Vendredi ou Les Limbes du Pacifique : traduction et contrastivité Prep.univ Cristina PARASCHIVA Universitatea din Piteşti La première partie de cet ouvrage repose sur les problèmes théoriques de la traduction et de l’analyse contrastive des traductions : la différence d’extension d’une langue à l’autre, les lacunes, les faux – amis, les règles tactiques et le choix des moyens de transfert de sens. La deuxième partie constitue la partie pratique présentant une analyse contrastive de deux fragments tirés du roman de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique (1967) et les fragments correspondants de la version roumaine, Vineri sau Limburile Pacificului, (version réalisée en 1977 par la femme écrivain Ileana Vulpescu. Selon certains traducteurs, la traduction est un art. D’autres spécialistes dans ce domaine affirment que la traduction est une discipline exacte, possédant ses techniques et ses problèmes particuliers. En envisageant la traduction comme un art, on court le risque de lui refuser son inscription normale dans le cadre de la linguistique. Si l’on a pu dire que traduire c’est un art, c’est parce qu’il est possible de comparer plusieurs traductions d’un même original, d’en rejeter certaines, d’ en louer d’ autres pour leur fidélité et leur mouvement. Il y aurait donc pour un texte donné un choix devant lequel le traducteur a hésité avant de proposer sa solution. Et s’il y a eu choix, il y a eu par là même démarche artistique, l’art étant essentiellement un libre choix.1 A cet égard, G. Mounin affirme: “La traduction, comme l’architecture ou la médecine (ou tant d’autres activités humaines ayant pour l’objet l’homme) est, ou peut être, ou doit être à la fois une science et un art: un art sous - tendu par la science. C’est la linguistique elle – même qui nous enseigne le plus clairement que les opérations de traduction comportent à la fois des problèmes linguistiques et des problèmes non – linguistiques.”2 Contrastivité et Traduction A. La traduisibilité des langues Dans un “Dictionnaire de linguistique” on trouve la définition de la traduction: “ Traduire c’est énoncer dans une autre langue (ou langue cible) ce qui a été énoncé dans une langue source, en conservant les équivalents sémantiques et stylistiques”. 3 texte de départ J – P. Vinay, J. Darbelnet, Stylistique comparée du français et de l’ anglais, Ed. Didier, Paris, 1977,p. 23 2 In M. Ballard, La traduction de l’ anglais au français, Ed. Nathan, Paris, 1998, p. 6 3 Dubois, J. et al., – Dictionnaire de linguistique, Larousse, Paris, 1973 1 Les mots qui se correspondent sémantiquement dans deux langues s’appellent hétéronymes (exemples: renard – vulpe, loup – lup). Ces mots ont des Signifiants différents mais un même Signifié. Cependant on peut facilement constater qu’il n’y a pas toujours d’hétéronymies parfaites et même certains mots d’une langue n’ont pas d’équivalents dans une autre langue. Il en résulte une traduction imparfaite. Cette imperfection est due au fait suivant: toute langue opère une analyse du monde extérieur qui est différente de celle opérée par les autres langues. Chaque langue a sa manière de découper la réalité extra – linguistique, commune à tous les peuples. Chaque langue enregistre l’expérience extra – linguistique de la communauté respective, expérience liée à l’espace géographique où elle vit, à ses traditions culturelles et à son organisation sociale et historique. Ou bien, étant donné l’attention différente prêtée aux divers aspects de la réalité une communauté peut enregistrer dans sa langue certains aspects du monde référentiel qu’une autre communauté n’éprouve pas le besoin de nommer. En théorie de la traduction, ces faits sont illustrés par les concepts d’extension sémantique, de lacune lexicale et de faux amis. 1. Différences d’extension d’une langue à l’autre Les différences d’extension sémantique entre les mots de deux langues données constituent sans doute la distinction lexicologique la plus élémentaire. Il n’y en a fait aucune raison pour que deux équivalents aient la même extension, pour qu’ils recouvrent la même aire sémantique. L’extension sémantique illustre le découpage différent de la réalité opérée par des langues différentes. Souvent les signes jugés interchangeables (renard – vulpe) ont des Signifiés qui ne coïncident pas entièrement car ils ont des extensions sémantiques différentes. On peut illustrer ce fait par les exemples suivants: le mot français “ étranger” a deux équivalents roumains, “ strãin”, “strãinatate”, “peindre” a pour équivalents en roumain “a picta”, “a zugrãvi”, “ travail” a “muncã”, “lucru”, “lucrare”, “expression” a “exprimare”, “expresie”(comme résultat), “contemplation” a “contemplare”, “contemplaţie” (état). Le mot “troupeau” peut signifier : “troupeau de moutons” = “turmã de oi”; “troupeau de vaches” = “cireadã de vaci”; “troupeau d’oies” = “cârd de gâste”. Dans ces exemples les mots français ont une extension plus grande et le roumain est plus analytique de la même réalité. Autrement dit, il y a particularisation quand une langue emploie un terme de moindre extension (ici, les équivalents roumains des mots français), et généralisation dans le cas contraire (ici les mots français donnés comme exemple). De même le français distingue entre: “escalier” et “échelle” (scara), “peau” et “cuir” (piele), “chaire” et “viande’ (carne) “grade” et “degré” (grad), “pied” et “jambe” (picior). Dans ces cas – ci les mots roumains ont une extension plus grande que leurs corréspondants français tandis que ces dernièrs sont plus analytiques. 2. Les lacunes Puisque la représentation linguistique n’est jamais totale, il serait surprenant qu’elle soit rigoureusement la même dans deux langues différentes. Chaque langue a donc ses trous, qui ne sont pas forcément les mêmes que ceux de la langue dans laquelle on traduit. Tout traducteur doit s’attendre à ce qu’il y ait dans la langue d’arrivée. Ou bien la chose n’existe pas – ou n’est pas reconnue dans l’une des civilisations, ou bien elle existe dans les deux, mais une langue éprouve le besoin de nommer ce que l’autre passe sous silence. On peut donc dire que les lacunes sont des mots absents dans la langue cible mais présents dans la langue source. Elles ne peuvent être identifiés que dans l’acte de traduction. Les lacunes peuvent être: totales ou partielles. 2.1 Les lacunes totales: Les lacunes totales illustrent les réalités ou les expériences spécifiques à la langue source, réalités et expériences absentes dans la langue cible. Prenons tout d’abord des mots qui désignent des réalités spécifiques de la Roumanie: pridvor, galerie extérieure formant balcon ou terrasse ; prispa, terrasse en terre battue des maisons paysannes ;sarma, boulette de viande hachée enveloppée dans une feuille de vigne ou de chou ; vornic,bofard chargé de l’administration suprême des Principautés Roumaines; gouverneur; maire d’un village; garçon d’honneur. De même de mots qui désignent des réalités spécifiques à l’espace français: coiffure, acoperamânt de cap , coafurã, pieptãnãturã ;bocage, crâng, tufãriş, desiş ;maquis: desiş, hãţiş, mãrãciniş (în regiunea mediteraneeanã). 2.2 Les lacunes partielles: Les lacunes partielles sont dues à la manière différente d’envisager la réalité commune à tous les peuples. Les lacunes partielles sont repérables par le fait que leurs correspondants dans la langue cible est donné par deux termes. Voyons des exemples de mots français qui ont des équivalents en roumain composé de deux termes: beurrer: a unge cu unt; ficeler: a lega cu sfoarã; rôder: a da târcoale ; bâcher: a acoperi cu prelata ; lionceau: pui de leu ; louveteau: pui de lup ; pommerie: livada de meri ;roserie: grãdinã de trandafiri. De même, des mots roumains qui ont des correspondants en français formés de deux termes: a se îmbolnavi: tomber malade; a pagina: mettre en page; a se pazi: prendre garde; a poposi: faire halte. 3. Les faux amis: Les faux amis sont les mots qui se correspondent d’une langue à l’autre par l’étymologie et par la forme, mais qui ayant évolué au sein de deux langues et, partant, de deux civilisations différentes, ont pris des sens différents. Les faux amis absolus sont ceux qui n’ont aucun des sens de leur vis - à - vis étymologiques. Les faux amis partiels sont ceux qui ne diffèrent que partiellement du point de vue sémantique. 3.1 Les faux amis absolus Considérons le français et le roumain comme les deux langues en présence: les faux amis absolus sont des mots français à Signifiant semblable en roumain mais à Signifié complètement différent. Par exemple: le mot batiste signifie “tissu fin d’in” et pas batistã, qui a comme correspondant français mouchoir; cabane signifie “maison très modeste” colibã et pas cabanã qui corresponde au français chalet; lanterne signifie felinar et pas lanternã qui a comme équivalent en français le mot lampe de poche. 3.2 Les faux amis partiels du français sont des mots français à Signifiant semblable en roumain et à Signifié partiellement différent. Ce sont des mots français polysémiques qui ont un hétéronyme de sens et de forme semblable et un ou pleusieurs équivalents différents de sens. Par exemple: alliance a pour équivalents alianţã mais aussi verighetã; bourse a pour équivalents en roumain bursã, pungã; bouton a comme correspondants mugur, nasture, buton. D’autres cas d’ambiguités intralinguales sont: les mots de genres différents dans les deux langues (par ex: un art, le banc, le marbre, le drame, une affiche, la danse, la valse), les hétéronymes similiphones, c’est – à – dire les mots qui ont des correspondances en pleusieures langues, qui ont presque le même Signifiant (par ex: ofertã – offre- offer – offerta; seriozitate – sérieux – seriousness – serietà). B. Les règles tactiques et le choix des moyens de transfert de sens: A. Culioli affirmait à propos de la traduction: “ Je disait qu’une traduction échoue lorsqu’on ne s’est pas mis dans la situation d’en faire autre chose que de la traduction. Dans certains cas, on va pouvoir rendre littéralement et sans conséquence et dans d’autres, cette même attitude aura des conséquences nocives. Donc, je suis pour une traduction fidèle au sens et non pas une traduction qui illusoirement essaierait de préserver le texte”. Les procédés utilisés pour assurer le transfert du sens d’un message de départ à un message dans la langue d’arrivée se laissent répartir en deux catégories: la traduction directe et la traduction indirecte (oblique). La traduction directe : Le premier type de traduction implique une “hétéronymie” directe, l’acte traductif n’impliquant aucune réorganisation sémantico – grammaticale. Le deuxième type de traduction consite en un bouleversement des unités de signification du texte de départ, allant du changement de la classe grammaticale de l’unité jusqu’ à une modification totale des éléments constitutifs. Les différents procédés de traduction sont le résultat de l’application de certaines règles stratégiques tenant de la structuration générale du texte et de règles tactiques. La traduction directe peut être réalisée par: l’emprunt direct, le calque ou la paraphrase littérale. L’ emprunt direct est la procédé par lequel on “transplante “ en langue cible un mot ou une lexie complexe de la langue source, soit pour combler une lacune lexicale, soit pour conserver la couleur locale: Ex : mămăligă – mamaliga; maquis – maquis; Le calque résulte de la traduction littérale des éléments constitutifs d’une lexie complexe: Ex : tiré à quatre épingles – tras la patru ace. La paraphrase littérale – consiste en un transfert hétéronymique d’un énoncé; les hétéronymes directs assurent les mêmes fonctions syntaxiques et sont placés dans le même ordre: Evenimentul zilei stârnise oarecare interes. L’évènement du jour avait soulevé un certain intérêt. (J.Bart)4 On peut remarquer que les deux premiers types affectent des unités de rang inférieur: mots ou lexies complexes, tandis que la traduction littérale est un énoncé équivalent. La traduction indirecte : Il y a quatre types de traductions indirectes: la transposition, la modulation, l’équivalence, l’adaptation. La transposition consiste à remplacer une classe ou une catégorie linguistique par une autre, sans changer le sens du message; on rencontre trois cas de transposition: la grammaticalisation qui est la substitution des signes lexicaux par des signes grammaticaux. la lexicalisation qui est le passage d’un terme grammatical à un terme lexical. le chassé – croisé qui consiste à la permutation des deux signifiés entre eux tout en changeant de catégorie grammaticale. Ex: Incercă sa citească adevărul în ochii lui Puiu. Il essaya de lire la vérité dans les yeux de Puiu. La modulation suppose une réénonciation, une refonte complète de la phrase de départ, pour la faire entrer dans la moule de la LA; elle entraîne la traduction globale de la phrase, impliquant un bouleversement de la topique; la modulation locale (syntagmatique ou lexicale), fondée sur un changement d’éclairage (l’espace pour le temps, le général pour le particulier, la cause pour l’effet etc.) se confond avec l’équivalence. Ex: a tine piept – tenir tête, bois de chauffage – lemne de foc. 4 Bart, J. Europolis, Ed. de Stat pentru Literaturã şi Artã, Bucureşti, 1956 L’équivalence suppose une réorganisation complète de l’unité source, tout en conservant le sens tant dénotatif que connotatif de l’énoncé de départ. Par ce procédé on met en relation deux micro – situations discursives: Ex: cât ai zice peste – en un clin d’oeil. nu te baga unde nu – ti fierbe oala! – Mêle – toi de tes oignons! L’adaptation implique une réorganisation complète de moyens d’expression portant une forte empreinte socio – culturelle dans la langue de départ. Par ce procédé un met en rapport deux macro – situations. Ex: cum e turcul si pistolul – tel maître, tel valet Vendredi ou Les Limbes du Pacifique : traduction et contrastivité Cette partie pratique sera consacrée à l’analyse contrastive de deux textes français traduits en roumain. Pour ce faire, nous avons fait recours à des petits fragments d’un roman du XX- e siècle écrit par Michel Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique,5 et une de ses versions en roumain, Vineri sau Limburile Pacificului, version réalisée par la femme écrivain Ileana Vulpescu. 6 Dans cette confrontation des fragments du roman mentionné avec leur traduction roumaine, nous allons appliquer les préceptes, les procédures, les tactiques et les règles de la théorie de la traduction, présentés dans la première partie. TEXTE I La liberté de Vendredi – à laquelle Robinson commença à s’ initier les jours suivants – n’ était pas que la négation de l’ ordre effacé de la surface de l’ île par l’ explosion. Robinson savait trop bien, par le souvenir de ses premiers temps à Speranza, ce qu’ était une vie désemparée, errant à la dérive et soumise à toutes les impulsions du caprice et à toutes les retombées du découragement, pour ne pas pressentir une unité cachée, un principe implicite dans la conduite de son compagnon. (ch. IX p. 190) Libertatea lui Vendredi – în care Robinson se – apucã sã se iniţieze – n zilele urmãtoare – nu era doar negarea ordinii şterse de explozie de pe faţa insulei. Robinson ştia prea bine, din amintirea primelor lui timpuri în Speranza, ce – seamnã o viaţã dezorientatã, rãtãcind la voia – ntâmplãrii, şi supusã tuturor impulsurilor capricilui şi tuturor descurajãrilor, pentru a nu bãnui în comportarea tovarşului sãu o unitate ascunsã, un principiu implicit. (p.p 211 – 212) la liberté de Vendredi – à laquelle Robinson commença à s’initier = libertatea lui Vineri – în care Robinson se – apucã sã se iniţieze. - équivalence : la préposition simple à de la phrase en français est rendue par une préposition équivalente, la préposition simple în. Les deux prépositions sont demandées par les verbes : s’initier ( à) - a se iniţia (în). de l’ordre effacé de la surface de l’île par l’explosion = ordinii şterse de explozie de pe faţa insulei. - modulation par le renversement des termes : dans la phrase du français le complément d’ agent par l’ explosion est placé à la fin de la phrase tandis que dans la phrase correspondante du roumain le complément d’ agent (de explozie) vient juste après le participe à valeur adjectivale. 5 6 Tournier, M., Vendredi ou Les Limbes du Pacifique, Duculot, Gembloux, 1968 Tournier, M, Vineri sau Limburile Pacificului, (préface de Micaela Slãvescu), Ed. Univers, Bucureşti, 1978 par le souvenir de ses premiers temps à Speranza = din amintirea primelor sale timpuri în Speranza. - équivalence : la préposition simple par a comme équivalent ici la préposition simple din. Une traduction littérale de la préposition par (*prin) serait incorrecte dans ce contexte. - Le traducteur fait une traduction littérale (ses premiers temps = primele sale timpuri) qui, dans notre opinion, n’est pas une traduction heureuse, car elle n’est pas propre à l’esprit du roumain. Pour donner une première variante nous avons fait recours au procédé de modulation par le renversement des termes et par le passage du singulier au pluriel (par le souvenir = din amintirile) et au procédé de l’adjonction (adjonction du nom dans le cas génitif şederii): din amintirile perioadei de început a şederii lui pe Speranza. De même, nous nous sommes pas d’ accord avec la traduction de la préposition simple à (à Speranza = în Speranza). Nous croyons que la préposition pe est plus appropriée. Variantes : din amintirile perioadei de început a şederii lui pe Speranza. din ceea ce – şi amintea de la începutul şederii lui pe Speranza. ce qu’était une vie désemparée = ce înseamnã o viaţã dezorientatã. - Equivalence : pour le verbe être le traducteur a choisi comme équivalent le verbe a însemna, qui est plus approprié dans ce contexte que le verbe a fi qui peut être accepté à la rigueur (ce este o viaţã... ) - Changement de temps verbal : l’imparfait du verbe être (temps qui exprime un fait nonaccompli) est rendu par le présent du verbe a însemna,(toujours un temps non – accompli0 en vertu du fait qu’ en roumain la concordance des temps des verbes est facultative. Si l’on employait l’ imparfait, (ce însemna o viaţã) la phrase n’ aurait pas la même force d’ expression tandis que le présent renforce d’ une certaine manière l’ idée exprimée. à la dérive = la voia – întâmplãrii. - Equivalence : le nom simple le dérive a ici comme équivalent par la locution nominale voia – întâmplãrii. Son premier sens (derivã) n’ est pas approprié dans ce contexte. à toutes les retombées du découragement = şi tuturor descurajãrilor. - Equivalence: en impliquant la suppression dans la phrase roumaine de l’équivalent du mot français retombées. Une traduction littérale serait incorrecte. On remarque un passage de singulier au pluriel : la marque du pluriel du mot français retombées passe au correspondant du nom découragement (descurajãrilor) qui dans le texte français est au singulier. pour ne pas pressentir une unité cachée, un principe implicite dans la conduite de son compagnon = pentru a nu bãnui în comportarea tovarãşului sãu o unitate ascunsã, un principiu implicit. - Modulation par le renversement des termes: les compléments d’objet direct une unité cachée, un principe implicite apparaissent à la fin de la phrase roumaine. - Equivalence: le mot pressentir est rendu par son deuxième sens du roumain (a bãnui) le premier étant a presimţi qui dans ce contexte serait inapproprié. Nous considérons la traduction littérale une unité cachée – o unitate ascunsã comme une traduction qui n’est pas suffisamment claire. Variante : un acord (o armonie) ascunsã. TEXTE II C’est ainsi que Robinson observait avec un intérêt passionné les moeurs nuptiales des animaux qui l’ entouraient. Il s’ était détourné dès le début des chèvres et des vautours – et d’ une façon générale des mammifères et des oiseaux – dont les amours lui paraissaient la caricature hideuse des amours humaines. Mais les insectes avaient droit à toute son attention. Il savait que certains d’entre eux, attirés par le nectar des fleurs, se couvrent le corps du pollen des fleurs mâles et le transportent involontairement jusq’aux pistils des fleurs femelles. (ch.V p. 119) Aşa se face cã Robinson studia cu interes pasionat moravurile de – mperechere – ale – animalelor ce – l înconjurau. Îşi întorsese de la – nceput privirea de la capre şi de la vulturi – şi – n general de la mamifere şi de la pãsãri – a cãror drãgostire i se pãrea caricatura hidoasã a – mperecherii umane. Dar insectele erau demne de toatã atenţia lui. Ştia cã unele dintre ele, atrase de nectarul florilor, îşi acoperã corpul cu polenul florilor mascule şi – l transportã involuntar pânã la pistilele florilor femele. (p. 138) c’est ainsi que = aşa se face cã - Modulation par le renversement des termes et par la refonte de la phrase. Le présentatif c’est ...que, n’a pas de correspondant segmental en roumain. Sa valeur emphatique est marquée par l’intonation. Cette valeur est rendue ici par l’adverbe de mode aşa placé en tête de phrase. - Equivalence :le verbe être a ici comme correspondant le verbe réfléchi a se face, une traduction mot – à – mot étant inappropriée à l’ esprit du roumain. Le verbe a se face contribue à former une forme marquée comme la forme marquée de la phrase en français où le présentatif a le rôle le plus important. Robinson observait = Robinson studia - équivalence : dans ce cas le verbe observer a comme équivalent le verbe a studia. Dans ce contexte le verbe observer est un verbe fort, tandis que ses premiers sens en roumain (a respecta, a observa, a cerceta, ) sont ou inappropriés ou trop faibles pour être employés ici. A studia est considéré comme un verbe fort et approprié dans ce contexte. les moeurs nuptiales = moravurile de- mperechere. Equivalence : l’adjectif nuptiales a comme équivalent ici un nom, împerechere, précédé par la préposition simple de. Une traduction littérale serait incorrecte dans ce contexte. Les moeurs nuptiales se réfèrent ici à l’accouplement des oiseaux. Le nom moeurs signifie habitudes de vie, coutumes d'un peuple, d'une société ou habitudes de vie individuelles, comportement d'une personne. L’usage du nom moravuri est assez forcé ici. Variante : ritualul de împerechere. dont les amours = a cãror drãgostire - équivalence : amours a comme équivalent ici drãgostire, mot que nous trouvons inapproprié dans ce contexte. Lorsqu’il s’agit des amours des animaux il s’agit du saison d’accouplement .Le nom îndrãgostire renvoie plutôt au genre humain. Variante : a cãror împerechere. la caricature hideuse des amours humaines = caricatura hidoasã a- mperecherii umane. Equivalence : le traducteur a choisi comme équivalent pour le mot amours le nom împerechere. Amours ici signifie liaison, aventure amoureuse. Une raison pour laquelle elle a choisi ce mot serait qu’il est dicté par le groupe des mots la caricature hideuse. On remarque un transfert opéré par le traducteur. Elle emploie deux équivalents pour le nom amours : lorsqu’ il s’agit des animaux, elle le traduit par drãgostire (mot qui renvoie au genre humain) et lorsqu’il s’agit des hommes elle le traduit par împerechere (mot qui renvoie aux animaux, insectes etc.). Ce transfert entraîne un changement de nuance. Le traducteur glisse ici une nuance d’ironie à propos des moeurs du genre humain. mais les insectes avaient droit à toute son attention = dar insectele erau demne de toatã atenţia lui. - modulation par le renversement des termes impliquant l’équivalence. Avoir droit dans ce contexte a comme équivalent a fi demn. On remarque qu’il s’agit de construction s différentes : avoir droit = verbe + complément direct ; a fi demn = copule + adjectif. Si l’on procédait à une traduction littérale d’avoir droit ( a avea dreptul la) elle n’ aurait pas de sens dans ce contexte. - la préposition simple à (demandée par avoir droit) est rendue par la préposition simple de, (demandée par a fi demn). - l’adjectif pronominal son est rendu par le pronom personnel à valeur possessive lui qui dans la phrase roumaine est placé après le nom déterminé, position demandée par la topique de la langue roumaine. Bibliographie : - Ballard, Michel, La traduction de l’ Anglais au Français, Ed. Nathan, Paris, 1998 - Berman, Antoine, Pour une Critique des Traductions : John Donne, Ed. Gallimard, Paris, 1995 - Cristea, Teodora, Contrastivité et traduction Ed. Universitãţii Bucureşti ,Bucureşti, 1980 - Derrida, Jacques, « Des Tours de Babel », Difference in Translation, éd. Joseph Graham, Cornell University Press ,1985 - Mounin, George, Les problèmes théoriques de la traduction, Ed. Gallimard, Paris, 1963 - Oseki – Depré, Inês – Théories et pratiques de la traduction littéraire, Ed. Armand Colin, Paris, 1999 - Pergnier, M. Aspects linguistiques de la traduction, in Etudes de linguistique appliquée, 1973 - Roger T. Bell, Teoria şi practica traducerii, Ed. Polirom, Bucureşti, 2000 - Ricoeur, Paul, Du texte à l’ action, Essais d’ Hérméneutique II, Le Seuil, Coll. “Esprit”, Paris, 1986, - Vinay, J. P., La traduction humaine in Martinet,A, Le Langage. Encyclopedie de la Pléiade, Paris, 1968 - Vinay,J- P., Darbelnet, J. – Stylistique comparée du français et de l’ anglais, Ed. Didier, Paris, 1977