profondeur moyenne des mers. Même si une montagne comme l’Everest atteint 8 900 m d’altitude et la fosse des Philippines 11 516 m de profondeur, la plupart des terres et des océans sont bien éloignées de ces valeurs. Pour avoir un tableau exact de la situation “altitudes et profondeurs”, les géologues ont conçu un instrument graphique, la courbe hypsographique. Sur la base des données concernant la profondeur et l’altitude des différentes zones océaniques et continentales respectivement, on peut construire un diagramme qui, sur la ligne horizontale, indique l’aire (en km 2) de la surface terrestre qui se trouve au-dessus d’une certaine altitude (en hauteur ou en profondeur), et sur la ligne verticale l’altitude, c'est-à-dire précisément la hauteur et la profondeur. Or, ce diagramme, la courbe hypsographique, montre que la plupart des terres émergées se trouvent à peu de centaines de mètres d’altitude - en moyenne 840 m - et que les fonds océaniques présentent une profondeur moyenne - 4 000 m - intermédiaire entre la surface de la mer et les fosses les plus profondes. En conclusion, les processus érosifs sont assez efficaces pour maintenir l’altitude moyenne proche du niveau de la mer, ce qui, à son tour, “rapproche” le fond océanique de la surface. Ce résultat fournit des informations sur l’intérieur de la Terre. Si celle-ci avait une composition chimique homogène, on n’observerait qu’une seule distribution moyenne des altitudes, tandis que la double disposition nous dit que l’intérieur de la Terre n’est pas homogène, que cette hétérogénéité est dynamique et a des effets superficiels sur les reliefs et les plaines océaniques. La présence d’un noyau terrestre lourd intérieur, d’un manteau et d’une lithosphère plus légère sous les 21 continents et plus dense sous les océans peuvent être entrevus en étudiant l’évolution de la courbe hypsographique terrestre. En définitive, la Terre est caractérisée par une grande prédominance de zones de plaines, immergées et émergées, et par plusieurs régions limitées à forte pente, de constitution fondamentalement différente. En cela, la physiographie de la Terre est différente de celle des planètes de type terrestre (dites planètes telluriques), du fait surtout que les valeurs d’érosion superficielle dans le premier cas sont au moins deux ou trois fois plus grandes que sur les autres planètes. LE TRANSPORT Les détritus créés par l’érosion sont transportés par l’eau et par le vent jusqu’à leur sédimentation. Même s’il semble fortuit et désordonné, le transport se fait de façon assez “ordonnée” pour pouvoir être étudié avec des lois physiques. Les dimensions et la forme des particules transportées jouent un rôle important, naturellement. Par exemple, un rocher de quelques tonnes ne peut être transporté que par des cours d’eau très jeunes en crue, tandis que les particules de quelques millimètres de dimension, mais plates, sont transportées avec difficulté par le vent par rapport à des particules plus grandes et rondes. Le transport détermine lui aussi des variations de forme et de dimension des fragments rocheux, contribuant généralement à les arrondir et à en réduire les dimensions. Le transport réalise aussi un tri sélectif des matériaux meubles suivant leur granulométrie et la capacité du courant. Sur une plage, à l’embouchure d’un fleuve ou d’une rivière, on ne trouve pas de sables mélangés avec des cailloux, mais une bande de cailloux puis la plage de sable. Cela parce que le sable a été transporté plus loin de la rive quand le fleuve a perdu une partie de son énergie et a déjà abandonné les cailloux. Dans le sable propre, en outre, on ne trouve jamais d’argile, un sédiment constitué de particules beaucoup plus petites, qui sont transportées au large ou dans les zones calmes, où elles peuvent se déposer quand l’énergie du fleuve est réduite à zéro ou que celle de la mer diminue. Il existe aussi des plages constituées uniquement de galets ou de sables très fins, mais généralement une seule “classe” granulométrique est présente dans un milieu qui a une seule énergie caractéristique. Le vent et les glaciers, enfin, sont des moyens de transport également efficaces, mais limités à des zones climatiques déterminées. Cette distribution diversifiée des matériaux est appelée classement. Le transport de l’eau Les eaux qui coulent à la surface de la Terre arrivent tôt ou tard à la mer, en étant directement canalisées dans des cours d’eau, ou indirectement, après avoir stagné dans des lacs et des marais. Quand les eaux s’organisent dans un réseau d’affluents et de cours principaux, on a affaire à un système fluviatile (ou réseau hydrographique) proprement dit, l’un des principaux responsables de l’érosion des reliefs. Dans une région, il peut y avoir de nombreux systèmes fluviatiles qui ont une forme et une organisation différentes selon le type de roche. Par exemple, en présence de roches calcaires, le système fluviatile superficiel est souvent inexistant car les cours d’eau s’écoulent sous terre. Dans les argiles, le réseau fluvial superficiel est bien développé en raison de la faible perméabilité et du fort caractère érodable de ces roches. Pour les mêmes 22 raisons, le réseau fluviatile typique des argiles a une forme très ramifiée, tandis que celui des calcaires, quand il existe, est formé de segments rectilignes qui arrivent au cours d’eau principal à travers des parcours réguliers. Tous les systèmes fluviatiles tendent vers le niveau de la mer, le niveau le plus bas, car ils érodent et nivellent les reliefs pour atteindre les zones où leur énergie diminue. La forme finale à laquelle tendent tous les reliefs est la plaine. La forme même du fleuve change selon que l’on se trouve dans des zones de haute énergie, c'est-à-dire à proximité de la source, ou dans des zones d’énergie moindre, près de la mer. Par exemple, dans les plaines côtières, avant d’arriver à la mer, les cours d’eau présentent un parcours typique en forme de méandres. Le fleuve ressemble à un gros serpent qui dessine de nombreuses boucles (le nom méandre dérive du fleuve Méandre qui, en Turquie, présente précisément un parcours caractéristique de ce type). Quand un fleuve présente des méandres, il a une capacité érosive faible ou presque nulle et dépose des matériaux, tandis que, s’il s’écoule tout droit, il a une capacité érosive bien supérieure. À cause de la plus grande efficacité du lit, la vitesse d’écoulement d’un fleuve peut toutefois être plus grande à proximité de l’embouchure que près de sa source. Les fleuves, pour conclure, sont considérés comme jeunes s’ils se trouvent à une hauteur élevée par rapport au niveau de base, et, dans ce cas, ils ont de grandes potentialités érosives, un profil caractéristique en forme de “V” et peuvent former des gorges bien creusées si les roches sont très résistantes. Là où la pente diminue, les fleuves reçoivent de grands apports d’eau et de sédiments et leur énergie érosive est presque nulle. C’est là le stade de maturité, qui correspond aux plaines côtières à proximité des embouchures. L’érosion karstique La zone du Karst, qui couvre le Frioul et la Slovénie est un cas particulier, où se produit l’un des processus érosifs les plus caractéristiques dans les régions carbonatées de la Terre, l’érosion karstique. Dans les zones comme le Frioul, où abondent les calcaires, la gaz carbonique dissous dans l’eau “agresse” chimiquement les reliefs jusqu’à créer un paysage riche en formes douces, gouffres naturels et dolines, dépressions circulaires à fond plat où des cours d’eau et de véritables rivières pénètrent dans le sous-sol pour continuer à s’écouler en profondeur et faire résurgence parfois à plusieurs kilomètres du point d’immersion. La quantité de calcaire dissous dans les cavités souterraines peut être énorme. Dans la Mammoth Cave du Kentucky, aux États-Unis, il existe des galeries qui se prolongent sur des dizaines de kilomètres, et la vaste salle des Carlsbad Caverns, au Nouveau Mexique, mesure plus de 1 200 m de longueur, 200 de largeur et 100 de hauteur. Les paysages karstiques, très répandus en Italie surtout dans l’Apennin central et dans les Pouilles, mais aussi en Dalmatie et en Grèce, sont fortement caractérisés par l’érosion. Ils présentent aussi des formes de sédimentation, comme les terres rouges, c'est-à-dire le résidu non soluble de l’altération chimique des calcaires, et les stalactites et les stalagmites, des “colonnes” de carbonate de calcium typiques des grottes les plus célèbres. Terrasses fluviales et dunes 23 Dans des situations déterminées, on trouve des formations particulières. Les “terrasses fluviales”, par exemple, sont des surfaces plates générées quand le niveau de base du fleuve était plus haut. Dans un milieu à climat aride, les formes superficielles sont très différentes. Le vent y a une force érosive dévastatrice, mais aussi une action sédimentaire considérable, et cela a abouti à la création des dunes et d’autres formes d’accumulation moins spectaculaires. Il existe différents types de dunes, mais la plus caractéristique est la barkhane, en forme de croissant, très fréquente dans le Sahara. LA SÉDIMENTATION Quand l’énergie du moyen de transport diminue, comme celle d’un fleuve, il se produit une sédimentation des fragments que le moyen transportait. Généralement, pour que cela se produise, il faut que soient présents des bassins hydrographiques, qu’il s’agisse de bassins lacustres ou de la mer elle-même, qui est le lieu vers lequel tendent tous les sédiments. Il n’est pas nécessaire que le milieu de sédimentation présente une énergie nulle, car il suffit qu’il ait une énergie plus basse que le moyen de transport, de sorte que le transit des sédiments se poursuive vers des zones à énergie plus basse encore. Cela a lieu par exemple sur les plages, où les particules les plus petites ne restent pas sur la plage, mais sont entraînées plus au large encore, où elles se déposent, par gravité. Les roches caractéristiques des milieux où se produit la sédimentation sont les roches clastiques, ou détritiques, constituées de particules dérivant de la dégradation de roches préexistantes. Les argiles, les grès et les conglomérats sont des roches clastiques. Dans l’étude des milieux de sédimentation, de nombreuses informations ont été fournies par les observations géologiques des roches du passé. Un grès, par exemple, peut être le témoin d’une vieille plage, et dans ce cas il est caractérisé par des particules présentant des dimensions définies, ni trop grossières ni trop fines. Ces galets abondent dans un conglomérat qui pourra être le résidu d’un vieux dépôt d’un fleuve à haute énergie. Une argile, enfin, proviendra de milieux où l’énergie de sédimentation devait être très basse, comme sur le fond d’une mer calme ou d’un lac. Le lac est un milieu de sédimentation caractéristique ; c’est un bassin alimenté par un cours d’eau, l'affluent, et généralement doté d’un effluent, qui évacue le trop plein réalisant un équilibre hydrique entre “entrée” et “sortie”. Une caractéristique distinctive est que les lacs sont des formes éphémères, destinés tôt ou tard à être remplis par les sédiments et, par conséquent, à devenir des zones palustres, et, enfin, asséchées, c'est-à-dire de la terre ferme. Il existe différents types de lacs. Les lacs qui occupent les cônes et les cratères de volcans éteints, ou même encore actifs, comme c’est le cas des lacs des monts Albains, près de Rome ; les lacs glaciaires, à fond plat ; les lacs formés par les barrages naturels ou artificiels des cours d’eau ; les lacs karstiques et, enfin, les lacs côtiers. Dans tous les cas, la forme des lacs dépend de la géologie de la zone et des caractéristiques des roches concernées. Parmi les autres milieux de sédimentation clastique, citons les milieux alluvionnaires, les déserts, les deltas, les plages et les zones de mer peu profonde, par exemple les plates-formes continentales. 24 Les barrières de corail Un exemple particulier de sédimentation est constituée par les barrières, ou récifs de corail. Dans ce cas, des organismes vivants constructeurs de coquilles et producteurs de carbonate de calcium (CaCO3) vivent sur et autour de dépôts calcaires qu’ils ont eux-mêmes édifiés. Le terme barrière a été introduit pour la structure “en forme de mur” que les organismes constructeurs édifient avec le temps. La construction corallienne est réglée par les relations complexes existantes entre les organismes et le milieu, et le résultat final est que la barrière croît de façon à former une véritable île corallienne, l’atoll, constituée d’un anneau plus ou moins continu enserrant un lagon. Même si les coraux constructeurs sont les organismes les plus importants des barrières, à côté d’eux vivent et prospèrent différents types d’algues et d’autres organismes producteurs eux aussi de carbonate de calcium. La distribution mondiale des barrières est conditionnée par les conditions du milieu, car les organismes constructeurs ont besoin d’au moins 24 °C de température moyenne annuelle des eaux, sans grands écarts et sans baisse au-dessous de 18 °C, ainsi que d’un très bon éclairage solaire, d’une profondeur inférieure à 45 m, avec des eaux très propres, éloignées des sources de pollution artificielles ou naturelles comme les boues. Bien que les barrières de corail fussent connues depuis longtemps, pour connaître l’origine des atolls il a fallu attendre le voyage de Charles Darwin autour du monde, entre 1831 et 1836. Il était difficile de comprendre comment des atolls de corail pouvaient se former en plein milieu des océans. L’hypothèse de Darwin fut que les barrières de corail se s’édifiaient le long des pentes d’îles volcaniques qui pouvaient porter le substrat des atolls à cette profondeur de 40-50 m maximum indispensable à la vie des organismes constructeurs. Quand l’île volcanique s’enfonçait, les coraux continuaient à construire leur barrière vers le haut au-dessus des coraux les plus anciens, morts à présent. Cette explication fut considérée comme fantaisiste pendant des dizaines d’années. Elle fut prouvée par les sondages effectués pour permettre les expériences atomiques dans les atolls du Pacifique et qui rencontrèrent à quelques centaines de mètres de profondeur le socle de basalte de l’ancienne île volcanique généralement formée sous l’action d’un point chaud. Quand cette île édifiée sur un plancher océanique qui s’éloigne de la dorsale océanique qui lui a donné naissance en s’enfonçant, elle s’ennoie progressivement. Si cet enfoncement n’est pas trop rapide, il sera contrebalancé par la croissance des coraux qui se maintiendront à fleur d’eau. De cette façon les coraux sont au fur et à mesure remplacés par d’autres coraux qui se développent au-dessus des précédents. Si la vitesse d’enfoncement est trop élevée, les coraux ne parviennent pas à s’implanter et la zone haute deviendra un mont sous-marin dont le sommet continuera à s’abaisser. LES ÉBOULEMENTS Les éboulements sont des processus géologiques par lesquels la roche et le sol se meuvent vers la base des pentes sous l’action de la gravité, avec l’aide de l’eau qui fait office de lubrifiant. Un exemple simple d’éboulement est celui que nous pouvons provoquer nous-mêmes sur la plage quand nous construisons des tours ou des châteaux avec du sable humide. Si l’on ajoute de l’eau, le sable coule dans toutes les directions, c'est-à-dire qu’il s’éboule, et la construction s’effondre. 25 Des pentes trop abruptes augmentent le risque d’éboulements. En général, avant l’éboulement, le versant se trouve dans un état d’instabilité, parce qu’il est, par exemple, imbibé d’eau, et quand l’instabilité augmente encore, n’importe quelle vibration peut représenter la cause qui déclenche l’éboulement. Plus fragile est l’équilibre, plus petite est la force nécessaire pour déterminer la chute. Dans certains cas, un tremblement de terre est nécessaire, comme ce fut le cas en Alaska en 1964, quand un éboulement causa la plus grande partie des dommages. D’autres fois, il suffit de quelques jours de pluie. Selon le type de matériau et la façon dont le déplacement a lieu, on peut distinguer différents types d’éboulements. Les écroulements sont typiques des pentes très abruptes et des roches compactes, les éboulements au sens strict sont caractérisés par une surface de détachement bien identifiable et, enfin, les terrains incohérents qui se déplacent comme du dentifrice, en coulées. Les avalanches rocheuses sont les éboulements les plus destructeurs que l’on connaisse, et leur vitesse peut atteindre 200 km à l’heure. Dans le monde, les éboulements provoquent des milliers de victimes chaque année. Ils sont caractéristiques des pays géologiquement jeunes et actifs, où le territoire n’est pas protégé de façon appropriée par le reboisement. L’Italie est l’un des pays les plus touchés par les éboulements (on en compte environ 3 000). LES TREMBLEMENTS DE TERRE CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES Le tremblement de terre est une secousse très brusque de la surface terrestre due à une libération soudaine de l’énergie que la Terre accumule naturellement en profondeur, dans la lithosphère ou dans le manteau supérieur. La libération commence à partir d’un point profond appelé hypocentre ou foyer. Dans certains cas, les tremblements de terre ont des effets dévastateurs. Lors du tremblement de terre qui frappa en 1976 la région chinoise de T’ang-shan, environ 700 000 personnes perdirent la vie. Sur une année, les instruments des géophysiciens parviennent à enregistrer dans le monde 800 000 tremblements de terre dont personne ne s’aperçoit. Les tremblements de terre les plus forts, ceux dont la magnitude est supérieure à 8, et qui surviennent une fois tous les 5-10 ans, ne sont donc rien d’autre que la pointe visible d’un iceberg tellurique qui a des dimensions réelles bien différentes. Distribution géographique des tremblements de terre Les tremblements de terre frappent les différentes zones du monde, avec une fréquence et une intensité très variables. On a identifié un lien précis et constant avec des zones bien définies, géographiquement « prédestinées ». Si on observe une carte de la distribution des épicentres - les points superficiels qui correspondent aux zones où naît en profondeur un tremblement de terre -, on remarque que presque tous sont localisés dans certaines zones plutôt étroites et allongées distribuées le long des zones de subduction et aux alentours des dorsales océaniques, c’est-à-dire autour des limites des plaques. Sur le reste de la surface 26 terrestre, il ne se produit que très peu de tremblements de terre, au point que, à l’intérieur des continents, ces zones sont dites boucliers stables, précisément en raison de l’absence d’activité tectonique. Les tremblements de terre ne sont pas tous identiques, aussi bien parce qu’ils ont des énergies différentes, que parce que leurs localisations géologiques sont différentes. Les deux éléments - énergie et localisation - sont liés et, en général, les tremblements de terre présentent une énergie différente précisément parce qu’ils se manifestent dans des conditions géologiques différentes. Ceux qui se produisent le long de certains segments des dorsales océaniques sont en général peu profonds, avec un hypocentre situé à 10-20 km, et n’ont pas de grosses conséquences. En revanche, les tremblements de terre qui naissent des plaques en subduction présentent une profondeur pouvant aller jusqu’à 700 km et sont en général très destructeurs. Enfin, il existe des tremblements de terre superficiels, liés à l’activité volcanique, qui sont en général faiblement sentis, mais qui ont la caractéristique de se propager en « essaims sismiques », raison pour laquelle ils peuvent durer longtemps et créer des tensions dans les populations. On en observe, par exemple, avec une certaine périodicité aux Îles Hawaii, en Indonésie ou bien dans la zone des Châteaux Romains ou dans la zone de Pouzzoles. Ondes sismiques L’énergie est libérée sous la forme d’ondes élastiques, les ondes sismiques, et se dégage à travers une « rupture » des roches qui constituent une portion donnée de la lithosphère. La rupture se produit le long d’un plan de fracture profond, le plan de faille, qui dans certains cas peut être visible à la surface du sol, comme c’est le cas, par exemple, pour la faille de San Andreas, en Californie. Qu’ils soient superficiels ou profonds, tous les tremblements de terre se ramènent au jeu d’encastrements et de contraintes complexe entre les plaques lithosphériques, car les failles sismogéniques naissent généralement le long des frontières des plaques, où elles sont entraînées en profondeur et réabsorbées dans le manteau supérieur. Les tremblements de terre peuvent se produire à l’intérieur des plaques quand les contraintes exercées sur leurs frontières sont si fortes qu’elles se propagent vers l’intérieur où elles font rejouer des zones de faiblesse de la lithosphère. C’est ce qui se passe avec les tremblements de terre de Chine, si souvent meurtriers, situés à l’intérieur de la plaque eurasiatique. Il est possible de déterminer pour chaque tremblement de terre l’hypocentre, c’està-dire la zone, en profondeur, où « il naît ». Il est possible également d’en déterminer l’épicentre, à la surface, la zone où se produisent les dommages les plus graves. Les trajectoires des ondes sismiques sont fortement conditionnées par le milieu géologique superficiel. Les ondes qui se transmettent à tout le volume de roche concerné par un tremblement de terre donné (ou ondes de volume), sont appelées ondes P et ondes S. Les premières, dites aussi ondes primaires, sont celles qui sont relevées les premières par les instruments, tandis que les ondes S, ou secondaires, arrivent immédiatement après et ont des caractéristiques de propagation différentes. Il existe aussi des ondes de surface qui se propagent à la surface de la Terre. Comment on enregistre un tremblement de terre 27 Les ondes sismiques et les tremblements de terre en général peuvent être mesurés de façons différentes. Dès les premiers siècles après Jésus-Christ, les Chinois avaient mis au point des appareils en mesure non seulement de relever les secousses sismiques les plus fortes, mais également, dans une certaine mesure, d’en reconnaître la direction d’origine. Les habitants de la Chine du II e siècle pouvaient déjà savoir qu’à une date donnée et à une heure donnée, « des montagnes au nord », par exemple, était arrivé un tremblement de terre qui avait produit des dommages déterminés. Les instruments actuels, dits sismomètres (littéralement « mesureurs de séisme ») ou sismographes, qui mesurent et enregistrent les phénomènes sismiques, sont fabriqués en se fondant sur le mouvement d’un pendule et produisent un enregistrement sur papier, ou sur pellicule photographique, ou sur bande magnétique, appelé sismogramme. Chacun d’entre eux se compose d’une succession de pics et de creux, dans laquelle on voit tout d’abord les pics des ondes P puis ceux des ondes S. À partir de la lecture d’un sismogramme, il est possible entre autres de localiser l’épicentre d’un tremblement de terre ayant eu lieu à plusieurs milliers de kilomètres, et d’en connaître la « grandeur ». Celle-ci est liée naturellement à l’énergie libérée par le séisme, tout comme la puissance d’un moteur est liée à l’énergie produite dans la chambre d’explosion, même s’il ne s’agit pas de la même grandeur physique. Mesures d’intensité et de grandeur Dans le cas des tremblements de terre, les géophysiciens mesurent en général l’intensité, c’est-à-dire l’effet qu’un séisme provoque dans une zone donnée. Naturellement, les dommages seront plus grands dans les zones plus proches de l’épicentre, et plus réduits au fur et à mesure qu’on s’éloigne de ce point. La mesure de la seule intensité ne saurait suffire toutefois. La musique produite par une radio est de moins en moins audible au fur et à mesure que l’on s’en éloigne, même si les haut-parleurs continuent à la transmettre à la même intensité. De la même façon, l’intensité est un élément qualitatif, elle dépend de l’importance des dégâts occasionnés par le séisme et, par conséquent, ne peut être utilisée pour une mesure objective et précise. La magnitude, ou « grandeur », est une mesure directe, objective, par les instruments de la puissance de l’énergie libérée par le tremblement de terre. La magnitude d’un séisme donné est égale pour tous les sismographes du monde, à quelque endroit qu’il soit généré. Pour poursuivre la comparaison précédente, c’est comme si l’on mesurait directement le volume de la radio, abstraction faite de la distance à laquelle on se trouve par rapport à celle-ci. Si on ne se fiait qu’à l’intensité, les tremblements de terre ayant eu lieu sous la mer ou dans les zones désertiques seraient considérés systématiquement comme moins forts que ceux qui sont enregistrés dans les centres habités. Si on utilise la magnitude enregistrée par les instruments, en revanche, on connaîtra avec précision l’énergie liée aux tremblements de terre, qu’ils se produisent dans des zones dotées d'observatoires et de structures susceptibles d'être endommagées, ou bien dans des zones désertiques ou privées d’observatoires et de structures. Sur la base de l’intensité, a été mise au point l’échelle Mercalli, qui évalue la nature des phénomènes observés et des dommages (de l’oscillation des lustres jusqu’à l’écroulement des corniches ou des édifices), tandis que l’échelle de Richter correspond à une vraie mesure physique, celle de la magnitude. 28 L’échelle de Mercalli-Cancani-Sieberg, plus connue simplement sous le nom d’échelle de Mercalli, permet de représenter l’intensité d’un tremblement de terre, c’est-à-dire la « force » qui se libère au niveau de l’hypocentre. Elle est subdivisée en 12 degrés. Les six premiers degrés tiennent compte des observations subjectives des personnes, comme l’oscillation des lustres ou le tremblement du sol, et les six autres degrés des dommages enregistrés au niveau de l’épicentre, par exemple de la destruction d’habitations, des éboulements ou de la déviation du cours des fleuves. Cette échelle est un instrument très pratique mais pas aussi précis que l’est l’échelle de Richter, surtout pour une comparaison immédiate entre la « force » des tremblements de terre ayant eu lieu dans des zones différentes. LE RISQUE SISMIQUE Même si les tremblements de terre ne sont pas prévisibles, on peut en réduire les dommages, en adoptant des mesures préventives de différentes natures. Des zones géographiques entières dans le monde, y compris des zones à population dense telles que le Japon, vivent dans la terreur de tremblements de terre, et c’est la raison pour laquelle on étudie depuis des années la relation entre un tremblement de terre possible et les dommages qu’il déterminerait dans les différentes zones. Par l’expression « risque sismique », les géologues indiquent l’ensemble des dommages possibles dus à un tremblement de terre, dommages qui pour une zone donnée varient, par exemple, selon la sismicité de la zone en question, et donc selon la périodicité des tremblements de terre, la densité des habitations ou selon les critères sur la base desquels sont construits les édifices et les ouvrages publics. Le risque sismique présent dans une zone donnée ne dépend qu’en partie de l’éventualité d’un tremblement de terre. Un même séisme aura des effets très différents selon qu’il a lieu dans des zones très habitées ou dans des zones semi-abandonnées ; selon le matériau employé pour les constructions et, ce matériau étant le même, selon la hauteur des édifices et, la hauteur étant la même, selon la distance qui les sépare l’un de l’autre et enfin selon la nature du sol. Il s’agit là de simples exemples pour souligner le fait que l’évaluation du risque sismique prend en considération des paramètres très différents. Les études concernant le risque sismique prévoient deux phases relatives aux études géologiques et aux études sismologiques proprement dites. Les premières prennent en compte tous les signes visibles sur le sol, comme les fractures relatives à la dynamique du sol. Les études sismologiques au sens strict se fondent sur un catalogue des tremblements de terre complet et efficace, dans lequel sont enregistrés tous les événements sismiques ayant eu lieu dans une région donnée. Dans le cas de l’Italie, par exemple, un catalogue de ce genre a été édité par le Conseil national de la recherche, et tous les événements ayant eu lieu depuis l’an 1000 y sont consignés. En outre, les études en question identifient les zones qui peuvent donner lieu à des tremblements de terre ainsi que les périodes de retour, c’est-à-dire la récurrence dans le temps des tremblements de terre dans une zone donnée. Elles subdivisent le territoire par zones selon le risque sismique, et prescrivent les normes qui doivent être respectées pour la construction des édifices ou éventuellement les zones où l’on ne devrait pas procéder à des constructions. Au Japon, des cartes de ce genre existent même pour les différents quartiers. PRÉVISION DES TREMBLEMENTS DE TERRE 29 Les tentatives pour prévoir si, dans une zone donnée, il y aura un tremblement de terre et quelle sera son intensité remontent loin dans le temps. Malheureusement ces tentatives atteignent rarement l’objectif escompté. On n’a jamais réussi à prévoir, pas même la veille, un tremblement de terre. On entend souvent dire que certains animaux montrent des signes particuliers d’inquiétude quelque temps avant un tremblement de terre. Mais il semble que l’opinion selon laquelle certaines personnes peuvent pressentir la survenue d’un séisme soit infondée. En revanche, nous savons détecter un certain nombre de phénomènes physiques qui subissent des variations immédiatement avant un tremblement de terre. Précisément parce qu’il s’agit de phénomènes physiques, ils peuvent être mesurés et interprétés, surtout s’ils sont rattachés à un des données géologiques et sismologiques déjà existantes et précises. Par exemple, on peut enregistrer des fuites de gaz comme le radon du sous-sol ou bien des renflements du sol lui-même. En outre, un réseau de sismographes fonctionnant en permanence permet de relever les changements de vitesse des ondes sismiques qui annoncent souvent les tremblements de terre. Malgré cela, la prévision du moment où un séisme donné se produira dans une zone donnée n’est pas encore à notre portée. Parmi les conséquences peu connues, tout au moins des profanes, d’un tremblement de terre, il en existe certaines de nature physique. Les éboulements sont l’une de ces conséquences. Ils peuvent prendre des proportions gigantesques. En 1949, à l’occasion d’un tremblement de terre, la ville russe de Khait, dans le Tadjikistan, fut submergée par une avalanche de débris qui passa au-dessus de la ville à une vitesse de 100 m/s, causant la mort de 12 000 personnes. Les raz de marée sont une autre conséquence. Ils ont suivi certains des événements les plus catastrophiques, comme le tremblement de terre de Messine en 1908. Mais il existe toute une série d’effets « mineurs » qui vont de la pollution des nappes d’eau souterraines aux incendies ou au développement d’épidémies. Ils occasionnent souvent plus de dommages que le tremblement de terre lui-même, comme ce fut le cas à San Francisco en 1906. Les raz de marée sont connus aussi sous le nom japonais de tsunamis. Le terme raz de marée pourrait faire penser qu’il existe des tremblements de terre marins analogues aux tremblements de terre terrestres, mais ce n’est pas le cas, car, évidemment, l’eau ne présente pas les caractéristiques structurales et dynamiques qui sont à l’origine des tremblements de terre. Les raz de marée ne sont par conséquent rien d’autre que des vagues générées par suite de tremblements de terre côtiers ou dans la profondeur de l’océan. Des vagues de ce genre peuvent se déplacer à 800 km/h et former des murs d’eau dont la hauteur atteint parfois 20 m. LES VOLCANS CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES Les 500-600 volcans terrestres ne sont apparemment que des accumulations de matériau produit par l’activité éruptive. En réalité, dans sa forme typique, un volcan est une montagne conique au sommet de laquelle se trouve une ouverture en forme d’entonnoir, l’orifice d’évacuation du conduit à travers lequel sort de la roche 30 en fusion, le magma, provenant de l’intérieur de la Terre, parfois de dizaines de kilomètres de profondeur. Les volcans peuvent être redoutables, et en même temps ils peuvent fournir une grande masse d’informations géologiques. Dans certains cas, leurs éruptions ont des conséquences effets destructeurs, comme le Vésuve qui, en 79 apr. J.-C., submergea Pompéi et Herculanum. Ils peuvent même perturber le climat. L’une des conséquences de l’éruption du volcan Tambora, dans l’île de Sumbawa, en 1815, fut climatique, avec une année sans l’été. L’éruption décapita la cime du volcan, dont elle volatilisa les 1 300 m supérieurs, et projeta plus de 100 milliards de mètres cubes de débris, libérant une quantité de poussière qui resta suspendue dans l’air pendant plusieurs années. La poussière obscurcit partiellement les rayons du soleil au point que la température s’abaissa et que les récoltes furent perdues dans plusieurs régions du monde. D’autre part, les volcans nous permettent de connaître ce qui se passe sous nos pieds, à des kilomètres de profondeur. Ils ouvrent une fenêtre sur un monde souterrain qui autrement serait inaccessible. Il n’est donc pas surprenant que des géologues aient perdu la vie ou vécu de véritables aventures pour tenter d’observer et d’étudier de plus près une éruption en cours. Le naturaliste romain Pline l’Ancien, mourut lors de l’éruption du Vésuve dont nous avons parlé plus haut. L’une des aventures les plus téméraires fut celle de deux volcanologues russes V. F. Popkov et I. Z. Ivanov qui, en 1938, pour recueillir des échantillons de lave durant l’éruption du volcan Bilyukai (ou Kliuchevskoi), dans la péninsule de Kamtchatka, pénétrèrent de 2 km à l’intérieur du volcan sur un radeau de lave dont la température superficielle était de 300 °C, tandis que le fleuve de lave atteignait 870 °C. Le volcan a des formes diverses, par exemple celle d’un cône pointu, comme certains volcans japonais, ou bien il peut être très bas et aplati, comme les volcans d’Islande. La forme dépend essentiellement des produits émis. C’est ainsi, par exemple, que les laves de basalte tendent à donner des volcans surbaissés et au profil doux, comme c’est le cas de l’Etna, tandis que des laves plus acides donneront lieu à des formes pointues typiques, comme le Fujiama. ORIGINE DE L’ACTIVITÉ VOLCANIQUE La distribution géographique des volcans n’est pas fortuite. Ils se trouvent le long de zones étroites et allongées, presque toujours en bordure des continents, ou bien au milieu des océans, où leur activité se produit à quelque deux mille mètres sous la surface de la mer. 80 % des volcans se trouvent à la hauteur de zones de subduction, où les plaques tendent à converger, 15 % dans des zones en extension, où les plaques divergent, et les 5 % restants sont dispersés à l’intérieur des plaques continentales et océaniques. Les différentes localisations géographiques correspondent à diverses milieux géologiques, et ces différences sont reflétées dans le fait que les volcans ne sont pas tous identiques. Même si le mécanisme responsable des éruptions volcaniques est toujours le même, celles-ci peuvent avoir lieu de façon différente et aboutir, par exemple, à la formation d’un cône volcanique ou, au contraire, de vastes épanchements basaltiques appelés « basaltes de plateaux » ou « trapps » pouvant couvrir plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés d’étendue. Dans le premier cas, les géologues parlent d’éruptions centrales, dans le second d’éruptions alignées ou fissurales. 31 Le deuxième type d’éruption est celui qui se produit dans le rift des dorsales océaniques, la fracture ouverte directement sur les profondeurs de la croûte, et d’où est émise une lave très fluide et très chaude, de plus de 1 000 °C, le basalte, qui, au contact de l’eau froide de l’océan, se refroidit très rapidement. L’autre type fondamental de volcanisme, celui qui se produit aux marges des plaques continentales, est lié au phénomène de subduction. Il s’agit de volcans différents des volcans sous-marins des dorsales, parce que le milieu géologique est différent. Tandis que sous les océans, les éruptions sont tranquilles, le long de ces marges convergentes se produisent des éruptions parfois très violentes, comme celle du mont Saint-Helens de 1980, aux États-Unis, ou celle de Santorin, en mer Égée, qui contribua à la destabilisation de la civilisation minoenne, environ 16 siècles av. J.-C. Les produits émis correspondent à des magmas différents. Dans le cas des éruptions explosives, les laves sont généralement acides (riche en silice), relativement visqueuses et riches en gaz : c’est le cas des laves andésitiques et rhyolitiques. Dans le cas des éruptions effusives, les laves sont plus basiques (pauvres en silice) et beaucoup plus fluides et donc moins dangereuses : c’est le cas des laves basaltiques. Les laves andésitiques sont caractéristiques du volcanisme de zone de subduction (arcs insulaires ou cordillères). Elles tirent leur nom de la cordillère des Andes où elles sont répandues (mais on y trouve aussi des basaltes). Ces magmas acides, comme les andésites et les rhyolites sont émis à des températures de 700 à 900 °C, plus faibles que celles des laves basaltiques : de 1 000 à 1 200 °C. Les éruptions explosives, caractéristiques des laves acides, sont très dangereuses, car les gaz en expansion fragmentent le magma visqueux qui est projeté à l’extérieur comme une bombe, donnant naissance, entre autres, à des nuées ardentes. À l’origine, toutes les laves émises par les volcans proviennent d’un magma primitif basaltique fourni par la fusion partielle du manteau péridotitique. Ce basalte primitif peut subir ensuite, en particulier dans les chambres magmatiques des volcans, ce que l’on appelle une différenciation magmatique avec précipitation de minéraux ferromagnésiens sur le fond, et « acidification » du liquide surnageant, de sorte que l’on peut obtenir en fin du processus, un magma très acide, rhyolitique. En dehors du volcanisme de subduction et de celui des rifts et dorsales océaniques, il en existe un troisième, celui des points chauds, qui s’exprime indépendamment de la géométrie des plaques : on peut le rencontrer aussi bien à proximité ou sur les dorsales océaniques qu’à l’intérieur même des plaques. Pour les points chauds les plus puissants, le magma remonte depuis le manteau profond, probablement même depuis la limite manteau/noyau. Un des plus beaux exemples de point chaud puissant est représenté par l’archipel des Hawaii, et se manifeste actuellement par les volcans actifs Kilauea et Mauna Loa situé sur la Grande Île (Big Island). Quand le géologue américain James Dwight Dana analysa la région en 1938, il découvrit que, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la zone des volcans actifs vers le nord-ouest, les îles deviennent de plus en plus vieilles. Cela s’explique par le fait que les îles se sont formées à partir d’une seule source de magma profond, sur laquelle est passée la plaque Pacifique, selon un mouvement vers le nord-ouest, de façon à créer une « traînée » de volcans, un peu comme le vent qui, en passant au-dessus d’une cheminée, crée une série de fumerolles. Les deux volcans actifs sont les seuls qu’il reste encore de toute une série de volcans. On connaît plus de 200 volcans comme ceux-là à la surface de la Terre et certains géologues considèrent que l’Etna aussi peut avoir une origine de 32 ce type. Le plateau américain de Yellowstone, où se trouve le Parc national homonyme, s’est formé lui aussi comme résultat d’un « point chaud ». D’environ 6 500 km2 de largeur, de 2 000 m de hauteur, ce plateau s’est formé par suite de l’accumulation progressive de coulées volcaniques altérées par l’hydrothermalisme, c’est-à-dire par des fumerolles et de l’eau chaude, au point de revêtir des couleurs très vives (Yellowstone signifie « pierre jaune »). Dans toute l’Afrique méridionale on connaît depuis longtemps des cheminées volcaniques qui sont appelées kimberlitiques, du nom de la localité de Kimberley, et qui sont constituées de laves provenant de très grandes profondeurs, plus de 200 km (voire beaucoup plus), appelées kimberlites. Ces conduits et ces laves intéressent les géologues parce que l’on pense que leur composition, ou mieux celle de certaines enclaves qu’elles contiennent, est semblable à celle des matériaux qui composent le manteau supérieur. Mais la particularité des kimberlites réside également dans le fait qu’elles peuvent contenir des minéraux telles que les diamants. La dernière grande phase de volcanisme de type kimberlitique s’est produite au Crétacé moyen (entre 120 et 85 millions d'années) pendant un long épisode d'activité des points chauds. Les «pipes» kimberlitiques, démantelées par l'érosion, fournissent en diamants les alluvions, dans lesquelles ils sont préservés grâce à leur dureté. LE MÉCANISME DE L’ÉRUPTION Le cône est la forme la plus connue des édifices volcaniques, et il représente en général la zone où arrive en surface le conduit, ou cheminée, volcanique. Les cônes se forment par dépôt de laves autour du point central du conduit. La lave toutefois sort aussi des fissures latérales du cône volcanique situées à un niveau inférieur. Le conduit, qui est surmonté du cratère, mène à la chambre magmatique, où le magma est stocké et souvent soumis à une différenciation magmatique. Les chambres magmatiques peuvent être plus ou moins superficielles et présenter des dimensions de plusieurs kilomètres. Leur forme est souvent aplatie, comme un œuf écrasé. Pour avoir une idée de la façon dont fonctionne un volcan, nous pouvons penser à ce qu’il arrive dans une bouteille de champagne. Si on libère le bouchon du fil de fer et que l’on secoue la bouteille, le bouchon saute à cause de l’expansion des gaz contenus dans le liquide. Il arrive quelque chose de ce genre dans les volcans aussi. Le magma, un matériel en fusion composé de minéraux silicatés et de gaz, se trouve dans les profondeurs de la Terre, où il subit des changements continus à l’intérieur d’un réservoir fermé appelé chambre magmatique. Si une fracture brise le “plafond” de la chambre, ouvrant un canal de communication avec l’extérieur, une partie du matériel en fusion sort, libère plus ou moins violemment ses gaz et s’écoule de façon plus ou moins rapide selon la composition et le taux de gaz. Le matériau expulsé, la lave, présente une fluidité, ou, mieux, une viscosité variable selon la composition du magma. Si le matériau est acide, la lave sera peu fluide, comme c’est le cas des andésites, s’il est basique la lave sera très fluide, comme c’est le cas des basaltes. En tout état de cause, le magma primitif (ou originel) et la lave n’ont pas la même composition chimique car d’une part, durant l’expulsion, les gaz initialement dissous sont perdus, et parce que d’autre part, au cours de la remontée, du nouveau matériau vient s’ajouter au magma, dont il modifie le contenu. 33 TYPES D’ÉRUPTIONS Depuis longtemps, les volcans sont classés sur la base des caractéristiques de leurs éruptions et des produits émis au cours de ces éruptions. Il s’agit d’une classification en partie dépassée, mais qui mérite d’être connue, entre autres parce qu’elle montre la voie qu’ont empruntée les recherches volcanologiques. Parmi les fragments éjectés dans l’atmosphère, appelés pyroclastites (roches pyroclastiques), selon les dimensions, on distingue les plus fins, qui composent la poussière, ceux de dimensions intermédiaires - jusqu’à 2 mm, c’est-à-dire les mêmes dimensions que les sables - qui constituent les cendres et, enfin, les bombes volcaniques, qui peuvent atteindre dans certains cas des dimensions considérables. On connaît le cas de bombes de 100 t projetées à plus de 10 km. Éruptions pliniennes L’éruption plinienne est très violente et doit son nom à l’écrivain latin Pline le Jeune qui la décrivit en détail car il fut témoin de l’éruption qui détruisit Pompéi et Herculanum. Lors de cette éruption, son oncle, le naturaliste Pline l’Ancien, perdit la vie. Elle génère des nuages caractéristiques à l’aspect semblable à un pin parasol, composés d’un mélange de cendres et de gaz. Le nuage est très chaud - plus de 700 °C - et rapide - en 10 secondes, il peut parcourir 10 km de distance - et “glisse” le long des pentes du volcan, détruisant tout obstacle sur son passage. Éruptions vulcaniennes Les éruptions de type vulcanien prennent leur nom de l’île de Vulcano, dans les Éoliennes, où elles furent le mieux observées. Ces éruptions aussi sont des éruptions explosives très violentes, qui peuvent parfois détruire le cône dont elles proviennent. Les produits de ces éruptions sont constitués de laves très visqueuses (acides) et de grandes quantités de gaz et de cendres, qui dessinent d’énormes nuages en forme de champignon, avant de retomber sur le sol. Les cendres sont émises en quantité si élevée qu’elles constituent les pentes de l’édifice volcanique lui-même. Une autre particularité de ces éruptions est qu’elles forment - dans les périodes de repos entre une éruption et l’autre - une espèce de “bouchon” de lave qui obstrue le conduit et peut aboutir à une augmentation considérable du potentiel explosif de l’éruption suivante. Éruptions péléennes La formation d’un bouchon de lave (en l’occurence ici un dôme) est typique des éruptions de type péléen, ainsi appelées du nom de la plus célèbre et de la plus terrible d’entre elles, qui fut celle de la montagne Pelée, en Martinique, au début du siècle. La nuée ardente qui sortit du sommet de la montagne rasa la ville de SaintPierre avec ses 28 000 habitants. Parmi les quelques survivants, beaucoup portaient sur le corps les marques des brûlures, tandis que presque tous furent tués par le souffle brûlant qui a précédé la nuée ardente. En général, à la fin de ce type d’activité, un volcan édifie d’une « aiguille » de lave très visqueuse qui forme un pic 34 à l’intérieur du cratère, se solidifiant à l’endroit même où elle a été émise, sans s’écouler, mais qui finit généralement par s’écrouler. Éruptions stromboliennes Mais il n’existe pas seulement des éruptions aussi explosives. Les éruptions de type strombolien, d’après Stromboli, dans les îles Éoliennes, sont modérément et régulièrement explosives, et le « bouchon » de lave qui pourrait se former est continuellement éliminé sans grosses déflagrations. Le sommet de l’île de Stromboli, c’est-à-dire du volcan, est constamment le lieu par de petites explosions qui font sortir une lave ni trop visqueuse ni trop fluide, avec un nuage de vapeur blanchâtre caractéristique. Il y a 2 000 ans déjà, les navigateurs utilisaient la lueur des explosions du Stromboli pour s’orienter dans la nuit, et l’île était alors appelée le « phare de la Méditerranée ». Éruptions hawaiiennes Les éruptions de type hawaiien sont très tranquilles. La lave basaltique sort de façon très fluide des conduits, et les gaz sont libérés généralement sans aucune explosion. Les fontaines et les lacs de lave sont caractéristiques de ce type d’éruption, et constituent l’une des principales attractions touristiques d’îles comme Hawaii ou La Réunion. Éruptions islandaises Enfin, les éruptions de type islandais sont également tranquilles. La sortie continuelle de laves de fissures très longues qui s’ouvrent en donnant des appareils de petite taille, comme le Laki en Islande, mène à la formation de grandes coulées de basalte. On connaît de vastes épanchements de ce type dans le passé, comme ceux qui ont recouvert le Deccan, en Inde, il y a 65 millions d’années, ou la région du Paraná il y a encore plus longtemps, en Amérique du Sud. LE RISQUE VOLCANIQUE Le risque que l’éruption d’un volcan provoque des dommages dans une région donnée doit être pris en compte par les populations vivant dans son voisinage. S’il existe de grandes probabilités qu’un volcan provoque de graves dommages dans une région donnée, les géologues disent que le risque volcanique dans cette région est très élevé. Ici aussi, comme pour les tremblements de terre, plus la zone est peuplée et riche en infrastructures, plus le risque est élevé, à possibilité d’éruption future égale, par rapport à une zone faiblement peuplée (voir risque sismique). L’éruption d’un volcan ne doit pas être considérée comme un fait exceptionnel. En Amérique Centrale, aux États-Unis, dans le Pacifique et en Italie, il existe des dizaines de volcans qui peuvent être considérés comme actifs, même si l’on ne se souvient pas d’éruptions. Le Vésuve est un volcan très dangereux. Sa dernière éruption a eu lieu en 1944, et l’écho du désastre de Pompéi, en 79 apr. J.-C. ne s’est pas encore éteint. Voilà pourquoi il est insensé et dangereux de ne pas 35 interdire la construction de nouvelles habitations autour du Vésuve, car le risque volcanique dans toute la région est très élevé. Dans la région de Naples, il existe d’autres zones à risque élevé, si l’on considère que le dernier volcan né dans la région est le Monte Nuovo, dans les champs Phlégréens, il y a quelques siècles à peine, très peu de temps du point de vue géologique. En revanche, l’Etna n’est pas un volcan à très haut risque par rapport au Vésuve, parce que les éruptions, même si elles sont plus fréquentes, sont calmes et caractérisées par des coulées fluides de basalte et dans des zones relativement moins peuplées. En outre, sur l’Etna, il est plus facile d’étudier le parcours des vieilles coulées et de faire des prévisions. Enfin, en l’absence d’explosions proprement dites, on a tout le temps nécessaire pour évacuer la zone et éviter des dommages au moins aux populations. La « ceinture » (ou « anneau ») de feu, c’est-à-dire la zone autour de l’océan Pacifique constellée d’arcs et d’îles volcaniques, et sujette à des tremblements de terre fréquents et destructeurs, est l’une des régions les plus actives de la Terre. Le Saint-Helens, les volcans de la Russie (Kamtchatka), le Fujiama, les volcans d’Amérique centrale et de Colombie, figurent parmi les appareils les plus explosifs du monde, et leurs éruptions ont provoqué certaines des catastrophes les plus célèbres jamais enregistrées. Dans des zones comme la ceinture de feu, la prévision des éruptions volcaniques, à long et à court terme, devrait être une pratique quotidienne. À la base de la prévision, il y a l’élaboration de modèles qui permettent d’imaginer les scénarios possibles de prochaines éruptions et la surveillance instrumentale des volcans les plus dangereux. Les sismographes permettent d’identifier des tremblements de terre, liés à des mouvements du magma, et des déformations du sol, tandis que les analyses géochimiques permettent d’étudier les variations de la composition de la phase gazeuse. Puisque l’exactitude de la prévision dépend de la connaissance de l’histoire du volcan, les efforts des chercheurs se sont concentrés sur ces appareils qui peuvent être mieux étudiés, et dans lesquels les informations remontent plus loin dans le temps : les volcans méditerranéens, par exemple, ou les Hawaii. L’amélioration de la prévision permettra aux 10 % de la population mondiale qui habite des zones dangereuses de mieux vivre avec le risque volcanique. LES GEYSERS Les geysers, mot qui, en islandais, signifie jet, figurent parmi les manifestations les plus spectaculaires liées à l’activité interne de la Terre. Un geyser est un jet d’eau chaude ou bouillante éjecté des profondeurs de la Terre, formant des colonnes dont la hauteur peut aller jusqu’à 50-60 m, qui jaillissent en permanence ou de façon intermittente, avec un grondement, comme dans le cas de l’Old Faithful au Yellowstone, aux États-Unis. Le geyser en question se réactive toutes les heures environ et forme un jet pouvant aller jusqu’à 60 m de hauteur. L’origine du geyser est liée au remplissage par l’eau de pluie de réservoirs souterrains dans des zones où est, ou a été, présente une activité volcanique. Dans la cavité où elle se rassemble naturellement par infiltration, l’eau qui se trouve au fond est soumise à de fortes pressions par l’eau supérieure, par le fait que la chaleur n’est pas redistribuée de façon homogène par convection. L’expansion qui s’ensuit contraint une partie de l’eau à jaillir à l’extérieur, mais cela aboutit à une rapide diminution de la pression, qui permet la transformation soudaine en vapeur de l’eau restante et provoque la formation du geyser. 36 HISTOIRE DE LA TERRE LE PROBLÈME DES DATATIONS On évalue actuellement l’âge de la Terre a 4,6 milliards d'années. Cette estimation est fournie par la géochronologie, science qui a pour objet la détermination de l’âge des formations géologiques, quelle que soit leur nature (sédiments, roches volcaniques, roches métamorphiques), dans le but de définir les rapports chronologiques des événements, c'est-à-dire leur datation relative, et l'époque à laquelle chacun d'eux a effectivement eu lieu, c'est-à-dire sa datation absolue. Pour avoir une idée de ce que représente une période de 4,6 milliards d'années, il suffit d'imaginer qu'elle correspond à une année solaire. Dans ce cas, chaque seconde de l'année correspond à 143 ans, et un jour à environ 12 millions d'années. La Terre s'est formée à 0 (zéro) heure le premier janvier, tandis qu'actuellement nous sommes le 31 décembre à minuit. Selon cette échelle temporelle hypothétique, quand apparurent les ancêtres de l'homme, il y a environ quatre millions d'années, il était six heures de l'après-midi de ce même 31 décembre, et la période dite historique, celle pour laquelle on dispose de témoignages directs, a commencé il y a à peine 30 secondes. Les datations absolues Parmi les datations, l'une, dépourvue de fondement scientifique, remonte à 1664, sur la base d'informations figurant dans l'Ancien Testament, l'archevêque d'Irlande Ussher calcula que la Terre avait été créée le 26 octobre 4004 av. J.-C à midi. Au milieu du XVIIe siècle, 6 000 années étaient considérées comme suffisantes pour expliquer la naissance de toutes les structures géologiques de la Terre. Quelques dizaines d'années plus tard, de nombreux naturalistes commencèrent à mettre en doute qu'une période si courte suffise à expliquer toutes les couches de fossiles connues. C'est ainsi que la « création » fut déplacée plus loin dans le temps, et que, de quelques milliers d'années on arriva, d'abord à quelques centaines de milliers, puis à quelques millions. Ce thème continua toutefois à être l'objet de discussions et de spéculations pendant longtemps, car les critères utilisés étaient empiriques et incomplets. Au XIXe siècle, Lord Kelvin, illustre physicien, eut l'idée d'utiliser une méthode physico-chimique. À partir de travaux sur la transmission et la perte de chaleur, Kelvin parvint à la conclusion, à travers des calculs compliqués, relatifs au taux de refroidissement d'une sphère enflammée ayant les dimensions de la Terre, que notre planète avait un âge compris entre 20 millions et 200 millions d’années, et plutôt entre 100 et 200 millions. Les calculs de Kelvin furent acceptés pendant longtemps, jusqu'à ce que l'on découvre l'existence de la radioactivité naturelle. Au début du XXe siècle, certains savants proposèrent d'utiliser la salinité de la mer comme instrument de datation, car ils pensaient que la quantité de sels dans la mer augmentait avec le temps, étant donné que les fleuves en transportaient en permanence vers l’océan et que les sels déposés dans la mer n'étaient pas réabsorbés. On calcula qu'il avait fallu 90 millions d'années pour parvenir au taux 37 de salinité de l'époque. Par la suite, on a vu que cette méthode présente des limites, car l'âge de la Terre change selon le sel considéré. Si on utilise le silicium, par exemple, il est de 8 000 années, tandis que si l'on prend en considération le magnésium, on arrive à 50 millions d'années. Les méthodes modernes Les systèmes les plus fiables de datation absolue se fondent, l'un, sur ce que l'on appelle la dendrochronologie et l'autre, sur la radioactivité. La dendrochronologie est basée sur le fait que, dans une coupe transversale, le bois présente une alternance de bandes claires et sombres. Or une bande claire et une bande sombre, par couple, indiquent la croissance au cours d'une année, le décompte des couples peut donc nous permettre de remonter à l'âge de l'arbre et, par conséquent, à l'âge du site où l'arbre a poussé. La méthode est très fiable et dans certains cas très utile car elle présente une marge d'erreur de moins d'un an, mais elle ne peut être utilisée au-delà de 10 000 ans. La découverte de la radioactivité naturelle a provoqué une véritable révolution, qui a abouti à des conclusions tout à fait différentes. La radioactivité est liée au fait que les isotopes de certains éléments ne sont pas stables, se transforment spontanément et se transmutent, en un autre élément ou un autre isotope. Le carbone-14 se transforme en azote, tandis que l'uranium se transforme en plomb. La période de désintégration d’un isotope (c’est-à-dire le temps nécessaire pour que la moitié de la masse d’un élément radioactif se décompose en un autre élément) est très variable d'un élément à l'autre - des quelques minutes nécessaires à un isotope du plomb, aux 4,5 milliards d'année de l'isotope 238 de l'uranium, mais il est constant pour chaque isotope. Si dans le cas d'une roche on mesure les quantités relatives de l'isotope pris en considération et de l'élément produit par la désintégration, on peut, à l'aide de la période, remonter à l'âge de la roche. Les datations relatives On a vu dès le début du XIXe siècle (et même avant) qu’il était possible de reconnaître un certain “ordre” dans les roches sédimentaires des montagnes. En général, elles sont disposées en strates presque parallèles, caractérisées par des couleurs spécifiques ou par d’autres particularités, par exemple par une même granulométrie. Chacune de ces strates correspond à une unité de dépôt, c’est-àdire qu’elle représente la quantité de sédiment qui s’est déposée dans un certain laps de temps. S’il y a eu bouleversement tectonique, les strates les plus basses sont plus anciennes que les strates supérieures qui se sont déposées sur les précédentes, à des époques ultérieures. Ce principe de superposition stratigraphique a été pendant longtemps utilisé pour établir des séquences d’âge des roches affleurantes, et il est encore utilisé aujourd’hui pour les observations sur un territoire restreint. Il est possible également d’essayer de lier chronologiquement des roches semblables. Lorsque l’on trouve une strate de calcaires blancs sous une strate de lave noire et au-dessus d’une strate de sable jaune, cela signifie que le sable est plus ancien que le calcaire et, là où l’on ne trouve pas l’un des termes, il est toujours possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle on a affaire à la même 38 séquence chronologique. Si l’on trouve en un point donné les laves noires et en un autre point les sables jaunes sans voir les calcaires blancs, on présume tout de même que les laves sont plus jeunes que les sables. Mais les calcaires blancs sont très répandus sur Terre, et ils n’ont pas pour autant le même âge. Généralement, des roches semblables quant à leur composition et leur structure se sont formées dans des milieux semblables sur le plan géologique, mais elles peuvent s’être déposées à des époques très différentes. Leur datation est cependant possible, quand on peut utiliser les fossiles qu’elles renferment. Les fossiles Par fossile, substantif dérivé du latin fodere, c’est-à-dire fouiller, on entend toute trace d’organisme vivant conservé dans les sédiments sous forme de coquille, d'empreinte ou de squelette, après avoir été enfouie naturellement. Les momies des pharaons égyptiens ne sont pas des fossiles, tandis que l’on peut considérer comme tels les os des crocodiles qui, à la même époque, vivaient sur les rives du Nil. Les fossiles ont été et sont encore un outil formidable pour la reconstitution des milieux du passé ; ils le sont encore davantage pour l’attribution d’âges relatifs à certaines roches ou à certains complexes rocheux. Sur la base des témoignages fossiles, il est possible d’établir une relation temporelle entre des roches semblables, et de construire l’échelle relative du temps géologique qui est utilisée aujourd’hui encore, même si elle a été complétée par l’échelle absolue, pour distinguer les moments de l’évolution de la planète dans le temps. LE CALENDRIER GÉOLOGIQUE La comparaison des âges des restes géologiques a permis de reconstituer des événements passés et d’identifier quelques dynamiques géologiques, bref de reconstituer l’histoire de la Terre. C’est ainsi que l’on a pu passer des âges absolus obtenus par les méthodes de la datation radio-isotopique à des âges relatifs. Précambrien et Cambrien Dans le calendrier géologique, on distingue avant tout deux phases, l’Archéozoïque (“âge de la vie ancienne”) ou Précambrien (jusqu’à moins 570 millions d’années) et le Phanérozoïque (“âge de la vie manifestée”, qui va de la fin du Précambrien à aujourd’hui). Les premières roches remontent précisément à l’Archéozoïque, elles ont été datées, par la méthode des âges absolus, à 3,9 milliards d’années et ont été trouvées au Groenland. On ne s’attend pas à en trouver de beaucoup plus anciennes, car un peu auparavant, la Terre était encore en fusion. Les premières roches contenant des fossiles remontent à moins 3,4-3,2 milliards d’années et contiennent les témoignages de Bactéries et d’Algues, les premières formes de vie. L’apparition des organismes multicellulaires et à coquille remontent à moins 700570 millions d’années. Ères et périodes géologiques 39 La distinction entre Archéozoïque et Phanérozoïque est suivie par la distinction en ères. Le Phanérozoïque est divisé dans les trois ères paléozoïque ou primaire (ou simplement le Paléozoïque, qui a duré quelque 350 millions d’années, de moins 580 environ à moins 245 millions d’années), mésozoïque (ou Mésozoïque, qui a duré 180 millions d’années environ, de moins 245 à moins 65 millions d’années) et cénozoïque ou tertiaire et quaternaire (ou Cénozoïque, de moins 65 millions d’années à aujourd’hui). Les ères, à leur tour, sont divisées en périodes. Comme par exemple, le Jurassique qui doit son nom aux reliefs du Jura français et suisse, ou le terme Carbonifère qui dérive des roches sédimentaires de l’Europe et de l’Amérique du Nord, riches en houille. Les périodes, enfin, sont divisées en époques. Cette échelle des temps a été construite sur la base d’événements importants de l’évolution biologique, par exemple sur la base de grandes extinctions ou de grandes proliférations, et de l’histoire géologique. Le passage du Précambrien au Paléozoïque marque le début de l’explosion cambrienne, le passage du Paléozoïque au Mésozoïque l’extinction permienne, et le passage du Mésozoïque au Cénozoïque, une autre grande extinction, celle des Dinosaures, des Reptiles volants, des Reptiles marins géants et des Ammonites. Les limites entre les périodes se réfèrent à des extinctions de moindre portée, mais qui ne sont pas moins repérables. Ce calendrier géologique présente des limites. En effet, il est construit sur la base des données fournies par les roches, qui sont discontinues, parce que les affleurements rocheux ne peuvent pas représenter complètement chaque instant de l’histoire de la Terre. En pratique, il s’agit d’une échelle continue, comme le temps qu’elle mesure, mais elle est fondée sur une documentation discontinue, dans laquelle manquent des laps de temps entiers. Les extinctions Les extinctions ont eu des causes générales et des causes particulières. Les variations climatiques et les changements du milieu à l’échelle régionale sont deux causes générales, mais pour avoir un effet, elles doivent influer sur des milieux déjà plus ou moins isolés, dans lesquels se trouvent des groupes très spécialisés (spécialisation). Parmi les causes particulières, l’instabilité des ressources de nourriture ou la réduction des zones de mer peu profonde, sont des facteurs qui peuvent tous deux être pris en compte pour expliquer l’extinction permienne. Le facteur décisif des extinctions fut lié à la dynamique de la Terre, abstraction faite de la faiblesse spécifique et de l’apparition ultérieure d’organismes plus efficaces. Les continents et les océans n’ont pas toujours occupé leurs positions actuelles sur la face de la Terre, mais ils se sont réunis et fragmentés plusieurs fois, à la recherche d’équilibres en transformation continuelle. Il semble que la dérive des continents ait été une cause déterminante pour expliquer aussi bien les extinctions que les explosions démographiques, plus nombreuses et non moins intéressantes, dans l’histoire de la Terre avant l’apparition de l’homme. LE PASSÉ DES CONTINENTS La naissance de la Pangée 40 Sur la base des données disponibles, et à l’aide d’ordinateurs, les géologues ont reconstruit la mosaïque des plaques dans le passé, et tentent d’imaginer leur évolution future. Les premières formations géologiques assimilables à des continents se sont formées il y a plus de trois milliards d’années. Le processus commença par le refroidissement de la sphère terrestre primitive en fusion et sa réorganisation - par « décantation » - en trois grandes enveloppes de plus en plus denses vers l’intérieur : croûte terrestre, manteau, noyau terrestre. Des cellules de convection se développèrent, qui fragmentèrent la lithosphère (croûte et partie la plus superficielle du manteau rendue rigide par un plus grand refroidissement que dans le reste de ce même manteau). Des plaques lithosphériques se formèrent, modifiant constamment leurs formes et engendrant progressivement par le biais de la subduction des roches granitiques, plus légères, premières ébauches de croûte continentale. Ces noyaux fusionnant, ils constituèrent des continents de plus en plus grands. On pense que le processus agglomération de blocs continentaux en un supercontinent, puis fragmentation de ce dernier en de nouveaux blocs se produit au cours d’un cycle d’une durée totale de 300 à 400 millions d’années. Lors du dernier grand « rassemblement » survenu à la fin du Paléozoïque, il y a environ 250 millions d’années, tous les continents qui forment la géographie actuelle de la planète, étaient regroupés dans le supercontinent appelé « Pangée » (de pan : totalité, et Gée : la Terre) entouré d’un immense océan dénommé « Panthalassa ». Les collisions continentales, à l’origine de la Pangée, provoquèrent la formation de grandes chaînes de montagnes (du même type que les Alpes, l’Himalaya et les Andes d’aujourd’hui), mais qui furent arasées ou très notablement arasées au cours des quelques dizaines de millions d’années qui suivirent. Et de vastes zones désertiques ou glaciaires s’installèrent sur la Pangée, avant son démantèlement au cours du Mésozoïque. La rupture de la Pangée La Pangée ne résista pas longtemps. Au bout de quelques dizaines de millions d’années, elle commença à se scinder en plaques d’aspect semblable aux plaques actuelles. Au début, il y eut un soulèvement de la croûte, qui devint immédiatement plus chaude, en réponse à un renflement du manteau sous-jacent. La croûte, relativement fragile, se brisa, et commença à se fendre, conduisant à la formation de rifts et de bassins allongés, où s’effondrèrent de grands blocs de croûte brisée. Ensuite, la zone de séparation s’élargit, et de la matière magmatique commença à remonter de dessous la croûte, formant des zones volcaniques, et enfin, une nouvelle croûte océanique, qui progressivement prit la place de la croûte continentale, tandis qu’au-dessus de la nouvelle croûte la mer envahissait la fosse. Au bout de quelques millions d’années, les deux marges de la fosse se trouvaient déjà éloignées de plusieurs centaines de kilomètres, séparées par un véritable océan. Le processus de renflement et de rupture eut probablement pour point de départ un “point chaud” ou hot spot, c’est-à-dire une zone anormalement chaude et en mesure de “perforer” la croûte continentale sous-jacente. La Pangée, elle-même, pourrait s’être désintégrée sous l’action combinée de nombreux points chauds, même si actuellement les points chauds actifs ne semblent pas donner lieu à des développements comparables. 41 La formation des continents Le supercontinent se fragmenta en masses plus petites, reprenant parfois la forme des anciens blocs qui avaient contribué à constituer, par suturation, la Pangée. Cette dernière fut d’abord séparée progressivement en deux, à partir du Trias, par conquête d’est en ouest d’un océan médian, la Téthys, séparant à nouveau le Laurasie au nord, du Gondwana au sud. Il y a 135 millions d’années, vers la fin du Jurassique, après 65 millions d’années de dérive, tandis que l’éloignement des deux blocs précédents continuait, l’Amérique du Sud se sépara de l’Afrique, ouvrant l’Atlantique Sud, tandis que la région de l’Inde actuelle se rapprochait de l’emplacement qu’elle occupe aujourd’hui. Il y a 65 millions d’années, à la fin du Crétacé, après 135 millions d’années de dérive, les deux Amériques, déjà séparées, s’éloignèrent progressivement, l’Amérique du Sud de l’Afrique, et l’Amérique du Nord de l’Eurasie - le bloc unitaire de l’Asie et de l’Europe - tandis que la Téthys, dont les restes se retrouvent en Méditerranée, à l’état de fragments de croûte océanique dans les chaînes alpines. L’ensemble avait commencé à prendre son aspect actuel. Il se forma un isthme qui unit les deux Amériques, et l’Inde s’unit à l’Asie en la heurtant violemment et en déterminant la formation du groupe de montagnes le plus haut du monde, l’Himalaya. Au Nord, le Groenland se détacha définitivement. Tous ces mouvements correspondaient à la formation et au déplacement d’une énorme masse de fonds océaniques. On estime que, au cours des 130 derniers millions d’années, une surface grande presque comme l’océan Pacifique, environ 7 000 km de fond, a disparu par subduction sous le continent américain. LA LUNE PREMIÈRES OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES L’étude des civilisations anciennes de toutes les époques et de toutes les latitudes a permis d’identifier environ 1 008 appellations de la Lune, signe que les observations de notre satellite se perdent dans la nuit des temps. En indoeuropéen, on retrouve la racine leuk qui veut dire « resplendir », et la Lune signifiait donc « la lumineuse ». Le mot français vient du fait qu’à Éphèse, la Lune était divinisée comme une déesse et invoquée sous le nom de Diane ou Lucina, mot qui, par contraction, a donné Lune. Parmi les premières observations systématiques du mouvement lunaire, citons celles d’Hipparque (194 environ-120 environ av. J.-C.), selon lequel la Lune décrit un cercle (de rayon plus petit), ou épicycle, parcourant une orbite circulaire (de rayon beaucoup plus grand) située autour de la Terre, et celles de Claude Ptolémée (environ 100-170), qui, dans l’Almageste, perfectionne les relevés du précédent. Par la suite, Isidore de Séville (560-636), dans sa distinction entre astronomie et astrologie, admet que cette dernière aussi est digne d’étude et, en particulier en ce qui concerne la Lune, il soutient son influence sur la vie des plantes, des animaux et sur l’humeur de l’homme. La dernière contribution importante de l’astronomie à l’œil nu est de Tycho Brahe (1546-1601), qui découvre les variations et les différences annuelles du mouvement de la Lune. Son élève, Johannes Kepler (1571-1630), énonce les lois du mouvement des planètes. Les 42 premières observations instrumentales sont réalisées au moyen d'une lunette astronomique par T. Harriot (1560-1621) qui, à partir de 1609, en Grande-Bretagne, commence à dresser des cartes de la Lune. La même année, Galilée (1564-1642) perfectionne l’instrument et commence les premières observations méthodologiques du corps céleste qui l’amèneront en 1610 à identifier des taches claires et sombres. Dans une lettre du 7 janvier 1610 adressée à Antoine de Médicis, il écrit que « ...si l’on voulait comparer la Lune à la Terre, les taches de celle-là correspondraient plus aux mers, et la partie plus lumineuse au continent, c’est-à-dire à la surface terrestre ». En mars de cette même année, Galilée publie les observations systématiques réalisées en un volume, le Sidereus nuncius (Le messager des étoiles), où il écrit, entre autres choses, que la Lune a un aspect semblable à la Terre et est sillonnée de vallées et riche en montagnes très hautes. En 1632, dans son Dialogo sui massimi sistemi del mondo (Dialogue sur les deux grands systèmes du monde), il explique que les marées sont dues à l’action de la Lune, qui perturbe la rotation terrestre. En 1647, sur la base d’observations réalisées au moyen de télescopes fabriqués de ses propres mains, J. Hevelius publie Selenographia, un ouvrage contenant des cartes où les formations de la surface lunaire (montagnes, cratères, etc.) apparaissent dans de nombreux cas sous les noms utilisés encore aujourd’hui. En 1651, G. B. Riccioli (1598-1671) publie à Bologne l’Almagestum novum, contenant une description de la surface lunaire qui complète la description précédente d’Hevelius. Les cratères, les vallées et les monts prennent le nom d’astronomes et de philosophes, tandis que les régions sombres, dites « océans », sont indiquées au moyen de noms fantaisistes tels que Mare imbrium, Oceanus procellarum. En 1687, Isaac Newton (1642-1727) corrige l’interprétation galiléenne et montre que les marées sont produites par l’attraction gravitationnelle de la Lune. En 1744, dans l’œuvre Theoria motuum planetarum et cometarum, Leonard Euler (1707-1783) affronte pour la première fois le problème des interactions planétaires entre trois corps, et décrit le mouvement de la Lune autour de la Terre comme perturbé par celui du Soleil. En 1878, au bout de 40 ans d’observations, J. F. Schimdt publie une carte lunaire plus grande et plus riche que les précédentes, de presque deux mètres de largeur et comprenant 33 000 cratères. Elle restera longtemps inégalée et marquera en quelque sorte la limite entre l’utilisation des cartes dessinées et celle des atlas photographiques. Les premières images réalisées au moyen de plaques photographiques sont obtenues en 1882-1883 par les frères Paul Henry (1848-1905) et Prosper Henry (1849-1903), de l’Observatoire de Paris, institution qui entreprend la réalisation du premier atlas photographique de la Lune, en 71 tables, réalisé en l’espace de 20 ans, et qui restera inégalé pendant 50 ans. Le premier janvier 1959, l’URSS envoie vers notre satellite la sonde d’exploration Luna-1. Le 21 juillet 1969, l’Américain Neil Armstrong est le premier homme à mettre un pied sur la Lune. CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES Seul satellite naturel de la Terre, la Lune en est aussi l’astre le plus proche. Elle se trouve à 384 000 km de notre planète, valeur moyenne entre les distances minimale (ou périgée) et maximale (ou apogée) selon une orbite elliptique de rotation autour de la Terre (écart de 48 000 km). Son diamètre est d’environ 3 475 km, sa masse est égale à 1/8 de la masse terrestre, son volume est d’environ 1/49 et sa densité moyenne 3,3 fois celle de l’eau. Sa masse est telle que, à la 43 surface de la Lune, la force de gravité est 1/6 de celle que l’on trouve sur la Terre, et par conséquent elle est insuffisante pour retenir quelque forme d’atmosphère que ce soit. À la surface de la Lune, la température oscille au cours de la journée lunaire entre +127 °C environ et -173 °C. Sur la Lune, enfin, il n’y a pas d’eau. LES MOUVEMENTS DE LA LUNE Elle se déplace entre les étoiles fixes du couchant au levant d’environ 13 degrés chaque jour. Ce mouvement de révolution autour de la Terre ramène la Lune à la hauteur de la même étoile au bout de 27 jours, 7 heures et 43 minutes (mois sidéral) et, du fait du mouvement simultané de la Terre autour du Soleil, à la hauteur du Soleil au bout de 29 jours, 12 heures et 44 minutes (mois lunaire, ou synodique). La Lune accomplit également un mouvement de rotation sur son axe d’une durée égale de celle de la révolution autour de la Terre, et c’est pour cela qu’elle tourne toujours la même face vers la Terre. La révolution de la Lune autour de la Terre permet une variation continue des positions réciproques du Soleil, de la Terre et de la Lune, dont résultent les phases lunaires et les éclipses. Les phases lunaires La portion de surface lunaire éclairée varie de façon systématique au cours d’un mois, donnant lieu à ce que l’on appelle les phases lunaires. La Lune croissante apparaît à l’occident, au début comme un fin croissant. Au cours de la semaine suivante, le secteur éclairé augmente jusqu’à occuper la moitié (premier quart), tandis qu’au cours de la troisième semaine toute la surface lunaire est visible (Lune pleine), et la Lune se lève à l’orient. Dans les semaines suivantes, la surface lunaire éclairée diminue progressivement (phase décroissante) jusqu’à disparaître tout à fait (phase de la nouvelle Lune), avant de recommencer le cycle selon une période de 29 jours et demi. Les phases lunaires sont dues au mouvement lunaire autour de la Terre et au changement continu de position par rapport au Soleil, car si le corps céleste est interposé entre le Soleil et la Terre, on ne voit rien, tandis que, au fur et à mesure que la Lune tourne, on en voit des portions de plus en plus grandes jusqu’à ce qu’elle se trouve du côté opposé de la Terre par rapport au Soleil, si bien qu’elle peut en refléter la lumière. Les éclipses L’occultation réciproque des planètes est à l’origine des éclipses, phénomènes célestes connus depuis des temps immémoriaux. Quand la Lune se trouve entre la Terre et le Soleil, son ombre se projette sur la surface terrestre et provoque une éclipse de Soleil (pour ceux qui observent le phénomène à l’intérieur de cette ombre). Quand, en revanche, la Lune passe dans le cône d’ombre projeté par la Terre, elle est à son tour occultée par cette dernière et on a une éclipse de Lune. Puisque le plan de l’orbite lunaire ne coïncide pas avec le plan de l’orbite terrestre, on n’enregistre pas une éclipse de Lune chaque fois que la Lune est pleine comme l’on pourrait s’y attendre, ni une éclipse de Soleil lors de chaque phase de la nouvelle Lune. Dans certains de ces cas, en effet, le cône d’ombre passe audessus ou au-dessous de la Terre sans l’intercepter. Une éclipse totale de la Lune 44 peut durer jusqu’à quatre heures, et est visible dans tous les points de l’hémisphère terrestre tourné à ce moment-là vers la Lune, tandis que l’ombre que notre satellite projette sur la Terre durant une éclipse totale de Soleil n’est jamais plus grande que 275 km, ne dure pas plus de 7 minutes et ne peut être observée que par les personnes qui se trouvent à l’intérieur de cette zone. L’éclipse totale du Soleil est un phénomène plutôt rare. La prochaine éclipse totale aura lieu en France le 11 août 1999. ORIGINE DE LA LUNE L’origine de la Lune est encore l’objet de débats scientifiques. Selon une hypothèse avancée au XIXe siècle par George Darwin, fils de Charles, la Lune serait née de la Terre, constituée à cette époque-là d’une grande masse en fusion en rotation sur elle-même à une grande vitesse. L’attraction gravitationnelle exercée par le Soleil aurait déterminé la formation d’un renflement -toujours plus prononcé du fait de la vitesse de rotation élevée de la planète - qui se serait par la suite détaché de façon brusque. Ce matériau aurait donné lieu à la Lune. D’autres savants pensent que la formation d’une protubérance dans la Terre en fusion a été provoquée par la séparation de matériau plus lourd qui, en s’accumulant dans le centre de la planète, en constituait le noyau. Ce processus aurait déterminé une augmentation de la vitesse de rotation et des phénomènes d’instabilité tellement prononcés qu’ils auraient provoqué la formation d’un renflement. Le point faible de cette explication, toutefois, est que la vitesse de rotation de la Terre aurait dû atteindre des valeurs très élevées pour justifier ce mécanisme particulier, à peine plus de deux heures pour accomplir une rotation entière. Une autre hypothèse sur la naissance de la Lune se fonde sur un phénomène de « capture ». Un corps céleste se déplaçant dans le Système solaire se serait trouvé à une distance rapprochée de la Terre qui l’aurait capturé. Cette théorie est toutefois contestée. La force du champ gravitationnel terrestre, en outre, pour pouvoir influer sur un corps extérieur au point d’en faire un satellite de notre planète, aurait dû agir à une distance égale à deux rayons terrestres. À cette distance, toutefois, la force d’attraction gravitationnelle de la Terre est plus intense que la gravité de la Lune. Autrement dit, la Lune aurait été désintégrée à cette distance. Selon l’hypothèse couramment admise aujourd’hui, la Lune est née dans la nébuleuse primordiale, de l’agrégation d’un matériau chimiquement différent de celui qui a donné lieu à la Terre (voir Origine et évolution du Système solaire). S’étant réchauffée dans un intervalle de temps relativement court, peut-être par effet de la radioactivité du matériau ou par suite de sa croissance rapide, le corps initial a fondu, ce qui a déterminé la formation d’un océan de magma, dans lequel se sont lentement différenciés, à la surface une croûte d’anorthite et, plus en profondeur, des matériaux ferreux plus lourds devenus par la suite la « source » du basalte des mers lunaires. Une fois la partie la plus interne, le noyau, solidifiée, la partie la plus externe se serait refroidie en formant de la sorte une lithosphère rigide et continue, 10 fois plus épaisse que celle de la Terre. Par la suite, la surface a été criblée par un intense bombardement météorique, responsable d’innombrables cratères. Les impacts les plus grands déterminèrent la formation des mers. Comme la Terre au début de son histoire, il y a 4 à 5 milliards d’années, la Lune a été le siège d’une activité volcanique intense. La lave des éruptions coula et se répandit, soit dans les bassins circulaires des mers où elle se solidifia, leur donnant leur 45 aspect actuel, lisse et uniforme, soit dans des aires irrégulières, produisant les mers de forme irrégulière. La lave lunaire, tout comme la lave terrestre, une fois solidifiée forme la roche connue sous le nom de basalte, qui toutefois, par rapport basalte terrestre, est relativement pauvre en éléments plus volatiles comme le plomb, le sodium et le potassium. LE SYSTÈME TERRE-LUNE Les marées ne sont qu’un exemple des interactions entre la Terre et la Lune, qui ont commencé depuis la formation des deux corps célestes, et sont si marquées que les astronomes et les géologues, plus que d’une planète et de son satellite, préfèrent parler d’un système Terre-Lune. Dans les phases initiales de leur « croissance », il se serait déclenché une espèce de compétition entre les deux corps célestes, pour capturer le matériau présent dans la nébuleuse initiale. Cette compétition aurait porté aux différentes dimensions actuelles et déterminé dans le temps une relation du type planète-satellite. Cette relation est liée à l’attraction gravitationnelle (gravitation) que chacun des corps célestes exerce sur l’autre. L’attraction est d’une telle force qu’elle les maintient proches l’un de l’autre, chacun dans son orbite, et qu’elle détermine des phénomènes comme les marées. En revanche, elle n’est pas assez forte pour provoquer la chute de l’un sur l’autre. Les marées L’effet de marée le plus visible est le soulèvement et l’abaissement régulier des mers et des océans deux fois par jour. Quand la Lune est au-dessus d’un océan, l’attraction qu’elle exerce détermine un soulèvement des eaux océaniques, mais la déformation de la Terre qui en résulte atténue, à son tour, la force gravitationnelle que la Terre exerce sur les eaux du côté opposé, si bien que celles-ci aussi se soulèvent. La Lune tournant autour de la Terre, celle-ci est déformée en permanence et est en particulier allongée dans la direction de la Lune au fur et à mesure que celle-ci lui tourne autour. Les deux marées qui se produisent au cours d’une journée sont dues, l’une à l’effet direct de la Lune sur l’océan qui se trouve au-dessous d’elle, l’autre, à l’effet indirect, car l’océan qui se soulève est du côté opposé de la Lune. Les renflements dus aux marées, qui se produisent aussi dans le corps solide de la Terre, où ils sont beaucoup moins évidents à cause de la rigidité de la croûte, sont de dimensions différentes selon la profondeur des eaux. La masse solaire elle aussi contribue à déterminer les marées, mais a des effets moins intenses d’environ 1/3. Lors de la nouvelle lune et de la pleine lune, l’effet gravitationnel du Soleil et de la Lune s’ajoutent (conjonction ou opposition), provoquant les grandes marées (marées de syzygie) ou marées de vive-eau. D’autre part, la Terre aussi induit des phénomènes de marée sur la Lune, où ils sont toutefois beaucoup moins visibles en raison de l’absence d’eau. L’attraction gravitationnelle terrestre fait que le diamètre de la Lune tourné vers la Terre est d’environ 8 km plus long que le diamètre qui lui est perpendiculaire. On pense qu’une différence de cet ordre s’est formée quand la Lune était encore jeune et plus chaude, et qu’elle s’est consolidée avec son refroidissement progressif. Mais de nombreux chercheurs sont convaincus que la Terre a déterminé par l’attraction gravitationnelle des changements d’un autre genre à la surface lunaire. 46 La face cachée de la Lune est presque entièrement privée de mers, qui, en revanche, couvrent environ 1/3 de la face visible de la Terre. Étant donné que chaque mer est ce qu’il reste d’une activité volcanique, on pense que cette distribution non-homogène de l’activité volcanique est due au fait que l’attraction gravitationnelle terrestre a déterminé sur la face visible de la Lune des failles et des fractures, à travers lesquelles aurait pu se manifester une activité volcanique. On estime aussi que ceci a pu se produire si la Lune tourne toujours la même face vers la Terre depuis au moins 3 milliards d’années. Or, c’est le cas depuis plus de 4 milliards d’années. STRUCTURE INTERNE ET CHAMP MAGNÉTIQUE La Lune présente une structure interne en forme d’oignon, avec trois couches, la croûte superficielle (épaisseur 60-150 km), la lithosphère rigide et le noyau, avec une partie externe partiellement en fusion et une partie interne, ferreuse, solide. Son champ magnétique actuel est très faible, c’est le résidu d’un champ beaucoup plus intense, qui a duré jusqu'à il y a environ 3,1 milliards d’années, quand la Lune était assez chaude pour donner lieu à un noyau de fer en fusion dont le refroidissement progressif a déterminé la solidification et la disparition du champ magnétique. LA SURFACE LUNAIRE Mers et terres On reconnaît clairement à la surface de la Lune des régions plus claires et des régions plus sombres, les terrae et, respectivement, les maria ou « mers ». Les mers sont circulaires, délimitées par des zones montagneuses ou par des talus, ou bien elles présentent un contour irrégulier et ne sont pas délimitées. L’analyse des échantillons prélevés au cours des missions Apollo a démontré qu’elles sont remplies de couches de laves basaltiques (basalte). Selon certains, les mers ont été produites par de grands météorites, dont l’impact à la surface a creusé un bassin, augmenté la température et activé une production de lave qui a couvert la surface de l’impact. À l’intérieur de ces mers, on a trouvé d’autres formations géologiques. Les dômes, dont un tiers présente un cratère à leur sommet, sont des renflements de la surface presque circulaires, d’un diamètre variant jusqu’à quelques kilomètres et d’une hauteur presque jamais supérieure à 100 m. Les rimayes sont de longues fractures ou crevasses, d’un demi kilomètre à 5 km de largeur, de moins de 400 m de profondeur en général, qui parcourent la surface lunaire sur plusieurs centaines de kilomètres. Les terres, enfin, sont des régions montagneuses, creusées de cratères. Les cratères sont les formations géologiques les plus communes de la surface lunaire, des « fosses » de dimensions variables de quelques millièmes de millimètre à 1 200 km de diamètre, dont on pense qu’elles ont été causées par la chute de blocs rocheux, les météorites. Les roches lunaires 47 Quand, le 21 juillet 1969, Neil Armstrong mit pour la première fois un pied sur la Lune, il constata immédiatement que la surface était couverte d’une très fine poussière, mais qu’on ne s’y enfonçait pas comme beaucoup le craignaient, car sous une épaisseur d’un centimètre se trouvait immédiatement une couche de détritus plus résistante, le régolite. Le régolite a une épaisseur de quelques mètres à plusieurs dizaines de mètres, et s’est formé au cours de milliards d’années par suite de la fragmentation et de la pulvérisation de la croûte lunaire due au bombardement météorique, aux rayons cosmiques et au vent solaire. Le régolite s’est accumulé à la vitesse d’environ 1 mm par million d’années, soit 5 000 fois plus lentement que les sédiments océaniques, sur Terre. Les roches qu’ont trouvées sur la Lune les astronautes des missions Apollo sont faites pour la plupart d’un matériau connu sous le nom de anorthite, constitué essentiellement d’un minéral, le feldspath plagioclase. Un autre constituant des roches est la norite kreep. Mascon Les premières missions spatiales mirent en évidence, dès le début, qu’à la hauteur des « mers », les satellites orbitant autour de la Lune étaient déviés de leur orbite, comme si les « mers » exerçaient une attraction gravitationnelle plus grande par rapport aux aires environnantes. Cette attraction a été expliquée par la suite, par la présence de concentrations anormales de masse appelées mascon (c’est-à-dire mass concentration, concentrations de masse), dues peut-être à une roche à densité très élevée ou à d’éventuels restes enterrés de grands météorites pour le reste détruits. Le fait que les mascons ne se soient pas enfoncés, en dépit de leurs caractéristiques physiques, est une confirmation du fait que la couche externe de la Lune est restée froide et rigide pendant 3-4 milliards d’années. Comment se modifie la surface lunaire L’histoire géologique de la Lune a été différente de celle de la Terre, pour trois raisons tout au moins. L’une, d’ordre temporel, est que l’activité tectonique lunaire est à présent presque entièrement éteinte, tandis que la plupart des roches lunaires ont de 3 à 4,6 milliards d’années ; une grande partie des roches terrestres ont un âge inférieur à 200 millions d’années. Sur la Terre, en outre, la surface est modelée en permanence par l’air et l’eau qui érodent les roches et portent les détritus vers les océans, tandis que ces deux forces sont absentes sur la Lune. En revanche, l’absence d’atmosphère ne consomme pas et ne détruit pas les météorites, comme c’est le cas sur la Terre, si bien que ces projectiles cosmiques ont des effets beaucoup plus désastreux et érosifs. Arrivant à des vitesses de l’ordre de 150 000 km/h, ils ont un impact très violent sur la surface lunaire. Un météorite de 3 m de diamètre et pesant 50 t explose avec l’énergie de 10 kilotonnes de TNT et creuse un cratère de 150 m de diamètre. Dans le cas d’un méga-météorite d’un million de tonnes, l’impact libère une énergie égale à celle que produisent chaque année les séismes terrestres. La surface lunaire est littéralement criblée de « cicatrices » de ces événements, des cratères de toutes dimensions qui, à la différence de ce qui a lieu sur la Terre, ne sont pas soumis à l’action de nivellement des pluies et d’autres phénomènes atmosphériques. 48 49